RD Congo : "il faut rassembler tout le monde"

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Transcript
00:00 -Bienvenue à vous tous. Le chef de l'Etat français,
00:03 Emmanuel Macron, en RDC, payant proie à un conflit meurtrier
00:06 depuis plus d'un an, opposant l'armée congolaise
00:09 à la rébellion du M23, soutenu et armé,
00:12 du moins en partie, par le président rwandais,
00:14 Paul Kagame. Beaucoup d'acteurs sont impliqués
00:17 dans ce conflit, confrontés à la guerre depuis 30 ans.
00:20 Un cessez-le-feu doit entrer en vigueur ce mardi.
00:23 Le président, Emmanuel Macron,
00:25 lors de cette conférence de presse,
00:28 a décidé de prendre ses responsabilités.
00:30 On l'écoute.
00:31 -Au crime et aux tragédies qui se déroulent sous nos yeux,
00:34 nous ne devons pas ajouter l'oubli et l'abandon.
00:37 Alors, je souhaite aujourd'hui que la France reste fidèle
00:42 à son rôle d'allié indéfectible de la RDC
00:47 pour défendre son intégrité et sa souveraineté.
00:50 La République démocratique du Congo ne doit pas être un butin de guerre.
00:54 Le pillage à ciel ouvert de la République démocratique du Congo
00:59 doit cesser.
01:00 Ni pillage, ni balkanisation, ni guerre.
01:05 -On retrouve Louis-Magouar Kemayou,
01:07 journaliste et spécialiste de l'Afrique.
01:10 Bonjour. Sur le conflit entre la rébellion du M23 et la RDC,
01:13 le président français, Emmanuel Macron, n'a pas fui.
01:16 Il appelle le Rwanda à prendre ses responsabilités.
01:19 Il soutient le processus de paix.
01:21 C'est favorable à des sanctions.
01:23 Mais laisser le feu n'est pas respecté.
01:25 Sa position est-elle claire ?
01:27 -Oui, pour une fois, on peut dire que le président Macron
01:30 n'a pas fait dans la langue de bois.
01:33 Évidemment qu'il est important ici de rappeler
01:35 toutes les opérations qui ont eu lieu.
01:37 Nous n'en sommes pas au 1er accord de paix.
01:40 Il y a eu l'initiative Artemis que l'Union européenne
01:43 avait lancée dans le pays avec les Nations unies.
01:46 Il y a eu également toutes les concertations
01:48 qui ont eu lieu autour du Zimbabwe,
01:50 autour de l'Afrique du Sud, autour de l'Angola.
01:53 De nombreux efforts ont été faits, y compris sur le plan politique,
01:56 en RDC, où il y a eu un gouvernement
01:58 avec quatre vice-présidents et un président.
02:01 C'est ce qu'on appelait le 1+4.
02:03 Certains, pour dénigrer cela, disaient que 1+4=0,
02:06 puisque cela leur a permis de retourner à la paix dans le pays.
02:10 Mais il faut dire que, pour le coup,
02:12 le président Macron voit juste en disant
02:15 qu'il ne souhaite ni la balkanisation
02:17 ni la transformation de la RDC en butin de guerre
02:20 et qu'il faut à tout prix aller au chevet
02:23 de la RDC.
02:24 La seule limite que je vois dans le discours,
02:27 c'est qu'au-delà du Rwanda,
02:28 il faut dire qu'il y a de nombreux autres pays
02:31 qui sont concernés par le piège de la RDC.
02:33 Il y a surtout beaucoup d'entreprises,
02:36 de multinationales, qui sont bénéficiaires, à terme,
02:39 de cette guerre et de tous les crimes qu'elle comporte.
02:42 Je crois qu'il faut condamner, au-delà du Rwanda,
02:45 tous les autres participants à ces crimes contre l'humanité.
02:48 -C'est-à-dire le Burundi, l'Ouganda ?
02:51 -L'Ouganda a de nombreux voisins.
02:53 La Zambie, par laquelle transite une partie des minerais
02:56 qui sont exploités, l'Afrique du Sud,
02:58 les bénéficiaires finaux sont nombreux.
03:01 Si on devait remonter jusqu'aux entreprises
03:03 qui sont basées en Belgique et qui font dans le diamant
03:06 ou dans d'autres minerais, il y a une chaîne de responsabilités
03:10 qui serait plus étoffée que celle que l'on veut limiter au Rwanda.
03:13 -Ce discours assez clair du chef de l'Etat français
03:16 peut satisfaire les Congolais, d'après vous ?
03:19 -Il est satisfait
03:21 sur le plan du bon moqueur qu'il apporte.
03:26 Mais je pense qu'au-delà de ça,
03:27 il faut que les responsabilités soient prises également.
03:31 Cela fait 30 ans, aujourd'hui,
03:33 les conditions pour les pays dont on parle de moins en moins,
03:36 avec Bounia, mais au-delà du Kivu, des deux Kivus et de Litori,
03:40 le pays à l'est n'est pas du tout stabilisé.
03:42 Il faudrait que le gouvernement reprenne son contrôle
03:45 sur ces territoires-là, qu'il soit présent
03:48 et qu'il apporte des solutions aux personnes qui y vivent.
03:51 Il faudrait que le vivre ensemble, il prenne tout son sens.
03:54 Malheureusement, nous n'avons ni l'un ni l'autre.
