• l’année dernière
Agressions physiques, maraudes aux allures de patrouilles nazies et intimidations. Depuis la présidentielle 2022 et la campagne d’Éric Zemmour, les actions des groupuscules d’extrême droite dont l’Action française n'ont pas cessé de croître à Poitiers, installant un dangereux climat de tension dans la ville.

Pour vous raconter cela, Lisa Lap et Léo Le Gat sont parti.es à la rencontre d’un militant antifasciste à Poitiers. Si ce dernier n’a pas encore été ciblé par des actions de ces factions d’extrême droite de nombreuses personnes l’ont déjà été. Que ce soit d’autres militants, des personnes racisées ou membre de la communauté LGBT, beaucoup ont été victimes de leur haine fasciste.

Et si ces groupes sévissent aussi librement c’est qu’ils peuvent compter sur l’aide ou du moins sur la cécité dont fait preuve la police poitevine face à cette violence. Les traditions catholiques et réactionnaires sont extrêmement fortes.

Mais le souci est plus profond et s’élargit à toute la France. On parle ici de la généralisation et la banalisation des idées d’extrême droite, dans le débat public, dans les médias mainstream ou à l’assemblée nationale.

Alors pour tenter de comprendre l’origine de cette violence, trois députés ont lancé une enquête face à ce militantisme et si elle ne semble pas amener à de grands résultats, elle a poussé la mairie de Poitiers à demander la dissolution de ces organismes. Est-ce vraiment la solution ? Quel danger face à une enquête sur le militantisme ?

Le militant antifasciste témoigne de ce danger grandissant.

Journaliste : Lisa Lap
Images : Leo Le Gat
Montage : Bérénice Sevestre
Son : Malo Ravelomanantsoa

