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L'exposition "Paris, Capitale de la gastronomie du Moyen Age à nos jours" a ouvert jeudi jusqu'au 16 juillet à la Conciergerie à Paris.

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00:00 France Inter, Jérôme Cadet, le 7930.
00:06 Ce n'est pas un plateau mais une table que je vous propose ce matin dans ce grand entretien.
00:10 Une table bien remplie, alléchante où l'asperge côtoie la volaille et la brioche, où l'on
00:16 mange avec les mains ou avec les plus beaux services, dans un bistrot, dans un bouillon
00:20 ou dans un restaurant.
00:22 Une table influencée par toutes les régions de France et du monde.
00:25 Cette table, c'est celle de Paris à laquelle une grande exposition est consacrée à la
00:30 Conciergerie, expo qui a ouvert hier matin.
00:31 Il y avait déjà beaucoup de monde, j'ai pu le constater.
00:34 Son titre, Paris, capitale de la gastronomie du Moyen-Âge à nos jours.
00:38 Pour en parler ce matin, trois invités, trois convivres.
00:41 Le premier, vous le connaissez plutôt bien, François-Régis Gaudry.
00:44 Bonjour.
00:45 Bonjour Jérôme Cadet.
00:46 Merci d'être là ce matin.
00:47 Vous êtes l'un des commissaires de cette expo, producteur évidemment sur France Inter
00:51 dont on va déguster dimanche à 11h et auteur à l'automne dernier
00:55 d'un livre intitulé « On va déguster Paris ».
00:58 A vos côtés, Loïc Bienassi.
01:00 Bonjour.
01:01 Bonjour.
01:02 Vous êtes historien, historien à l'Institut Européen de l'Histoire et des Cultures
01:05 de l'Alimentation.
01:06 Vous êtes également l'un des trois commissaires de cette expo.
01:09 Et avec nous également ce matin, Alessandra Montagne-Gomez.
01:12 Bonjour.
01:13 Bonjour.
01:14 Vous êtes la chef du restaurant Noceau à Paris et à votre bonjour, les auditeurs
01:19 d'Inter auront peut-être reconnu vos racines brésiliennes.
01:22 Vous y êtes née, vous y avez grandi.
01:23 Vous êtes arrivée en France à l'âge de 22 ans, je crois, et vous publiez en ce
01:29 printemps « De Rio à Paris, ma cuisine de cœur ».
01:32 C'est aux éditions Flammarion.
01:34 La table d'Inter est évidemment ouverte aux auditeurs et aux auditrices ce matin,
01:39 0145 24 7000 pour vos questions ou via l'application France Inter.
01:44 D'abord, un mot du titre.
01:45 Paris, capitale de la gastronomie du Moyen-Âge à nos jours.
01:49 Je me tourne vers vous Alessandra.
01:51 On ne roule pas un peu des mécaniques, là, vous qui avez grandi au Brésil, quand dites-vous.
01:56 Un peu cocardier, non, les Français ?
01:58 Non, non, non, c'est vrai.
01:59 Paris, c'est la capitale de la gastronomie, je le revendique.
02:03 Et pour moi, il n'y a pas de comparaison, en fait.
02:08 C'est comme ça.
02:09 Et puis c'est vrai.
02:10 Mais qu'est-ce qu'il y a de particulier à Paris et dans cette histoire avec la gastronomie
02:15 qu'on ne retrouve pas à Rio, à Tokyo, à New York ou dans d'autres villes du monde ?
02:20 On a un terroir qui est incroyable en France.
02:22 On a un terroir en basse, une ceinture gastronomique autour de Paris avec des produits exceptionnels.
02:28 Et puis en dehors de Paris, tout le reste, on a des vins qui sont incroyables, des fromages.
02:34 On a des restaurants, enfin un savoir-faire qui est fait en France.
02:37 On a tous les cuisiniers du monde entier qui rêvent de venir en France pour travailler,
02:41 pour apprendre, pour se former.
02:43 Et moi, je n'ai jamais entendu parler de quelqu'un qui voulait à New York se former à la cuisine américaine.
02:49 Donc bon…
02:51 Voilà.
02:52 François-Alexis Godry, après un tel…
02:54 La messe est dite !
02:55 La messe est dite, après un tel plaidoyer.
