• l’année dernière
Mathieu Bock-Côté propose un décryptage de l’actualité des deux côtés de l’Atlantique dans #FaceABockCote

Category

🗞
News
Transcription
00:00 Bientôt 20h sur CNews, soyez les bienvenus en direct dans un instant face à Mathieu Bocote,
00:06 juste après l'essentiel de l'actualité. Bonsoir Isabelle Piboulot.
00:09 Bonsoir Johan. L'exécutif déterminé à accélérer les réformes après celle des retraites,
00:18 c'est ce qu'a assuré Elisabeth Borne devant le Conseil national du parti Renaissance.
00:23 Nous voulons bâtir la France du plein emploi, garantir l'égalité des chances,
00:28 agir pour la santé et l'éducation a-t-elle martelé ?
00:31 Le président de la République, lui, s'adressera aux Français lundi à 20h.
00:36 Arrênes, une manifestation non déclarée contre la réforme des retraites avirée à la violence,
00:42 affrontements avec les forces de l'ordre, commerces détériorés, voitures brûlées,
00:47 plus d'un millier de personnes se sont réunies cet après-midi.
00:50 Hier soir déjà, le centre historique de la ville avait été vandalisé.
00:54 La CRS 8 spécialisée dans les violences urbaines a été déployée.
00:59 Et puis c'était il y a 4 ans, la cathédrale Notre-Dame en flamme,
01:04 suscitant l'émotion à travers le monde. La rénovation se poursuit.
01:08 Emmanuel Macron s'était donné 5 ans pour reconstruire l'édifice.
01:12 A l'issue de sa visite sur le chantier hier, le chef de l'Etat s'est dit optimiste
01:17 quant à une réouverture officielle au culte et à la visite fin 2024.
01:23 (Générique)
01:35 - Il est précisément 20h. Bonsoir à tous. Bonsoir Mathieu Boquecote.
01:39 - Bonsoir.
01:40 - A vos côtés ce soir, Arthur De Vatrigan, directeur de la rédaction de L'Incorrect.
01:44 Et face à vous, Patrick Buisson. Bonsoir M. Buisson, soyez le bienvenu sur ce plateau.
01:48 - Bonsoir. - Mathieu, pourquoi avoir décidé d'inviter ce soir Patrick Buisson ?
01:52 - Je dirais tout simplement lorsque Patrick Buisson sort un nouveau livre,
01:55 il faut d'abord le lire. Et si on a l'occasion en plus d'en parler avec lui, c'est un privilège.
01:59 Et surtout, Patrick Buisson nous raconte dans cet ouvrage et dans celui qui précédait,
02:03 l'histoire d'un basculement anthropologique, d'une révolution culturelle
02:07 que nous ne parvenons pas toujours à nommer.
02:09 Et c'est pour en parler avec lui que je le reçois ce soir. Bonsoir.
02:12 - Bonsoir Mathieu.
02:13 - Alors, vous nous racontez dans Décadence, avec D-A-N-S-E à la fin évidemment,
02:17 vous nous racontez l'histoire d'une libération qui n'en était pas une.
02:21 L'histoire d'un basculement qui s'est présenté aux hommes et peut-être davantage aux femmes
02:26 comme un grand moment d'épanouissement et qui aujourd'hui se retourne globalement
02:30 contre nos sociétés et peut-être davantage sur les femmes.
02:33 Est-ce que je décris correctement le cœur de votre thèse ?
02:36 - Je crois, oui. C'est l'idée principale. Il y en a une autre dans cet ouvrage.
02:42 C'est que nous sommes passés en 15 ans, entre 1960 et 1975, d'un modèle de société à un autre.
02:50 Nous avons accepté, et c'est le basculement anthropologique dont vous parlez,
02:56 que notre identité soit réduite finalement à ce que nous avons de plus impersonnel.
03:02 La sexualité, rien n'est plus impersonnel que la sexualité et la consommation.
03:07 Ce sont les deux révolutions de ces 15 ans.
03:09 La révolution consumériste d'une part et d'autre part, ce qu'on a appelé la révolution sexuelle,
03:14 la libération sexuelle, qui ne se limite pas aux images de mai 68
03:19 et à tout le folklore qui l'entoure.
