• l’année dernière
Marc Dugain pour la publication de son livre "Tsunami" (Albin Michel mars 2023) est l'invité de 6h20. Un ouvrage où l'actualité politique, écologique et sociale est très présente en filigrane... Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-jeudi-30-mars-2023-9673899

Category

🗞
News
Transcription
00:00 Il est 6h19, bonjour Marc Duguin.
00:10 Bonjour.
00:11 Marc Duguin, vous publiez aujourd'hui votre dernier roman « Tsunami » chez Albin Michel.
00:15 Comment le résumer sans divulgager l'ensemble ? C'est un peu compliqué.
00:19 C'est l'histoire d'un jeune président insomniac élu par hasard, milliardaire avant
00:23 d'être président, où les difficultés vont s'amonceler au fil des jours.
00:26 Ça commence par un projet de loi autour du réchauffement climatique, destiné à
00:30 responsabiliser les citoyens avec le concours du numérique.
00:34 Et ça, ça suscite la colère de nombreux Français.
00:37 Alors voilà Marc Duguin qui n'est pas sans susciter un écho à une certaine actualité.
00:41 Et on va y venir.
00:42 Mais d'abord, moi c'est un roman que vous avez écrit à la première personne, celui
00:47 qui s'adresse au lecteur et le président.
00:49 Et dès le début, il fait un aveu.
00:52 Ce livre existe pour retrouver l'homme que ma fonction ne me permet plus d'être.
00:56 Je sais parfaitement mentir.
00:57 Oui, parce qu'en fait, ce que j'ai voulu faire, c'était vraiment la chronique à
01:04 la première personne.
01:05 Vous l'avez dit, parce que je trouve que c'est beaucoup plus intéressant.
01:07 Et même moi, pour écrire, je suis plus à l'aise quand j'écris à la première
01:11 personne, quand je me mets à la place.
01:12 J'avais fait un livre comme ça sur un tuant en série aux Etats-Unis et je m'étais
01:17 mis à sa place.
01:18 J'avais vécu dans les endroits où il était.
01:20 Et je trouve que c'est beaucoup plus fort.
01:22 Et là, effectivement, on a un président à la première personne qui parle de sa vie
01:28 avec beaucoup de sincérité, ce qui est assez rare pour un président, pendant trois semaines.
01:34 C'est vraiment trois semaines de sa vie pendant lesquelles il propose un changement
01:40 majeur qui est qu'en fait, le bilan carbone individuel de chaque Français soit pris en
01:48 compte et donne lieu soit à des récompenses fiscales, soit à des pénalités fiscales.
01:53 Et ce texte qui pense tout à fait...
01:57 En fait, c'est l'idée qu'on n'y arrivera pas sur le plan écologique avec les entreprises.
02:05 De toute façon, on sait très bien que les entreprises, pour la plupart, font du greenwashing.
02:08 Elles vous disent "oui, oui, on est formidable sur le plan carbone parce qu'on a planté
02:12 trois arbres à l'autre bout de la planète".
02:14 Et donc, il se dit "je vais passer par la demande plutôt que d'être par l'offre".
02:18 Mais à ce moment-là, évidemment, ça pose des problèmes parce qu'on n'est pas préparé
02:24 à ce que d'un coup, on ait devant nous notre bilan carbone individuel.
02:28 Moi, j'ai fait le mien, par exemple, il n'y a pas longtemps, avec mon fils.
02:31 On a des surprises quand même.
02:33 Et donc, voilà, c'est parti de ça.
02:35 Et évidemment, après, ça dégénère.
02:38 - Ça dégénère.
02:39 On lui dit dès le départ "on n'aura pas la majorité au Parlement, on sera même lâché
02:43 par les députés de notre camp".
02:44 Et il dit ceci "ça ne se fera pas sans heurts, mais tant pis".
02:48 Et il parle aussi des Français qui sont bouillonnants, mais ils refroidissent plus vite qu'on ne
02:53 le pense.
02:54 Moi, je me suis dit en lisant le livre, j'ai dit "mais quand est-ce que vous l'avez écrit ?".
