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Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Retrouvez "Voyage en absurdie" sur : http://www.europe1.fr/emissions/chronique-en-absurdie

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Transcription
00:00 Emmanuel Ducrox du journal L'Opinion, vous nous parlez ce matin d'une expérience scientifique,
00:04 alors relativement intrigante, menée par l'Université de Bretagne Occidentale qui est à Brest.
00:08 Projet auquel tout le monde est invité à se joindre.
00:12 Vous, moi, chers auditeurs, vous êtes les bienvenus.
00:14 Alors c'est un peu de cracra comme ça, mais c'est pour la science.
00:16 C'est une collecte de moisissures alimentaires.
00:19 - Ah oui, tendez l'oreille Amnioniteur, il est un peu tôt pour ça,
00:22 mais c'est pas tous les jours qu'on a l'occasion de faire avancer la connaissance
00:26 en ouvrant le placard pour y traquer des trucs tout moisis.
00:28 Un vieux bout de fromage moussu, une orange bleue, un gâteau plein de filaments suspects,
00:33 c'est parfait.
00:34 Surtout, ne les jetez pas.
00:35 C'est le journal 20 minutes qui raconte, l'Université de Bretagne Occidentale
00:39 s'est lancée dans un projet qui porte mal son nom puisqu'il s'appelle "Mignon"
00:43 et les chercheurs veulent combler le déficit de connaissances scientifiques
00:46 sur les moisissures alimentaires en rassemblant 500 échantillons de moisis grâce à vous.
00:51 Une collection un peu sympa.
00:52 Il faut s'inscrire, répondre à un questionnaire, on reçoit un kit de prélèvement
00:56 et on expédie son moisi au labo.
00:58 - Voilà, "Mignon" avec un "Y" comme "micelle", comme "micellaire", comme "champignon".
01:02 Bref, qu'est-ce qu'ils vont faire avec tout ce moisine aux scientifiques bretons ?
01:06 - Ils vont l'étudier pendant 4 ans, distinguer les moisissures les unes des autres.
01:09 Il y en a des milliers de sortes, de l'aspergillus au pénicillium en passant par le botrytis.
01:14 Les chercheurs veulent comprendre comment ces champignons microscopiques se propagent,
01:17 à quels aliments ils s'attaquent, ce qu'ils produisent comme effet sur la nourriture.
01:22 Certains sont utilisés exprès, comme les moisissures du fromage, la fourme d'Amber,
01:26 André Chasson vient de nous quitter, d'autres sont à risque, parce qu'elles produisent des mycotoxines.
01:31 - Ce qui est étonnant, c'est qu'on ne sait pas ce qu'elles font, ça n'a pas été étudié.
01:34 Ça va servir à quelque chose concrètement ces travaux ?
01:36 - Oui, bien sûr, à beaucoup de choses.
01:37 D'abord, à éclairer le grand public sur la dangerosité de certaines moisissures
01:41 et sur l'inocuité d'autres moisissures.
01:44 Elles sont dégoûtantes, mais elles peuvent être utiles.
01:46 Ensuite, ça va servir à réduire le gaspillage alimentaire
01:49 en évitant que les consommateurs jettent systématiquement les aliments moisis.
01:52 On va pouvoir établir des recommandations simples.
01:55 Qu'est-ce qu'on peut manger ? Est-ce qu'il faut couper les petits bouts moisis ?
01:57 Ou est-ce qu'il faut absolument tout jeter ?
01:59 Ça ne sera pas la même chose en tous les cas.
02:00 - Si ça dépoile, c'est dangereux, si c'est vert, c'est mangeable, etc.
02:02 - C'est ça !
02:03 - Derrière le travail de cette université bretonne, Emmanuel,
02:06 il y a aussi tout un pan émergeant de la science,
02:08 c'est ça que je sais que ça vous intéresse beaucoup,
02:10 la biodiversité des micro-organismes.
02:13 - Alors là, on parlait juste des moisissures, mais ça va bien au-delà.
02:15 La France vient de lancer un programme de recherche d'une centaine de millions d'euros
02:19 appelé "Ferment du futur".
02:20 C'est financé à moitié par la recherche publique et à moitié par des entreprises.
02:23 On veut faire connaissance avec des millions de bactéries, de moisissures, de levures,
02:28 qui donnent aux aliments du goût une texture, une acidité, une durée de conservation.
02:31 Alors ça a l'air dégoûtant comme ça, mais on sait que tous ces ferments sont là.
02:34 On les utilise intuitivement, on leur doit les trous du pain,
02:37 la texture des yaourts, la saveur de la bière, la conservation du saucisson,
02:41 tout ça, on sait que ça existe, mais on connaît mal les mécanismes.
02:44 - Alors à quoi ça pourrait servir concrètement ?
02:46 - Ça ouvre des pistes absolument fascinantes.
02:48 On va essayer de domestiquer les bactéries pour profiter de leur propriété,
02:52 seules ou en combinaison, parce qu'elles n'agissent pas pareil quand elles sont seules
02:55 ou quand elles se mélangent, c'est incroyable.
02:57 Les applications vont sans doute être très variées.
02:59 On peut imaginer par exemple des nouveaux fromages végétaux bien consistants,
03:03 peut-être un peu plus appétissants,
03:05 des produits qui grâce aux arômes naturels donnés par les bactéries
03:08 n'auront pas besoin de sel ou de sucre dans leur composition, ça peut être intéressant.
03:11 Il sera aussi possible de rendre plus digeste des protéines végétales,
03:15 et ça, ça va être capital quand il faut changer les régimes alimentaires.
03:18 - Ça c'est vrai.
03:18 - On peut aussi imaginer des aliments qui se garderont mieux
03:21 sans conservateurs artificiels, ça a de l'intérêt.
03:23 Et puis il y a tout un volet pour la santé.
03:25 Cette micro-biodiversité, elle interagit ainsi avec notre microbiote.
03:30 Vous savez, c'est notre paysage bactérien personnel,
03:33 un peu comme une sorte d'ADN.
03:35 On pourrait, grâce à des aliments sur mesure, prévenir des maladies,
03:38 des allergies, améliorer le métabolisme.
03:41 Alors ça nous a mené loin à notre histoire de moisissure du fromage.
03:44 Vous ne regarderez plus jamais ce reste de petits pois oubliés dans le frigo de la même manière.
03:49 Vous pourrez même prétendre que c'est par amour de la science que vous le laissez moisir.
03:53 - Merci beaucoup Emmanuelle Ducreux,
03:55 vous nous tiendrez au courant des avancées de cette recherche bretonne passionnante.
03:59 Merci à vous.
03:59 8h42 sur...