03:21 Donc, on a un changement à la fois économique, on fabrique de nouvelles marchandises,
03:28 mais on fabrique aussi une sorte d'anthropofacture qui se met en marche.
03:32 On fabrique aussi une nouvelle humanité qui a des comportements, des mentalités différentes.
03:38 Et tout ça ne vient pas par hasard.
03:40 Il y a une entreprise d'ingénierie sociale qui va accoucher de cette humanité,
03:46 modifier les comportements, les cultures, les habitus,
03:50 tels que nous les connaissions depuis des siècles en France.
03:53 L'histoire d'un basculement, et pourtant, vous nous le dites, en une quinzaine d'années.
03:56 Alors, on peut croire qu'une société qui s'effondre en 15 ans,
03:59 qui bascule en 15 ans, était une société déjà très fragile,
04:03 dont les bases étaient beaucoup plus fragiles qu'on ne le croyait.
04:06 Oui, alors on peut dire ça, mais il faut mettre en regard le formidable appareil de reformatage,
04:15 de rééducation constitué par les nouveaux médias.
04:20 Aucun pouvoir, aucun État, aucune institution n'a jamais disposé dans l'histoire
04:25 d'une télévision, d'une radio, des médias de masse qui touchent des millions de personnes en même temps.
04:32 C'est le début aussi de la culture au monde, par exemple avec le phénomène du rock,
04:36 qui est l'incubateur d'une sorte de clash générationnel,
04:40 et pas simplement en France, à travers toute l'Europe et pratiquement tout le monde.
04:44 Donc il y a bien sûr une fragilité et des fragilités de la civilisation
04:49 qui va être balayée en 15 ans ou en 30 ans, disons,
04:52 mais il y a aussi un formidable appareil de reformatage, de rééducation,
04:57 de changement des mentalités.
04:59 Donc si je vous comprends bien, c'est moins une société qui était très fragile en elle-même
05:03 que la puissance de l'opération de rééducation, de reformatage,
05:07 qui distingue la période 60-75 dont vous nous parlez.
05:10 Sans doute que les deux phénomènes se sont rencontrés.
05:13 Il y a eu effectivement la conjonction d'une fragilisation
05:18 due déjà à des changements de mentalité et de comportement
05:22 qu'on voit poindre au lendemain de la guerre,
05:25 avec encore des thématiques dominantes, on en parlera tout à l'heure,
05:28 à propos de la démographie et de la politique familiale,
05:30 et là on est au cœur de l'actualité.
05:32 C'est-à-dire le problème des retraites, tel qu'il se pose aujourd'hui,
05:36 c'est le problème de la démographie, celui des actifs et celui des cotisants.
05:42 En 20 ans, la politique française a, je ne dis pas radicalement changé,
05:46 mais évolué de façon sensible, et c'est un des points que je souhaiterais aborder avec vous,
05:53 de manière telle qu'on a vu les engagements politiques,
06:00 il y a un changement de temporalité politique.
06:03 Dans les 20 ans qui suivent la guerre, on passe du temps long de la collectivité,
06:09 de la nation, de la communauté, au temps court des individus.
06:12 Et le bien commun, la culture de bien commun qui faisait,
06:17 qui permettait un consensus politique, va petit à petit disparaître.
06:21 Je vous donne un exemple. En 1945, tout le monde est d'accord sur la politique nataliste,
06:27 du parti communiste au RPF, en passant par la démocratie chrétienne,
06:33 ce que j'ai appelé l'alliance de la faussie et du goupillon.
06:37 Tout le monde est d'accord parce que notre régime de répartition
06:40 est fondé sur la politique familiale et la politique nataliste.
06:45 Il n'y a pas une divergence entre les politiques.
06:48 À mesure que l'on avance dans les années 60,
06:52 la temporalité du temps court commence à l'emporter.
06:55 La politique familiale, c'est un investissement sur le long terme.
06:58 Le retour sur investissement du capital humain, c'est 20 ans.
07:02 Alors que les politiques sont soucieuses de rentabilité immédiate,
07:05 de productivité électorale. Ça ne paye pas.
