En quête d'esprit du 05/03/2023

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Tous les dimanches, Aymeric Pourbaix et ses invités abordent l’actualité d’un point de vue spirituel et philosophique dans #EQE

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00:00 - Bonjour à tous. Bienvenue dans "Enquête d'esprit".
00:02 Le 9 mars, jeudi prochain, Emmanuel Macron recevra
00:06 les représentants des cultes, entre autres personnalités,
00:09 pour évoquer le débat sur la fin de vie.
00:12 Celui-ci devrait déboucher sur une loi
00:14 à annoncer le porte-parole du gouvernement.
00:17 Mais que ce soit l'euthanasie ou le suicide assisté
00:19 ou encore l'avortement dans la Constitution,
00:21 ces sujets de société, dits éthiques,
00:24 obligent citoyens et élus à porter un jugement moral.
00:29 Mais sur quelle base incontestable, le bien et le mal,
00:31 sont-ils encore des références dans notre société relativiste ?
00:35 Quelle peut être, aujourd'hui encore,
00:37 l'apport de la morale dite judéo-chrétienne,
00:40 des 10 commandements communs aux Juifs et aux Chrétiens,
00:43 dans ces débats sur la fin de vie,
00:45 notamment avec cet interdit fondamental,
00:48 "tu ne tueras pas".
00:49 Pour en parler, nous serons avec Grégor Pupin,
00:51 qui est juriste catholique et directeur de l'ECLJ,
00:54 le Centre européen pour le droit et la justice.
00:57 Nous serons également avec Elie Botbol,
01:00 médecin de confession juive et spécialiste d'éthique biomédicale.
01:04 Et puis, avec Hubert Tesson,
01:06 il est médecin-chef en soins palliatifs
01:08 à la Clinique Saint-Elisabeth à Marseille.
01:11 Dans cette émission, je le rappelle,
01:12 en partenariat avec l'hebdomadaire France Catholique.
01:15 Mais tout de suite, les infos et Loire Augebrune.
01:19 (Générique)
01:21 ---
01:29 -Bonjour, Eloi.
01:30 La 1re info, c'est le pape qui se rendra en Hongrie
01:33 en avril prochain pour parler de la paix.
01:36 -Bonjour, Emeric.
01:37 Le pape François se rend à Budapest fin avril.
01:40 Il rencontrera notamment le Premier ministre hongrois,
01:42 Viktor Orban.
01:44 Une visite sous le signe de la paix,
01:46 plus d'un an après le début de la guerre russo-ukrainienne.
01:48 C'est en tout cas ce que nous a affirmé
01:50 l'ambassadeur de Hongrie en France,
01:52 Georges de Hasbourg-Lorraine,
01:54 lui-même petit-fils du dernier empereur d'Autriche-Hongrie,
01:56 Charles Ier, apôtre de la paix pendant la Première Guerre mondiale.
02:00 Je vous propose de l'écouter.
02:03 -Il y aura deux grands hommes d'État qui vont se réunir
02:07 et ils vont sûrement parler beaucoup de la paix.
02:09 Ils peuvent devenir un facteur qui parle
02:12 et qui fait la promotion de la paix.
02:14 Mon grand-père, il a fait absolument tout dans sa vie
02:16 pour finir la Première Guerre mondiale,
02:18 parce qu'il est devenu empereur et roi
02:20 aux moitiés de la Première Guerre mondiale.
02:23 Il a essayé tout pour faire la paix, il n'a pas réussi.
02:26 Il savait toujours et parlait toujours de l'importance de la paix.
02:29 Et maintenant, justement, 100 ans après sa mort,
02:32 on a encore une fois une guerre en Europe centrale.
02:35 Alors, moi, je fais beaucoup de prières en direction de mon grand-père
02:40 qu'il nous aide pour trouver de la paix.
02:42 Avec son exemple, ça aidera beaucoup aujourd'hui
02:46 si plus de personnes regardent ce que le Bienheur au charlat fait.
02:49 -Guerre civile, pauvreté et très récemment de violents séismes,
02:53 la Syrie vit depuis plusieurs années dans une crise humanitaire grave.
02:56 Et à cela s'ajoutent des sanctions internationales
02:59 contre le régime de Damas
03:01 qui empêchent le bon acheminement de l'aide humanitaire.
03:04 Les associations chrétiennes sur le terrain
03:06 tirent la sonnette d'alarme.
03:07 Le récit de Viviane Hervier.
03:10 -Avec les sanctions internationales,
03:12 la tâche est compliquée pour les associations
03:14 qui viennent en aide aux sinistrés du séisme en Syrie.
03:17 L'acheminement du lait en poudre, par exemple,
03:19 produit indispensable à l'alimentation des nourrissons,
03:22 fait lui aussi l'objet de restrictions.
03:24 -La poudre de lait est considérée comme un produit
03:27 qui peut être aussi utile pour les services militaires.
03:31 C'est très, très difficile d'emporter de poudre de lait en Syrie.
03:37 -L'Union européenne et les Etats-Unis ont insoupli leurs sanctions
03:40 depuis le tremblement de terre.
03:41 A l'origine, ces sanctions n'étaient pas censées
03:43 toucher l'aide humanitaire.
03:45 Selon Benjamin Blanchard, directeur de SOS chrétien d'Orient,
03:48 la réalité est toute autre.
03:49 -Il se trouve que les banques outrepassent les sanctions
03:52 et font du zèle, par peur, bien sûr,
03:53 par peur d'avoir des pénalités de la part des Etats-Unis.
03:56 Donc, il est quasi impossible de faire des transferts bancaires
03:59 vers la Syrie, alors même que ce pour quoi
04:01 ce transfert bancaire aurait lieu n'est pas touché par les sanctions.
04:04 -Une situation qui n'empêche pas l'organisation
04:06 de convois humanitaires depuis certains pays frontaliers
04:09 qui continuent à avoir des échanges avec la Syrie.
04:11 Avec l'aide de Mouanekapu, Saint-Libanais,
04:13 l'oeuvre d'Orient a livré cette semaine par camion
04:15 plus de 100 000 couches aux familles sans-abri d'Alep,
04:18 ville très durement frappée par les secousses.
04:20 -Je suis à Beyrouth.
04:21 En une journée de camion, je peux rejoindre Alep.
04:24 Voilà, donc, c'est très pratique.
04:26 Donc, on peut acheminer des denrées d'un pays à l'autre.
04:31 Ca n'empêche pas que c'est une opération compliquée
04:33 à mettre en place parce que, malheureusement,
04:35 le Liban est également un pays en crise.
04:37 Et puis, derrière, il y a aussi toute la logistique,
04:40 les permissions pour entrer en Syrie.
04:42 -L'Union européenne rediscutera dans les prochains mois
04:45 le renouvellement des sanctions contre la Syrie.
04:47 Les associations d'aide aux populations civiles
04:49 espèrent de nouveaux allègements,
04:51 voire une suspension de certaines sanctions.
04:54 -Violence, incivilité ou encore menace verbale.
04:56 A Nantes, face à l'insécurité, des religieuses baissent les bras.
