Je suis une cascadeuse. Pose-moi tes questions !

  • l’année dernière
Imaginez que vous ayez l’occasion de converser avec une cascadeuse professionnelle et que vous puissiez lui poser toutes vos questions sans tabou ni limite.

Trois personnes sont venues échanger à l’aveugle avec Mounia Moula. Séparés par un rideau, ils s’entendent mais ne se voient pas.

Merci à Mounia pour sa confiance et pour son partage d'expérience !

Merci à nos invités : Winona (winonaattal), Thomas (thomasmeunier) et Nejo (le_dj_nejo)

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Transcript
00:00 Est-ce qu'il y a déjà eu des morts à cause d'une cascade ?
00:01 Quelle est ta cascade la plus impressionnante ?
00:03 Est-ce que tu es beaucoup confrontée à la peur dans ce métier-là ?
00:05 Tu es une yamakasi.
00:07 Dans quel grand film que je pourrais connaître tu as joué ?
00:09 Tu as déjà loupé une cascade.
00:11 Comment tu as appris à devenir cascadeuse ?
00:12 J'ai été autodidacte, puisqu'il n'y avait pas d'école ni de formation.
00:17 Il n'y avait rien en fait pour être cascadeur.
00:19 Il fallait développer des compétences.
00:21 Je suis passée par des vingtaines, des trentaines de sports.
00:24 J'ai vraiment tout essayé.
00:25 Et quand j'étais en Thaïlande, ça s'est fait sur la plage.
00:28 J'ai rencontré des cascadeurs.
00:30 Je ne savais pas que c'était un métier à l'époque.
00:32 Et c'est la façon dont ils travaillaient leurs acrobaties sur la plage.
00:36 Je me suis dit, ce n'est pas quelque chose de gymnique ou quoi.
00:39 C'est quelque chose d'un petit peu plus sauvage.
00:41 Je dirais des ninjas.
00:42 Donc je leur ai dit, mais qu'est-ce que vous faites comme sport, etc.
00:44 Et donc, ils m'expliquaient qu'ils étaient cascadeurs.
00:46 Donc, j'ai décidé simplement de m'inspirer et de reproduire ce que je voyais.
00:52 Mais vraiment intuitivement.
00:54 Du parcours, de l'art du déplacement, etc.
00:57 Et des spécificités, bien évidemment, pour être cascadeur.
01:00 Donc, notamment les sports de combat, les arts martiaux,
01:03 une bonne compréhension du corps.
01:05 Et puis apprendre à chuter.
01:07 Donc, avec du judo, par exemple, les chutes, j'ai appris ça, etc.
01:10 Donc, c'est une formation personnelle.
01:11 - Quelle est ta spécialité en tant que cascadeuse ?
01:13 - Il existe des grosses catégories de cascades.
01:16 Nous avons donc la cascade physique, la cascade mécanique, la cascade équestre.
01:20 Alors, ma spécialité, ce sont les cascades physiques.
01:23 Ça peut, par exemple, être...
01:25 Je fais le lien avec la mécanique.
01:27 Imaginons le personnage dans l'histoire, dans le film, traverse la rue
01:31 et donc elle se fait écraser, elle se fait percuter, pardon.
01:34 Donc là, il va s'agir d'une cascade physique
01:36 pour la personne qui se fait percuter.
01:37 Mais la personne qui est dans la voiture, c'est un cascadeur mécanique
01:40 qui connaît très bien justement les timings et les règles, etc.
01:44 Donc là, c'est le moment d'une action où on va travailler
01:47 et avec des cascadeurs physiques et mécaniques sur le même set.
01:50 La cascade physique, c'est aussi, par exemple, une chute d'escalier,
01:53 une chute de hauteur, une défenestration.
01:56 On va vraiment se défenestrer, atterrir dans un immense airbag.
02:00 Ça peut être une torche humaine, ça aussi.
