Depuis quelques semaines, on ne cesse d’entendre la petite musique d’un Rassemblement national qui sortirait "gagnant de la séquence de la protestation contre la réforme des retraites", selon la formule consacrée.
Il faut relativiser les résultats des enquêtes d’opinion de ces dernières semaines, notamment parce qu'il est difficile de démêler les authentiques et durables déplacements d’opinion, des effets temporaires d’emballements médiatiques autoréalisateurs. Néanmoins cette accumulation de données indique des tendances préoccupantes. La NUPES et en particulier de la LFI semblent incapables d’ajuster leur stratégie à la période actuelle.
La période devrait bénéficier à la gauche, à la gauche de rupture avec l’ordre néolibéral. Ce sont ses thématiques qui sont mises à l’agenda, et on pourrait penser qu’en période de forte protestation, il y a une certaine demande de radicalité.
Pourquoi la NUPES stagne quand le RN monte, alors qu’il n’a rien fait - pas de meetings, pas de rassemblements, il a très peu amendé le texte et il s'est contenté d'avancer des solutions parlementaires sans lendemain ? Pourquoi le RN apparaît-il comme le débouché politique de la protestation et de la colère ?
Il faut relativiser les résultats des enquêtes d’opinion de ces dernières semaines, notamment parce qu'il est difficile de démêler les authentiques et durables déplacements d’opinion, des effets temporaires d’emballements médiatiques autoréalisateurs. Néanmoins cette accumulation de données indique des tendances préoccupantes. La NUPES et en particulier de la LFI semblent incapables d’ajuster leur stratégie à la période actuelle.
La période devrait bénéficier à la gauche, à la gauche de rupture avec l’ordre néolibéral. Ce sont ses thématiques qui sont mises à l’agenda, et on pourrait penser qu’en période de forte protestation, il y a une certaine demande de radicalité.
Pourquoi la NUPES stagne quand le RN monte, alors qu’il n’a rien fait - pas de meetings, pas de rassemblements, il a très peu amendé le texte et il s'est contenté d'avancer des solutions parlementaires sans lendemain ? Pourquoi le RN apparaît-il comme le débouché politique de la protestation et de la colère ?
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00:00 Depuis quelques semaines, on ne cesse d'entendre la petite musique
00:03 d'un rassemblement national qui sortirait
00:05 gagnant de la séquence de la protestation contre la réforme des retraites,
00:09 selon l'expression consacrée.
00:10 Celle qui s'en sort le mieux pour l'instant,
00:12 et on l'a vu dans ce sondage, c'est Marine Le Pen, c'est le rassemblement national.
00:15 Alors que la période devrait bénéficier à la gauche,
00:17 à la gauche de ruptures avec l'ordre néolibéral.
00:20 Ce sont ces thématiques qui sont mises à l'agenda
00:22 et on pourrait penser qu'en période de forte protestation,
00:25 il y a une certaine demande de radicalité.
00:28 La patronne du RN creuse donc l'écart.
00:30 La crise sociale et politique de ces dernières semaines lui profite
00:34 et sa discrétion est payante au moment où le débat s'embrase
00:37 entre la NUPES et le gouvernement.
00:40 Pourquoi la NUPES stagne quand le RN monte alors qu'il n'a rien fait ?
00:44 Pas de meeting, pas de rassemblement, il a très peu amendé le texte
00:47 et il s'est contenté de proposer des solutions parlementaires sans lendemain.
00:51 Nous avons voté l'intégralité de la motion de rejet,
00:53 nous avons déposé une motion référendaire.
00:56 Pourquoi le RN apparaît-il donc comme le débouché politique
00:59 de la protestation et de la colère ?
01:02 Un sondage récent testant une hypothétique élection présidentielle
01:14 indique un bond considérable de Marine Le Pen par rapport à ses résultats de 2022,
01:19 lui permettant de remporter l'élection contre un Emmanuel Macron en forte baisse
01:23 et un Jean-Luc Mélenchon en baisse.
01:25 Le même sondage teste d'hypothétiques législatives
01:29 et montre une dynamique du RN similaire, dépassant la coalition présidentielle.
01:34 La NUPES arriverait alors première, mais avec un score qui stagne.
01:38 Ces sondages n'ont aucun intérêt prédictif, Macron ne sera même pas candidat,
01:42 et un sondage national ne peut remplacer la multitude de petites élections
01:48 avec leurs propres enjeux que constituent des élections législatives.