05:00 Elles quittent le centre-ville après près de 8 ans passés
05:04 au sein de la paroi Sainte-Croix.
05:05 Deux sœurs ont annoncé leur départ.
05:07 Écoutez le témoignage de l'une d'elles, la sœur Marianne.
05:11 -On n'est pas les franciscains du Bronx.
05:13 Et je pense qu'aussi, il faut peut-être une carrière
05:17 un peu plus forte pour être en ce lieu.
05:20 Nous sommes des religieuses, nous sommes des femmes.
05:22 Et on se sent parfois un peu vulnérable
05:25 par rapport à ce qui se passe dans ce quartier.
05:28 Si on n'avait pas eu ces petits cours de self-défense,
05:31 ça aurait pu être des agressions physiques.
05:34 En fait, on a su prendre de la distance
05:35 quand ça devenait dangereux.
05:37 Et on a eu quand même une personne qui nous a craché dessus
05:41 et qui est aussi une autre personne qui en serait venue aux mains
05:45 s'il n'y avait pas des paroissiens, des fidèles
05:47 ou des gens qui étaient intervenus.
05:49 -33 ans de mystères et d'évidence face au linceul de Turin.
05:54 C'est le titre de ce colloque sur le linge mortuaire du Christ.
05:57 Le Centre international d'études sur le linceul de Turin
06:00 se réunit la semaine prochaine à Paris.
06:03 Une réunion ouverte au public
06:04 pour faire découvrir les mystères du linceul de Turin.
06:06 Écoutez à ce propos Laurent Touchac,
06:08 président de cette organisation scientifique.
06:11 -Le monde scientifique est face à ce mystère de fait depuis longtemps.
06:16 Mais on est arrivé à creuser et à éclaircir
06:21 un certain nombre de points relatifs à ce mystère.
06:24 Parce que l'on sait maintenant comment,
06:26 on ne sait pas quel est le processus qui a créé l'image,
06:30 mais on sait décrire très bien ce qu'est cette image physiquement.
06:35 Les approches successives, historiques et scientifiques
06:39 permettent sans réticence d'affirmer qu'il s'agit du linceul
06:45 qui a recouvert le corps d'un certain Jésus de Nazareth
06:49 pendant un certain nombre d'heures entre sa mort et un événement,
06:55 sa résurrection, qui est un événement historique
06:57 qui est peut-être l'origine de cette image.
07:03 -Et si vous voulez participer à ce colloque,
07:06 rendez-vous le jeudi 9 mars prochain à Paris, 6 rue de Lapparand.
07:11 Toutes les informations sont à retrouver sur le site internet linceuldeturin.com.
07:16 L'édition 2023 du Salon de l'agriculture se termine aujourd'hui.
07:20 Et avec Théo Grévin, nous nous sommes rendus dans les allées du Salon
07:22 pour faire connaissance de Valentin.
07:24 Il est éleveur de vaches bordelaises
07:26 et fait partie d'une association d'agriculteurs chrétiens.
07:29 Et sa foi est d'un grand secours au quotidien.
07:31 Regardez.
07:32 -Valentin Roux, berré sur la tête et chapelet en main,
07:36 est éleveur de vaches en Charente-Maritime,
07:38 un métier difficile, mais qui s'est imposé rapidement.
07:41 -C'est vraiment une vocation.
07:42 C'est quelque chose qui s'impose à nous et qu'on accepte.
07:46 -En ces temps difficiles pour les agriculteurs,
07:49 la foi est d'un grand soutien au quotidien pour cet éleveur de 33 ans,
07:52 pour qui l'espérance permet d'avancer face aux difficultés.
07:56 -C'est d'invoquer l'Esprit Saint et Saint François aussi
08:00 dans les difficultés avec les animaux.
08:02 Je pense que les bienfaits,
08:04 et en tout cas le secours de la religion,
08:06 nous donnent l'espérance.
08:08 Et l'espérance aujourd'hui, c'est quelque chose dont on a besoin,
08:11 c'est quelque chose qui nous rassure.
08:12 -Conjuguer foi chrétienne et exigence économique
08:15 dans le monde rural d'aujourd'hui n'est pas simple,
08:17 mais Valentin se dit héritier de la création divine.
08:20 -Dieu nous a laissé la terre pour la soumettre.
08:24 La soumettre, c'est-à-dire la cultiver, la développer,
08:26 en prendre soin.
08:28 Et en tant que catholique, on a le devoir de cultiver cette terre
08:32 et de l'entretenir, parce qu'elle est belle
08:34 et qu'on doit la maintenir belle.
08:37 -Preuve en est, le jeune éleveur est venu accompagner de Rebelle,
08:40 une vache bordelaise très rare,
08:42 une autre façon de sauvegarder cette diversité
08:45 qui fait la richesse de l'agriculture française.
08:47 (Bruit de mouette)
08:49 -C'est la fin de votre journal, Emric.
08:52 La suite d'Enquête d'Esprit.
08:54 -Merci, Elouah.
08:55 Dans l'actualité de ces prochains jours,
08:57 c'est Emmanuel Macron, le chef de l'Etat,
08:59 qui, le 9 mars, recevra notamment les cultes
09:03 pour parler de la fin de vie.
09:04 Aujourd'hui, nous en avons deux réunis,
09:06 juifs et chrétiens.
09:08 Pourquoi ? Parce qu'ils ont en commun
09:10 les 10 commandements reçus par Moïse sur la montagne,
09:13 la loi morale, qui s'est ensuite imposée à l'humanité.
09:17 Pour en parler, nous sommes avec Grégor Pupinc.
09:19 Bonjour. -Bonjour.
09:21 -Vous êtes juriste, directeur du Centre européen
09:24 pour le droit et la justice, l'ECLJ, basé à Strasbourg,
09:27 et qui oeuvre pour la liberté de religion,
09:29 pour la protection de la vie, de la famille,
09:31 auprès de la Cour européenne des droits de l'homme
09:34 et des Nations unies.
09:35 Vous êtes l'auteur de plusieurs livres,
09:38 dont le dernier s'appelle "Les droits de l'homme dénaturés",
09:41 publié en 2018 aux éditions du Cerf.
09:43 Avec nous, également, Elie Bodbol.
09:45 Bonjour. -Bonjour.
09:46 -Vous êtes médecin et vous êtes connue pour vos travaux
09:50 de la bioéthique médicale et de la pensée juive.
09:52 Vous êtes notamment l'auteur de "Bioéthique et demandes sociétales",
09:56 publié chez Salomon,
09:57 et vous officiez parfois en tant que rabbin.
10:00 On parlera avec vous aussi de ces 10 commandements.
10:02 Et puis, avec nous, Hubert Tesson. Bonjour.
10:05 -Bonjour. -Vous êtes médecin,
10:07 médecin-chef à la clinique Sainte-Élisabeth à Marseille,
10:11 particulièrement en charge de l'une des unités de soins palliatifs
10:15 de cette clinique.
10:16 Vous êtes membre de la SfAP, la Société française
10:19 de l'accompagnement et de soins palliatifs.