02:03 Alors même si, justement, le règleur cascade...
02:05 Une torche humaine, c'est quand on prend feu.
02:07 Ça peut être une partie du corps ou ça peut être une torche intégrale entière.
02:11 Voilà, du combat, des courses poursuites, etc.
02:14 Sur les toits, de l'action, tout ça, c'est physique.
02:17 - Quelle est ta cascade la plus impressionnante ?
02:19 - Alors pour moi, c'était indéniablement une chute de hauteur.
02:23 Voilà, parce qu'en plus de ça, c'est vrai que j'étais pas trop à l'aise avec ça
02:26 puisque j'ai pas eu la chance de pouvoir en faire.
02:29 Les seules fois où j'en ai fait, c'était le jour J,
02:31 que j'ai appris à faire une chute de hauteur, c'était le jour J sur le set.
02:34 Il y avait deux bâtiments face à face.
02:36 Et donc du deuxième étage, j'étais sur une fenêtre.
02:39 Dans l'histoire, l'actrice est en train de faire du vélo à la maison d'intérieur.
02:44 Et malheureusement, il y a quelque chose qui s'enclenche et elle démarre vraiment.
02:48 Donc elle traverse la fenêtre et en fait, elle atterrit
02:51 au premier étage sur la façade d'en face.
02:54 Donc c'est une espèce de chute de hauteur comme ceci.
02:56 Il fallait atterrir plat dos sur une sorte de toile.
03:01 Vous savez, comme il y a par exemple une petite épicerie en dessous.
03:04 Donc c'est vrai que c'était pour moi la chose qui était le plus impressionnant.
03:09 - J'imagine que oui, mais est-ce que tu as déjà loupé une cascade ?
03:12 - J'ai jamais raté de cascade. - OK.
03:13 - J'ai toujours fait toutes mes cascades, il n'y a pas...
03:15 - Tu y arrives toujours du premier coup ?
03:17 - Non, non, alors non.
03:18 Louper une cascade, alors, ça veut dire...
03:20 En général, il y a plusieurs essais.
03:22 Il y a des cascades qui sont très difficiles.
03:24 Dès le début, le coordinateur de cascade va annoncer
03:26 "cette cascade est une cascade à risque, qui est compliquée".
03:29 Donc on a des assurances, enfin on a des primes.
03:32 En plus de ça, quand on en refait une, puisque c'est dangereux.
03:35 Donc là, on ne va pas se permettre d'en faire 3, 4, 5.
03:37 On part sur une, tout le monde se met d'accord sur le cadre,
03:41 le chef-ople, le réel, etc.
03:42 Tout le monde est prêt pour cette cascade parce qu'on ne va pas la faire dix fois,
03:45 ça c'est sûr.
03:45 - Donc tu n'étais jamais blessée ?
03:46 - Je ne me suis jamais blessée sur une cascade.
03:48 Par contre, je me suis fait des gros bobos,
03:51 mais je ne me suis jamais sérieusement blessée.
03:53 - Est-ce que tu es beaucoup confrontée à la peur dans ce métier-là ?
03:57 - Je ne dirais pas que c'est de la peur, c'est simplement un stress à gérer.
04:00 Alors, j'ai un exemple en tête.
04:02 Alors, ce n'est pas une cascade, c'est un saut, c'est deux sauts enchaînés.
04:06 On m'avait appelée pour faire une publicité en Ukraine
04:09 et on m'avait appelée parce que j'avais des grosses compétences de parcours.
04:13 Là, je découvre le set.
04:14 Donc le set, c'est vraiment le lieu de tournage, etc.
04:18 Et je vois qu'on est dans un milieu industriel avec des énormes structures
04:23 et je dois évoluer dans cette structure.
04:26 Et c'est vrai qu'il y avait deux sauts qui étaient vraiment balèzes,
04:29 qui allaient se tourner de nuit, sans protection, sans sécurité,
04:32 sans câblage, sans tapis.
