Alain Raoul : "De plus en plus de gens sont laissés au bord du chemin"

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Alain Raoul, président de Nexem, organisation représentant les employeurs du social et médico-social, alerte sur le manque de moyens du secteur. Il était l'invité du 6h20 de France Inter mardi 31 octobre.

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Transcription
00:00 6h21, leur campagne s'appelle « Solidarité en danger », les employeurs associatifs du
00:05 social et du médico-social lancent un appel à l'aide.
00:07 Il manque de moyens pour accompagner les personnes en difficulté et de personnel parce que les
00:12 salaires ne sont pas attractifs.
00:13 Bonjour Alain Raoul.
00:14 Bonjour.
00:15 Vous êtes le président de Nexem, le principal syndicat d'employeurs associatifs.
00:19 Vous représentez plus de 11 000 établissements.
00:22 Côté salariés, pour faire simple, ça va de l'aide-soignant aux éducateurs.
00:25 Il y en a environ 1 million en France pour 10 millions de personnes vulnérables.
00:30 Grand âge, enfance, handicap, vous balayez tous ces secteurs.
00:34 Et votre colère est forte aujourd'hui.
00:36 Au même titre que les restos du cœur qui n'arrivent pas à servir tout le monde, vous
00:39 dites « on est arrivé à un point de rupture ».
00:41 Oui, on est arrivé à un point de rupture parce que nous n'avons plus les moyens de
00:46 tenir la promesse républicaine de solidarité et de fraternité.
00:49 Et que beaucoup de gens et de plus en plus de gens sont laissés au bord du chemin.
00:53 C'est ça qui nous inquiète.
00:55 Et nos salariés, ce sont les artisans de la cohésion sociale.
01:01 Et nous n'avons plus les moyens de… C'est la cohésion sociale qui est mise à mal dans
01:05 notre pays.
01:06 Et nous n'avons plus les moyens d'accompagner toutes ces personnes aux difficultés.
01:10 Alors concrètement, sur le terrain, ça se traduit comment ?
01:12 Alors sur le terrain, ça se traduit par une pénurie de personnel.
01:16 Actuellement, il nous manque 50 000 postes.
01:18 50 000 postes pour accompagner les personnes.
01:21 Ce qui fait qu'il y a des établissements qui fonctionnent à demi ou à trois quarts
01:26 parce qu'il n'y a pas les personnes, les professionnels qui sont nécessaires pour
01:31 accompagner les personnes en difficulté.
01:33 Et ce personnel qui manque aussi, vous critiquez le fait que les salaires n'aient pas été
01:38 augmentés.
01:39 Alors les salaires ont été augmentés, mais de peu en fait.
01:44 Ça ne suit pas l'inflation, premièrement.
01:45 Deuxièmement, il y a un certain nombre de salariés qui n'ont pas bénéficié du
01:49 Ségur de la santé.
01:50 Donc des 183 euros net.
01:52 Donc il y a un tiers environ des professionnels qui n'ont pas ces sommes.
01:56 Et il faut savoir que le salaire moyen de nos professionnels est 25% inférieur au
02:03 salaire moyen des autres branches d'activité.
02:05 Mais ça veut dire, Alain Raoul, que ce personnel-là peut se retrouver dans une situation des gens
02:11 qu'ils aident, c'est-à-dire de personnes vulnérables ?
02:13 Exactement.
02:14 Les salaires d'embauche sont… Il y a 10 ans, quand on embauchait un éducateur spécialisé,
02:21 son salaire c'était 1,6 SMIC.
02:23 Actuellement c'est 1,1.
02:25 Ça veut dire qu'on a des gens qui démarrent dans les métiers, qui n'ont pas les moyens
02:29 de se loger, qui logent dans leur voiture, qui logent dans des résidences sociales.
02:32 Ça devient inacceptable.
02:34 C'est-à-dire qu'on est en train, dans notre secteur, de créer des travailleurs
02:37 pauvres.