10:21 Vous avez récemment témoigné de votre action
10:24 dans un documentaire sur la fin de vie.
10:26 "Mourir n'est pas tuer", en quête au coeur de la fin de vie,
10:29 diffusée un peu partout en France en ce moment.
10:31 Nous en parlerons également.
10:33 Grégor Pupin, première question pour vous.
10:36 En matière d'éthique ou de morale, c'est comme on veut,
10:39 ce qui semblait aller de soi,
10:40 c'est-à-dire notamment l'interdictuer
10:42 ou plus largement les 10 commandements,
10:45 la loi morale de l'humanité,
10:46 aujourd'hui, semble ne plus aller de soi,
10:49 ou a besoin aujourd'hui du religieux
10:51 pour retrouver ce sens commun, ce bon sens,
10:53 peut-être, tel qu'on pourrait le nommer ?
10:56 -Merci beaucoup pour cette bonne question.
10:58 Effectivement, le respect de la vie ne va plus de soi,
11:02 comme n'ont plus d'ailleurs d'autres aspects,
11:04 au plan au moins intellectuel,
11:07 parce que peut-être le manque d'espérance
11:09 qui marque la société qui perd,
11:12 le sens de la religion sécularisée,
11:15 peut rendre absurde l'idée de la souffrance,
11:19 l'idée de la mort.
11:20 Et donc, je pense, à la fois l'effet conjugué
11:22 de la sécularisation, qui provoque ce manque d'espérance,
11:25 et aussi l'effet de la médecine, de la modernité,
11:29 qui permet de vivre au plus longtemps,
11:31 les deux conjugués nous placent face à l'absurdité
11:34 de la mort, de la souffrance,
11:36 mais même en deçà, l'absurdité de la vie à certains égards,
11:40 puisque sans espérance,
11:41 et sans espérance notamment religieuse,
11:43 la vie peut finalement paraître absurde.
11:46 - Elie Budbol, pourquoi est-ce qu'aujourd'hui
11:49 on a encore besoin d'une loi morale qui est transcendante ?
11:52 - Parce que nous sommes dans une société de consommation,
11:56 et que la vie est un bien,
11:58 est un bien de jouissance,
12:00 alors que dans la conception religieuse,
12:03 peut-être naturelle également,
12:04 c'est que la vie est une valeur,
12:07 un principe qui est main de Dieu pour les religions,
12:10 mais qui n'a pas son pareil dans le régistre des valeurs,
12:14 ni dans les régistres du bien de consommation.
12:17 Et donc c'est ce qui explique, me semble-t-il,
12:20 aujourd'hui plus que par le passé,
12:23 cette opposition entre ceux qui sont pour l'euthanasie,
12:26 c'est-à-dire, puisque la vie n'est plus source de jouissance,
12:29 alors il vaut mieux s'en débarrasser, ça devient fardeau,
12:32 et ceux qui considèrent que la vie recèle plus que de la jouissance,
12:35 il y a de l'aventure, il y a de la quête,
12:38 il y a de l'existence, quelque chose de transcendant.
12:40 Il faut dire aussi que la médicalisation de ces dernières décennies,
12:44 a fait en sorte que des gens qui mouraient avant,
12:47 dans le passé, rapidement,
12:49 aujourd'hui on arrive à les réanimer, à les maintenir en vie,
12:52 puis il s'avère qu'à un certain moment, leur vie ne tient qu'à un fil,
12:56 et donc il y a ceux qui disent,
12:59 "Il souffre plus qu'il n'en profite",
13:01 basculons-le dans un côté, alors que d'autres disent,
13:04 "Il y a quelque chose encore qui se vit dans la vie intérieure,
13:07 quelque chose qui le raccroche à sa famille,
13:10 il y a une perception de son entourage,
13:13 que nous ne percevons pas, mais que lui perçoit."
13:16 Il y a toutes ces considérations qui font qu'aujourd'hui,
13:19 les gens qui n'ont pas conscience de cette dimension intérieure
13:23 de l'âme, de ce qu'on appelle l'âme,
13:25 ils sont pour faire basculer ces gens dans la mort,
13:29 puisqu'à la mort, ils préfèrent la vie,
13:31 alors que d'autres, au contraire, disent,
13:33 "Non, il y a dans cette vie une aventure
13:35 dont nous n'avons pas tout à fait connaissance,
13:38 nous, les cartésiens."
13:40 C'est pour ça que les religions s'y attachent plus que les autres.
13:44 -On va essayer de détailler tout cela au cours de cette émission.
13:47 Hubert Sesson, vous êtes également médecin,
13:50 et les médecins ont en quelque sorte,
13:52 on va parler des 10 commandements,
13:54 mais ont aussi un guide, le serment d'Hippocrate,
13:57 qui date, semble-t-il, du IVe siècle avant J.-C.
14:00 Là aussi, il s'agit d'une sagesse ancestrale.
14:03 Est-ce que ce serment, qui, alors je le cite,
14:07 "Je ne remettrai à personne du poison",
14:09 "Je ne remettrai à aucune femme un abortif",
14:12 ce n'est pas la version du Conseil de l'ordre des médecins,
14:15 qui est plus large, je le cite,
14:17 "Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage
14:20 de mes connaissances contre les lois de l'humanité."
14:23 Est-ce que c'est encore en vigueur aujourd'hui ?
14:26 Pourquoi c'est important pour vous ?
14:28 -Tous les médecins prêtent ce serment d'Hippocrate
14:31 au moment de la thèse et de l'inscription à l'ordre des médecins.
14:35 Et effectivement, nous prêtons serment
14:39 entre autres de ne pas prolonger les agonies,
14:42 pas faire en sorte que cette épreuve...
14:45 -Donc pas d'acharnement thérapeutique.
14:47 -Nous prêtons serment de soulager au mieux la souffrance.
14:51 Et nous prêtons serment de ne pas donner la mort volontairement,
14:55 même à la demande d'autrui.
14:58 Ce serment d'Hippocrate,
15:01 effectivement, il est transmis de génération en génération,
15:05 de médecin en médecin, depuis 2 400 ans.
15:09 Et comme tout ce qui est transmis depuis si longtemps,
15:13 en général, même toujours,
15:15 il y a une valeur fondamentale pour la société.
15:19 Alors, le serment d'Hippocrate
15:21 est vraiment, me semble, absolument productif.
15:26 Il est essentiel pour le médecin,
15:31 il est essentiel pour le malade,
15:33 d'abord parce qu'il instaure la confiance.
15:36 Parce que le médecin promet de ne pas utiliser les médicaments
15:41 comme des poisons pour donner la mort,
15:43 c'est ça qui instaure la confiance.
15:45 C'est un garde-fou fondamental
15:47 pour permettre cette relation de confiance.
15:49 Ensuite, le serment d'Hippocrate
15:53 protège le malade face à la pulsion de mort qui est autour de lui
15:58 et qui était très présente aux fins de vie.
16:01 Notamment de la part de l'entourage, de la famille.
16:05 Le malade peut être lui-même animé d'une certaine pulsion de mort.