02:57 Est-ce qu'à un moment vous vous êtes dit « on y va peut-être un petit peu fort,
03:00 il faut mettre un peu d'eau dans notre vin ou alors allons-y carrément ? »
03:03 Si la question est de savoir s'il y a eu des débats entre nous pour le choix du titre,
03:06 la réponse est oui.
03:07 Mais je pense qu'il ne faut pas interpréter le titre de cette exposition comme une espèce
03:11 de cri de ralliement ou de slogan cocardier ou chauvin.
03:15 D'abord parce que moi je ne me sens pas forcément parisien et c'est certainement
03:18 ma nature de provincial qui fait que je suis amoureux de cette capitale.
03:21 Mais je crois qu'il faut plutôt…
03:23 On a réfléchi à ce statut de capitale de la gastronomie à l'échelle du temps.
03:27 En réalité ce que Paris a d'exceptionnel et d'unique au monde c'est cette capacité
03:32 à jouer ce double rôle de conservatoire et de laboratoire.
03:36 Conservatoire parce que Paris a accumulé, et on le raconte sur un temps qui dépasse
03:40 six siècles, un patrimoine, des techniques culinaires, un répertoire de recettes, des
03:45 monuments historiques, des innovations.
03:48 Le restaurant est une invention parisienne que Paris a offert au monde.
03:52 Mais c'est également un laboratoire, ça veut dire en cela que ce n'est pas un musée.
03:56 Paris a bel et bien un patrimoine vivant et continue à avoir une scène particulièrement
04:02 dynamique en matière de gastronomie.
04:04 Et Alessandra Montagne en est un illustre exemple.
04:07 Avec des influences donc du monde entier et aussi des régions de France qui ont toutes
04:12 leur place dans cette exposition.
04:15 Six siècles dites-vous François-Régis Gaudry.
04:17 On remonte le temps et on commence par un grand banquet.
04:21 6 janvier 1378, ça se passe d'ailleurs à la conciergerie.
04:26 Charles V, roi de France, qui reçoit en l'honneur de l'empereur du Saint-Empire romain germanique,
04:32 Loïc Bienassi.
04:33 Pourquoi est-ce qu'il est si important ce banquet ?
04:36 Pourquoi est-ce que c'est le point de départ de cette grande expo ?
04:39 C'est le point de départ à double titre parce que c'est le point de départ.
04:43 On entre par ce banquet dans l'exposition et c'est le point de départ dans le sens
04:47 où c'est parce que ce banquet c'est une nouvelle conciergerie qu'on a finalement
04:50 un peu eu l'idée de cette exposition à la conciergerie tout simplement.
04:53 Et il est important, je pense, il a été important pour les contemporains, événement
04:58 diplomatique et comme toujours dans la diplomatie, le banquet est l'un des lieux où le pouvoir
05:03 se donne à voir, où tout un jeu de symboles est à l'œuvre.
05:07 C'est le premier point.
05:08 Et pour l'historien, celui qui travaille sur l'histoire de la gastronomie, il est
05:11 particulièrement important parce que, contrairement à de nombreux autres banquets, il est très
05:14 bien documenté.
05:15 On en a le menu par exemple, ça c'est quand même quelque chose de rarissime et d'extrêmement
05:19 précieux.
05:20 Et trois services.
05:21 Trois services, alors en réalité même quatre.
05:24 Oui parce que l'empereur avait la goutte et donc on a abrégé un peu le repas.
05:29 On a réuni le quatrième service avec le troisième d'après ce qu'on sait.
05:33 Trois services et banquier incoursi.
05:35 Il restait quand même une trentaine de plats.
05:37 Ce qui n'est pas rien.
05:38 Alors on n'était pas obligé de tout manger, attention.
05:41 Mais en tout cas non, quand on voit ce menu, on est quand même impressionné par l'opulence
05:45 de celui-ci.
05:46 Purée blanche et pois coulés, oie salée et grosses viandes de plusieurs sortes, civet
05:51 d'huître et broué georget de viande, soringue d'anguille et chapeau en salamine.
05:56 Ça c'est juste le premier service.
05:58 Beaucoup de viande quand même François-Régis Gaudry à l'époque.
06:00 En tout cas pour les classes dominantes.
06:03 Là on est à la table du roi.
06:05 On est dans une cuisine royale, un festin très aristocratique.
06:09 Mais il est vrai qu'on a souvent l'image d'une cuisine médiévale, assez peu ragoutante,
06:13 très roborative, très portée sur les épices.
