_ON A TOUS LES MÊMES ENNEMIS_:_LES PAYSANS AU SECOURS DES CHEMINOTS EN GRÈVE

  • l’année dernière
Mercredi 16 mars, des dizaines de paysans et paysannes de toute la France sont venus apporter deux tonnes de denrées alimentaires aux grévistes des Yvelines, cheminots, énergie et autres branches professionnelles.

Cette action est à l'initiative d'une trentaine de paysan·nes adhérent·es ou sympathisant·es de la Confédération paysanne dans le Gers, les Hautes-Pyrénées et la Haute-Garonne, qui ont lancé un mouvement de solidarité avec les grévistes en donnant pain, confiture, œufs, miel, fromage, pâtés, légumes… Mais aussi du Modef, le Mouvement de défense des exploitants familiaux. Le mot d’ordre de cette action c’est : « Paysans, paysannes, notre métier c'est nourrir, alimentons la lutte ».

Un moment qui a ému aux larmes paysans et travailleurs grévistes, unis malgré les volontés de division du pouvoir. Ils et elles se sont ensuite élancé.es vers le Chateau de Versailles. Lieu symbolique, avec une marche qui a reflété leur détermination, leur émotion mais aussi leur joie d'être réuni.es.

Journaliste : Lisa Lap
Images : Andreï Manivit
Montage : Lorenzo Cottier

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Transcription
00:00 On est arrivé hier soir de toute la France avec plus de 2 tonnes de marchandises.
00:03 On nourrit aujourd'hui 12 assemblées générales de cheminots grévistes.
00:07 On l'a fait et on va le refaire.
00:09 Et ils vont l'enlever cette contre-réforme.
00:10 La dernière fois que les paysans sont montés à Versailles, c'était pas pour rien.
00:13 Ils peuvent essayer de nous arrêter avec des 49.3
00:16 où les votes bloqués, ce sera comme cracher dans un torrent.
00:19 Aujourd'hui, on est le mercredi 15 mars.
00:24 On est devant la gare de Versailles-Chantier
00:27 sur une action menée conjointement avec les camarades de la CGT Cheminots,
00:32 du MoDef et de la Confédération Paysanne
00:34 pour nourrir, alimenter la lutte.
00:38 Alors je suis Isabelle avec mon compagnon.
00:40 On est des tout petits, petits, petits producteurs de canards au fin fond du Gers.
00:45 Et il y a 15 jours, Mathieu Bollereda de la CGT
00:48 est descendu faire une réunion publique sur les retraites chez nous.
00:52 Et à la fin de la réunion, il a dit
00:54 "Eh les copains paysans, vous ne nous monteriez pas à manger ?"
00:57 On a dit oui.
00:59 Et c'est parti comme ça d'une petite opération à 4 ou 5 personnes.
01:02 Et là, on est arrivé hier soir de toute la France,
01:05 la Confédération Paysanne, le MoDef,
01:08 avec plus de 2 tonnes de marchandises
01:10 qu'on va distribuer aux cheminots grévistes
01:12 qui ont déjà perdu pas mal de journées de salaire.
01:15 Donc ils vont remplir un peu le frigo.
01:16 Nous sommes portés par un mouvement populaire aujourd'hui
01:23 et qui va bien au-delà des travailleurs salariés des secteurs traditionnels.
01:26 Et c'est son expression aujourd'hui,
01:28 quand ces petits paysans,
01:30 ces petits exploitants, ces petits propriétaires
01:32 font 800 km pour venir nous apporter
01:36 2 tonnes de nourriture,
01:38 2 tonnes de nourriture,
01:40 de la viande,
01:42 du miel, des confitures,
01:44 des oeufs, des légumes, des fruits,
01:47 de la charcuterie, du fromage,
01:49 bref, toutes les beautés,
01:51 toutes les richesses et les saveurs de l'agriculture paysanne de notre pays.
01:56 Ça c'est beau, ça c'est beau.
01:58 Dans ces paniers de la lutte,
02:01 dans ces sacs-là,
02:03 il y a de l'amour, il y a beaucoup d'amour.
02:05 Il y a des gens qui nous disent qu'ils nous aiment.
02:08 Parce que je vais vous dire quelque chose,
02:10 le pire ennemi dans les grèves reproductibles,
02:12 c'est le sentiment de solitude.