16:09 On le voit lorsqu'il y a de la douleur, par exemple, qui est importante.
16:13 Mais je peux en témoigner en 30 ans d'exercice,
16:16 je n'ai jamais eu de demande d'euthanasie
16:19 qui perdure pour des raisons de souffrance physique.
16:22 On a toujours les moyens, non pas de la supprimer totalement,
16:25 mais au moins de la réduire suffisamment
16:28 pour que cette demande de mort disparaisse.
16:31 Par contre, il existe des demandes d'euthanasie
16:33 pour de la souffrance psychologique.
16:36 Mais ces souffrances psychologiques,
16:39 je dirais que dans 100 % des cas,
16:42 je l'ai encore expérimenté cette semaine,
16:45 la demande d'euthanasie pour des raisons psychologiques
16:49 coexiste avec quelque chose
16:52 qui atteste un désir de vivre chez le patient.
16:55 -Il y a une ambivalence. -Une ambivalence toujours présente.
17:00 -Vous êtes médecin, vous confirmez ce besoin d'un interdit,
17:03 d'un garde-fou dans l'exercice de la médecine.
17:06 Et puis, quels liens peut-on faire entre,
17:09 d'un côté, le serment d'Hippocrate,
17:11 une sagesse philosophique des Grecs,
17:13 et de l'autre, la loi mosaïque qui interdit de tuer ?
17:17 -Je crois qu'au-delà des religions,
17:19 le médecin est celui qui protège la vie,
17:22 qui donne la vie, celui qui doit être l'être de confiance.
17:26 C'est le garant.
17:29 C'est le sens même du secret médical, pour protéger.
17:32 Et donc, si le médecin devient un pourvoyeur de mort,
17:36 alors la confiance en lui n'est plus absolue.
17:42 Je crois que l'objection de conscience
17:46 ne suffit pas au médecin de ne pas donner la mort.
17:51 Il faut qu'il y ait une loi qui dise que la médecine,
17:54 c'est d'abord pour la vie.
17:57 La société ne peut pas aller à l'encontre de ce principe général.
18:00 -Au-delà de la médecine, on a besoin de ces interdits fondamentaux
18:04 dans une civilisation ?
18:06 -On en a besoin, effectivement.
18:09 C'est certain, le droit est là pour ça.
18:12 Le serment d'Hippocrate a déjà été modifié.
18:15 Il pourrait encore être modifié.
18:19 Il y a eu des médecins en XXe siècle qui ont contesté
18:24 le serment d'Hippocrate et se sont revendiqués
18:26 d'une autre éthique médicale.
18:28 Non plus du soin de la personne, mais d'une éthique collective,
18:32 de la société, en disant que la médecine n'est pas là
18:36 pour soigner la personne, mais pour servir la science,
18:40 le progrès, l'Etat.
18:42 Les médecins nazis qui se sont défendus à Nuremberg
18:46 sur la question de la nazie ont revendiqué cette autre éthique
18:50 contre le serment d'Hippocrate.
18:53 Elle a existé, elle continue d'exister.
18:55 On a parlé de pulsion de mort, c'est très juste.
18:58 La pulsion de mort, c'est une volonté de contrôle de la vie.
19:02 Contrôle de la vie pendant sa durée,
19:05 au plan génétique, au plan qualitatif,
19:08 au début, contrôle de la vie à la fin.
19:11 La question qui se pose pour nous en France,
19:14 c'est de vouloir aller plus loin dans le contrôle de la vie.
19:18 Contrôle de la vie des personnes malades,
19:22 psychiquement fragiles.
19:23 Est-ce que nous voulons étendre notre pouvoir
19:26 en ayant à l'esprit que quand on veut étendre notre pouvoir,
19:30 on prend toujours un risque considérable
19:33 de détruire ce qu'on prétend maîtriser ?
19:36 Or, l'interdit est là pour nous dire que si tu prétends maîtriser,
19:40 si tu prétends contrôler, tu risques de déshumaniser, de détruire.
19:44 - On va revenir, juste après la pause,
19:47 sur les 10 commandements,
19:50 sur l'interdit de tuer.
19:51 Vous restez avec nous, avec nos invités.
19:54 Nous y revenons juste après cette pause publicitaire.
19:57 De retour dans "Enquête d'esprit",
19:59 nous parlons du débat sur la fin de vie.
20:02 Nous parlons aussi de la sagesse biblique
20:05 et de l'interdiction de tuer, à travers les 10 commandements.
20:09 Nous sommes avec Grégor Pupin, directeur de l'ECLJ,
20:13 le Centre européen pour le droit et la justice, juriste catholique.
20:18 Nous sommes également avec Elie Bodbol,
20:20 médecin et spécialiste de la bioéthique médicale
20:22 et de la pensée juive.
20:24 Et avec le Dr Hubert Tesson, médecin-chef
20:27 à la Clinique Sainte-Élisabeth à Marseille,
20:30 qui pratique des soins palliatifs.
20:32 Cette émission est en partenariat
20:34 avec l'hebdomadaire France Catholique.
20:36 Elie Bodbol, ce débat sur la fin de vie en France.
20:39 Emmanuel Macron doit intervenir,
20:42 notamment devant les cultes,
20:43 pour un dialogue, une rencontre, le 9 mars prochain.
20:47 Il y a eu aussi une convention citoyenne
20:49 qui s'est prononcée pour une loi
20:52 qui viendrait autoriser, d'une certaine manière,
20:56 l'euthanasie ou le suicide assisté.
20:58 On verra comment le débat se positionne.
21:00 Mais est-ce qu'il faut que les religions,
21:02 et notamment les Juifs et les Chrétiens,
21:04 qui ont en commun cette morale des 10 commandements,
21:07 cette morale judéo-chrétienne,
21:09 s'expriment plus fortement dans ce débat,
21:11 alors même qu'aujourd'hui, les religions sont en recul dans la société ?
21:16 Encore une fois, plus que les Juifs et les Chrétiens,
21:18 ce sont tous les hommes de bonne volonté
21:20 et les médecins en premier qui doivent se battre
21:23 pour que les soins palliatifs soient ouverts, développés.
21:27 Parce qu'il n'y a de demande d'euthanasie de la famille ou du patient
21:31 que lorsqu'il n'est pas bien accueilli,
21:33 lorsqu'il n'est pas pris au sérieux.
21:36 Je crois que c'est là la priorité.
21:38 Mais Grégoire Pupinc,
21:40 admettre une exception, n'est-ce pas contrevenir,
21:44 justement, au principe même de l'interdiction de tuer,
21:46 qui est aujourd'hui, dans notre société,
21:48 dont on voit bien qu'on le relativise ?
21:51 La valeur de la vie relativisée et le fait de tuer aussi,
21:55 ce n'est pas spécifiquement et uniquement judéo-chrétien.
21:58 Les sages-femmes, à l'époque de Pharaon,
22:01 ont refusé, bien avant Moïse et les 10 commandements,
22:04 de tuer les premiers-nés.
22:06 L'objection de conscience, elles ont dit non,
22:08 on ne tue pas des innocents.