04:34 À l'atterrissage, j'avais 8 mètres de haut.
04:36 Entre les deux sauts, il y avait peut-être 4-5 mètres.
04:39 C'est la seule fois de ma vie où je me suis dit,
04:42 si je me rate, j'y laisse ma vie, concrètement.
04:45 Moi, je sais que quand j'étais plus jeune, j'aimais énormément les yamakassis.
04:49 Est-ce que tu les connais ? Est-ce que tu es une yamakassi ?
04:52 Je peux te dire que je les connais,
04:53 puisque j'ai eu la chance d'avoir été guidée vers eux, on va dire.
04:58 J'ai rencontré les yamakassis, mais surtout Tchau, Tchau Belle.
05:02 C'était notre maître, dans le sens où il nous a tout appris de l'art du déplacement.
05:07 On n'était que trois au final, puisqu'il y avait beaucoup de personnes
05:09 et puis ils n'avaient jamais entraîné de femmes.
05:11 Donc j'étais vraiment la première à vraiment faire partie des yamakassis
05:15 avec la nouvelle génération des yamakassis.
05:17 Et j'ai fait partie de ce crew pendant beaucoup, beaucoup d'années.
05:21 C'est quoi exactement le parkour ?
05:22 Donc le parkour, c'est un art, un sport, une discipline, une philosophie,
05:28 inspirée par David Bell, le fondateur du parkour,
05:31 qui consiste de partir d'un point A et d'arriver à un point B.
05:35 Tout simplement dans un environnement, qu'il soit urbain,
05:37 puisque le sport est né dans un milieu urbain, qu'il soit naturel ou autre.
05:41 En tout cas, c'est vraiment la volonté de partir d'un point A et de tracer.
05:46 Donc un pratiquant du parkour, c'est un traceur.
05:48 Quels que soient les obstacles, quelles que soient les complexités, les problématiques,
05:52 c'est un point A, un objectif, un point B.
05:55 Et c'est le chemin qu'il y a entre ces deux points qui est à trouver
05:58 et qui est selon son identité, son flow, ses capacités.
06:02 C'est à toi de déterminer ton chemin en fait.
06:04 Ça ressemble un petit peu à les yamakassis, mais les yamakassis, c'est une autre école.
06:08 Il y a deux écoles, il y en a beaucoup plus, il y a le free running aujourd'hui, etc.
06:14 Mais initialement, c'est le parkour, David Bell, et l'art du déplacement, les yamakassis.
06:18 Et du coup, pour rentrer dans le milieu du cinéma,
06:21 t'es passée par des connaissances ou t'es passée par des réseaux professionnels ?
06:26 Je suis tombée sur Cyril Raffaelli.
06:29 C'est vraiment une personne qui m'a énormément inspirée.
06:32 C'est un très grand athlète, cascadeur aussi, mais avant ça, grand athlète,
06:37 très très fort en arts martiaux, en kung fu, wushu, circassien, très très bon niveau.
06:42 Et donc je me suis dit, j'avais que cette personne en tête,
06:45 puisque ça n'existait pas des formations et tout ça,
06:48 donc je me suis dit, je vais essayer de le contacter.
06:50 Il avait un site internet et je lui ai écrit,
06:51 pensant absolument pas que j'aurais une réponse.
06:54 Et au final, j'ai eu une réponse de sa part, qui m'a beaucoup inspirée, beaucoup motivée.
07:00 Et de là, il m'a proposé de se rencontrer dans une salle d'acrobatie.
07:04 Et donc il m'a expliqué comment devenir cascadeur,
07:07 enfin ce qu'il fallait travailler du moins pour devenir cascadeur.
07:10 Il m'a mis sur un premier film, qui était Arthur et les Minimoys.
07:14 Il m'a donné ma chance en fait.
07:15 On s'est entraîné pendant quelques temps ensemble.
07:17 Et tout a commencé à partir de là.
