Guerre en Ukraine : "La Russie ne peut ni ne doit gagner", déclare Sébastien Lecornu, ministre des Armées

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Sébastien Lecornu, ministre des Armées, était l'invité de franceinfo, mercredi 22 février 2023.

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00:00 Et c'est depuis le centre de commandement militaire de Ballard, au sud de Paris,
00:04 que nous sommes avec le ministre des Armées.
00:06 Bonsoir Sébastien Lecornu.
00:08 Bonsoir.
00:08 Notre spécialiste défense de France Info, Éric Biegala, nous accompagne.
00:13 Nous approchons du 24 février.
00:15 Il y a un an, beaucoup de Français se réveillaient avec la voix de Vladimir Poutine,
00:19 qui déclarait son offensive sur l'Ukraine.
00:24 Un an plus tard, il y a eu des victimes par dizaines de milliers, des dégâts énormes.
00:29 La guerre continue.
00:30 Qu'est-ce qui vous fait dire aujourd'hui, Sébastien Lecornu,
00:33 que l'Ukraine peut l'emporter dans ce conflit ?
00:36 L'Europe connaît de nouveau la guerre avec, effectivement, sa part de tragique.
00:41 Et vous avez raison de parler des victimes, puisqu'au fond,
00:43 une forme de routine, d'habitude, s'installe dans la formation.
00:45 Il faut faire attention à cela.
00:47 Ce triste anniversaire, je n'aime pas trop le mot anniversaire,
00:49 mais en tout cas, cette date vient nous rappeler ça.
00:53 Il est clair aussi qu'en un an, les Ukrainiens nous ont surpris.
00:56 Et que lorsque nous nous sommes réveillés il y a un an,
00:58 beaucoup de commentateurs, fustiles d'ailleurs des bons experts,
01:01 avec lesquels nous avons l'habitude de travailler,
01:03 ne donnaient pas cher quand même de la résistance des Ukrainiens.
01:06 Et on regarde la profondeur stratégique russe,
01:08 on regarde la réputation des armées de la Fédération de Russie.
01:11 Il est clair que les Ukrainiens nous ont à tous donné une leçon
01:15 sur la résilience et sur la force morale.
01:17 Un an est passé, il n'est pas question que de force morale,
01:21 il est aussi question d'équipement, de tactique, de stratégie, de ligne de front.
01:25 Et je pense que l'humidité commande à toutes et à tous,
01:28 les partenaires aussi en Occident, quand on discute entre collègues ministres,
01:31 entre les différents chefs d'état-major des armées,
01:33 nul ne sait au fond aujourd'hui comment le conflit peut évoluer,
01:36 en tout cas à court terme.
01:38 Mais il est clair que les Ukrainiens se battent et ils ont besoin d'être aidés.
01:41 Emmanuel Macron dit publiquement vouloir la défaite de la Russie.
01:46 Pour l'Ukraine, la victoire c'est une reconquête territoriale intégrale,
01:51 y compris des régions du Donbass, dans l'Est, de la Crimée,
01:53 annexée en 2014.
01:56 Est-ce que c'est possible aujourd'hui ?
01:58 Est-ce que vous avez la même définition de la défaite russe ?
02:02 La Russie ne peut ni ne doit gagner.
02:04 C'est la position officielle de la France.
02:07 Ça ne veut pas dire que la Russie doit s'effondrer.
02:09 Mais si on souhaite cette défaite de l'agression russe en Ukraine,
02:13 c'est parce que si on a un certain nombre de valeurs,
02:15 dont d'ailleurs le respect du droit international et des frontières.
02:18 Je le rappelle parce qu'au fond, beaucoup considèrent que ce n'est pas notre guerre.
02:22 Mais si on veut que nos propres frontières, notre propre souveraineté soient respectées,
02:26 il faut donc aussi qu'au regard du monde et aux yeux du monde,
02:29 la souveraineté de l'Ukraine soit respectée.
02:31 Et donc c'est à l'Ukraine de dire quels sont les paramètres,
02:34 quels sont les critères de discussion acceptables
02:37 dans le cadre du conflit et de l'agression qu'ils subissent.
02:40 Et nous substituer à l'Ukraine, pour répondre à votre question,
02:43 serait aussi une des manières de rentrer dans une forme de rhétorique
02:45 qui abîmerait évidemment sa souveraineté.
02:47 La réalité c'est que pour qu'il y ait discussion,
02:49 car c'est pas un mystère, des discussions devront se tenir,
02:52 je ne sais pas quand, elles devront se tenir,