22:11 Il n'y a pas non plus que dans l'ère géographique méditerranéen
22:13 qu'on refuse de tuer.
22:15 C'est aussi présent en Asie, ailleurs.
22:17 C'est dans la loi naturelle, c'est au fond de l'homme,
22:19 c'est la règle élémentaire pour le respect mutuel,
22:21 pour la confiance, pour vivre en société.
22:23 Nous sommes des êtres sociaux pour vivre en société,
22:26 avec nos voisins, la première règle,
22:28 c'est de ne pas nous entretuer.
22:30 Aujourd'hui, si on accepte le fait de tuer,
22:32 on brise la confiance, d'abord dans la société.
22:34 On brise la confiance entre le médecin et le patient,
22:37 entre les parents et les enfants,
22:40 entre les grands-parents et les petits-enfants,
22:41 on brise la confiance et c'est la loi du plus fort.
22:43 C'est la loi du plus fort au nom, en plus d'une idéologie,
22:45 de maîtrise, agrémentée d'idées d'économie financière,
22:49 de meilleure gestion, etc.
22:51 Derrière, il y a aussi une idée philosophique profonde
22:54 qui est présente dans toute l'histoire du XXe siècle,
22:57 de maîtrise de la vie par la volonté,
23:00 de domination de la volonté sur la vie.
23:02 Et cette idée-là, elle est présente aujourd'hui,
23:04 elle est l'héritière des idées des années 1920, des années 1930,
23:09 qui ont promu l'eugénisme, qui ont promu l'euthanasie.
23:11 Les mêmes qui, à l'époque, ont promu l'eugénisme,
23:13 étaient aussi les promoteurs de l'avortement eugénique
23:16 et de l'euthanasie.
23:17 Et ce n'est pas un hasard si les fondateurs, en France,
23:20 de l'association qui défend l'euthanasie,
23:22 sont aussi des personnes qui sont les héritiers du courant eugéniste
23:25 et qui ont promu aussi les formes d'avortement.
23:28 Parce que l'idée, c'est de contrôler la vie,
23:30 que l'homme soit le maître de la vie,
23:32 et non plus Dieu ou non plus la nature.
23:34 Et c'est ça qui est vraiment au fond du débat.
23:38 La question de l'exception,
23:39 c'est la même chose que pour l'avortement,
23:41 que pour l'eugénisme.
23:43 Pendant les années 1920, les années 1930,
23:45 ils ont voulu, et 1940,
23:46 ils ont voulu imposer par la loi des politiques d'eugénisme,
23:49 des politiques de stérilisation,
23:50 des politiques d'euthanasie, des malades mentaux.
23:53 Même en France, il y a eu des dizaines de milliers
23:55 de malades mentaux qui sont morts dans les années 1940.
23:57 Une politique.
23:58 Ils ont voulu l'imposer.
24:00 Ils se sont rendus compte ensuite avec l'avortement
24:02 que finalement, ce n'était pas la peine d'imposer
24:04 une politique d'eugénisme,
24:05 il suffisait de légaliser l'avortement eugénique.
24:07 Et que les gens de même le feraient.
24:09 On a les mêmes résultats.
24:10 Avortement libéral eugénique,
24:11 97% des trisomiques sont supprimés.
24:14 Pour l'euthanasie, on aura la même chose.
24:15 Ils ne vont plus nous dire
24:16 qu'il faut tuer les personnes handicapées.
24:18 Ils vont dire, on leur laisse le choix,
24:21 on facilite, c'est très bien, on normalise.
24:23 Et là, on a une politique qui est mise en oeuvre.
24:25 En France, la loi interdit les politiques eugénistes.
24:28 Mais on a dans les faits une société eugéniste.
24:31 Avec l'euthanasie, ce sera la même chose.
24:33 On aura interdiction officielle d'une politique euthanasique,
24:37 mais dans les faits, progressivement,
24:39 une mise en oeuvre libérale qui va se répandre.
24:41 Et la société elle-même devient finalement
24:43 acquise à ce mode de fonctionnement.
24:45 -Hubert Tesson, en tant que médecin,
24:47 en tant que praticien dans une clinique
24:49 qui pratique les soins palliatifs,
24:51 est-ce que justement, cette référence
24:53 à une transcendance, à un interdit,
24:55 une interdiction qui se trouve dans la sagesse biblique,
24:58 mais aussi, on l'a vu, dans la sagesse philosophique
25:01 du serment d'Hippocrate,
25:02 en quoi est-ce que c'est important
25:04 dans votre pratique au quotidien
25:06 et en quoi est-ce que, justement, ce principe,
25:09 aujourd'hui, il est un peu battu en brèche.
25:11 On voit bien qu'on est en train de le discuter
25:14 aujourd'hui dans notre société.
25:15 Est-ce qu'il faut le poids de la religion
25:17 pour le maintenir ?
25:18 Vous êtes dans une clinique catholique.
25:19 -Oui, j'exerce dans une clinique catholique.
25:22 Tous les médecins ne sont pas forcément catholiques,
25:24 tous les soignants ne sont pas forcément catholiques,
25:26 et tous les médecins qui exercent
25:29 son soin palliatif en France
25:30 ne sont pas forcément catholiques.
25:32 Mais c'est une évidence que chacun ressent
25:35 qu'il y a quelque chose de sacré dans la vie
25:37 et qu'attenter à la vie, détruire la vie,
25:41 il y a quelque chose qui n'est pas possible,
25:43 pas envisageable.
25:44 Ça, c'est évident.
25:46 C'est évident, c'est un stimulant pour tous.
25:48 Voilà.
25:49 Donc, pas forcément besoin d'être catholique.
25:52 Après, ce que je vois aussi à Marseille,
25:55 où nous accueillons beaucoup de patients musulmans,
25:59 il y a aussi cette réalité,
26:01 on ne donnera pas la mort,
26:03 c'est une évidence pour les musulmans également,
26:05 ça n'est pas réservé aux catholiques et aux juifs.
26:09 - Elie Botbol, dans ce débat sur la fin de vie,
26:11 il y a notamment la question de la dignité de la personne
26:14 qui est posée,
26:15 soit en revendiquant, justement,
26:17 au nom de cette dignité de pouvoir donner la mort
26:20 aux malades en fin de vie,
26:21 soit au contraire, une dignité qui serait intangible.
26:24 En quoi est-ce que la sagesse biblique, justement,
26:27 donne une dignité intangible à la personne humaine ?
26:31 - Dans la mesure où la vie,
26:33 c'est le bien le plus précieux que quelqu'un
26:35 peut détenir, comment,
26:38 au nom d'un principe qui est extérieur
26:41 et qui serait moral, la dignité,
26:43 peut venir contrecarrer, neutraliser,
26:46 éliminer ce principe de vie qui nous anime
26:49 et qui anime d'abord son dépositaire ?
26:52 Au nom de quoi ?
26:53 Alors bien sûr, on parle du suicide assisté
26:56 plutôt que de l'euthanasie active,
26:58 mais qu'est-ce que ça veut dire ?