07:08 C'est le moment où on commence à piocher dans les caisses excédentaires
07:12 de l'allocation familiale pour combler les excédents, les déficits, pardon,
07:16 des caisses chômage, sécurité sociale, maladie et retraite.
07:22 Et donc là, il y a un basculement parce que l'intérêt des politiques
07:26 qui sont au pouvoir ou la vision des politiques n'est plus la même.
07:29 Elle a changé.
07:30 - Alors, je l'évoquais, c'est l'histoire de l'apparition de nouvel homme.
07:35 L'homme européen, l'homme français tel qu'on le connaissait,
07:37 n'est plus le même. Un nouvel homme apparaît.
07:39 Mais ce nouvel homme est surtout une nouvelle femme à certains égards.
07:42 Et vous nous racontez l'histoire de l'émancipation, de la libération sexuelle.
07:45 Et vous nous racontez surtout l'histoire de libération sexuelle
07:48 qui se retourne contre les femmes.
07:50 De quelle manière ce mouvement s'est-il retourné contre les femmes, selon vous ?
07:54 - Alors là, c'est un débat.
07:56 D'abord, il faut comprendre que cette évolution des politiques que je décrivais
08:01 correspond à un certain nombre de décisions.
08:03 À partir des années, la fin des années 60,
08:06 on assiste à un phénomène de privatisation de la procréation.
08:10 L'idée que la démographie est un enjeu politique commence à disparaître
08:16 et en surplomb apparaît finalement la philosophie de l'épanouissement individuel,
08:21 c'est-à-dire l'individualisation de la société.
08:24 Ça devient dominant à partir de ce moment-là et on assiste à un phénomène très curieux,
08:29 c'est qu'il y a à la fois médicalisation des naissances,
08:32 avant l'accouchement se faisait à domicile, désormais il se fera à l'hôpital.
08:36 Donc l'État contrôle de plus en plus l'acte,
08:39 mais en proportion qu'il se désintéresse de l'enjeu,
08:42 car l'enjeu c'est la natalité comme facteur de croissance économique
08:46 ou comme option politique et surtout effectivement
08:49 comme substrat de l'ensemble de notre système économique et du régime des retraites.
08:56 Privatisation de la procréation, cela renvoie à un phénomène plus général
09:03 qui est ce que j'ai appelé l'appropriation du droit par le moi.
09:08 Jusqu'à présent, l'usage qu'on faisait du droit,
09:11 c'était pour défendre la société contre les empiétements de l'individu.
09:15 Et à partir de la fin des années 60-70, c'est tout le contraire.
09:19 Le droit sert à défendre les individus contre la société.
09:24 On accorde de nouveaux droits aux individus,
09:26 c'est le début en fait de ce qu'on a appelé l'État de droit.
09:29 Donc là, il y a un changement de mentalité radicale.
09:34 Et c'est dans ce contexte-là que les grandes options politiques
09:37 vont être prises avec des conséquences sociétales que vous évoquez.
09:42 Qu'est-ce que c'est que ces options ?
09:44 Je vais peut-être blasphémer le nouveau sacré,
09:47 donc je vous prie de m'en excuser par avance.
09:49 Ce sont les lois Neuwirth sur la contraception
09:52 et la loi de Simone Weil également sur la contraception.
09:55 En fait, il y en a deux, celle de 67 et celle de 74.
09:59 Puis la loi Weil.
10:00 Les deux premières lois sur la contraception,
10:02 elles se donnent pour objectif d'imposer la contraception
10:05 comme un remède à l'avortement.
10:08 Or en fait, elles vont échouer,
10:11 dans la mesure où elles ne seront pas le remède,
10:14 mais l'avant-propos, elles ne feront pas reculer l'avortement.
10:17 La loi Weil de 1974 qui libéralise l'IVG,
10:22 elle a pour objectif de contenir les avortements.
10:27 Et c'est dit dans son article 2,
10:29 il s'agit, l'avortement est considéré comme un ultime recours
10:33 pour les situations de détresse.
10:34 Elle va aussi, d'une certaine manière, échouer
10:36 puisque l'avortement va devenir un avortement de convenance,
10:38 si vous voulez.