06:16 On a souvent entendu d'ailleurs, moi c'est ce qu'on m'a appris à l'école, que les épices
06:19 jouaient ce rôle de cachet au goût des viandes avariées en réalité.
06:23 Et on le montre très bien dans cette exposition.
06:25 Taïvan, le grand cuisinier du Moyen-Âge, était à la manœuvre.
06:29 C'est quand même l'auteur d'un formidable best-seller de l'époque, le "Viandier" dont
06:32 on montre d'ailleurs dans l'exposition un tout premier manuscrit.
06:36 Et il est vrai qu'on a affaire à une cuisine qui était d'une délicatesse et d'un raffinement
06:41 très particulier, d'une grande modernité aussi, puisque l'esthétique était d'ailleurs
06:45 très importante.
06:46 Alors évidemment, beaucoup de protéines animales, beaucoup de couleurs, et notamment des couleurs
06:49 primaires et des plats, par exemple, bleus.
06:51 Ce qui est quand même tout à fait étonnant pour cette période de l'histoire, des plats
06:56 qui étaient colorés avec des substances naturelles et qui visaient en fait à en mettre plein
07:01 à éblouir les convives et à asseoir ainsi un pouvoir, celui de la capitale française.
07:06 Alessandra, vous avez vu ce menu, il est exposé, c'est une pièce exceptionnelle.
07:10 Qu'est-ce qui vous a inspiré les choix de Taïvan ?
07:13 Qu'est-ce qui vous a inspiré, quelques siècles après ?
07:16 Je me suis dit que c'était peut-être le premier cuisinier qui a pensé au visuel.
07:22 Est-ce qu'on mange d'abord avec les yeux ? Oui, ça vient de là, du Moyen-Âge.
07:27 Les gens ont trouvé ça magnifique.
07:29 Qu'est-ce que c'est ? On ne sait pas.
07:31 Moi, d'après ce que j'ai pu lire, des mecs étaient cachés, ils n'avaient pas l'habitude
07:37 de manger de cette façon-là.
07:39 Et avec autant de couleurs, plats, blanc, bleu, rouge, pour parler des couleurs de la France.
07:45 C'est absolument incroyable.
07:47 Et on mange avec les mains, on mange avec les doigts, Loïc Bienassi, à l'époque.
07:53 Absolument, la fourchette n'est pas encore utilisée.
07:56 Elle arrive quand, la fourchette ?
07:58 Alors, Invention Italienne…
08:00 Ah, c'est pas parisien !
08:02 Non, c'est pas parisien.
08:04 C'est bien de le dire.
08:06 Oui, mais justement, c'est un des fils rouges de l'Expo, de montrer à quel point les influences
08:10 se croisent et que Paris en bénéficie.
08:13 Ce n'est pas qu'une histoire d'une lumière parisienne qui sera donnée au monde.
08:17 Loin de là, non, la fourchette Invention Italienne utilisée dès la fin du Moyen-Âge,
08:22 peut-être même avant, dans les élites, et qui progresse en France tranquillement au XVIe siècle.
08:28 On dit parfois que Catherine de Médicis l'aurait introduite, ça c'est totalement faux.
08:32 Et elle est vraiment installée dans les habitudes françaises à la fin du XVIIe siècle.
08:37 À la fin du XVIIe siècle, donc, arrive cette fourchette.
08:41 Il y a des services d'ailleurs qui sont présentés.
08:43 François-Régis Gaudry, vous êtes allé récupérer dans des palaces parisiens ?
08:48 Évidemment, la gastronomie parisienne, ce sont aussi des artisans d'art,
08:53 les arts de la table, l'orfèvrerie, grandes traditions d'orfèvrerie.
08:57 Imaginez quand même que nous avons mis en avant des pièces qui ont été créées par Christophe,
09:02 le grand orfèvre parisien, selon une tradition qui remonte quand même au XVIIe siècle.
09:06 Le quai des Orfèvres, ce n'était jamais que le lieu qui indiquait que depuis le XVIIe siècle,
09:11 se développait une tradition d'orfèvrerie sur les berges de l'île de la Cité.
09:15 Alors Christophe nous a prêté un certain nombre de pièces que la maison a spécialement inventées
09:20 pour les besoins des tables officielles de l'Elysée, mais également des grands restaurants.
09:24 Il est vrai qu'il nous tenait à cœur de montrer ces pièces, dont certaines n'ont jamais été montrées au public d'ailleurs,
09:30 qui sont parfaitement inédites.