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Transcription
00:00 On voit que comme il y a une généralisation du discours d'extrême droite,
00:02 on voit que ces gens-là sont beaucoup plus à l'aise à l'assumer.
00:05 Leur arme, c'est donc la violence, les agressions,
00:09 souvent à plusieurs contre des personnes isolées.
00:12 Ça touche particulièrement les militants de gauche,
00:15 mais aussi les personnes racisées et aussi les LGBT.
00:27 Notre collectif, il y a un an, tout pile.
00:31 Donc nous, on s'est formés parce que justement,
00:34 on avait des groupes-scules d'extrême droite
00:36 qui commençaient à s'emprunter à Poitiers.
00:38 Il faut savoir qu'il y a toujours eu une partie d'une droite assez dure,
00:44 une droite réactionnaire et catholique intégriste
00:47 qui a toujours été là, présente à Poitiers.
00:49 Pour les fascistes, pour les gens d'extrême droite,
00:53 Poitiers, ça reste un symbole fort.
00:56 Et puis, il y a eu aussi la première,
00:58 une des premières très grosses actions de génération identitaire en 2008,
01:01 où ils avaient bloqué une mosquée.
01:03 Mais ce qui a vraiment été l'élément déclencheur à Poitiers,
01:08 et d'ailleurs dans plein d'autres petites villes,
01:10 et en tout cas dans l'environnement qu'il y a ici,
01:15 c'est la campagne de Zemmour.
01:18 Au début, il n'y avait pas forcément d'action violente,
01:21 c'était plus un militantisme classique, entre très gros guillemets,
01:25 puisque c'était du collage, c'était du stickage,
01:27 mais il n'y avait pas forcément de maraudes agressives de leur part.
01:32 Un ou deux mois après, là commençaient vraiment les agressions violentes,
01:37 notamment autour de la fac,
01:39 autour de la fac de sciences humaines et arts,
01:44 donc en plein centre-ville,
01:45 où un jour, un militant de gauche rentrait chez lui
01:50 et s'est fait prendre à partie par 13 personnes.
01:53 Donc il a été agressé,
01:55 ils l'ont suivi jusqu'à chez lui,
01:58 et dans la même semaine, il y a eu trois autres agressions.
02:01 Ça s'est monté très vite en tension.
02:04 Un étudiant qui avait un autocollant antifasciste sur son ordinateur
02:08 a été pris à partie par trois personnes
02:10 qui sont rentrées cagoulées dans la fac pour l'agresser.
02:13 Il y a eu énormément de temps à ce que les professeurs,
02:17 la fac, la mairie, réagissent.
02:20 Dans cette même période, ils agressaient aussi des gens
02:23 pas forcément affilés à la gauche,
02:25 mais qui arrachaient des autocollants Zemmour ou des affiches.
02:28 Il y a eu des dégradations aussi sur le planning familial.
02:32 Il faut savoir qu'en fait, à Poitiers, comme c'est une petite ville,
02:36 et je pense que c'est beaucoup l'apanage des petites villes,
02:40 les groupes d'extrême droite fonctionnent tous entre eux.
02:43 Donc notamment, entre l'action française,
02:47 entre les gens de génération Zemmour,
02:49 on sait qu'il y a des gens de génération Zemmour
02:51 qui étaient dans l'action française
02:52 et qui ont aussi participé à des maraudes violentes.
02:55 Il y a aussi la cocarde qui s'est formée.
02:59 Et la cocarde, c'est très important en fait,
03:01 leur arrivée à Poitiers parce qu'ils étiennent le journal "L'étudiant libre".
03:07 Et donc c'est à chaque fois des conférences de "L'étudiant libre"
03:10 ou de la cocarde qui ont mené à des agressions.
03:13 Donc notamment une fois, avec l'ouverture,
03:17 la création de "L'étudiant libre" à Poitiers,
03:19 où ils ont maraudé à plus de 25 dans la ville
03:23 en faisant des saluts nazis, en chantant des chants racistes.
03:26 Lors d'une manif, donc entre les deux tours,
03:29 il y a un camarade à nous, les fachos,
03:31 ils ont réussi à avoir son adresse.
03:34 Et donc cette personne s'est retrouvée une nuit
03:37 avec des militants fascistes qui sont liés à un groupe scul,
03:42 donc qui lui assume vraiment la violence,
03:45 qui s'appelle "Poitiers Nationaliste".
03:47 Et donc il s'est retrouvé avec un tag,
03:50 donc c'est une croix sceptique sur ses volets,
03:52 avec un "on sait qui tuer" devant chez lui.
03:55 Faut savoir que ça a duré une semaine ce harcèlement,
03:59 jusqu'à même, parce qu'un jour ils viennent en plein après-midi devant chez lui,
04:04 à 10, en train de sticker les poteaux devant chez lui.
04:08 Ce camarade a porté plainte,
04:10 et donc cette plainte, elle a été classée sans suite.
04:13 Alors que ce harcèlement-là a été signé par l'extrême droite,
04:16 mais ils n'ont jamais eu à répondre de leurs actes,
04:20 nous on pense que la police est de leur côté, en tout cas sur Poitiers,
04:24 puisqu'il n'y a jamais rien qui a été fait à leur encontre,
04:28 sachant que des fois ils ont fait des maraudes,
04:30 notamment armés avec des barres de fer et des casques de moto.
04:34 À la rentrée, il y a eu un accroissement des violences,
04:36 notamment l'action française,
04:38 qui a ramené plein de sections de l'action française à Poitiers,
04:42 notamment l'action française Paris,
04:44 où ils ont attaqué un bar notamment,
04:47 qui est tenu par une personne arabe.
04:50 Il y a eu aussi une plainte du bar contre eux,
04:53 qui n'a jamais donné suite,
04:55 alors que les fascistes n'hésitent jamais à porter plainte,
04:58 notamment dans le cas des fois où l'auto-défense populaire
05:01 se retourne contre eux.
05:02 Nous on connaît des gens, une personne notamment,
05:06 qui a pris du sursis parce que cette personne s'est défendue
05:10 d'une agression raciste.
05:11 Donc on voit bien que la justice, la police,
05:14 est bien de leur côté.
05:17 Le soir de la demi-finale,
05:19 France-Maroc, deux militants fascistes,
05:22 ont sorti cagouler pour agresser des gens.