01:51 De plus, on sait qu'en dehors des véritables périodes électorales,
01:55 les sondés répondent un peu sans réfléchir aux enjeux.
01:58 Après, ce qu'il faut dire également, c'est que Marine Le Pen est toujours plus forte,
02:02 plus haute dans les périodes un peu de temps mort de la vie politique,
02:06 et qu'elle a plutôt tendance à dégringoler à partir du moment où elle se met à parler,
02:09 c'est-à-dire dans les campagnes électorales.
02:11 Le match n'est pas encore joué, il ne faut pas trop se précipiter à ce niveau-là.
02:15 Mais on a bien là tout de même l'enregistrement de quelque chose, d'une certaine dynamique.
02:19 La seule petite élection réelle dont nous disposons,
02:22 la législative partielle en Ariège, a cependant confirmé point par point ses dynamiques
02:27 par rapport aux résultats de juin 2022.
02:30 Grosse augmentation du RN, grosse baisse de Renaissance, stagnation de la NUPES.
02:35 Mais là aussi, il faut tempérer et rappeler que sur les quatre législatives partielles
02:39 ayant eu lieu en 2003, le RN n'en a remporté aucune.
02:43 En plus de ces sondages sur d'hypothétiques élections,
02:46 les sondeurs testent des sortes de codes de popularité ou d'efficacité
02:51 de différents partis ou personnalités politiques.
02:53 La question posée est, d'après vous, qui sort renforcé de la séquence politique actuelle ?
02:58 Parmi les personnalités politiques, c'est Marine Le Pen qui tire son épingle du jeu.
03:02 Là encore, il faut relativiser les résultats de telles enquêtes,
03:05 notamment parce qu'il est difficile de démêler les authentiques et durables déplacements d'opinion,
03:11 des effets temporaires d'emballement médiatique autoréalisateur.
03:16 C'est un silence qui fait beaucoup de bruit.
03:19 Discret depuis des mois et pourtant on lit partout
03:22 que le RN serait le grand gagnant de la crise des retraites.
03:25 Néanmoins, cette accumulation de données indique des tendances préoccupantes.
03:30 La NUPES et en particulier la France insoumise
03:32 semblent incapables d'ajuster leur stratégie politique et de communication à la période actuelle.
03:39 Certaines études permettent peut-être d'y voir plus clair.
03:42 Celles plus théoriques de Bruno Pallier et Paul-Luis Wagner
03:45 montrent combien les ingrédients sociaux et politiques concentrés ces dernières semaines
03:50 sont les mêmes que ceux qui font monter les droits de radicales un peu partout dans le monde.
03:56 L'injustice sociale portée par la réforme
03:58 et l'impression de mépris venant d'élites qui n'écoutent pas les problèmes du petit peuple.
04:04 Les auteurs remarquent que les segments de la population les plus frappés par la réforme
04:08 sont aussi ceux qui sont déjà le plus tentés par le vote Rassemblement National.
04:13 On a d'abord une première chose, c'est que ceux qui sont les plus impactés
04:16 c'est justement des travailleurs, ouvriers, employés, classes moyennes menacées,
04:23 en partie gilets jaunes etc. qui ont l'impression que c'est toujours eux qui payent.
04:27 Donc il y a quelque chose comme ça et qu'on ne les écoute pas.
04:30 On peut trouver une confirmation de ces travaux dans une note de la fondation Jean Jaurès
04:34 qui analyse les enquêtes d'opinion des dernières semaines.
04:37 Le Rassemblement National se renforce indéniablement dans des catégories de la population
04:41 où il était déjà auparavant extrêmement fort,
04:45 mais est également en train de ramener à lui d'autres catégories de la population,
04:49 au point de ressembler de plus en plus à un parti de gouvernement.
04:53 Les deux études insistent sur le fait que les grandes mobilisations sociales ont des résultats dans les urnes.
04:59 Une leçon essentielle à retenir de l'histoire politique récente,
05:02 lorsqu'une crise majeure secoue le pays et que des dynamiques électorales s'observent à cette occasion,
05:08 celles-ci perdurent, voire s'amplifient et se retranscrivent dans les urnes lors des scrutins suivants.
05:15 C'est par exemple le RN qui semble profiter du mouvement des Gilets jaunes aux européennes de 2019,
05:20 ou le mouvement contre la loi travail en 2016 qui empêche François Hollande de se représenter.
05:26 Pallier et Wagner avancent de leur côté des corrélations plutôt positives
05:30 entre des mobilisations contre les différentes réformes des retraites
05:34 et des élections qui suivent, favorables à la gauche.