09:32 Le premier service de l'Hôtel Ritz de 1898, qui date de l'ouverture de cet hôtel, de ce palace de la place Vendôme,
09:39 César Ritz à la manœuvre, avec évidemment le grand Auguste Escoffier,
09:42 codificateur de la cuisine française au début du XXe siècle.
09:46 On est très fiers d'être allé, d'avoir pris notre petit bâton de pèlerin, d'avoir essuyé quelques mails de refus,
09:51 et puis finalement avec Loïc, d'avoir eu accès au sous-sol de ce palace,
09:57 où effectivement était entreposé, sans que le public y ait accès,
10:02 ces formidables pièces d'argenterie, de cristallerie, de porcelaine de limoges.
10:05 - Alessandra, les yeux qui brillent !
10:07 - Moi je sais, je vais y aller moi !
10:09 Non mais c'est incroyable !
10:11 - Les grands repas de l'histoire de France, on a parlé de ce banquet Charles V,
10:18 le mariage de Napoléon avec Marie-Louise 1810,
10:21 le grand banquet des maires de France 1900 à l'occasion de l'exposition universelle,
10:27 il y a la gastronomie des grands, et puis il y a aussi le quotidien de Paris,
10:32 le ventre de Paris, l'expression et le titre du roman d'Émile Zola,
10:36 racontez-nous ce qu'étaient les Halles en plein cœur de Paris,
10:39 qui ont été détruites dans les années 70, Loïc bien assise,
10:42 c'est vraiment là le cœur battant de la gastronomie parisienne pendant des décennies ?
10:46 - Oui c'est ça, on a un peu remonté avec cette exposition,
10:49 on parle du champ, les productions parisiennes,
10:53 on l'oublie souvent, il y avait ce qu'on appelait la ceinture maraîchère,
10:56 c'est-à-dire qu'évidemment il fallait la nourrir cette ville,
10:59 et c'était développé une spécialisation de tout le terroir francilien,
11:05 où on trouve telles les asperges d'Argenteuil,
11:09 les pêches de Montreuil, les cerises de Montmorency,
11:12 il y avait comme ça tout cet espace qui était destiné à nourrir Paris,
11:17 qu'on retrouvait aux Halles, puisqu'on suit justement ce mouvement des produits dans l'exposition,
11:24 et les Halles c'est quand même un lieu mythique du Paris populaire.
11:27 - Vous pouvez nous décrire ce lieu qui maintenant a disparu ?
11:31 - L'exposition je trouve qu'on en rend bien compte,
11:33 on voit des vidéos qui font même un peu mal au cœur,
11:36 on voit leur destruction aussi,
11:38 mais ces Halles c'était la pointe du progrès,
11:41 cette architecture de métal voulue par Napoléon III,
11:44 deuxième moitié du 19ème siècle,
11:47 il s'agissait de désengorger, parce que c'était un enjeu dans ce Paris
11:51 qui ne cessait de croître depuis le 18ème siècle,
11:54 les Halles étaient complètement congestionnées,
11:56 on a donc fait ces nouvelles Halles,
11:58 et avec ces pavillons spécialisés, fromage, œufs, poissons, viande,
12:03 tout ça on a essayé d'en rendre compte,
12:05 parce que non seulement c'est l'alimentation, mais c'est la vie même de Paris,
12:09 parce que parler de l'alimentation à Paris, c'est parler de la société parisienne,
12:12 de la vie parisienne, et c'est ce qu'on a essayé de faire dans l'exposition.
12:15 - Et on retrouvait toute la France et tous ses produits aux Halles,
12:18 en plein cœur de Paris, François-Régis Gaudry.
12:20 - C'était véritablement une ville dans la ville,
12:22 - Une fourmilière !
12:23 - Une fourmilière qui d'ailleurs se réveillait plutôt de préférence la nuit,
12:26 on a vu comme l'a dit Loïc, le formidable épicentre d'un écosystème nourricier.
12:30 On se balade aussi dans tout le terroir francilien,
12:32 on connaît bien Alessandra, mais qui effectivement a pris un coup dans l'aile
12:35 dans les années 70 avec l'urbanisation galopante.
12:38 Il reste, heureusement, certains de ses fabuleux savoir-faire,
12:41 qui faisaient souvent d'ailleurs l'admiration des étrangers,
12:43 je rappelle que les anglais venaient visiter les primeuristes,
12:46 c'était ces maraîchers parisiens qui ont inventé le légume primeur,
12:49 imaginez que si on a aujourd'hui des carottes, fan, des navets nouveaux,
12:53 c'est précisément grâce aux maraîchers parisiens.
