Mégabassine à Sainte-Soline, la manifestation qui a tourné au chaos : Anthony Cortes journaliste à Marianne et co-auteur avec Sébastien Leurquin de "L'affrontement qui vient, de l'éco-résistance à l'éco-terrorisme ?" aux éditions du Rocher (mars 2023) est l'invité de 6h20. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-lundi-27-mars-2023-8949745
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00:00 Il est 6h20, le week-end a été marqué par de violents affrontements entre manifestants
00:12 et forces de l'ordre à Sainte-Sauline dans les Deux-Sèvres en marge de rassemblement
00:16 organisé pour dénoncer la construction de réserves d'eau gigantesques, des réserves
00:20 destinées à l'irrigation de certaines exploitations agricoles.
00:23 Dernier bilan selon le parquet, 47 blessés chez les gendarmes dont deux graves, 7 parmi
00:28 les manifestants dont un qui se trouve dans le coma.
00:30 Les organisateurs parlent de 200 manifestants blessés et les deux camps se rejettent la
00:35 responsabilité des violences.
00:36 Bonjour Anthony Cortès, vous êtes journaliste à Marianne et vous venez de publier avec
00:40 un autre journaliste Sébastien Leurquin un livre en quête qui s'intitule "L'affrontement
00:45 qui vient de l'éco-résistance à l'éco-terrorisme".
00:48 Pour vous ce qui s'est passé ce week-end illustre parfaitement ce que vous racontez
00:51 dans votre livre, à savoir cette escalade de la violence entre deux camps irréconciliables.
00:56 Oui totalement, c'est vrai qu'on a vu deux camps irréconciliables incapables de dialoguer
01:00 ce week-end.
01:01 Alors d'un côté on avait l'État qui montrait davantage les muscles, qui montrait toute
01:04 sa puissance répressive et qui continue à essayer de disqualifier le mouvement écologiste
01:09 par la voix des représentants de l'État, notamment le ministre de l'Intérieur et
01:13 de l'autre côté des écologistes qui sont totalement décidés à durcir aussi leurs
01:18 actions et à défier l'État et un système qu'ils entendent renverser.
01:23 Après le week-end, après ces incidents-là, on voit deux camps encore incapables de dialoguer
01:27 et qui continuent à se renvoyer la responsabilité.
01:31 Bref, malheureusement on a l'impression qu'on va vers l'affrontement plutôt que
01:34 vers la coopération.
01:35 Mais côté manifestants, est-on sûr qu'il s'agissait uniquement de militants écologistes
01:40 radicaux, radicalisés comme vous les appelez ? Est-ce qu'il y avait aussi des éléments
01:44 extérieurs qui ont profité de cette mobilisation pour en découvrir avec les forces de l'ordre
01:49 sans motivation écologiste particulière ?
01:51 Alors c'est vrai que c'est plus complexe que ce qu'on entend dans les médias ces
01:54 derniers temps.
01:55 Alors d'abord ce qu'il faut dire avant de parler de la composition très concrète,
02:00 c'est de dire que c'est organisé par les soulèvements de la terre.
02:02 Les soulèvements de la terre, c'est une organisation écologiste qui est née à Notre-Dame-des-Landes
02:06 en 2021.
02:07 Et les soulèvements de la terre veulent justement faire une union des écologistes traditionnels
02:11 et de l'ultra gauche, l'ultra gauche notamment, les antifascistes et les libertaires, parce
02:18 que ça s'inscrit dans une tradition et dans une stratégie qui est celle du flanc radical,
02:22 c'est-à-dire se servir d'éléments radicaux pour faire planer l'idée d'une menace,
02:27 afin d'amener le pouvoir à discuter avec le flanc modéré.
02:30 Normalement on ne doit pas saisir de la violence.
02:31 Mais là, cette fois-ci, j'ai l'impression que les soulèvements de la terre se sont
02:35 faits un petit peu piégés par cette stratégie, parce que ce qu'il faut savoir c'est qu'ils
02:38 ont fait un tour d'Europe pour ramener ces groupes-là, des groupes écologistes mais
02:42 aussi des groupes d'ultra gauche, afin de grandir et de durcir la mobilisation.
02:47 Et finalement, ceux qui ont commis la violence sont plutôt ceux qui sont adeptes des pratiques
02:52 de bloc-bloc, malheureusement qui sont notamment étrangers à la cause écologiste, mais qui
02:58 sont connus pour leur opportunisme.
02:59 Et aujourd'hui, ils se greffent à la cause écologiste parce qu'elle justifie tous les
03:02 moyens.
03:03 On est dans le contexte d'urgence climatique.
03:05 Et cette nouvelle stratégie, est-ce qu'elle crée des tiraillements au sein des militants
03:08 écologistes ?
03:09 Oui bien sûr, parce que le mouvement écologiste a une tradition pacifiste et elle est encore
03:13 là, majoritairement, dans le mouvement, quand on parle aux militants, ils rejettent l'idée
03:18 de violence.
03:19 Simplement aujourd'hui...
03:20 Elle a déjà eu, José Bové quand il démonte un McDo à Millau, il le fait pas avec des
03:23 pâquerettes.
