Dans Historiquement Vôtre, Clémentine Portier-Kaltenbach ressuscite des héros oubliés… Pendant le siège de Paris, au 9e siècle, les douze défenseurs du Petit-Pont, qui donne accès à l’île de la Cité, sont massacrés par les envahisseurs normands. Mais leur sacrifice n’est pas vain: après un an de siège, Paris n’est pas prise.
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00:00 Clémentine Portier-Kellenbach, qui nous raconte des histoires dont elle seule a le secret.
00:03 Dans l'intimité de l'histoire.
00:06 Aujourd'hui Clémentine, vous ne racontez non pas des rois de la disparition, mais des héros disparus.
00:10 Ces hommes morts pour la France est totalement effacé de nos mémoires.
00:14 - Bah oui, Jean-Luc,
00:17 tout à l'heure avec Stéphane, on parlait des bourgeois de Calais. Bien sûr, on connaît très bien les bourgeois de Calais,
00:21 mais nous n'étions pas fichus de citer le nom d'aucun des six. Bon voilà, ça fait partie
00:28 évidemment de cette injustice
00:30 comme il y en a beaucoup. Alors il y en a d'autres héros que j'aime beaucoup. Moi ce sont les premiers
00:35 héros de l'histoire de Paris. Ils étaient 12. Ce sont 12 hommes qui ont sacrifié leur vie au cours du siège de la ville
00:42 entrepris en novembre
00:44 885 par quelques 30 000 Normands. Le siège de Paris a duré pendant près de 11 mois Stéphane, vous connaissez ça par cœur.
00:51 Et en février
00:53 886, il y a une crue qui emporte le petit pont qui permet l'accès à l'île de la cité. Et ces 12 parisiens, les malheureux,
01:00 se retrouvent complètement isolés rive gauche où ils défendent la tour du petit châtelet contre les hordes
01:06 assoiffées de sang de Siegfried. Enfin ça c'est ce que nous dit le chroniqueur.
01:11 Et les pauvres gars, ils sont acculés entre la forteresse qui est en flamme et un
01:15 rogaton du petit pont qui n'a pas été emporté par la crue. Donc ils se font décimer.
01:21 Et puis le plus triste c'est qu'ils se font décimer sous le regard des parisiens qui eux sont
01:27 sur les remparts de la cité. Là ils voient ces 12 hommes, ces 12 héros se faire massacrer par les Normands.
01:33 Mais leur sacrifice n'a pas été vain puisque au bout d'un an de siège la ville n'est pas prise.
01:39 C'est un vrai miracle si l'on en croit le récit du dix sièges par un certain Abon,
01:44 moine de Saint-Germain-des-Prés. Parce que lui Abon nous dit que les Normands étaient 40 000.
01:49 - Abon il s'appelle. - Il s'appelait Abon. Les Normands étaient 40 000 contre
01:54 200 combattants côté parisiens. Bon on imagine l'objectivité du récit.
02:00 En tout cas les noms accouchés dehors de ces 12 hommes auraient pu les priver à tout jamais d'un passage bien mérité à la postérité.
02:07 Mais mille ans après leur sacrifice, le conseil municipal de Paris du 25 novembre
02:13 1885 décida qu'une plaque commémorative serait consacrée à ces 12 héros du grand siège de Paris par les Normands.
02:22 Alors on a mis une plaque sur place à côté du petit pont,
02:27 puis sur la façade de l'annexe de l'hôtel Dieu, vous voyez, devant Notre-Dame.
02:31 Mais cette annexe elle a été détruite en 1908, alors que la plaque on ne savait pas trop quoi en faire.
02:38 On l'a donnée au musée carnavalet et puis on en a fait une copie qui se trouve aujourd'hui à l'entrée de la crypte archéologique du parvis de Notre-Dame.
02:44 Et donc c'est là que vous pourrez tous les deux aller rendre l'hommage qui se doit à messieurs
02:51 Arnold, Aymar, Erryland, Herman Fred, Hervé, Hervie, Gobert, Gausmine,
02:58 Ardre, Odoagre, Saulier et Huvide. Et oui c'est comme ça que s'appelaient les parisiens au 9e siècle mon vieux.