10:39 Donc ces lois qui étaient conçues avec des objectifs politiques
10:44 n'atteignent pas ces objectifs.
10:46 On a en fait des lois qui ont échoué.
10:50 Il y a un fiasco politique,
10:52 mais qui sont louangées à proportion finalement de leur échec,
10:56 dans la mesure où ces objectifs n'ont pas été atteints.
10:59 Alors la question que vous posez,
11:01 c'est quel en a été le bénéfice pour les femmes ?
11:04 On a pu penser qu'elles étaient gagnantes,
11:08 elles avaient une nouvelle liberté avec les techniques modernes
11:11 de la contraception, que sont la pilule ou le stérile.
11:17 Alors nouvelle liberté, oui, elles en usaient auparavant.
11:22 On n'a pas attendu les années 70 pour découvrir la contraception en France.
11:26 Au XIXe siècle, nous étions un pays dont le taux de démographie
11:31 était le plus bas, le taux de fécondité, pardon,
11:34 et de natalité était le plus bas d'Europe.
11:37 Donc cette liberté est nouvelle dans la mesure où la contraception
11:43 passe des ans en conventionnel,
11:45 le coït interrompu, les trains préservés,
11:48 aux missiles balistiques, c'est-à-dire la pilule ou le stérile.
11:53 Donc liberté nouvelle, oui, mais à quel prix ?
11:56 Libération, mais à quel prix ?
11:59 C'est la question qu'il faut se poser.
12:02 Au fond, quand on regarde les résultats, c'est le programme de la phallocratie.
12:07 Vous nous dites que finalement, ce qu'on présente comme une très grande victoire
12:11 pour les femmes est en fait une victoire pour l'homme qui dispose désormais de...
12:16 Ben voilà, c'est une assemblée d'hommes qui votent cette loi, ces lois.
12:22 C'est la perspective d'adultère sans risque.
12:26 On éloigne la perspective d'une paternité menaçante
12:30 et d'une fidélité encombrante avec la pilule, c'est formidable.
12:34 Quel était le programme de la phallocratie ?
12:36 Pas d'enfants, pas de mariage.
12:38 L'accouplement sans la mise en couple.
12:40 La consommation d'un maximum de corps féminins
12:43 sans avoir en assuré l'entretien sentimental et l'entretien financier.
12:49 On assiste à quoi ?
12:50 À une espèce d'exploitation sexuelle massive des femmes
12:54 dans la mesure où la pilule donne un libre accès au corps féminin sans contrepartie.
13:02 C'est-à-dire qu'il y a à la fois augmentation de l'offre sur le marché sexuel
13:06 et diminution du coût social de la relation.
13:09 Avant, l'accès au corps féminin était assuré par le mariage.
13:13 Là, on va voir que le mariage va s'effondrer
13:15 puisque la relation sexuelle, la dissociation de la fonction érotique
13:18 et de la fonction reproductive
13:20 permet aux femmes de se comporter finalement comme des hommes.
13:24 La conséquence pratique, c'est qu'effectivement,
13:27 les intérêts masculins paraissent dans ce tronc mieux assurés,
13:34 mieux défendus qu'ils ne l'étaient auparavant.
13:37 C'est Paul Morand qui, dans son journal des années 70,
13:40 dit, alors il parle de cette réification du corps féminin,
13:44 "hier, les femmes, c'était de la chair, aujourd'hui, c'est de la viande".
13:48 Alors il y a un peu de vrai dans cela,
13:51 parce que les féministes, et notamment sous l'impulsion des Américaines,
13:54 vont se rendre compte très vite des limites de la libération en corps.
13:58 Arthaud de Matrigan.
13:59 Justement, sur la loi Veil, vous rappelez à ceux qui n'étaient pas nés
14:04 et à ceux qui l'ont oublié volontairement ou volontairement,
14:08 la teneur des débats, notamment de personnalités
14:11 comme Alfred Sauvi ou comme Michel Debré.
14:14 Et là, vous parliez des conséquences sur la femme,
14:16 mais vous vous rappelez les conséquences aussi,
14:19 à long terme, sur le temps long, pour la France.