02:15 C'est l'impression d'être seul,
02:17 et l'impression qu'on ne va pas y arriver.
02:18 Parce qu'en face on a des gens trop forts,
02:20 qui ont des millions,
02:22 qui ont des CRS,
02:24 qui ont des titres, des stock options,
02:27 mais nous, nous n'avons pas de millions,
02:29 mais nous sommes des millions,
02:30 et nous produisons toutes les richesses du monde,
02:33 et on partage !
02:35 Venez,
02:39 on va récupérer.
02:40 Alors,
02:43 allez les camarades de TRAC,
02:45 de chacun un remport.
02:48 Alors on a activé le réseau des copains d'abord,
02:50 on travaille sur les marchés,
02:51 on ne fait que de la vente directe,
02:52 donc sur un marché c'est très facile,
02:53 on va voir les copains, ils mettent des trucs,
02:55 le réseau Confédération Paysanne.
02:57 On a des particuliers qui nous ont amené des confitures,
03:00 qui nous ont amené ce qu'ils avaient chez eux,
03:02 plein de gens qui ont très très peu de sous,
03:04 qui ne savent pas trop comment lutter,
03:06 et qui ne savaient pas,
03:07 qui se disent "on est au fin fond de la campagne,
03:08 qu'est-ce qu'on peut faire pour aider,
03:09 qu'est-ce qu'on peut faire pour lutter ?"
03:11 Et là ils ont trouvé.
03:12 Voilà, notre métier c'est nourrir, alimentons la lutte.
03:15 Ils ont trouvé.
03:16 La force du travailleur sur la grève,
03:18 la force de la solidarité.
03:20 On est là !
03:21 On est là la solidarité !
03:23 Ça fait super plaisir,
03:25 j'espère qu'ils vont se faire un bon gueulotin,
03:27 parce que ces produits-là,
03:29 on ne les a pas dans les rayons des supermarchés,
03:31 par contre on les a sur les tables de tous les grands restaurants,
03:34 où tous ces gens-là ne vont jamais.
03:36 Dans tous nos chars politiques,
03:37 on mange régulièrement ces produits excellents,
03:40 mais par contre, les travailleurs, beaucoup moins,
03:43 ils n'ont pas les moyens.
03:44 Donc voilà, c'est autant qu'ils n'auront pas.
03:47 Merci.
03:49 Merci, c'est gentil.
03:50 Comment tu te sens là ?
03:51 J'ai vu beaucoup de larmes.
03:53 Alors, il y avait deux choses.
03:54 Moi, je retiens deux choses dans les émotions.
03:57 D'abord, la détermination elle est globale,
04:00 de tout le monde, ça c'est fort.
04:02 Mais j'ai vu des salariés émus,
04:04 très émus aux larmes, de ce geste.
04:07 C'est Sana, c'est Jimmy,
04:10 c'est Fatoumata,
04:12 c'est Erwann, c'est Julien,
04:14 c'est des gens qui ont deux, trois enfants,
04:16 qui se posent des questions,
04:17 est-ce que je peux continuer à être en grève ?
04:19 Et qui là, se disent, je peux y aller, on continue.
04:22 Mais j'ai vu aussi les sourires des paysans
04:25 quand on prenait les choses.
04:27 Et ça, c'était un soleil aussi, c'était un rayon de soleil.
04:30 Donc c'était un moment fort
04:32 et qui va nous donner du boost pour continuer.
04:35 On va passer la semaine,
04:36 et encore la semaine prochaine,
04:37 et on va aller au vote.
04:39 C'est important de donner au case de grève,
04:43 c'est la moindre des choses.
04:45 Je ne suis pas une grosse retraite,
04:47 mais il y a pire que moi,
04:48 et c'est bien de faire la grève.
04:49 Enfin, c'est bien.
04:51 De façon de parler, ils n'ont pas le choix.
04:53 Et si on veut arrêter tout ça,
04:55 il n'y a que ce moyen-là, de toute façon.
04:57 Il y a mon grand-père, il est là-bas,
04:59 vous voyez là-bas,
05:00 le monsieur chauve qui brille,
05:01 son front, il brille là-bas.
05:02 C'est mon grand-père là-bas,
05:03 il est éboueur.