07:19 J'ai rencontré vraiment sur un tournage, on va dire, c'est ma première expérience,
07:24 le cinéma, donc l'action dans le cinéma.
07:26 Dans quel grand film que je pourrais connaître, tu as joué ?
07:29 Alors le dernier film en date, c'est le dernier James Bond,
07:33 No Time To Die, avec Daniel Craig et Ana de Armas.
07:37 Et j'ai doublé Ana de Armas dans ses séquences qui sont censées être à Cuba.
07:42 Là, je double un personnage, une actrice.
07:44 Donc c'est vrai qu'une méthode doit être appliquée,
07:48 à savoir, il y a une grosse phase d'observation.
07:51 Donc je la regardais quand c'est elle qui faisait du sport,
07:53 qui s'entraînait même sur des exercices basiques.
07:55 Je regardais comment est-ce qu'elle marchait, bougeait, comment est-ce qu'elle parlait, etc.
07:59 Et au fur et à mesure, au lieu de, quand on apprenait les chorégraphies,
08:02 en fait, c'est moi qui m'inspirais d'Ana de Armas.
08:06 Et j'étais donc sa doublure pour pouvoir, sur les scènes d'action,
08:09 faire le combat et donner le résultat qu'on a vraiment l'impression
08:12 que c'est elle qui fait ses propres cascades.
08:14 Même si elle a fait énormément, c'était vraiment une super actrice qui s'est beaucoup impliquée.
08:19 Est-ce que tu es choisie par rapport à ton physique ?
08:21 Alors oui, on est choisie selon notre physique.
08:24 Les premiers critères, ça va être la taille.
08:26 Donc le régleur cascade a un panel de cascadeurs, on va dire,
08:31 de tout style, hommes, femmes, grands, petits, moyens, etc.
08:34 Avec des compétences différentes.
08:36 Imaginons pour le cas, pour mon cas,
08:38 le coordinateur de cascade cherche une femme d'1m65.
08:42 Puisque l'actrice mesure 1m65, c'est le premier facteur qu'on va regarder.
08:45 C'est la cohérence et il faut se rapprocher au plus près de l'actrice pour une doublure.
08:51 Donc ensuite, on va regarder l'aspect physique.
08:54 Il faut que justement, ça entre dans les mêmes mensurations, en tout cas visuellement.
08:58 Est-ce qu'il y a eu des situations ou des tenues qui ont rendu les cascades compliquées ?
09:01 Alors c'est vrai qu'en tant que femme, on a des surprises.
09:04 C'est les costumes.
09:05 Donc quand on fait des répétitions, par exemple pour une chute d'escalier
09:08 ou pour des choses comme ça, ou même des combats,
09:09 on arrive en jogging basket, donc forcément avec les potes cascadeurs,
09:13 on fait des trucs de fous et tout se passe super bien, on s'amuse,
09:15 on valide la chorégraphie.
09:17 Mais quand on arrive le jour J, on se rend compte que le costume,
09:20 c'est une robe d'époque, hyper lourde.
09:22 Ou alors, une fois j'ai doublé une prostituée qui avait des talons,
09:26 mais je n'ai jamais moi-même porté des talons aussi hauts.
09:29 Donc c'était hyper difficile déjà juste de faire deux pas avec ça.
09:32 Je devais chuter dans les escaliers comme ça.
09:34 Donc ces tenues-là ne nous permettent pas de mettre des protections,
09:37 éléments indispensables pour un cascadeur.
09:39 Et donc je me dis, bon, là par exemple, c'est une problématique.
09:42 Et c'est ce qui est arrivé sur le Bond, c'est que quand je découvre,
09:44 forcément c'est la James Bond girl aussi, enfin c'est la stunning woman.
09:49 Et quand je découvre sa robe magnifique, je me dis "Waouh, ça va être super joli avec le voile et tout".
09:54 Et là en fait, quand on répète en tenue, on se dit "mais ça ne va pas du tout être la même".