14:21 Est-ce que vous pouvez justement nous rappeler aux téléspectateurs
14:23 ce dont il était question à ce moment-là ?
14:25 Alors, ce qui m'a frappé dans le débat sur la loi Veil,
14:28 régularisant l'intervention volontaire de grosseur, c'est l'avortement,
14:32 c'est le type d'argument qui lui était opposé.
14:35 Alors, on l'a oublié, mais il faut regarder les débats.
14:38 Nous sommes au bout d'un an de giscardisme.
14:42 Les gaullistes ont mal admis l'élection de Giscard,
14:47 qui s'est faite au dépend de leur candidat, Jacques-Charles Mandelmas,
14:51 et ils sont très critiques à l'égard du gouvernement Giscard.
14:56 Simone Veil présente sa loi,
14:58 sachant qu'elle va se heurter à une opposition très forte
15:01 et pour tenter de désarmer l'opposition interne à la majorité,
15:05 elle dit que cette loi s'accompagnera,
15:08 il y aura des mesures d'accompagnement d'une grande politique familiale,
15:11 qu'elle annonce à ce moment-là, et qui ne sera jamais amorcée,
15:15 jamais mise en œuvre.
15:17 Les gaullistes, je pense évidemment à Michel Debré,
15:21 lui opposent à ce type d'argument, et ce qui est frappant,
15:24 c'est que le concept de grand remplacement n'est pas encore inventé,
15:27 mais il est dans tous les esprits.
15:30 La peur de la dénatalité,
15:32 la peur d'une submersion étrangère par l'immigration,
15:36 vraiment est le fil rouge de toutes ces interventions.
15:39 Michel Debré dit "Attention, cette loi est une erreur historique,
15:43 car nous allons accepter de diminuer et de vieillir
15:46 au moment où des peuples jeunes croissent à nos portes,
15:50 notamment en Méditerranée",
15:51 il pense évidemment au peuple maghrébin d'Afrique du Nord.
15:55 Cet investissement est lancé en plein débat,
15:57 Alfred Sauvi, ancien patron de l'Inède
16:00 et qui a la chaire de démographie au Collège de France,
16:04 explique qu'un peuple qui sous-traite la fabrication d'enfants
16:07 à des populations immigrées,
16:09 est un peuple qui a renoncé à exister,
16:11 qui va sortir de l'histoire,
16:13 et qui, et non, on ne prend pas le mot "remplacer",
16:15 mais ça a exactement le même sens.
16:17 Donc, cette crainte de l'effondrement démographique,
16:21 elle est consubstantielle à tous les nationalismes,
16:25 mais là, elle est particulièrement exacerbée dans ce débat.
16:28 Et le problème, c'est qu'effectivement,
16:31 moi je vois très bien et je comprends très bien
16:35 que le catholicisme ou l'Église catholique n'était plus en mesure,
16:39 n'avait plus le poids suffisant, nécessaire,
16:41 en pleine déchristianisation pour continuer d'imposer ses règles morales,
16:45 à imposer ses conduites héroïques à base d'assaises,
16:48 de maîtrise de soi.
16:51 Donc, il ne s'agit pas de critiquer la loi Veil,
16:55 mais de voir que le pendant de la loi Veil,
16:57 aurait dû être une loi familiale qui n'est jamais, jamais venue,
17:01 puisque ça a été évacué du débat très rapidement.
17:04 Et même Simone Veil, dans son discours,
17:07 qu'on cite toujours les volontiers,
17:09 dit "ça n'aura pas de conséquences démographiques".
17:11 Or là, elle ne peut pas ignorer l'expérience des Pays de l'Est
17:15 du bloc soviétique, qui est toute récente.
17:18 Dans les années 50, les pays comme la Bulgarie,
17:22 la Roumanie, la Tchécoslovaquie ont libéralisé l'avortement.
17:25 Et les naissances, le taux de natalité s'est effondré.
17:28 Si bien que dans les années 60, ils sont revenus sur ces lois,
17:31 avec un redémarrage de la natalité.
17:34 Simone Veil dit "mais non, finalement, les avortements légaux
17:37 vont remplacer les avortements clandestins".