12:56 Mais les hals furent aussi évidemment la source d'inspiration des écrivains,
13:00 des artistes, ça faisait l'admiration du monde entier.
13:03 Alors vous avez cité Emile Zola qui a inventé ce néologisme,
13:06 enfin cette métaphore qui est également une périphrase du ventre de Paris
13:09 dans son roman "Des rougons macquards",
13:10 mais ce fut également la source d'inspiration d'un célèbre photographe
13:13 dont on montre de très beaux clichés, Robert Douanot,
13:15 qui a photographié les hals pendant les années 60
13:18 et qui était amoureux de ce cœur.
13:20 Lorsque les hals ont disparu sous les coudes des pelleteuses,
13:25 Robert Douanot a déclaré "Paris perd son ventre et une partie de son esprit".
13:29 - Photos de Douanot, des tableaux aussi, et vous avez parlé des asperges, Loïc Bienassi.
13:34 Un tableau d'asperges, c'est un produit que vous avez à la carte je crois, Alessandra, en ce moment.
13:38 - Oui, ça tombe bien, en ce moment j'ai fait les asperges d'argentaille
13:42 qui vient d'un producteur que j'adore qui s'appelle Laurent Berurier
13:46 et je la serre avec un fromage que j'utilise en condiment,
13:51 qui s'appelle du brin noir, qui est à la ferme de Sainte-Colombe,
13:53 qu'on connaît très bien,
13:55 et je mets une petite gourmolata avec des petites herbes que je prends
13:59 dans une ferme qui s'appelle "Zone sensible", dans le 93.
14:02 Bon, la seule chose qui vient pas de Paris, c'est l'huile d'olive d'Olivier Lazare.
14:06 Le reste est parisien !
14:07 - Il n'y a pas d'olivier en Ile-de-France pour le moment.
14:10 - Malheureusement le changement climatique nous le permettra dans quelques décennies.
14:12 - Je mettrais l'huile de colza alors, à ce moment-là, comme ça on est bon.
14:15 On est à Paris !
14:17 - Allez, Sandra est à la tête d'un restaurant à Paris.
14:19 Le restaurant a été inventé à Paris, François-Régis Gonnery ?
14:23 - Oui, restaurant, invention parisienne qui date des années 1760,
14:26 quelques décennies avant la Révolution française,
14:28 par, je sais pas s'il faut appeler l'opportunisme ou le génie,
14:32 d'un entrepreneur nommé Mathurin-Rose de Chanteoiseau,
14:35 qui effectivement, on est à peu près d'accord là-dessus,
14:37 il y a eu des querelles d'historien,
14:38 mais il aurait ouvert le premier restaurant, rue des Poulies,
14:41 c'est là où se situe actuellement la rue du Louvre,
14:43 un restaurant qui était à l'époque considéré comme un nouveau loisir,
14:46 un nouveau luxe, et qui surtout établissait des codes
14:49 qui étaient en totale rupture avec la façon de se nourrir hors de chez soi.
14:53 - Oui parce qu'avant il y avait des tavernes, il y avait des auberges,
14:55 on pouvait manger en dehors de chez soi.
14:56 - Quand on avait les moyens, on allait aussi chez le traiteur,
14:58 quand on était pauvre, il y avait des cuisines de rue très très nombreuses,
15:01 il y avait des marchandes comestives qui se baladaient dans les rues de Paris,
15:04 mais il est vrai que le restaurant a instauré une forme d'individualisation
15:07 de la table, mais également du service.
15:09 Une carte apparaît avec un choix de plat,
15:12 on peut aller un peu quand on veut au restaurant,
15:14 on sait exactement ce que l'on va payer.
15:15 Apparaît également l'addition, qu'on appelait à l'époque la carte payante.
15:18 - Dommage, ce n'est pas une très bonne invention.
15:20 - Il faut songer, Jérôme, que le restaurant, c'est le mot français
15:23 ou l'un des mots français qu'a le plus voyagé dans le monde.
15:26 - Et repris donc, et qui a fait carrière comme d'autres mots d'ailleurs qu'on découvre...
15:32 - Le mot bistro !
15:33 - Dans cette exposition, le mot bistro, le mot zingue aussi, l'origine,
15:38 bien assis, là où on déguste l'œuf mayonnaise.