03:56 -Et comment ce discours va être perçu au Rwanda,
03:59 de l'autre côté, par le président Paul Kagame ?
04:01 -Je crois que le président Paul Kagame,
04:05 tout comme ses homologues,
04:07 sont disposés à apporter leur contribution à la paix.
04:10 Mais il ne faut pas oublier que, comme dans le Sahel,
04:13 on ne peut pas s'y conscrire, le problème, à un seul pays.
04:16 L'est du continent a énormément souffert.
04:18 Je ne veux pas dire que la Somalie, la RDC
04:21 et les autres pays ont souffert,
04:23 mais le problème, c'est qu'aujourd'hui,
04:25 si on veut circonscrire le mal à la RDC seulement,
04:28 on aura beaucoup de difficultés.
04:30 Le Rwanda vous opposera le fait qu'après le génocide
04:33 qui a eu lieu sur son territoire,
04:35 il y a de nombreux génocidaires qui se sont réfugiés en RDC
04:39 et qui sont entrés avec des armes.
04:41 Ils sont voisins, le Rwanda et la RDC,
04:43 donc cela fait que, quelque part,
04:45 ils veulent une démilitarisation de ces miliciens qui s'y trouvent.
04:48 Et de l'autre côté, ils sont aussi impliqués dans le conflit
04:51 puisque le M23 est rattaché au Rwanda.
04:53 Mais en plus de cela, vous avez l'Ouganda également qui intervient,
04:56 vous avez les Chinois qui sont présents et qui font leur trafic.
04:59 Et il ne faut pas négliger non plus la part de soldats ou d'officiers
05:03 faisant partie des armées de la RDC
05:05 qui contribuent également au pillage
05:07 en créant des mouvements à leur place.
05:09 N'oublions pas qu'il y a plus de 100 milices
05:11 qui opèrent dans l'est de la RDC aujourd'hui.
05:13 Et que peut faire réellement la France ?
05:14 Comment la France peut-elle peser
05:17 sur ce processus de paix régional en cours
05:19 sans être accusée d'ingérence ?
05:21 Je pense que c'est difficile de donner une réponse simple
05:27 à cette question qui paraît simple,
05:29 mais le fait est que l'initiative doit d'abord venir
05:32 de la RDC et de ses voisins.
05:34 Il n'y a personne mieux que les Congolais et leurs voisins
05:37 qui peut apporter une solution durable.
05:39 Je rappelais l'opération Artemis,
05:41 je rappelle également que les Nations unies
05:43 ont déployé la plus grosse opération au monde,
05:46 qu'elles aient jamais lancée en RDC,
05:50 et tout cela n'a pas suffi.
05:51 Si les Nations unies ont échoué, si l'Union européenne a échoué,
05:55 je ne suis pas certain que la France à elle seule réussisse.
05:58 C'est pourquoi de mon point de vue,
05:59 il faut d'abord rappeler les responsabilités personnelles
06:03 des autorités congolaises, des Congolais en général,
06:05 celles de leurs voisins, et puis si en plus,
06:08 il peut y avoir un soutien de la France et de l'Union européenne,
06:10 voire des Nations unies, ce sera tant mieux.
06:12 Mais un seul pays, à lui tout seul,
06:14 dans ce pays qui est le plus grand de la francophonie,
06:17 je crains qu'il ne soit pas suffisant
06:18 pour atteindre les résultats espérés.
06:20 -Donc ce plan de paix régional, pour vous, ne sera pas appliqué ?
06:24 -Il sera appliqué, mais il y a beaucoup de défiance
06:26 entre les uns et les autres.
06:29 Vous avez entendu probablement les Congolais
06:31 qui estiment que c'est une mauvaise idée
06:33 d'avoir cette force d'interposition des pays de l'Est,
06:36 de l'Afrique, qui intervient en RDC.
06:39 Vous avez entendu toute la défiance également
06:42 que certains ont vis-à-vis du rôle du Rwanda,
06:44 qu'ils considèrent comme un pompier pyromane.
06:47 Et puis il y a le rapport de confiance
06:48 entre les différents chefs d'Etat.
06:50 Le Kenya, l'ancien président Kenyan,
06:53 essaie d'apporter sa contribution
06:56 pour que cette confiance-là soit restaurée
06:58 entre les voisins, entre les frères voisins.
07:01 L'Union africaine joue son rôle également,
07:03 mais le vrai enjeu ici,
07:05 c'est que l'on arrive à restaurer l'autorité de l'Etat.
07:08 Partout en RDC.
07:09 Et que la question du vivre ensemble,
07:11 qui peut sembler banal, parce que, mine de rien,
07:13 il y a des Congolais qui sont considérés
07:15 comme des étrangers,
07:17 simplement parce qu'ils ont des traits
07:19 qui les rapprochent d'un autre pays voisin.
07:20 Et ça, si on ne le résout pas,
07:23 on aura un foyer dont on aura l'impression
07:25 que le feu est éteint, mais dont les braises
07:27 ne sont pas complètement éteintes.
07:29 Et c'est pourquoi je crois qu'il faut rassembler
07:31 tout le monde, véritablement,
07:32 avec toute la sincérité nécessaire
07:34 pour aller au bout de ce dossier.
07:36 -Merci beaucoup, Louis Magloire,
07:37 pour votre décryptage sur France 24.

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