Ce vendredi 14 avril, le Conseil constitutionnel doit rendre une décision importante pour le gouvernement et pour le mouvement social. Il doit valider, amender ou rejeter le projet de loi relatif à la réforme des retraites. Et au micro de Lisa Lap, Théophile Kouamouo a voulu se focaliser sur la composition du Conseil constitutionnel en question.
Et pour cause : à chaque nomination d’un juge, les analystes épluchent son parcours, évoquent ouvertement ses opinions politiques et l’impact qu’elles peuvent avoir sur les délibérations de la plus haute juridiction au pays de l’oncle Sam. Bref, ce sont des êtres de chair et de sang qui y siègent, et tout le monde le sait. Or en France, on a tendance à croire et à faire croire que ceux qui rejoignent le Conseil constitutionnel sont comme transfigurés par leurs fonctions et deviennent de purs esprits uniquement motivés par le respect scrupuleux du droit. Or le profil sociologique des membres du Conseil constitutionnel trahit un énorme biais. On y retrouve surtout des personnes faisant partie du cercle des pouvoirs : politiciens à la retraite, membres de la haute administration, etc. Il n’y aura pas, vendredi prochain, à la table des Sages , de profil usé par le travail manuel, les horaires décalés ou la pénibilité. Portrait de groupe, avec évocation des parcours de huit des neuf “Sages”.
Et pour cause : à chaque nomination d’un juge, les analystes épluchent son parcours, évoquent ouvertement ses opinions politiques et l’impact qu’elles peuvent avoir sur les délibérations de la plus haute juridiction au pays de l’oncle Sam. Bref, ce sont des êtres de chair et de sang qui y siègent, et tout le monde le sait. Or en France, on a tendance à croire et à faire croire que ceux qui rejoignent le Conseil constitutionnel sont comme transfigurés par leurs fonctions et deviennent de purs esprits uniquement motivés par le respect scrupuleux du droit. Or le profil sociologique des membres du Conseil constitutionnel trahit un énorme biais. On y retrouve surtout des personnes faisant partie du cercle des pouvoirs : politiciens à la retraite, membres de la haute administration, etc. Il n’y aura pas, vendredi prochain, à la table des Sages , de profil usé par le travail manuel, les horaires décalés ou la pénibilité. Portrait de groupe, avec évocation des parcours de huit des neuf “Sages”.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 – Salut Tophil. – Salut Lisa.
00:01 – Alors c'est ce vendredi 14 avril que le Conseil constitutionnel
00:04 doit rendre une décision importante pour le gouvernement
00:07 et pour le mouvement social d'ailleurs.
00:08 Il doit valider, amender ou rejeter le projet de loi
00:11 relatif à la réforme des retraites.
00:13 Et toi tu as voulu t'arrêter un peu sur la composition
00:16 de ce fameux Conseil constitutionnel.
00:18 – Oui Lisa, tout est parti dans ma tête de la manière
00:20 dont on traite aux États-Unis et ailleurs la question
00:23 de la composition de la Cour suprême américaine.
00:27 À chaque nomination d'un juge, des analystes et plus son parcours
00:30 évoquent ouvertement ses opinions politiques et l'impact
00:33 qu'elles peuvent avoir sur les délibérations
00:35 de la plus haute juridiction au pays de l'oncle Sam.
00:39 Bref, ce sont des êtres de chair et de sang qui siègent
00:42 et tout le monde le sait.
00:44 Or en France, on a tendance à croire et à faire croire
00:47 que ceux qui rejoignent le Conseil constitutionnel
00:50 sont comme transfigurés par leurs fonctions
00:52 et deviennent de purs esprits, uniquement motivés
00:55 par le respect scrupuleux du droit.
00:58 C'est en tout cas ce que semblait dire Jean-Louis Debré,
01:00 ancien président de l'Assemblée nationale,
01:03 ancien président du Conseil constitutionnel
01:05 et fils de Michel Debré, ancien Premier ministre
01:08 et rédacteur principal de la Constitution de la Vème République.
01:13 – Je ne sais pas ce que va faire le Conseil constitutionnel
01:15 mais encore une fois, il prend ses décisions,
01:17 il doit les fonder en droit.
01:20 Et le rôle du Conseil constitutionnel n'est pas de rendre service
01:23 à qui que ce soit, mais à dire si la Constitution a été…
01:26 – Vous avez besoin de le rappeler qu'il ne rend pas service,
01:28 vous pensez que là, à l'aune de sa décision, on va tous analyser…
01:32 – J'entends beaucoup de gens qui disent "il va faire ça, il va faire ça".