15:41 - Oui, ça renvoie donc au métal du comptoir,
15:46 qui souvent d'ailleurs n'était sans doute pas en zinc en réalité,
15:50 mais plutôt en plomb.
15:51 - Ou en étain.
15:52 - Oui, mais c'est le terme qui s'est imposé fin XIXe siècle,
15:56 je pense dans les années 1880, un terme d'argot
15:59 qui semblait être un terme d'argot parisien.
16:01 - Émile Zola l'utilise déjà dans le ventre de Paris en 1873.
16:04 - C'est vrai que c'est une des premières occurrences, oui, tout à fait.
16:06 - Question de Sylvain sur franceinter.fr,
16:09 Dijon ou Lyon revendiquent le même titre de capitale de la gastronomie
16:13 avec d'autres références historiques, n'est-ce pas contribuer au pugilat
16:16 que de donner ce titre à votre exposition sur la gastronomie à Paris ?
16:21 - Alors c'est pas du tout notre intention, on n'est pas du tout dans cet état d'esprit,
16:24 c'est pas Paris ou le désert français pour paraphraser un célèbre géographe,
16:27 c'est Paris qui s'est construit et appuyé sur les provinces,
16:30 mais qui l'aura aussi bien rendu, c'est ça en fait la réalité.
16:33 Paris en fait, par une espèce de magie assimilatrice,
16:36 ou de métabolisme si on voulait filer la métaphore digestive,
16:39 a ingurgité des talents humains, des savoir-faire,
16:43 des produits de toutes les provinces de France, mais également de l'étranger,
16:46 on a ici à l'Essandra brésilienne,
16:48 les a fait siens, en fait les a un peu synthétisés, cristallisés,
16:51 et à son tour les a régurgités, pardonnez-moi l'expression,
16:55 pour en faire des inspirations.
16:57 Donc c'est un double mouvement où Paris aspire et Paris inspire.
17:01 Mais si vous prenez l'exemple de Dijon, le bœuf bourguignon,
17:04 tiens voilà, le bœuf bourguignon c'est une recette qui a été codifiée à Paris,
17:07 n'en déplaise aux bourguignons,
17:09 mais ensuite Paris l'a restituée en quelque sorte,
17:11 dans la mesure où au XXème siècle, les bourguignons sont réappropriés
17:14 cette recette de ragoût de bœuf au vin de Bourgogne.
17:17 - Question de Christine de Marseille, je vous la livre Loïc Bienassi,
17:21 cette exposition présente-t-elle aussi les gens qui préparaient cette alimentation,
17:25 les gens des campagnes notamment, qui étaient embauchés par les familles bourgeoises, nous dit-elle ?
17:30 - Alors, les gens, quand on parlait du vente de Paris par exemple,
17:35 on a des focus sur les producteurs, sur la vie des Halles,
17:39 là on est sur les gens, si on veut.
17:42 - Et tout un petit peuple des Halles qui venait, il fallait décharger les camions.
17:47 - Oui, j'ai envie de dire, les Halles elles-mêmes,
17:49 et puis évidemment tous ceux qui produisaient dans cette ceinture maraîchère qu'on évoquait.
17:53 Et puis on parle aussi du Paris populaire,
17:55 alors je ne sais pas si là c'est l'image de la cuisinière bourgeoise
17:59 que madame a en tête, de la cuisinière qui servait les familles bourgeoises.
18:05 En tout cas, le monde des cuisiniers est présent, incontestablement,
18:09 et le monde des bistrots aussi, c'est-à-dire ceux qui, dans cette cuisine populaire,
18:14 préparaient cette cuisine, servaient cette cuisine.
18:16 Donc oui, la cuisine populaire est évoquée, ça c'est incontestable.
18:19 - Question de Nathalie, je vous la livre Alessandra,
18:21 c'est vrai que la France a beaucoup de recettes, mais trop traditionnelle à mon goût, dit-elle,
18:25 elle est trop autour de la viande et du poisson,
18:27 ça manque d'inventivité pour une cuisine avec moins de protéines animales.
18:30 Qu'est-ce que vous en pensez ?
18:31 - Moi je pense qu'on fait de plus en plus de légumes et de produits végétaux.
18:37 Ma cuisine elle est très végétale, les cuisiniers d'aujourd'hui mettent de plus en plus de légumes,
18:43 de fruits, ou mélangent les deux dans la cuisine.