09:59 Puisqu'on se bat avec des talons, on est en hauteur,
10:01 donc on change toute notre structure, etc.
10:04 Et c'est vraiment quelque chose de compliqué en tant que femme,
10:08 même en tant qu'homme, il y a des costumes qui sont incroyablement contraignants.
10:11 Mais on va dire que faire cette cascade et ce combat en robe et en talons,
10:15 ça a été quelque chose, il a fallu que j'y aille.
10:18 Je ne pouvais de toute façon pas mettre de protection,
10:21 donc forcément on se prend des chocs, on se prend des pêtes,
10:24 mais ça fait partie du métier.
10:25 - Est-ce qu'il y a des cascades que tu détestes faire ?
10:27 - Alors aujourd'hui, du haut de mon certain âge, oui.
10:31 Il y a des choses que je ne vais pas détester parce que j'ai tellement aimé les faire.
10:36 C'est juste que, premièrement, il y a des choses que je ne peux plus faire physiquement.
10:40 En fait, j'ai une énorme discopathie.
10:42 Discopathie à force d'avoir fait du parcours et des grands sauts,
10:45 et puis tout ce qu'on se prend dans le corps, etc.
10:48 Enfin, je n'ai plus de jeu entre les deux derniers disques.
10:51 Au niveau de la L5-S1, lombaire 5 synchrome, première synchrome.
10:56 Donc aujourd'hui, il y a des choses que je ne peux plus faire,
10:59 à savoir par exemple ce qui va nécessiter des très très très gros chocs.
11:03 Ça peut être quoi ? Une percussion voiture, par exemple, je ne vais plus en faire.
11:07 Il y a plein de jeunes cascadeurs qui arrivent et tant mieux, ils vont s'éclater.
11:09 Moi, ça va, je suis contente.
11:11 Le parcours, heureusement que j'en ai fait et je me suis bien éclatée
11:13 parce qu'aujourd'hui, je peux carrément bouger, etc.
11:16 Mais il y a des gros sauts que je ne peux plus faire, des 4 mètres béton, c'est fini.
11:19 Voilà, donc voilà, les blessures parfois font qu'avec le temps,
11:24 forcément, il y a des choses qu'on ne peut plus faire.
11:25 Est-ce qu'il y a déjà eu des morts à cause d'une cascade ?
11:27 Malheureusement, oui. Et pas qu'un.
11:29 Nous avons perdu beaucoup, beaucoup, beaucoup de cascadeurs dans le monde entier.
11:34 Vu que c'est une industrie quand même assez grande, certes, mais les gens se connaissent.
11:38 Donc le mot va vite.
11:40 Il y a eu malheureusement des accidents.
11:42 Vous avez déjà peut-être entendu parler, c'était sur le Deadpool, le dernier.
11:47 Il y a aussi une perte très, très grave.
11:49 Aussi proche, moi, ça m'est arrivé l'année dernière.
11:51 J'ai perdu un ami qui était cascadeur mécanique.
11:54 Moi, j'étais cascadeuse physique.
11:55 On était sur le même tournage à Beyrouth.
11:57 On est restés un mois ensemble.
11:58 Et le jour où je prends l'avion pour rentrer à Paris,
12:02 puisque j'ai fini toutes mes cascades,
12:04 c'est le jour où il devait faire la cascade la plus grosse et la plus spectaculaire.
12:08 Et c'est vrai, c'était spectaculaire puisque c'était une cascade avec une rampe
12:13 où la voiture arrivait hyper vite, montait,
12:15 donc prenait la rampe avec une inclinaison assez balèze.
12:18 Donc du coup, forcément, la voiture était censée monter haut dans les airs
12:22 et en plus de ça, lancer par la vitesse, parcourir dans les airs
12:26 au moins une trentaine de mètres pour atterrir sur le dos
12:30 ou autre en tout cas pour atterrir avec mon ami dedans,
12:34 paix à son âme, un très, très grand homme qui s'appelle Arsha Akdasi.