01:35 Attention, je ne sais pas ce qu'il va faire,
01:37 mais ce qu'il doit faire, et il doit le faire par le droit,
01:41 et il a ce droit parce qu'il y a quelque chose qui tient encore en France,
01:44 c'est l'état de droit.
01:45 – Bref, circuler, il n'y a rien à voir,
01:47 nos institutions sont parfaites, ou presque.
01:51 – Et pourtant tu estimes qu'on devrait nous aussi
01:52 nous apesantir sur les profils des membres du Conseil constitutionnel.
01:56 – Oui, bien entendu, d'abord, tout le monde ne sait pas comment ils sont nommés.
02:00 En réalité, tout part de l'article 56 de la loi fondamentale
02:04 qui stipule que trois membres sont nommés par le président de la République,
02:07 trois par le président de l'Assemblée nationale
02:09 et trois par le président du Sénat.
02:11 Le mandat des membres du Conseil constitutionnel est de 9 ans,
02:14 mais il se chevauche, et donc c'est un organe
02:16 qui se renouvelle par à-coups, progressivement.
02:19 Mais en tout cas, ce mode de nomination a une première conséquence,
02:23 le profil sociologique des membres du Conseil constitutionnel.
02:26 On y retrouve surtout des personnes faisant partie du cercle des pouvoirs,
02:31 politiciens à la retraite, membres de la haute administration, etc.
02:35 Bref, il n'y aura pas, vendredi, à la table des sages,
02:37 du profil usé par le travail manuel, les horaires décalés ou la pénibilité.
02:43 Ah non, non, non, on y trouve quatre anciens premiers ministres
02:46 et/ou anciens ministres, cinq anciens parlementaires,
02:49 deux avocats de profession, ainsi qu'un bon paquet de Sciences Po,
02:53 des narques, comme tu peux imaginer.
02:56 - Alors, allons au bout de ta logique, est-ce que tu peux évoquer,
02:59 pour nous, les parcours de chacun des membres du Conseil constitutionnel ?
03:02 - Oui, avec plaisir, avec gourmandise même.
03:05 Alors, commençons par les plus célèbres,
03:07 c'est-à-dire les deux anciens premiers ministres,
03:10 Laurent Fabius et Alain Juppé.
03:12 Laurent Fabius, qui doit sa nomination à Richard Ferrand,
03:15 l'ancien président macroniste de l'Assemblée nationale,
03:18 il est le président du Conseil constitutionnel.
03:21 Il est issu d'une très riche famille d'antiquaires.
03:24 Pour te donner une idée, la collection de son grand-père a été vendue
03:27 aux enchères en 2011, après près d'un siècle d'activité,
03:30 à environ 10 millions d'euros.
03:32 Les mauvaises langues font remarquer que les œuvres d'art ont été exclues
03:36 du champ de l'ISF en 1982, alors que Laurent Fabius était ministre
03:39 du budget de François Mitterrand.
03:42 D'autres sources attribuent la paternité de cette exonération
03:45 à Jacques Lang, qui était alors ministre de la Culture,
03:47 et disent que Fabius était contre.
03:49 Bref, Fabius a été premier ministre de François Mitterrand,
03:51 ministre de l'économie de Lionel Jospin,
03:53 ministre des Affaires étrangères de François Hollande.
03:56 Il a été l'homme du scandale du sang contaminé.
03:59 C'est le gros point noir de sa carrière politique.
04:02 Il faut noter qu'il s'était notamment opposé au passage
04:06 de la retraite de 60 à 62 ans en 2010.
04:10 Par ailleurs, il était ministre lors du passage à 60 ans en 1983.
04:14 C'était une des grandes mesures sociales de François Mitterrand.
04:18 Ces derniers mois, il aurait laissé fuiter quelques états d'âme
04:22 sur certains aspects potentiellement anticonstitutionnels
04:26 de la réforme Macron-Borne.
04:28 On en saura plus bientôt.
04:30 - Parlons maintenant d'Alain Juppé.
04:32 - Alors Alain Juppé, ancien premier ministre,
04:34 il est issu d'une famille d'exploitants agricoles.
04:37 Il a fait normal sup, science po, l'ENA.
04:39 C'est l'ancien chouchou de Jacques Chirac qui le décrivait
04:42 comme "le meilleur d'entre nous".
04:45 Il a été un peu le Élisabeth Borne de 1995.