03:06 Arnold, Erryland, Gozbert, Gausmine et Ardre.
03:09 - Ça donne des idées de prénoms pour les gens. - Oui voilà, ça reviendra peut-être à la mode.
03:13 Alors dans le même genre, et bien plus près de chez nous, parce que des héros dans ce genre là, il y en a partout, il y en a partout.
03:19 Le caporal Peugeot, je crois que je vous en ai déjà parlé, il a une rue à son nom dans Paris,
03:23 mais il n'a rien à voir avec le constructeur Otto, c'était un jeune instituteur de 19 ans, originaire d'Éthupe dans le Doubs,
03:30 et il est tué le 2 août 1914 à 10h du matin par un cavalier allemand à Joncherey sur le territoire de Belfort,
03:37 et donc le caporal Peugeot, il a été le premier soldat français victime de la grande guerre.
03:43 - Mais il n'a eu aucun rapport parce que le Doubs c'est aussi la famille Peugeot quand même.
03:45 - Oui mais des Peugeots, oui, alors ça c'est possible, il y a un cousinage lointain, mais c'était pas...
03:51 Mais il était instituteur à Joncherey, non pas à Joncherey, mais il était instituteur, il était pas dans l'automobile.
03:59 À Paris vous avez une rue qui s'appelle la rue des quatre frères Peigneaux,
04:03 et bien là c'est exactement l'autre jour, vous savez on avait parlé de l'histoire du soldat Ryan et j'avais évoqué ces frères-là,
04:09 parce qu'il y a quatre frères qui sont morts en l'espace de 22 mois entre septembre 1914 et juin 1916,
04:16 c'est quand même une famille extraordinairement frappée, d'autant qu'apprenant que le dernier de ses frères venait de mourir,
04:23 Lucien, le frère qui était encore vivant, il s'est engagé avec son fils dans le bataillon où étaient morts ses frères avant lui.
04:29 Donc quatre frères morts dans la même famille, ça c'est les Peigneaux. Et pourquoi je vous en parle ?
04:33 Parce que lorsque vous allez, vous voyez quand vous êtes à la tour Eiffel et que vous voyez le palais du Trocadéro,
04:39 il y a cette magnifique inscription qui est sur le Trocadéro en grandes lettres d'or,
04:45 "Il dépend de celui qui passe, que je sois tombe ou trésor, que je parle ou me taise, cela ne tient qu'à toi,
04:52 ami n'entre pas sans désir." Voyez cette magnifique phrase, ce sont des vers de Paul Valéry,
04:57 qui incite les... Bon, et bien la famille des Peigneaux c'était des fondeurs,
05:02 et ce sont eux qui ont réalisé ces grandes lettres dorées sur le palais du Trocadéro.
05:06 Donc quand vous voyez cette phrase de Paul Valéry et ses grandes lettres,
05:10 elles ont été réalisées par cette famille de fondeurs qui avaient perdu quatre frères pendant la guerre de 14.
05:15 Bon, alors sinon dans les inconnus au bataillon, je vous dis, il y en a partout,
05:20 qui sait de nos jours que le Colette de la rue éponyme, c'est pas Colette l'écrivain,
05:24 c'est un employé de la compagnie des chemins de fer de l'Ouest qui est mort en 1893,
05:29 en sauvant la vie d'un voyageur, Henri Feulard, Henri Feulard, médecin de son état,
05:34 mourut victime de son dévouement lors de l'incendie du bazar de la Charité le 4 mai 1897.
05:40 Et enfin, le plus malchanceux de tous ces inconnus disparus, Gaston Bailly, Gaston Bailly,
05:47 cet agent de la brigade fluviale, qui mourut en essayant de sauver une femme qui s'était jetée à la Seine du Haut du Pont-Marie.
05:54 Alors moi je vous le dis, la prochaine fois que vous venez à Paris,
05:57 si vous empruntez la rue de l'agent Bailly dans le 9e arrondissement,
06:00 ben, ayez une petite pensée pour ce héros trop tôt disparu et de façon bien étrange.