05:25 L'objectif, c'était bien de taper des personnes maghrébines,
05:29 ou alors affiler à la gauche, ça on le sait.
05:32 Et donc ce soir-là, la rue les a empêchés en fait,
05:36 mais ils ont quand même réussi à agresser des gens,
05:40 isolés, dans un bar qui a lui aussi porté plainte après.
05:46 Il n'y a encore eu aucune suite.
05:48 Donc nous, la question qu'on s'est toujours posée,
05:50 c'est comment est-ce qu'ils n'ont jamais pu être stoppés ?
05:53 Le point culminant, la dernièrement,
05:56 c'est donc suite à une conférence organisée par la Cocard,
06:02 au tiers-lieu des Feuillants,
06:04 qui est donc un lieu raffilé à la gauche,
06:06 qui s'appelle le Clécom.
06:08 Ce bar-là a toujours été fréquenté par les antifascistes,
06:12 par les syndicalistes,
06:13 et ça a toujours été un peu la cible,
06:16 à chaque fois qu'ils faisaient des maraudes, ils venaient devant.
06:19 Et donc ce soir-là, il y avait des camarades à nous, du collectif,
06:25 mais pas que, d'ailleurs on était même en minorité
06:27 par rapport à tout le monde qu'il y avait.
06:30 Et donc il y a des gens qui ont été agressés suite à une bagarre,
06:34 et surtout suite à une attaque des fachos sur le bar.
06:39 Il faut savoir qu'il y a trois personnes qui ont été blessées ce soir-là,
06:42 dont une de notre collectif qui ne portera pas plainte,
06:46 mais les deux autres ont porté plainte.
06:47 Donc on a tous vu les vidéos,
06:49 c'est vraiment à chaque fois,
06:53 c'est du 3 contre 1 au sol,
06:56 où ils tabassent littéralement, ils mettent un tabac à les gens.
07:00 Notre camarade a une cicatrice maintenant,
07:02 un peu en dessous du sourcil.
07:03 Et derrière, à chaque fois qu'ils font ça,
07:05 ils sortent un communiqué où ils se victimisent,
07:08 où ils disent que ce sont eux qui se sont défendus,
07:11 et que nous les avons attaqués.
07:12 Leur arme, c'est donc la violence, les agressions,
07:16 souvent à plusieurs contre des personnes isolées.
07:19 Mais leur arme, c'est aussi la justice,
07:22 c'est aussi judicieriser toutes les affaires où ils sont mêlés,
07:26 puisque de toute façon, on sait que l'État français,
07:29 la justice française favorisera toujours ces gens-là,
07:32 au profit de gens qui se battent souvent contre le gouvernement,
07:36 pour la justice sociale.
07:38 La fac, quelques semaines avant,
07:40 on s'est réagi suite à l'intimidation d'une personne homosexuelle,
07:47 qui a eu des menaces ad hominem sur lui,
07:53 sur sa porte de chambre Crous,
07:56 donc il y a eu une réaction des professeurs,
07:58 mais pas forcément de la fac en elle-même.
08:01 Suite à ça, le député macroniste Sacha Houllier a réagi,
08:06 pour dire qu'il allait mener une enquête avec deux personnes de la NUPES
08:12 sur le militantisme violent.
08:14 Ils ne vont pas mener une enquête sur l'extrême droite
08:18 ou contre l'extrême droite violente,
08:20 c'est contre le militantisme violent.
08:22 Nous aussi, là, on se pose quelques questions,
08:25 notamment par rapport au militantisme un peu plus offensif
08:30 qui peut aussi exister à gauche,
08:32 notamment par rapport au BASIL en ce moment,
08:34 qui est vraiment une actualité militante très importante
08:41 dans le pas de Fouchard-Hant.
08:42 On se pose aussi la question, par exemple,
08:46 de ce qui peut être considéré comme violent ou pas.
08:49 Nous, on met énormément de réserve,
08:51 même si on n'a pas confiance en cette commission d'enquête.
08:56 Après ça, il y a eu aussi la réaction de la mairie.
09:00 En venant après les commencements des agressions
09:04 et des agissements d'extrême droite en ville à Pâtier,
09:07 la mairie, qui est de gauche,
09:09 ont réagi pour dire qu'ils demandaient la dissolution
09:12 des groupuscules d'extrême droite.
09:13 Nous, en tout cas, dans notre collectif,
09:15 et là je vais peut-être parler un peu plus personnellement,
09:20 on ne croit pas forcément à la dissolution des groupes d'extrême droite.
09:24 En tout cas, on ne croit pas que ce soit la solution,
09:27 puisqu'on voit qu'à Lyon,
09:31 où Génération Lénantitaire a été dissolue,
09:34 ou à Angers, l'Algérien homme aussi qui a été dissous,
09:37 on voit que ces militants-là sont toujours actifs.
09:40 Donc nous, on y met aussi des réserves
09:43 par rapport à cette campagne-là,
09:44 même si nous, on comprend pourquoi.
09:46 Mais en tout cas, nous, ce n'est pas ce qu'on va prôner.
09:49 Nous, ce qu'on va prôner, ça va être l'Anti-Défense Populaire,
09:52 ça va être de faire des événements publics contre l'extrême droite,
09:56 ça va être sensibiliser les gens directement,
09:59 puisque ça touche particulièrement les militants de gauche,
10:02 mais aussi les personnes racisées et aussi les personnes LGBT.
10:09 Le fait que l'extrême droite prenne des ailes avec Bolloré,
10:14 dans les médias, à l'Assemblée Nationale,
10:17 on voit que comme il y a une généralisation du discours d'extrême droite,
10:21 on voit que ces gens-là sont beaucoup plus à l'aise à l'assumer,
10:24 et donc à s'assumer par exemple néo-nazis, royalistes, fascistes.
10:31 On voit que ces gens-là s'assument de plus en plus,
10:33 notamment aussi avec le gouvernement,
10:35 qui est dans une campagne islamophobe assez dure.
10:39 On voit que ça donne aussi des ailes à ces gens-là.
10:42 Quand Darmanin, il trouve que Marine Le Pen est trop molle,
10:46 on voit quel message ça envoie aussi au groupe d'extrême droite.
10:51 Depuis la présidentielle 2022 et la campagne des Ripzembourg,
10:55 les agressions n'ont pas cessé de croître à Poitiers.
10:58 Entre les tags, les intimidations diverses et les agressions physiques,
11:02 un climat de tension s'installe dangereusement dans la ville.
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