05:37 La condition d'un succès actuel pour les deux auteurs, c'est de mettre le paquet sur le travail.
05:43 Non pas seulement les questions d'emploi et de rémunération,
05:46 mais aussi les questions de travail concret, d'organisation, de pénibilité, etc.
05:51 C'est la seule manière selon eux de contrer la montée du RN.
05:54 Antoine Bristiel, dans sa note pour la Fondation Jean Jaurès,
05:57 insiste sur les questions d'image et de communication.
06:01 L'attitude choisie par la France insoumise aurait des effets dissuasifs sur l'opinion.
06:06 On pouvait le comprendre de la façon suivante.
06:07 La radicalité de la France insoumise aurait du mal à rencontrer son public
06:12 en raison d'une mauvaise interprétation des attentes de ce public.
06:16 Dans la théorie populiste qui irrigue la stratégie de communication de la France insoumise depuis 2016,
06:22 les représentants politiques sont supposés capter la colère populaire
06:26 en l'incarnant et en introduisant partout de la conflictualité.
06:30 Cette stratégie repose notamment sur l'hypothèse que la colère ou le dégoût
06:35 recherche des passions similaires mises en spectacle par les représentants politiques.
06:40 Or cela n'a rien d'évident.
06:42 Le RN fait une analyse diamétralement opposée.
06:44 Or son succès sur le papier pourrait prouver qu'elle est payante.
06:48 C'est-à-dire qu'il parvient à faire passer son conservatisme et son amour de l'ordre
06:53 pour une offre rassurante de tranquillité.
06:57 Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir.
06:59 Nous ne le faisons pas en brandissant des pancartes,
07:02 en transformant l'Assemblée nationale en ZAD,
07:05 mais je crois que les Français ne souhaitent pas ça.
07:07 Ils veulent de la fermeté, ils veulent de la pugnacité et ils veulent une direction.
07:13 Et c'est ce que représente aujourd'hui avec de la solidité le RN.
07:17 On constate notamment une grande remontée des retraités dans son électorat potentiel,
07:22 alors que la France insoumise se montre incapable de les attirer.
07:26 Or voilà typiquement un public, il me semble, apeuré par le désordre
07:30 et voulant être rassuré par des gens qui présentent bien.
07:33 Le député insoumis François Ruffin, depuis des mois,
07:36 appelle explicitement à rompre avec la stratégie de conflictualisation
07:40 et de miroir de la colère.
07:42 Alors même qu'il est celui qui l'a mise en œuvre avec le plus de talent.
07:45 La question n'est pas sur le fond, elle est sur la présentation sur le ton.
07:50 Vous savez, je vous ai dit, finalement, Emmanuel Macron,
07:53 qu'est-ce qu'il devrait faire aujourd'hui ?
07:55 Il devrait parler avec mesure, avec pondération.
07:59 Je pense que plutôt que d'être quasiment le symétrique d'Emmanuel Macron…
08:03 Comme les Mélenchons ?
08:05 Comme on l'est.
08:07 Eh bien, je pense qu'on devrait se détacher,
08:10 prendre de la hauteur, essayer de prendre de la hauteur.
08:12 Bon, la doxa médiatique pleurniche pour quelques pancartes brandies à l'Assemblée
08:16 et la Macronie a choisi de taper sur la nupes et de rendre respectable le RN.
08:21 Mais on peut se demander s'il est bien raisonnable, parfois,
08:23 de tendre le bâton pour se faire battre.
08:25 On n'est pas dans un ancien, on n'est pas dans une manif,
08:28 on est dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale.
08:31 Bon, et puis, au-delà de ces questions d'image ou de communication,
08:34 on sait que la difficulté fondamentale que rencontre cette gauche de rupture,
08:39 c'est que la radicalité politique et sociale dont elle est porteuse
08:42 est considérée par beaucoup comme idéaliste ou utopique.
08:46 Cette résignation est captée par un RN,
08:48 dont les promesses sociales ne sont pas radicalement différentes
08:52 de celles du néolibéralisme,
08:54 mais qui fait la promesse que l'injustice sociale
08:58 sera redirigée vers d'autres boucs émissaires.
09:01 C'est un mensonge.
09:02 Et on va se répéter, mais on mesure combien une victoire
09:05 de la mobilisation sociale contre la réforme des retraites
09:08 jouerait un rôle déterminant pour s'attaquer à cette résignation mortifère.
09:14 À la semaine prochaine.
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09:26 Merci à tous !
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