02:57 Parce que ça fait penser quand même, il y a un côté prémonitoire.
02:59 - J'ai écrit il y a un an.
03:01 - Il y a un an ?
03:02 - J'ai écrit il y a un an.
03:03 Vous savez, les livres, le temps, d'abord, moi, je prends beaucoup de temps entre le
03:08 moment où j'écris et ensuite le moment où je publie.
03:10 Et je l'ai écrit, je l'ai écrit il y a un an.
03:12 Alors oui, il se trouve qu'il est un peu prémonitoire.
03:14 J'étais assez évidemment étonné.
03:16 - Vous avez été surpris ou pas ?
03:18 - Je n'ai pas vraiment été surpris parce que je le sentais.
03:21 Pourquoi j'ai fait ce livre ?
03:22 C'est parce que c'est un livre, j'avais très envie de parler de la démocratie française
03:28 aujourd'hui et de la question de la représentativité et de la menace qui pèse sur nos démocraties
03:34 à un moment où on a quand même des régimes totalitaires qui sont déjà en place depuis
03:39 un moment, mais qui commencent à prendre une vigueur particulière.
03:42 Et je trouve que tout ça concordait au moment où j'ai écrit.
03:46 C'était vraiment l'idée.
03:47 C'était de parler de cette démocratie un peu fatiguée qui est la nôtre, qui en même
03:51 temps est extrêmement précieuse.
03:53 - Mais en même temps, tout le monde en prend pour son grade.
03:55 Les réseaux, les gars, femmes qui l'ont aidé à être élu, les médias pour qui il faut
04:03 faire quelque chose de spectaculaire si on veut être suivi.
04:05 Parce que dans l'histoire, il faut le dire aussi, il y a une députée de son camp qui
04:09 va être tuée par une personne déséquilibrée, mais qui va dire aux enquêteurs pour être
04:13 spectaculaire, il faut être vu.
04:15 Tout le monde en prend pour son grade dans votre moment.
04:18 - Oui, parce qu'en fait, on est tous responsables de l'état de notre démocratie.
04:24 On ne peut pas uniquement...
04:25 C'est vrai que le problème qu'il y a aujourd'hui, en ce moment, c'est le fait d'avoir un président
04:35 qui n'est pas totalement légitime puisqu'il a été élu finalement avec 20% des voix.
04:42 Et la Ve République prévoyait qu'il élargisse ensuite.
04:47 C'est-à-dire, c'est ça l'idée de la Ve République.
04:48 Au premier tour, vous avez 20%, c'est un cinquième des voix.
04:52 Puis ensuite, vous élargissez.
04:53 Il n'a pas élargi.
04:54 Et il pense qu'il a la majorité avec 20%.
04:58 C'est ça son problème aujourd'hui.
04:59 Et c'est tout ça que j'essaye de mettre un peu en musique.
05:03 C'est-à-dire la sous-représentativité de notre système.
05:07 Parce qu'en plus, ce n'est pas forcément notre constitution qui n'est pas bonne.
05:10 C'est ce qu'elle est devenue.
05:12 Au départ, président au-dessus des partis, président qui regarde à long terme.
05:17 Et là, aujourd'hui, on a quelqu'un qui agit quasiment comme un secrétaire d'État.
05:21 Donc, ça n'a plus de sens.
05:23 Et c'est tout ça que j'ai voulu mettre en musique parce que c'est...
05:26 Bon, évidemment, c'est très politique.
05:28 - C'est très politique.
05:30 Votre personnage le dit quelque part, qu'il est un peu hors sol.
05:33 Il ne connaît pas les Français.
05:34 Il trouve les riches vulgaires.
05:36 Et les Français, ils ne comprennent pas leur esthétique, comme il dit.
05:39 Donc, il est hors sol.
05:43 Et en même temps, on lui trouve une forme d'empathie.
05:45 C'est assez étrange à lire parce qu'il lui arrive une quantité de...
05:50 Tous les jours, c'est une prise de décision.
05:51 Tous les jours, voire toutes les heures.
05:54 Et en même temps, on a une forme d'empathie pour ce personnage qui se livre.
05:58 - Oui, parce qu'être empathique, c'est se mettre à la place d'eux.