02:54 elles doivent se faire aussi dans la plus grande des clartés
02:57 sur les conditions de sécurité de l'Ukraine,
03:00 mais aussi évidemment sur la situation que l'on connaît sur le terrain.
03:03 Vous reprenez à votre compte la formule d'Emmanuel Macron
03:06 qui dit ne pas vouloir écraser la Russie.
03:08 Qui a exprimé cette volonté ?
03:11 Je crois que là où nous sommes, nous Français,
03:14 nous voyons parfois quand même des tentatives d'escalade dans les paroles.
03:19 C'est humain, c'est aussi logique.
03:22 Quand on a des alliés qui ont connu l'occupation soviétique
03:25 et qui ont parfois connu des moments très difficiles avec la Russie,
03:30 d'avoir une peur qui rejaillit.
03:33 Ce sont souvent des pays qui n'ont pas la dissuasion nucléaire,
03:35 là où nous on a un regard aussi sur notre sécurité collective un peu différent.
03:38 On y reviendra j'imagine lié à ce paramètre-là,
03:41 qu'ont d'autres Générales de Gaulle et de Gaullistes.
03:43 Et donc parfois la France joue son rôle aussi de puissance d'équilibre
03:47 en essayant de mesurer et de redire aussi les vrais objectifs
03:52 et les vrais intérêts de la France, mais aussi de l'Occident.
03:54 C'est un intérêt de sécurité, c'est un intérêt de souveraineté pour l'Ukraine.
03:58 Et donc c'est pour cela que l'agression russe en Ukraine
04:01 doit non seulement cesser, mais elle doit se celerer par un échec.
04:04 Et pour cesser, il faut un soutien militaire occidental,
04:07 un soutien des États-Unis, un soutien des Européens,
04:09 un soutien de la France notamment.
04:11 Il y a déjà eu de nombreuses livraisons d'armes.
04:14 Est-ce qu'elles vont se poursuivre ?
04:15 Est-ce que l'on peut avoir un point précis sur ce que la France aujourd'hui fournit à l'Ukraine ?
04:20 Oui, cette aide va se poursuivre.
04:22 J'insiste aussi sur le fait qu'elle ne participe pas à l'escalade,
04:25 comme certains, l'extrême droite ou l'extrême gauche,
04:26 parfois le laissent entendre dans le débat public français,
04:29 parce que permettre la légitime défense jusqu'à preuve du contraire,
04:32 ce n'est pas participer à l'escalade.
04:34 Je pense qu'il faut aussi tordre le cou de ces rumeurs,
04:37 ou en tout cas de ces allégations.
04:39 La France apporte une aide qui est assez concrète
04:42 et sur des segments sur lesquels nous sommes bons, tout simplement.
04:44 Artillerie, les canons César sont désormais bien connus,
04:48 parfois des pièces d'artillerie plus anciennes,
04:50 les TRF1 qui n'ont pas complètement les mêmes performances,
04:52 seulement qu'on puisse dire que les canons César, mais qui sont appréciables.
04:56 L'équipement qui va autour,
04:57 quand il y a quelques mois on a parlé de maintenance, de pièces étachées,
05:00 tout cela, pardonnez-moi cette expression, n'était pas très sexy.
05:02 Or on voit bien qu'aujourd'hui c'est la priorité numéro un,
05:05 parce que c'est un peu une baignoire sans siphon,
05:09 c'est-à-dire que dans laquelle vous auriez en permanence des équipements nouveaux
05:12 qui sont donnés mais qui ne sont pas entretenus.
05:14 C'est la question des carburants opérationnels,
05:16 c'est la question des munitions.
05:18 Et puis il y a un autre segment sur lequel nous souhaitons être puissants
05:21 dans notre accompagnement de l'Ukraine,
05:23 c'est bien sûr la défense solaire, pour deux objectifs.
05:25 Un, déjà il n'y a pas de manœuvre terrestre pour les forces armées ukrainiennes
05:29 qui ne soient protégées par une défense du ciel, c'est le Béaba.
05:32 D'ailleurs on va aussi en tirer des conclusions pour nous,
05:34 pour l'armée française dans les années qui viendront,
05:36 parce que c'est un segment qui a un peu été abîmé ces dernières années.
05:39 Et puis aussi pour protéger les populations civiles,
05:41 puisque la guerre que mène la fédération de Russie en Ukraine
05:45 est aussi une guerre contre les civils,
05:46 on l'a vu tout au long de l'hiver avec des frappes en profondeur
05:49 sur des points d'intérêt vitaux civils, notamment énergétiques.

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