03:24 Totalement.
03:25 Ceux qui fauchent les champs d'EGM, il y a aussi Greenpeace quand ils s'en prennent
03:28 aux centrales nucléaires, c'est pas quelque chose de nouveau quand même de passer à
03:30 l'action ?
03:31 C'est pas quelque chose de nouveau mais c'est en retour en fait, c'est en retour aux sources.
03:34 C'est d'ailleurs la stratégie des soulèvements de la Terre qui est le mouvement en vogue
03:37 et qui était hier à la manœuvre, c'est de revenir aux origines notamment des luttes
03:41 du Larzac avec des luttes décentralisées, des actions beaucoup plus directes pour essayer
03:46 d'installer un rapport de force et de gagner un bras de fer avec l'État mais aussi avec
03:50 les entreprises jugées et considères.
03:52 Ensuite, est-ce que ces violences sont rejetées par le mouvement ? Oui, les violences qu'on
03:57 a vues là, oui.
03:58 En revanche, l'envie d'en découdre et l'envie de secouer un système, elle est là parce
04:02 que les militants sont frustrés, notamment de l'inaction climatique du pouvoir aujourd'hui.
04:06 Et ils se disent, manifester à Paris ça sert plus à rien, c'est pour ça que vous
04:10 dites des manifestations décentralisées, ils vont là où ça se passe.
04:13 Oui c'est ça, parce qu'il faut se souvenir des marches pro-climat au milieu des années
04:16 2010, ça avait suscité un engouement certain, on voyait la jeunesse se politiser à nouveau
04:21 par l'écologie, reprendre son destin à main et même reprendre espoir mais ça a
04:25 été suivi de déceptions donc oui aujourd'hui on a envie d'actions beaucoup plus concrètes.
04:30 Et de l'autre côté justement, puisque vous dénoncez un face à face qui se tend,
04:33 ça veut dire aussi une forme de radicalisation de la part des pouvoirs publics et donc des
04:36 forces de l'ordre ? Oui totalement, parce qu'on a vu hier, ça
04:39 illustre totalement le durcissement d'abord de la répression mais aussi la méfiance
04:43 de l'État vis-à-vis des mouvements écologistes.
04:45 Notamment dans le quinquennat, les deux quinquennats d'Emmanuel Macron parce que depuis qu'Emmanuel
04:51 Macron est arrivé au pouvoir, les lois se sont durcies contre les écologistes avec
04:57 une répression totalement accrue et on le voit sur différents lieux de lutte qu'on
05:02 a exploré en reportage dans notre livre avec des lois parfois réservées à l'antiterrorisme
05:07 qui sont appliquées sur les mouvements écologistes.
05:10 Donc hier on a vu une traduction très concrète de ce durcissement.
05:15 Mais est-ce qu'on peut parler d'éco-terrorisme comme le fait Gérald Darmanin ?
05:18 Non pas du tout, évidemment c'est totalement excessif parce que d'abord il faut se demander
05:21 ce qu'est l'éco-terrorisme, c'est une atteinte au bien et aux personnes.
05:25 Aujourd'hui la ligne rouge du mouvement écologiste c'est évidemment l'atteinte
05:28 aux vivants, l'atteinte aux personnes.
05:30 En revanche, on peut tout de même se demander s'il n'y a pas un risque d'éco-terrorisme.
05:35 Quand on parle au service de renseignement, ils nous disent que ça ne viendra pas du
05:38 mouvement écologiste, ça ne viendra pas de tel ou tel groupe.
05:40 Donc les services de renseignement, vous en avez rencontré et ils déjugent le ministre.
05:44 Ils déjugent tout en même ministre.
05:46 Les services de renseignement nous disent que le ministre doit avoir des informations
05:49 que nous n'avons pas.
05:50 Donc ça dit quelque chose et eux-mêmes pointent le coup politique du ministre.
05:54 En revanche ce qu'ils disent c'est qu'il y a un risque possiblement d'un passage
06:00 à l'acte d'un loup solitaire qui viendrait plutôt de l'ultra gauche.
06:03 Et quand on parle au service de renseignement, ils parlent d'un précédent.
06:06 C'était en mai 2021 en Allemagne, une tentative d'un attentat contre une gigafactory Tesla
06:11 dans l'ouest de l'Allemagne.
06:12 C'était un groupe d'ultra gauche avec des prétextes écologistes.
06:15 Donc ça pourrait, si on se projette, venir de ce côté là plutôt.
06:19 Et pour prolonger la discussion, j'invite vraiment nos auditeurs à lire votre livre
06:23 qui est sorti au début du mois.
06:25 C'est tout neuf.
06:26 L'affrontement qui vient de l'éco-résistance à l'éco-terrorisme, pour l'interrogation.
06:30 Vous l'avez écrit avec Sébastien Leurquin.
06:33 Merci beaucoup Anthony Cortès.
06:35 Ce livre a été publié par les éditions du Rocher.
06:37 Et je précise que l'invité du Grand Entretien à 8h20 sur France Inter, c'est Christophe
06:41 Béchut, le ministre de la Transition écologique.