12:37 Il avait 39 ans.
12:38 J'ai rarement rencontré des gens aussi passionnés.
12:40 Et c'est vrai qu'Arsha avait cette particularité de faire des choses très, très, très, très dangereuses.
12:45 Ce n'étaient pas des petites cascades.
12:46 C'était vraiment un très, très grand cascadeur.
12:49 Donc oui, ça arrive parce que dans tous les cas, c'est un métier difficile.
12:52 Cascadeur, c'est un métier à risque.
12:54 - Comment on gère quand on perd des amis dans le milieu de la cascade ?
12:57 - On gère exactement comme quand on perd un proche, tout simplement.
13:01 Il y a une période de deuil, mais au-delà de ça,
13:03 comment je l'ai pris, moi, il y a une vraie volonté de mémoire.
13:07 J'essaie au maximum de prévenir, de faire de la prévention
13:10 au niveau des jeunes cascadeurs qui sortent d'école,
13:14 qui sont là, qui sont tous dans un délire où "Waouh, c'est super !"
13:17 Non, la cascade, c'est dangereux, c'est sérieux.
13:18 On ne va pas sur un tournage comme ça parce qu'on sait faire un salto et on est cascadeur.
13:22 Ce n'est pas ça.
13:23 C'est à l'époque, on mettait des années avant de dire qu'on était cascadeur.
13:27 Donc pour répondre à ta question,
13:29 aujourd'hui, je pense que c'est le devoir de mémoire,
13:32 mais je pense que c'est important de les garder vivants.
13:35 Si demain, j'ai ma salle de sport de cascade, je mettrais quelque chose pour Arsha.
13:39 Je continuerai de lui, de parler de lui, etc. etc. pour ne pas qu'on oublie.
13:43 Qu'est-ce qui t'excite dans ce métier ?
13:45 C'est vraiment la transformation de ma personne,
13:48 telle que je suis là et quand j'entends "action".
13:50 Quand j'entends "action", je suis quelqu'un d'autre, en fait.
13:52 Je suis portée par mon action et c'est ce que j'aime.
13:55 C'est l'adrénaline que je ressens à chaque fois et le kiff de faire un travail formidable.
14:00 Y a-t-il des réglementations dans ton métier ?
14:02 Oui, il y a des réglementations.
14:03 En tout cas, il y a des codes.
14:04 On va dire qu'il y a des codes de vigilance.
14:06 Il y a des choses comme ça que chaque cascadeur doit connaître.
14:10 C'est évident.
14:10 Et qu'on n'apprend pas à l'école.
14:12 Enfin, si aujourd'hui, on peut l'apprendre à l'école
14:14 parce qu'il y a une super école qui est là.
14:16 Mais sinon, ce sont des choses qu'on apprend avec l'expérience, vraiment.
14:19 Au fur et à mesure, par exemple, une fois, j'ai commencé à travailler à l'étranger
14:22 et là, j'ai rencontré des gens qui faisaient du câblage.
14:25 C'est quelque chose de particulier.
14:26 Comme on a, par exemple, des baudriers, il y a une grosse explosion.
14:30 Nous, on doit se faire projeter en arrière.
14:32 Donc là, on a besoin d'un système de câblage.
14:34 Des "ratchets" aussi, on appelle ça.
14:35 Donc, c'est quelque chose de tellement particulier qu'il y a...
14:38 Oui, il y a des réglementations.
14:39 Il faut faire attention à plein de choses.
14:40 Je ne peux pas rentrer dans les détails parce que ce serait trop long.
14:43 Mais chaque action a son lot de "attention" qu'on doit nous-mêmes connaître.
14:48 Il y a un côté freestyle, c'est que selon le régleur cascade
14:51 avec qui on va travailler, ça va être complètement différent.