05:04 C'est un méchant.
05:05 C'est important de regarder Paris sans les éboueurs.
05:07 Et du coup, c'est pour ça que je suis là.
05:09 C'est pour l'honorer,
05:10 parce qu'il ne veut pas travailler toute sa vie.
05:12 Bosser jusqu'à 64 ans, c'est trop long.
05:14 Avant la retraite, c'était beaucoup plus tôt.
05:16 Là, vous voyez plein de gens différents qui se sont réunis,
05:18 ça vous fait quoi ?
05:19 C'est un effet de solidarité.
05:21 Vraiment de la solidarité,
05:23 très bien organisée.
05:25 Et c'est voilà.
05:26 Il y a encore certaines personnes pour qui ça compte,
05:29 dans la vie.
05:30 Ça vous donne de l'espoir.
05:31 Oui, oui, c'est ça.
05:33 Aujourd'hui, c'est beau ce qu'on a fait.
05:38 C'est de la pure solidarité.
05:40 Là, on a amené de la générosité,
05:46 de la solidarité,
05:47 et on a amené à manger.
05:48 Voilà, c'est symbolique.
05:49 On a amené notre cœur de métier,
05:51 et on leur a offert.
05:53 Je pense qu'ils sont très ravis.
05:55 Voilà, ça y est, c'est en train de monter,
05:56 un peu d'émotion.
05:57 Et on l'a fait.
05:59 Et on va le refaire.
06:00 Et ils vont l'enlever, cette contre-réforme.
06:02 Ils vont l'enlever.
06:03 Il y a Emmanuel Macron au Salon de l'Agriculture,
06:05 qui avait dit que les agriculteurs,
06:06 ils ne comptent pas leurs heures,
06:07 ils prennent les week-ends.
06:08 Vous, vous êtes agricultrice,
06:09 vous êtes paysanne,
06:10 qu'est-ce que vous avez à répondre
06:11 à cette phrase d'Emmanuel Macron ?
06:12 Je ne compte pas mes heures,
06:13 je ne prends pas de week-end,
06:14 j'ai mal partout,
06:15 mon corps, il est déjà cassé.
06:16 Et, monsieur Macron,
06:17 je ne souhaite ça à personne,
06:18 mais vraiment à personne.
06:20 Et au niveau des retraites,
06:21 il y a des régimes spéciaux.
06:22 Alors, effectivement,
06:23 pour la suppression des régimes spéciaux,
06:25 on prend le meilleur,
06:26 et on l'applique à tout le monde,
06:28 parce que l'argent, il est là.
06:29 Et tous ensemble,
06:30 à propos de la division,
06:31 on a tous les mêmes ennemis.
06:33 Nos ennemis,
06:34 ce ne sont pas les gens qui sont au RSA
06:36 ou les gens qui gagnent 4 000 euros.
06:38 Nos ennemis,
06:39 ils ont 9 0 sur leur compte bancaire.
06:41 Et c'est eux qui sont en train
06:43 de prendre tout, tout, tout, tout.
06:46 Et tous les autres,
06:47 il faudrait qu'on soit ensemble
06:49 pour rééquilibrer un peu les choses.
06:51 Repousser l'âge de la retraite,
06:52 ça va aggraver cette situation.
06:55 Il faut savoir quand même
06:56 que les compagnes d'agriculteurs,
06:58 la carrière H, c'est la même,
07:00 elles ont des statuts très compliqués.
07:02 Les agriculteurs sont ridicules.
07:04 Chez nous, les éleveurs
07:06 disparaissent les uns après les autres.
07:08 Pourquoi ?
07:09 Parce que c'est la grande distribution
07:11 qui se taille la part du gâteau.
07:13 Les consommateurs payent,
07:14 nous on trime.
07:15 Et qui c'est qui s'engraisse ?
07:16 Toujours les mêmes.
07:17 Toujours les mêmes,
07:18 ces grosses firmes capitalistes
07:20 qui étouffent le consommateur
07:22 et le producteur.
07:23 On va se retrouver,
07:24 mais très rapidement,
07:26 avec uniquement des entreprises énormes
07:29 qui vont exploiter les terres,
07:31 qui vont produire une nourriture industrielle.