02:38 Le public aussi que vous accueillez a changé ?
02:40 Le public… Oui, il y a un accroissement.
02:45 C'est l'accroissement en fait.
02:48 Notamment, le souci, c'est les personnes vieillissantes qui sont en perte d'autonomie.
02:53 Il y a 10% de la population qui a plus de 75 ans.
02:58 Ce sont des gens qui ont besoin d'être accompagnés.
03:00 Et puis il y a aussi tout le phénomène de violences, des violences intrafamiliales,
03:07 des femmes victimes de violences, des enfants victimes de violences.
03:10 Ce sont des personnes que nous devons accompagner et nous n'avons pas les moyens nécessaires
03:14 pour le faire, malgré les promesses qui nous sont faites.
03:17 Alors on y vient.
03:18 Elisabeth Born a présenté le plan précarité en septembre.
03:21 Il y a des mesures annoncées, augmentation de 50% des crédits dédiés à la lutte contre
03:24 la pauvreté, création de 200 000 places de crèche d'ici 2030, distribution de petits
03:28 déjeuners gratuits à l'école, 230 000 places… 203 000 places d'hébergement,
03:32 d'urgence conservée.
03:33 Ça, c'est pas suffisant ?
03:34 C'est pas suffisant parce qu'il y a une avancée qui est faite mais elle n'est
03:39 pas suffisante par rapport aux besoins qui s'expriment.
03:42 Mais l'urgence, elle est où aujourd'hui Alain Raoul ?
03:44 L'urgence, elle est d'avoir des politiques qui soient cohérentes.
03:49 Les politiques publiques qui nous concernent ne prennent pas en compte une vision systémique
03:55 de notre secteur.
03:57 Quand quelqu'un est en précarité, il y a des problèmes d'emploi mais il y a aussi
04:02 des problèmes de logement, mais il y a aussi des problèmes de santé.
04:04 Donc il faudrait avoir une vision systémique de ces politiques publiques qui permettent
04:08 d'accompagner les personnes dans leur parcours.
04:11 Alors, Mathieu Klein, maire socialiste de Nancy et le président du Haut Conseil du
04:16 Travail Social doit rendre mi-novembre son livre blanc sur le travail social.
04:20 Vous, vous en attendez quoi ?
04:22 On attend cette reconnaissance du travail qui est fait.
04:26 Nos professionnels, ils sont invisibles en fait.
04:29 Ils n'existent pas aux yeux de l'opinion publique.
04:32 Or, ce qu'il faut savoir c'est que chacun peut devenir vulnérable.
04:36 Et que, effectivement, les gens qui sont accompagnés dans le secteur du handicap,
04:41 dans le secteur de l'enfant, reconnaissent le travail qui est fait.
04:43 Mais le grand public ne le connaît pas.
04:45 Donc ce que nous souhaitons, c'est révéler, comme ça a été fait pour le personnel du
04:49 sanitaire, que nos professionnels sont indispensables pour la cohésion sociale de notre pays.
04:55 Ce sont des artisans de la cohésion sociale.
04:57 D'où l'idée de ce mouvement, très rapidement, les solutions immédiates.
05:01 Les solutions immédiates, c'est revaloriser les salaires, de manière à ce qu'on puisse
05:07 permettre aux gens, à nos professionnels, de vivre de leur travail.
05:11 C'est vraiment la mesure immédiate qui doit être prise.
05:14 Et puis, nous demandons une campagne nationale pour montrer ce que sont nos métiers et pour
05:21 pouvoir aider au recrutement de nos professionnels.
05:24 Ce sont des métiers qui ont du sens.
05:27 Mais les conditions dans lesquelles il est exercé actuellement, fait que beaucoup de
05:31 personnels se découragent.
05:33 Merci beaucoup à Raoul, président de Nexem, le principal syndicat d'employeurs associatifs
05:38 du social et du médico-social.
05:39 Vous étiez l'invité du 5/7.

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