14:53 Je me suis toujours adaptée et c'est vraiment ma constitution à moi,
14:56 mon propre éveil, on va dire, et ma propre sécurité
15:01 qui m'a sauvée aussi parfois parce que parfois,
15:03 les personnes ne sont pas là pour te dire "attention à ci, attention à ça".
15:07 Sur le set, des fois, on n'a pas le temps.
15:09 Et ça dépend sur quelle personne on tombe.
15:10 Comment ça marche le milieu de la cascade ?
15:12 Qui écrit les cascades ?
15:13 Est-ce que vous avez un directeur qui vous pilote ?
15:16 Est-ce que vous avez, vous, un degré d'interprétation ?
15:20 Un degré d'improvisation dans vos cascades ?
15:23 Lorsqu'il y a un film qui est en projet,
15:25 le réalisateur ou l'équipe de production, peu importe,
15:28 fait appel à un régleur cascade.
15:30 Donc, un coordinateur de cascade qui "designe" un petit peu la cascade.
15:35 C'est le coordinateur de cascade, le régleur cascade.
15:38 Et notamment s'il s'agit par exemple d'un combat,
15:40 ça va être un régleur combat, etc.
15:42 Mais en tout cas, ce sont ces personnes-là qui,
15:44 à la lecture d'une séquence dans un scénario,
15:49 et en accord avec le réalisateur, vont imaginer des combats,
15:53 une action bien précise,
15:55 pour répondre au mieux à la situation demandée par le réalisateur.
15:58 C'est quelque chose qui est millimétré, qui est chorégraphié,
16:01 qui est bien appris.
16:02 Et du coup, on n'a pas forcément de liberté.
16:06 - Est-ce que tu as eu des mauvaises expériences au cinéma ?
16:08 - Oui, j'en ai eu, et pas qu'une fois.
16:10 Pour la première fois que je travaillais à l'étranger,
16:12 je suis partie à New York.
16:14 Et j'étais avec un hyper grand régleur cascade,
16:17 que tout le monde disait "Waouh, tu travailles avec lui, tu travailles avec lui ?"
16:20 Je recherchais quelqu'un qui fait du parcours à haut niveau, une femme.
16:23 Et là, je me dis "Waouh, première grosse expérience".
16:25 Le problème, c'est que je suis une femme.
16:28 C'était un film sur le parcours, donc il n'y avait que des bonhommes.
16:30 J'étais la seule femme dans le groupe.
16:33 Et qu'à un moment donné, il s'est passé quelque chose de pas très cool.
16:37 C'est que le régleur cascade a commencé à me mettre un petit peu la pression
16:40 et surtout à mal me parler.
16:41 Il me prenait beaucoup de haut.
16:43 Alors je comprends, entre guillemets, puisque sa position,
16:45 c'est quelqu'un qui travaille avec les plus grands, donc etc.
16:50 Mais moi, tout ça, j'en avais absolument rien à faire.
16:52 Et surtout, comme on a un métier à risque,
16:54 et que s'il y a quelque chose que je ne sentais pas, je ne le faisais pas.
16:57 Sur Wonder Woman aussi, j'ai eu vraiment...
17:00 J'ai vu beaucoup de choses qui m'ont limite fait arrêter la cascade, honnêtement.
17:03 Là, je m'ouvre à vous, je me mets à nu.
17:06 J'ai voulu arrêter la cascade puisque c'était vraiment l'humain.
17:10 Alors c'est ça le problème, c'est que ce n'est même pas la cascade en elle-même.
17:13 Parce que j'adore ce métier et c'est un métier formidable.
17:16 Mais c'est les personnes, malheureusement.
17:18 L'être humain qu'on trouve dans ce milieu parfois.
17:21 Alors c'est l'être humain en général, mais l'être humain qui est exposé à un public,
17:25 qui est exposé à des grandes responsabilités,
17:27 qui est exposé à du "grand monde", des stars, etc.
17:31 L'ego peut, et ce n'est même pas peu, c'est l'ego est omniprésent.