26:59 - C'est un débat sémantique qui noie le poisson,
27:02 d'une certaine manière.
27:03 Le suicide assisté a l'avantage
27:06 de ne pas impliquer d'autres personnes
27:08 dans la mort d'autrui.
27:09 Mais ceci dit, quelqu'un qui se trouve très mal
27:13 et dans son corps et dans son moral,
27:16 comment puisse-t-il avoir la lucidité
27:21 pour dire "voilà, je vais me supprimer" ?
27:23 Je crois qu'on déplace le problème.
27:26 L'euthanasie active est inenvisageable
27:31 pour quelqu'un qui a un sens premier de la vie.
27:36 Je ne parle même pas de religion.
27:37 Supprimer la vie, c'est le bien le plus précieux,
27:40 le bien originaire, le bien qui nous vient d'ailleurs.
27:43 Et par conséquent, comment,
27:45 pour reprendre ce que disait tout à l'heure Grégor,
27:47 comment nous, hommes,
27:49 pouvions décider de quelque chose qui nous dépasse ?
27:52 - Je pensais aussi, en vous posant cette question-là,
27:54 à la parole biblique,
27:55 l'homme est à l'image, à la ressemblance de Dieu.
27:57 Est-ce que c'est ça qui fonde sa dignité, au fond ?
27:59 - Oui, mais je ne voulais pas l'avancer,
28:01 parce que ceux qui ne se reconnaissent pas dans Dieu
28:04 pourraient dire "ça ne nous concerne pas".
28:06 Mais je crois que, dans l'universel,
28:09 il y a cette perception que la vie est au-dessus de tout.
28:12 D'ailleurs, comment définir la vie ?
28:14 Entre la vie végétale, la vie animale, la vie du cosmos,
28:18 puisqu'il y a aussi des mouvements,
28:19 et la vie humaine.
28:21 Est-ce qu'on sait définir ce qu'est la vie ?
28:23 On sait définir éventuellement ce qu'est un être vivant,
28:25 un animal, un végétal, etc.
28:28 Mais la vie en elle-même, c'est une essence
28:30 qui ne relève que de l'être suprême,
28:32 celui dont l'essence est insaisissable précisément,
28:35 et l'essence de la vie humaine est aussi insaisissable.
28:38 - Grégoire Pupin.
28:39 - Je pense qu'il ne faut pas se payer de mots.
28:41 Ces concepts de dignité qu'on avance aujourd'hui
28:43 pour justifier l'euthanasie,
28:45 de mon point de vue, je pense que c'est une illusion.
28:47 C'est un concept qu'on avance,
28:49 mais derrière, qu'est-ce qu'il y a dans la pratique
28:51 quand on regarde ce qui se passe en Belgique,
28:52 ce qui se passe en Suisse, on est quand même très loin.
28:54 - Ce sont des pays où l'euthanasie
28:56 ou le suicide assisté sont autorisés.
28:58 - Voilà, ce sont des personnes qui sont seules
29:00 qui vont mourir misérablement.
29:02 Je ne vois pas où est la dignité.
29:04 Souvent, c'est des personnes âgées, seules,
29:06 psychologiquement affectées.
29:08 Et je ne vois pas la dignité.
29:10 La dignité, au contraire, c'est d'être accompagné,
29:12 d'être aimé.
29:13 Il y a une autre dignité qui est beaucoup plus profonde,
29:15 qui est beaucoup plus humaine
29:17 et qui, effectivement, passe d'abord aussi
29:20 par l'acceptation, par l'entourage,
29:23 et même au-delà.
29:25 Moi, je n'ai pas envie qu'on me vole ma mort.
29:28 Pour moi, ma dignité, ce sera aussi d'accepter de mourir
29:30 et de souffrir, même s'il faut souffrir.
29:32 Mais je ne voudrais pas être inconscient.
29:34 Je voudrais vivre ma mort.
29:36 Et parce que je pense que c'est un événement essentiel,
29:39 je crois aussi qu'il y a le monde d'après,
29:42 que la mort fait partie de ce passage et ce passage.
29:45 Et ma crainte, aussi, ce serait finalement
29:47 qu'on me vole ma mort au nom de cette idée
29:49 de ne pas souffrir, de machin, de dignité.
29:51 Attention, c'est trop moche pour les autres.
29:53 Donc il y a des très beaux témoignages aussi de morts,
29:56 de personnes, j'en ai encore eu récemment,
29:58 où même dans la souffrance, ça peut être très humain.
30:01 -Hubert Tesson, j'imagine que vous, en tant que médecin,
30:03 dans une clinique de soins palliatifs,
30:05 vous avez ce genre de témoignages ?
30:07 -A propos de la dignité, je dirais que
30:10 on sait très bien que la dignité n'est pas un attribut.
30:13 On peut avoir ou perdre, elle est intrinsèque à l'homme.
30:16 Mais en étant honnête, je crois qu'on peut dire
30:20 qu'il n'y a non pas un déficit de dignité chez les patients,
30:24 mais il peut y arriver, il peut y avoir un déficit
30:28 de manifestation de cette dignité.
30:31 À travers la présentation du malade, etc.,
30:33 le malade ne représente pas la dignité
30:36 qu'on a en tête de l'être humain.
30:38 -Il faut savoir l'avoir. -Voilà.
30:40 Il s'agit de manifester, et notre devoir,
30:43 vraiment, de médecin, d'infirmière, d'aide soignante, etc.,
30:46 c'est de tout faire pour manifester au mieux
30:49 cette dignité qui peine un peu à s'exprimer.
30:52 Et ce qui, quelquefois, vraiment m'émerveille,
30:57 c'est de voir combien l'action, l'acte de soin
31:01 de la part des infirmières, des aides soignantes
31:04 envers un malade vraiment très démuni,
31:07 cette action dit quelque chose,
31:09 non seulement de la dignité du malade,
31:12 mais encore plus, peut-être, de la dignité humaine
31:15 à travers l'acte de soin.
31:17 Il n'y a que l'homme qui fasse ça,
31:20 prendre soin de la personne extrêmement vulnérable,
31:23 de celui qui devient une charge pour le groupe,
31:26 eh bien, en prenant soin de ces personnes,
31:28 il y a un surcroît de manifestation de la dignité humaine.
31:31 -On pourra aussi noter la citation,
31:34 cette citation du pape François qui a déclaré en septembre dernier
31:38 "Tuer n'est pas humain, laissons cela aux animaux."
31:41 Voilà, en quelques mots, qui résume bien ce que vous venez de dire.
31:45 Je vous propose à présent qu'on se rende à Avignon
31:48 où un documentaire sur la fin de vie,
31:50 "Mourir n'est pas tuer, enquête au coeur de la fin de vie",
31:53 de Géraud Burin-Desrosiers, produit par Bernard de la Villardière
31:57 avec l'aide de la Fondation Jérôme Lejeune, a été projeté.
32:00 Regardez, c'est un reportage de Stéphanie Rouquier.
32:03 -À Avignon, c'est une projection
32:07 suivie d'un débat au coeur de l'actualité.