04:48 Il portait à bout de bras une réforme des retraites impopulaires
04:51 qui avait mis la France dans la rue pendant 3 semaines au moins.
04:54 En gros, il a dans son passé de quoi être compatissant
04:57 avec l'exécutif actuel.
05:00 Bon à savoir, en 2004, Juppé a été condamné à 14 mois de prison
05:04 avec sursis et à un an d'inéligibilité dans le cadre
05:08 des emplois fictifs de la mairie de Paris.
05:10 Tout ceci est charmant, n'est-ce pas ?
05:13 - Et alors il y a aussi Jacqueline Gourault,
05:15 membre du Conseil constitutionnel depuis 2022.
05:17 Elle n'a pas été Premier ministre, mais ministre.
05:20 - Oui, cette membre du Modem a quitté direct le gouvernement
05:23 où elle occupait le poste de ministre de la cohésion des territoires
05:27 pour le Conseil constitutionnel.
05:29 Elle a été choisie par Emmanuel Macron lui-même,
05:31 ce qui avait d'ailleurs à l'époque occasionné de nombreuses controverses.
05:36 Elle faisait partie, rappelons-le, des ministres étiquetés millionnaires
05:40 au sein du gouvernement Macron en 2017.
05:43 - Et en dehors de Jacqueline Gourault,
05:45 qui sont les heureux élus d'Emmanuel Macron ?
05:47 - Alors on a Jacques Mézard, qui a été avant Jacqueline Gourault
05:50 ministre de la cohésion des territoires au sein du gouvernement Macron.
05:53 Philippe, il a aussi été ministre de l'agriculture et de l'alimentation,
05:57 toujours sous Macron.
05:58 Jacques Mézard avait soutenu le candidat Macron dès 2016,
06:02 alors qu'il était sénateur d'obédience radicale.
06:05 Retour d'ascenseur en 2017 et re-retour d'ascenseur en 2019
06:09 avec la nomination de Jacques Mézard au conseil des sages.
06:13 - D'autres membres du conseil constitutionnel sont un peu moins connus,
06:16 mais en connaissent un rayon par contre en termes de conflits d'intérêts.
06:20 - Alors, celui-ci, c'est par exemple le cas de Michel Pinault,
06:22 choisi en 2016 par le président du Sénat, Gérard Larcher.
06:26 Haut fonctionnaire, il a fait carrière à la fois au conseil d'État
06:29 et dans de grandes firmes privées d'assurance comme AXA.
06:32 Il a aussi été président du comité des sanctions
06:35 de l'autorité des marchés financiers.
06:37 Quand on sait que le secteur des assurances et de la finance en général rêve
06:41 d'un affaiblissement de la retraite par répartition
06:44 au profit de la retraite par capitalisation,
06:47 on se dit bon voilà, pas besoin de le convaincre d'être partisan de la réforme.
06:53 - Autre membre du conseil constitutionnel nommé par Gérard Larcher, c'est François Sonner.
06:57 - François Sonner, lui, on peut dire qu'il n'a pas cherché bien loin le Gérard avec lui.
07:03 Alors Gérard Larcher qui, rappelons-le, est favorable au projet de réforme des retraites
07:07 au point de le défendre par toutes les méthodes possibles lors de son passage au Sénat.
07:11 Je ne sais pas si certains s'en souviennent.
07:13 En février 2022, il a eu la flemme de trop chercher qui nommer.
07:17 Il a pris son ancien directeur de cabinet, François Sonner.
07:20 François Sonner, si on le dit ainsi, je ne sais pas exactement comment on prononce,
07:23 qui a aussi été par le passé directeur de cabinet de Rachida Dati
07:27 et conseiller de François Fillon étant Premier ministre.
07:31 On peut se dire qu'il y a très peu de chances que François Sonner soit un bolchévique sournois ou un éco-terroriste.
07:38 - Ce n'est pas l'ancienne proche collaboratrice à être nommée au Conseil constitutionnel par son ancien supérieur hiérarchique ?
07:43 - Oui, il y a également Corinne Lukien, cette fonctionnaire membre du corps des administrateurs de l'Assemblée nationale,
07:48 était secrétaire générale de l'Assemblée nationale au moment où elle a été nommée par Claude Bartholone,
07:53 président de l'Assemblée nationale sous François Hollande.
07:56 Bon point pour ce dernier, elle avait été au même poste sous Bernard Acoyer,
08:01 président LR de l'Assemblée nationale avant Bartholone.
08:05 Difficile donc de la considérer comme une obligée de celui qui l'a hissée au sommet.