17:35 Donc en fait, on deal avec des égos et non plus avec des personnes.
17:38 Et ayant une démarche personnelle, je sais exactement ce que je veux.
17:41 Du coup, je n'ai pas peur de me refuser des contrats
17:44 ou dire à certaines personnes qu'en fait, on ne peut pas me parler comme ça.
17:48 Est-ce que tu vas être cascadeuse encore longtemps ?
17:49 Ou ça va être quoi l'après pour toi ?
17:51 J'arrête cette année.
17:52 Je viens de terminer ma dernière mission, c'était le 28,
17:56 donc ça fait quelques jours là.
17:57 C'était mon dernier jour de tournage.
17:59 Aujourd'hui, je commence à régler des cascades, des combats,
18:02 et surtout action designer, j'aime bien dire ça,
18:05 parce que c'est surtout l'action, donner vie à une action.
18:08 Je peux aujourd'hui être à même de discuter avec un réalisateur,
18:11 aller chercher mes amis cascadeurs pour travailler,
18:13 prendre en considération tout ce que pendant 18 ans j'ai pu explorer.
18:17 Aujourd'hui, je suis capable de pouvoir carrément assumer ça.
18:20 Et je suis également coach,
18:22 puisque j'ai toujours coaché les acteurs avec qui j'étais,
18:25 les acteurs et les actrices que j'ai doublés.
18:27 Et au-delà de ça, j'ai été sportive pendant très longtemps,
18:30 donc la boxe m'a permis de passer des diplômes.
18:34 J'ai travaillé avec Mike Tyson par rapport à ça,
18:36 justement par rapport à ma vision de l'entraînement
18:39 et par rapport aux exercices que je choisis
18:41 pour aller travailler certaines choses.
18:43 En tant que comédienne, en tant que cascadeuse,
18:45 et en plus en tant que coach, je me dis,
18:47 mais entraîner les acteurs pour moi, c'est vraiment,
18:50 c'est ce que je veux faire aujourd'hui.
18:51 Donc je tends principalement ma reconversion vers cela.
18:55 Alors moi, à mon tour, j'ai une question.
18:56 Quand on t'a dit que tu allais rencontrer une cascadeuse,
18:59 est-ce que tu as une idée déjà préconçue ?
19:02 Est-ce que tu as des clichés ?
19:04 Comment est-ce que tu me perçois ?
19:05 Comment est-ce que tu penses que je suis ?
19:07 Je crois que tu m'as donné une petite information sur ta taille.
19:09 À peu près 1m65.
19:10 Pour moi, une cascadeuse, c'est quelqu'un qui doit se faufiler,
19:14 sauter, être assez énergique.
19:15 Donc je vois bien une personne un peu petite.
19:17 Un peu musclée, mais plutôt sec.
19:19 En général, je n'arrive pas à mettre forcément un physique sur une voix,
19:22 mais du coup, je t'imagine musclée.
19:24 Je propose qu'on ouvre le rideau, qu'on se découvre.
19:26 - Oh ! - J'ai ouvert.
19:30 - Oh, OK. - Je m'attendais...
19:33 - C'est différent. - C'est différent.
19:35 Ah, j'avais pas tort.
19:37 - Bon, quoi ? - Regarde.
19:38 - Justine, streetwear. - Ça va ?
19:40 - Ça va et toi ? - Ça va, ça va.
19:41 - Enchantée. - Enchanté de même.
19:43 - Voici, ça fait plaisir de vous découvrir. - C'était hyper intéressant.
19:46 Ça m'a presque donné envie de devenir cascadeuse, en fait.
19:49 Écoute, avec plaisir, on va garder contact.
19:52 OK, ça marche. Avec plaisir.
19:53 Sous-titrage Société Radio-Canada
19:55 C'est quoi, cette vidéo ?
19:57 C'est bon.
19:58 *Bruit de la musique*

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