07:33 On nous parle beaucoup
07:35 de souveraineté alimentaire,
07:37 mais l'alimentation,
07:38 on peut en produire beaucoup,
07:40 très bien,
07:41 en créant des emplois,
07:43 en produisant une alimentation de qualité.
07:45 On peut vivre,
07:47 nous on peut vivre à deux
07:48 avec notre mini-exploitation,
07:51 sans abîmer la planète,
07:52 sans abîmer les gens,
07:53 en faisant de la vente directe,
07:55 en restant à des prix corrects.
07:56 Ces gens-là,
07:57 et qui ont des retraites de merde,
08:00 des retraites de misère,
08:02 ils donnent leur vie pour la nation,
08:05 ils donnent leur vie pour la population,
08:07 et bien souvent,
08:08 ils ont une rétribution
08:09 très en-dessous de ce qu'ils produisent
08:11 et de ce qu'ils offrent à la population.
08:14 Cette action, d'abord,
08:16 il montre que c'est toute la France
08:18 du travail,
08:19 et pas seulement les salariés,
08:22 mais même les petits exploitants,
08:23 les petits patrons
08:24 qui sont en lutte contre cette réforme,
08:27 et que c'est la solidarité
08:30 qui nous permettra de tenir
08:31 et d'aller jusqu'au bout.
08:32 Ça, ça nous donne un coup de boost
08:33 pour pouvoir tenir.
08:34 On nourrit aujourd'hui
08:36 12 assemblées générales
08:37 de cheminots grévistes
08:38 et de copains de DFGDF.
08:40 C'est un événement extraordinaire.
08:42 Et là, on n'est pas seuls.
08:44 Des gens nous aiment,
08:45 et le montrent.
08:46 La retraite à 60 ans !
08:49 On s'est battus pour la gagner,
08:51 on se battra pour la garder !
08:53 La retraite à 60 ans !
08:56 On s'est battus pour la gagner,
08:58 on se battra pour la garder !
09:00 La retraite !
09:02 Cette lutte contre la réforme des retraites,
09:04 elle ne se passe pas qu'à Paris,
09:05 on l'a vu dans les villes moyennes.
09:06 C'est la France des grandes métropoles
09:08 et des zones urbaines.
09:09 C'est la France des banlieues et des villages.
09:11 C'est la France des villes et des campagnes
09:13 aujourd'hui,
09:14 qui s'opposent tous ensemble,
09:15 telle une lame de fond,
09:17 à Macron et à ses maîtres,
09:19 les magnats du 440.
09:21 Ils peuvent essayer de nous arrêter
09:23 avec des 49.3,
09:25 ou des votes bloqués,
09:27 ce sera comme cracher dans un torrent.
09:29 Cette lame de fond, elle est là,
09:31 elle n'est pas prête de se baisser.
09:33 C'est beau quand les travailleurs
09:54 se mettent tous ensemble.
09:56 Ça fait 40 ans qu'on prend baigne sur baigne,
09:59 on ne fait que reculer.
10:01 Aujourd'hui, je crois que là,
10:03 on est en face d'un mouvement social
10:06 qui veut avancer.
10:07 Non seulement on ne veut pas de cette contre-réforme,
10:09 mais en plus,
10:11 on veut manger la brioche !
10:13 Le symbole de Versailles nous a bien plu.
10:15 La dernière fois que les paysans
10:17 sont montés à Versailles,
10:18 ce n'était pas pour rien.
10:19 Ça s'est très bien passé,
10:20 pas pour tout le monde.
10:21 C'est un peu ce que disaient les communards.
10:22 Et on est dans la ville de Versailles
10:24 où les derniers ont été assassinés, jugés, déportés.
10:27 L'appel des communards au travail lors des campagnes
10:30 se termine par la terre aux paysans,
10:32 l'outil à l'ouvrier, le travail pour tous.
10:34 Je pense que c'est une très belle maxime
10:36 aujourd'hui dans cette ville de Versailles
10:37 que portent les grévistes et les paysans.
10:40 Sous-titrage Société Radio-Canada
10:42 © Sous-titrage Société Radio-Canada
10:44 © Sous-titrage Société Radio-Canada
10:46 © Sous-titrage Société Radio-Canada
10:48 © Sous-titrage Société Radio-Canada
10:50 Merci à tous !
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