32:10 -Bonne projection, voilà.
32:13 Et à tout à l'heure pour débriefer...
32:16 -Le documentaire "Mourir n'est pas tuer,
32:19 une enquête de 70 minutes sur la fin de vie"
32:22 aborde la législation sur l'euthanasie.
32:25 -Personnes âgées, vulnérables, handicapées,
32:28 demain, seront-elles incitées à mourir ?
32:30 -Le geste qui soulage ne peut pas être,
32:33 comme on le répète à l'envie, le geste qui tue.
32:36 C'est une rupture éthique,
32:38 une rupture éthique avec nos valeurs fondamentales.
32:44 -Aujourd'hui, l'euthanasie est interdite en France
32:47 et si elle était pratiquée, elle est passible.
32:50 Domicile volontaire.
32:52 Il y a tout à faire dans notre société
32:54 pour développer les soins palliatifs,
32:56 accompagner nos personnes souffrantes, isolées, malades,
32:59 pour que tout ait accès à un accompagnement de qualité.
33:03 -Le film explore les dérives de l'assistance à mourir
33:06 dans les pays où elle est dépénalisée,
33:10 la nécessité d'une meilleure appréhension des soins palliatifs,
33:13 avec des témoignages de patients et de soignants.
33:16 -Si demain, une loi autorise les médecins à tuer les malades,
33:20 nous ne serons plus médecins.
33:22 Le serment d'Hippocrate sera complètement bafoué.
33:25 Nous serons des agents de l'Etat,
33:28 des fonctionnaires ou des agents prestataires de mort.
33:32 Et si on nous demande de tuer l'autre,
33:34 je pense qu'on préférerait même sauter la vie nous-mêmes.
33:38 -Ce sont les paroles qui marquent ces spectateurs.
33:40 -Ca me donne encore plus envie de me battre,
33:43 parce que je n'avais pas la notion des soins palliatifs,
33:46 de me dire que c'est ces personnes-là qu'il faut soutenir,
33:50 ces soignants-là.
33:52 -Ca me choque plutôt personnellement,
33:54 parce que je ne viens pas de France,
33:57 je viens d'un pays où on aime vraiment la vie.
34:00 Je suis brésilien et j'ai de l'expérience,
34:03 parce que j'ai une personne dans ma famille
34:07 qui a atteint une maladie assez grave.
34:09 J'ai grandi toute ma vie en prenant soin d'elle.
34:12 Pour moi, c'est inimaginable.
34:14 -Le débat sur la fin de vie en France
34:16 sera prochainement ouvert au Parlement.
34:18 Mais avant, la convention citoyenne lancée par le gouvernement
34:22 remettra ses propositions le 19 mars.
34:25 -Si vous voulez assister à une projection de ce documentaire
34:29 partout en France, c'est une tournée nationale,
34:31 il y a un site dont l'adresse s'affiche sur votre écran.
34:35 Tout met pas ça avec les dates de diffusion.
34:37 Hubert Tesson, comment ça se passe dans votre clinique Sainte-Elisabeth ?
34:41 Je le rappelle, c'est une clinique fondée en 1881
34:44 par une jeune femme, Jeanne Garnier,
34:46 pour accueillir des femmes incurables.
34:48 C'est une clinique catholique, donc la dimension spirituelle est présente.
34:51 Est-ce qu'on a besoin de ces structures aujourd'hui
34:54 pour, d'une certaine manière, affirmer la valeur de la vie,
34:57 mais aussi la dimension spirituelle de la personne humaine ?
35:00 -J'ai exercé à l'hôpital public
35:04 pendant de très nombreuses années.
35:05 La dimension spirituelle est bien théoriquement prise en charge.
35:12 On en prend soin de la personne.
35:15 Mais c'est vrai que dans une clinique comme la nôtre,
35:19 cette approche est particulièrement marquée,
35:22 très respectueuse du cheminement des malades, bien sûr.
35:27 -C'est pas conversion forcée.
35:29 -Absolument pas, bien sûr.
35:32 Mais beaucoup de patients sont en attente de cela.
35:35 Il y a effectivement un besoin de réconciliation,
35:39 je dirais, avec soi-même, de réconciliation avec Dieu,
35:42 et souvent un besoin d'être consolé.
35:45 Beaucoup de patients ont eu une vie chaotique.
35:48 Toutes les vies sont sourdes de certaines blessures,
35:51 on pourrait dire.
35:53 Beaucoup de patients ressentent et expriment un besoin
35:56 d'être consolé, consolé humainement,
36:00 et être consolé par Dieu avec une prière de consolation
36:04 et tout un cheminement spirituel, religieux,
36:07 qui est proposé pour ceux qui le souhaitent.
36:10 Je crois réellement que ce type de clinique a sa place.
36:15 C'est quelque chose dont on voit les fruits.
36:19 On voit souvent un émerveillement de la part des patients
36:24 et des familles.
36:27 Je pense que nous avons notre place.
36:30 -Elie Botbol, pour les quelques minutes qui nous restent,
36:34 nous réfléchissions sur la question de l'espérance,
36:37 parce que ça a été cité à plusieurs reprises
36:39 au cours de cette émission.
36:41 Un des enjeux de fond n'est-il pas de retrouver cette espérance,
36:45 cette espérance en la vie,
36:47 mais peut-être aussi en une vie après la mort ?
36:50 Je repose la question que je vous posais tout à l'heure.
36:54 Il ne faut pas que les religions, le judaïsme et le christianisme,
36:57 affirment plus fermement, publiquement,
37:00 cette question de l'espérance.
37:02 -Oui. D'abord, en tant que médecin, avant d'être juif,
37:06 de ne pas traiter nos malades de malades.
37:09 Ce sont des personnes malades.
37:12 On les réduit lorsqu'on les traite de malades,
37:14 comme si la maladie les définissait.
37:17 Non. D'abord, personne,
37:19 avec la dimension spirituelle, morale, d'un parcours de vie,
37:23 d'une histoire, d'une culture, respectons-les tels qu'ils sont,
37:27 et non pas simplement par leur faiblesse,
37:30 leur défaillance, leur maladie.
37:32 Une fois qu'on a dit ça,
37:34 alors, notre regard sur ces patients est tout à fait autre.
37:38 Et alors, maintenant... -Sur le plan religieux ?
37:41 -Sur le plan religieux, qu'est-ce qu'un homme ?
37:44 C'est d'abord Adam en hébreu.
37:46 La valeur numérique du mois d'âme, c'est "ma", "quoi".
37:49 Qu'est-ce que l'homme ?
37:51 Et plus que "quoi", c'est "qui", le sujet.
37:55 C'est pas simplement un objet de réflexion,
37:58 "qu'est-ce qu'il est en tant que quoi ?"
38:00 mais "qu'est-ce qu'il est en tant que dimension ontologique ?"
38:04 Et je crois que dans la société de conservation qui est la nôtre,
38:07 on perd la notion de l'être.
38:10 Cette dimension qui fait de nous un être joyeux, déprimé,
38:13 un être en quête d'aventure, en quête existentielle,
38:17 le sens de la vie, la direction.