18:47 C'est un enjeu de santé, de climat.
18:50 - Donc les choses changent ?
18:52 - Les choses changent, oui, vite, et j'espère que ça va aller encore plus vite.
18:55 - Dominique nous appelle d'Île-de-France, 0145 24 7000. Bonjour Dominique.
19:00 - Bonjour, oui je suis d'accord avec tout ce que vous venez de dire sur le passé, sur le top,
19:06 également de la cuisine en France, à Paris aussi,
19:10 moi je préfère avoir un regard sur la France tout entière,
19:14 mais comment peut-on encore dire que la France est le pays de la gastronomie,
19:20 alors que c'est là aussi, c'est le pays qui comporte le plus de fast-food après les Etats-Unis.
19:27 Alors que dans les boulangeries on ne trouve plus de pain, même de baguette,
19:31 qui a pourtant été mise, à mon avis, indûment au patrimoine national,
19:37 dans la mesure où on ne trouve plus une baguette qui soit croquante,
19:41 qui ait du parfum, qui ait un goût,
19:45 qui soit non pas très cuite, mais qui soit bien cuite.
19:49 Je suis atterré, je me demande pourquoi le gouvernement a soutenu pendant le Covid,
19:55 les fast-food, comme il a soutenu tout le reste de la restauration d'ailleurs,
20:00 mais je ne vois pas pourquoi on a dû aussi venir en aide à ce type de restaurant,
20:07 qu'il aurait fallu même défavoriser.
20:11 - Merci à vous Dominique pour cette question, je précise qu'il y a 5 ans, 2018,
20:15 la moitié du chiffre d'affaires de la restauration en France était réalisé par les fast-food.
20:19 François-Régis Gaudry, une réponse ?
20:21 - Je suis d'accord avec vous, on est dans le pays de la gastronomie,
20:23 avec un formidable patrimoine certainement unique au monde,
20:25 et ce paradoxe d'être aussi le premier pays pour une certaine marque avec un grand M jaune,
20:31 oui c'est un paradoxe que je n'ai jamais réussi à élucider en 20 ans de carrière,
20:35 et je suis bien d'accord avec monsieur.
20:36 Je serais beaucoup moins pessimiste que notre auditeur en revanche,
20:39 sur la qualité du pain, qui a fait des progrès considérables.
20:42 Le décret dans les années, je crois que c'était en 1993,
20:45 le décret Raffarin qui a justement protégé la baguette de tradition,
20:48 et je peux vous dire que depuis les années 90, ce fameux totem parisien,
20:52 là encore, même si elle a été classée sous le nom de baguette française
20:55 au patrimoine immatériel de l'UNESCO à la fin de l'année dernière,
20:58 et bien je peux vous assurer que cette baguette a fait de sérieux progrès,
21:01 et que je peux vous dresser une liste infinie de boulangeries
21:06 qui travaillent le pain de manière assez exceptionnelle et très artisanale.
21:10 Est-ce que c'est toujours la ville de l'innovation en matière de gastronomie, Paris,
21:14 ou bien est-ce qu'on est dans quelque chose de très classique, sous cloche,
21:18 et aussi de très cher, parce que c'est aussi, et peut-être même central,
21:22 pour beaucoup des auditeurs et des auditrices qui nous écoutent ?
21:25 Sur le plan des techniques culinaires, et sur le plan notamment des techniques
21:29 boulangères et pâtissières, incontestablement, Paris continue à donner de l'A,
21:32 et Paris est d'ailleurs la plaque tournante de la formation culinaire.
21:36 Si on devait dresser un classement de Shanghai des écoles de cuisine,
21:40 incontestablement Paris et la France entière rafleraient les premières places.
21:44 Donc oui, bien sûr, ça continue à innover beaucoup.
21:46 Paris a même, on peut le dire, en termes de création pâtissière,
21:49 une excellence inégalée.
21:52 - Inégalée, absolument.
21:53 - Alessandra Montagne-Gomez, vous qui avez réussi à vous installer à Paris,
21:56 est-ce que c'est difficile, quand on n'est pas parisien, francilien,
22:00 ou même français, de s'installer, de monter son restaurant à Paris ?
22:04 - Alors moi, j'étais extrêmement bien accueillie par la France, par Paris,
22:09 par la communauté foudue.
22:12 Pour moi, je n'ai pas trouvé ça difficile.