06:04 Et moi, je me suis mis à la place de...
06:06 Qu'est-ce que c'est pour un individu de représenter 70 millions de personnes?
06:11 C'est un peu dingue déjà, quand même.
06:14 Si on y réfléchit deux minutes, nous, 70 millions de Français,
06:20 tous nos problèmes et toutes nos envies, nos angoisses remontent sur un seul individu.
06:26 Et ça n'a pas vraiment de sens, en fait.
06:28 C'est ça que je veux dire aussi.
06:29 C'est-à-dire que cette espèce de démocratie pyramidale qu'on a,
06:34 qui fait qu'un homme, particulièrement en France,
06:37 parce que la fonction est quand même très héritée aussi de la monarchie,
06:43 ça n'a plus de sens quand on part ailleurs.
06:46 On a des moyens comme Internet de s'exprimer tout le temps.
06:49 On a les moyens technologiques de la démocratie directe aujourd'hui.
06:51 Si on voulait voter sur les retraites directement, on pourrait le faire
06:57 sans même faire un référendum.
06:58 On pourrait avoir un terminal sécurisé et voter et dire non, sur les retraites, ça ne passe pas.
07:05 Donc, en fait, on a un système qui est très archaïque,
07:09 qui avait des qualités, mais qui a été complètement dévoyé.
07:12 Et on a une technologie qui nous permet de nous exprimer en permanence et en masse.
07:17 Et tout ça, en fait, ne fonctionne pas aujourd'hui.
07:20 Tous les personnages dans votre livre, les conseillers, tous ont un nom, un prénom.
07:25 Lui, il apparaît une seule fois.
07:27 Alors moi, je l'ai noté à la page 80.
07:29 Il s'appelle Alexandre.
07:32 En fait, c'est assez marrant de l'anonymiser.
07:35 Je l'anonymise parce qu'en fait, en plus, il est à la première personne.
07:38 Donc, comme il parle lui-même, il ne se nomme pas.
07:41 C'est lui qui raconte toute l'histoire.
07:44 Et c'est quand même une fable, ce que j'ai fait.
07:47 C'est peut-être une fable voltairienne faite par un adepte de Rousseau,
07:52 mais ça reste une fable.
07:53 Et donc, c'est vraiment un personnage qui est arrivé là par calcul,
08:03 comme l'a fait d'ailleurs Emmanuel Macron.
08:05 C'est à dire, il est très intelligent.
08:07 Il a réussi à convaincre les personnes âgées de voter pour lui pour des raisons liées à son passé technologique.
08:14 Il a réussi à ramener les jeunes avec la rémunération des données aux urnes,
08:20 ce qui était assez improbable, puisque aujourd'hui, les jeunes sont de plus en plus loin des urnes.
08:25 Et donc, il est là et en même temps, il n'a pas vraiment réfléchi à pourquoi il est là.
08:31 C'est à dire que c'est toujours la même chose.
08:32 C'est que c'est le problème de...
08:34 C'est d'ailleurs pour moi le grand problème d'Emmanuel Macron, c'est le problème de la conviction.
08:39 Qu'est ce qu'on a comme conviction ?
08:41 Et le problème de...
08:43 Alors moi, je suis beaucoup l'écologie, étant très en faveur de l'écologie.
08:48 Et je me suis rendu compte depuis le début que sur l'écologie,
08:53 Emmanuel Macron n'avait pas de conviction.
08:56 Je ne sais même pas s'il en a encore maintenant.
08:57 Il est pris par les faits.
08:59 Donc c'est pour ça qu'on a autant de problèmes.
09:00 C'est qu'en fait, ayant des dirigeants qui n'ont pas de conviction,
09:04 on règle les problèmes quand c'est trop tard.
09:06 C'est à dire quand ça devient dramatique.
09:07 Et c'est tout l'enjeu de ce roman qui s'appelle donc "Tsunami".
09:10 Il sort aujourd'hui chez Albin Michel.
09:12 Merci Marc Duguin d'avoir venu nous présenter.
09:14 Vous étiez l'invité du 5/7.

Recommandations