38:19 Et qui dit "direction de la vie" dit "joie".
38:22 Je renvoie à beaucoup de...
38:24 Bergson, par exemple, qui définit la joie
38:26 comme étant précisément la dimension, la direction de la vie
38:30 dans l'être spirituel, dans l'énergie spirituelle
38:33 qu'il a publiée en 1919.
38:35 -Grégoire Pupinc, sur cette dimension de réhabiliter l'être,
38:40 la personne humaine,
38:41 mais est-ce que cette personne humaine
38:43 ne se définit pas vis-à-vis d'un au-delà aussi ?
38:46 Et notamment pour réaffirmer l'espérance,
38:48 le besoin d'un Dieu, très concrètement ?
38:50 -Bien sûr. Je crois que l'homme sans Dieu
38:52 ne se connaît pas lui-même.
38:54 Je pense que c'est Dieu qui, en se révélant,
38:58 permet à l'homme de se connaître lui-même.
39:00 C'est le miroir de Dieu, le regard de Dieu
39:02 qui nous permet de nous connaître.
39:04 C'est l'altérité, à travers Dieu.
39:06 Dieu, en se révélant, révèle l'homme à lui-même.
39:08 Et donc, dans cette relation, effectivement,
39:11 oui, il est évidemment nécessaire de connaître Dieu,
39:15 d'avoir cette perspective, parce que sinon, nous sommes.
39:18 Dans le noir, nous sommes perdus,
39:20 et nous sommes dans l'absurdité, dans la souffrance stérile.
39:23 Nous sommes des animaux.
39:24 Et dans ce cas-là, effectivement, il faut en finir.
39:26 Je crois que c'est, sauf à avoir pitié,
39:28 mais on n'est pas là pour avoir pitié.
39:30 On est là pour autre chose.
39:32 Et donc, oui, je pense qu'il est nécessaire de parler de l'âme.
39:35 Nous vivons dans une société matérialiste
39:37 qui a perdu le sens de l'âme,
39:39 mais nous ressentons quand même, au fond de notre cœur,
39:42 cette étincelle, ce feu.
39:43 Et c'est à partir de là que l'on peut comprendre
39:45 ce qu'est l'homme par rapport aux animaux,
39:47 par rapport aux autres êtres vivants.
39:49 Et moi, je suis convaincu que, oui,
39:51 il y a la loi naturelle qui montre,
39:53 mais l'âme aussi est universelle.
39:55 La loi naturelle est universelle tous les ans.
39:57 - Aujourd'hui, les droits de l'homme, ça ne suffit plus ?
39:59 - Non, ça ne suffit plus.
40:00 Les droits de l'homme, c'est vrai, ont été réaffirmés
40:03 parce qu'il fallait, dans une culture juridique, protéger,
40:06 notamment la vie humaine, contre l'euthanasie.
40:08 Les droits de l'homme ont été affirmés après la guerre
40:11 contre l'euthanasie, notamment droit à la vie.
40:13 Il n'y a aucune exception d'euthanasie dans les droits de l'homme.
40:16 Et les droits de l'homme, toujours aujourd'hui, ne prétendent jamais
40:19 qu'il y a un droit à l'euthanasie ou au suicide assisté.
40:22 Jamais. L'interdiction de tuer est très claire.
40:25 Dans les droits de l'homme, il n'y a pas d'exception pour l'euthanasie.
40:28 Donc, oui, je pense que la dimension religieuse, elle est essentielle.
40:33 Je pense que les personnes qui ont la foi ne peuvent pas
40:37 et ne doivent pas rester silencieuses parce que la société a besoin
40:40 qu'on lui parle de cette dimension qui est essentielle à l'homme
40:45 et que c'est dans cette perspective que l'on peut aussi redonner
40:48 toute sa pleine dimension à la loi naturelle.
40:50 Dernière question pour vous, Hubert Tesson.
40:52 Cela passe très vite et c'est un sujet évidemment, éminemment complexe.
40:55 Mais est-ce que vous aussi, vous avez fait partie des soignants,
40:58 des 800 000 soignants qui ont publié une tribune pour dire justement
41:02 non à l'évolution d'une loi sur la fin de vie.
41:06 Est-ce que vous souhaitez aussi, peut-être en tant que catholique,
41:10 mais peut-être justement en tant que médecin,
41:12 que les religions s'affichent davantage dans ce débat-là
41:15 et parlent plus fortement parce qu'on sent bien que l'opinion
41:19 va vers cette autorisation d'une forme de thanasie ?
41:24 Je suis signataire, bien sûr.
41:27 Très inquiet, très inquiet sur les possibles évolutions
41:32 des lois ou de la loi sur la fin de vie.
41:35 Il en va vraiment, je pense, de la paix des survivants.
41:43 Ce qui se passe pour les malades en fin de vie va conditionner beaucoup
41:48 ce qui va se passer pour les survivants.
41:50 Et je suis convaincu que ce qui est des bons soins palliatifs de qualité
41:55 apporte une paix aux malades,
41:59 mais apporte une paix aussi à l'entourage du patient
42:03 et son facteur de paix pour la société.
42:06 C'est une évidence pour moi.
42:08 Et une loi qui transgresserait cet interdit
42:12 ne concourrait pas à cette paix, mais exposerait à de la violence.
42:17 Oui, je pense qu'il faut que les religions manifestent
42:21 clairement ce choix de société.
42:23 Et j'attends d'elles qu'elles le fassent réellement.
42:26 Merci. Et puis on peut retrouver le 19 mars prochain sur C8
42:30 un documentaire sur votre clinique, la clinique où vous exercez,
42:33 où vous êtes médecin-chef, Clinique Sainte-Elisabeth.
42:36 Ça s'appelle "Les 30 vivants".
42:37 Il y a aussi un site Internet qui s'affiche sur votre écran.
42:40 Peut-être aussi un dernier mot très rapidement,
42:43 un kit pour accompagner ce documentaire.
42:45 Voilà. Le film est téléchargeable, ainsi qu'un kit qui est à disposition
42:50 de groupes d'associations qui souhaitent réfléchir sur la fin de vie
42:53 avec des tas d'éléments en plus du film
42:56 pour conduire une réflexion commune.
42:59 Merci. Merci à tous d'avoir éclairé ce débat.
43:02 Merci Grégor Pupin, que je rappelle le titre de votre livre,
43:05 "Les droits de l'homme dénaturés", c'est au Cerf.
43:07 Elie Bodebol, merci beaucoup d'avoir été avec nous.
43:09 "Bioéthique et demandes sociétales", c'est publié chez Salomon.
43:12 Merci Hubert Tesson.
43:13 La semaine prochaine, nous parlerons de l'actualité du sensuaire de Turin,
43:17 ce linge qui a enveloppé le Christ à sa mort
43:19 à l'occasion d'un colloque international qui aura lieu,
43:21 je le rappelle, le jeudi 9 mars.
43:23 Merci à Aurélie Loukano, toute l'équipe technique.
43:25 Et l'info continue sur CNews.
43:27 de la province.
43:28 Merci.