22:15 Je m'étonne même à chaque fois, quand je circule dans,
22:19 parce que j'ai trois lieux à Paris aujourd'hui,
22:22 je m'estime extrêmement chanceuse, je suis tellement reconnaissante
22:27 de tout ce que j'ai eu ici.
22:30 Non, ce n'était pas difficile.
22:31 Après, évidemment, il faut beaucoup travailler, mais non, j'étais bien reçue.
22:36 - Et puis il y a des parrains qui ont compté pour toi,
22:38 c'est vrai que le parrainage dans une carrière de chef, c'est aussi super important ?
22:42 - Oui, oui, la communauté des chefs m'ont accueillie bras ouverts.
22:46 Des chefs tels qu'à l'Hendoukas, à l'Eno, etc.
22:50 - Un dernier pour la route, comme on dit au Bistrot Pierre,
22:52 qui nous appelle d'Alicante ou du département du Nord ?
22:55 Je n'arrive pas à savoir, Pierre.
22:56 - Bonjour, j'habite à Alicante en Espagne,
23:01 et je voulais simplement faire un petit commentaire.
23:04 La gastronomie française, c'est la capitale au niveau du monde,
23:08 dans sa variété et dans la possibilité de prendre tous les ingrédients
23:12 et d'en faire ce qu'on veut dans toutes les formes de cuisson.
23:16 En étant étranger, jamais je ne me retrouve autour de la table
23:19 sans que j'ai la question "Et toi, conseille-nous le vin,
23:22 conseille-nous le poisson, conseille-nous le fromage ?"
23:25 - C'est pas la responsabilité !
23:27 - C'est la culture française, et ça c'est quelque chose
23:31 qu'il faut que chaque Français comprenne,
23:33 que la gastronomie, c'est notre passeport pour le monde.
23:37 - Merci à vous Pierre, je pense que tout le monde valide ces propos autour de la table.
23:47 Question de Martine, sur franceinter.fr,
23:50 qui revient sur le mot "bistrot" que je viens d'employer.
23:53 - Le mot "bistrot" ça vient des soldats de l'armée russe.
23:55 Fin 19ème siècle, Loïc Bienaci elle est pour vous celle-là,
23:58 puisque ça veut dire "vite" en russe,
24:00 et c'est ce qu'ils demandaient quand ils arrivaient dans les tavernes.
24:02 - Oui, c'est ce qu'on raconte souvent, non ?
24:04 - Ah, vous allez démentir ça !
24:06 - Oui, parce que généralement on ne l'associe pas à la fin du 19ème siècle,
24:10 mais plutôt au moment de l'occupation de Paris par les troupes russes
24:13 après la chute de l'Empire de Napoléon.
24:15 Et on explique que des soldats, voulant être vite servis
24:17 parce qu'ils voulaient échapper à la surveillance des officiers,
24:19 tapaient sur le comptoir en disant "bist, bist, vite, vite, servez-nous".
24:22 Mais justement, le mot en réalité émerge à partir des années 1880,
24:26 donc environ 70 ans plus tard.
24:28 Donc non, l'étymologie est plutôt mystérieuse,
24:30 mais il apparaît dans la langue française à partir des années 1880,
24:33 et la légende russe, honnêtement, a plutôt du plomb dans l'aile.
24:37 - Bon, vous n'aurez pas les origines exactes ce matin,
24:39 on ne sait pas tout, mais on apprend énormément de choses dans cette exposition
24:43 à voir à la conciergerie jusqu'au 16 juillet,
24:46 Paris, capitale de la gastronomie, allez-y,
24:49 merci d'être venu en parler ce matin.
24:51 François-Régis Gaudry, vous en reparlerez dimanche, évidemment,
24:54 à 11h sur Inter, on va déguster, et on va déguster Paris.
24:58 C'est le livre qui est sorti à l'automne chez Marabout et aux éditions Marabout Radio France,
25:03 le bien-assis historien, je n'oublie pas, le troisième commissaire de l'expo,
25:07 c'est Stéphane Sollier. - Qui a fait un travail colossal.
25:09 - Et merci également à Alessandra Montagne-Gomez d'être venue nous voir ce matin,
25:12 de nous parler de cette gastronomie que vous mettez à l'honneur dans votre restaurant parisien
25:16 et dont vous parlez dans ce livre, de Rio à Paris,
25:19 Ma cuisine de cœur, c'est aux éditions Flammarion.

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