08:10 On peut dire que Bartholone a été quand même élégant par rapport aux autres.
08:13 - On va dire que tu as gardé le meilleur pour la fin avec Véronique Malbec.
08:18 - Oui, alors avec elle, c'est le summum de la gênance, comme on peut dire.
08:21 Véronique Malbec a été choisie en 2022 par Richard Ferrand, président macroniste de l'Assemblée nationale.
08:27 Et on ne peut pas dire qu'elle n'était pas au cœur du serail macroniste.
08:31 Elle avait été nommée en 2020 directrice de cabinet du ministre de la Justice,
08:35 Éric Dupond-Moritti, l'homme aux multiples casseroles,
08:38 mis en examen parce qu'il est soupçonné de s'être servi de son poste
08:42 pour persécuter des magistrats avec qui il avait eu maille à partir quand il était avocat.
08:46 Directrice de cabinet du ministre de la Justice,
08:49 elle était en même temps en couple avec Frédéric Vaud,
08:51 préfet et directeur général de la police nationale.
08:54 Le plus troublant, c'est que Véronique Malbec était la supérieure de la procureure
08:59 qui a prononcé un non-lieu bénéficiant à Richard Ferrand,
09:02 qui était poursuivi dans le cadre de l'affaire des mutuelles de Bretagne.
09:05 À l'époque, l'opposition avait crié au retour de service, au copinage
09:09 et au conflit d'intérêts évident.
09:11 Mais c'est passé, elle s'est installée au conseil concessionnel, Véronique Malbec est donc dans la place.
09:20 Et nous sommes contraints de croire que, par je ne sais quel miracle républicain,
09:24 elle tranchera en ayant les yeux rivés uniquement sur la Constitution
09:29 et les siècles de grandeur française qui nous contemplent.
09:33 – Après on va être reprochés d'être populistes et d'échauffer les esprits
09:36 avant la décision du conseil constitutionnel sur la réforme des retraites.
09:39 – Oui, je suis prêt à prendre toutes les critiques, ce n'est pas très grave,
09:42 mais il est évident, d'un point de vue plus fondamental,
09:45 que nos institutions ont un problème en 2023.
09:48 Je ne suis pas sûr que l'opinion publique accepte un tel fonctionnement,
09:53 une telle manière de coopter des copains et des coquins
09:56 pour au final trancher sur des questions d'intérêt national,
09:59 une telle manière de procéder par une sorte de classisme d'État,
10:03 c'est-à-dire qu'il n'y a que des diplômés du supérieur, des grandes écoles,
10:08 il y a beaucoup de bourgeois, de grands bourgeois, de personnes très riches,
10:14 il n'y a personne qui est un travailleur, il n'y a pas d'ouvrier, il n'y a pas d'employé.
10:21 Et on peut se dire, oui, peut-être qu'ils n'ont pas les compétences juridiques,
10:25 mais il n'y a pas que des juristes justement dans ce conseil constitutionnel,
10:29 parce que si on considérait que c'était comme à la cour de cassation,
10:34 où finalement c'était des magistrats qui avaient atteint un certain niveau de carrière
10:37 quand on le met au conseil constitutionnel, ok d'accord, on aurait pu accepter,
10:40 même si l'aspect classiste aurait toujours été présent,
10:43 mais on aurait pu imaginer que quelque part, ce sont des professionnels du droit
10:47 qui peuvent trancher de manière fine sur des problématiques complexes.
10:51 Mais là, en fait, ce sont des politiques, des avocats, des personnes du Serail
10:56 qui vont décider pour nous tous sur un sujet d'importance capitale, et c'est dommage.
11:01 – Merci beaucoup Théophile, évidemment on suivra ça avec Le Média,
11:05 merci à vous aussi de toujours nous suivre pour tous vos commentaires
11:08 et vos pouces en l'air sous les vidéos, c'est maintenant à vous de jouer,
11:10 ils ont des milliards, mais nous sommes des millions,
11:12 alors abonnez-vous au Média à partir de 5 euros par mois
11:15 et soutenez la première chaîne de télévision réellement indépendante
11:18 et engagée du pays, rendez-vous sur soutenez.lemediatv.fr, à très vite.
11:22 [Générique de fin]
11:24 [Sous-titrage FR : VNero14]
11:26 [Sous-titrage FR : VNero14]
11:28 [Sous-titrage FR : VNero14]
11:30 [Sous-titrage FR : VNero14]
11:32 [SILENCE]