17:39 Ce n'est pas du tout ce qui s'est passé.
17:41 Ce n'est pas du tout ce qui s'est passé, il y a eu un impact immédiat.
17:44 On est passé en quelques années d'un taux de fécondité par femme
17:47 de 2,5 enfants à 1,9.
17:51 Oui ?
17:53 - Alors, poursuivons, j'aurais une question sur le néo-féminisme.
17:56 - Alors, oui, non seulement il y a eu cet effondrement du taux de natalité,
18:02 on est passé de 857 000 naissances en 1973 à 720 000 en 1976,
18:08 mais il y a aussi un phénomène remarquable.
18:11 Jusqu'à présent, les femmes obtenaient, hors contraception chimique,
18:17 stérilet, c'est-à-dire, hors des techniques modernes de la contraception,
18:21 le nombre d'enfants qu'elles souhaitaient.
18:23 Le problème, c'est qu'elles ne les avaient pas au moment où elles le souhaitaient.
18:26 2,5 enfants désirés par femme, 2,5 enfants obtenus, jusqu'en 1970.
18:32 On pose la question en 1975, le désir était toujours là,
18:36 les femmes disaient "on veut trois enfants, deux enfants",
18:39 et de 2,5, les enfants obtenus, 1,9.
18:43 Toutes les naissances non désirées ont été éradiquées par,
18:47 je parlais tout à l'heure de missiles balistiques, c'est bien ça,
18:51 avec la pilule et le stérilet, en l'espace de 4 ou 5 ans.
18:56 Donc on a eu un effet immédiat sur la démographie,
18:59 et donc sur les perspectives du financement du régime de retraite,
19:05 auxquelles nous sommes aujourd'hui confrontés.
19:08 - Vous évoquiez les conséquences de ce basculement du monde
19:13 où l'homme s'empare de la révolution sexuelle
19:16 et crée un ordre à son avantage, et les femmes en paient le prix.
19:19 Dans votre dernier chapitre, vous développez une thèse assez audacieuse.
19:23 Vous nous dites que le néo-féminisme dont on parle beaucoup aujourd'hui,
19:26 que ce soit le mouvement #MeToo, que ce soit les balancetons-pors,
19:30 vous nous dites que derrière cela, il y a probablement des excès,
19:34 il y a un désir néanmoins de se délivrer de la tutelle mâle,
19:38 de se délivrer de la souveraineté du mâle,
19:41 et de reconstituer quelque chose comme une appropriation féminine de la sexualité,
19:45 quitte finalement à le faire à travers des moyens qui sont peut-être exagérés.
19:48 Est-ce que je décris bien encore une fois votre thèse ?
19:50 - Oui. Alors il faut bien voir, parce que les choses sont toujours un peu compliquées,
19:55 la manière dont a été reçue cette libération sexuelle
19:58 par la première génération des féministes.
20:01 Elles ont milité pour la contraception et l'avortement libre et gratuit,
20:04 c'est le slogan du MLF, celui qu'on trouve à la une de leur journal de tension brûle,
20:09 c'est leur objectif.
20:10 Mais en même temps, avec un doute chevillé au cœur, si j'ose dire,
20:15 et une question lancinante qu'elles ne vont cesser de se poser.
20:20 Mais est-ce qu'on n'est pas en train d'être,
20:22 pour reprendre l'expression célèbre de Simone de Beauvoir,
20:24 d'être floués finalement ?
20:26 Est-ce que finalement cette nouvelle donne,
20:29 ce genre de droit de cuissage permanent, d'accès libre et gratuit au corps des femmes,
20:34 ne va pas accentuer la domination masculine
20:37 et nous imposer les impératifs sexuels mâles
20:40 de manière encore plus prégnante que nous les subissions jusque-là ?
20:44 Ce sont deux féministes québécoises qui viennent au colloque du planning familial
20:48 lancer ces divertissements.
20:50 Attention, nouvel esclavage en vue !
20:53 Voilà ce qui se profile.
20:54 Alors, toutes les féministes ne sont pas sur cette ligne-là,
20:57 mais beaucoup émettent d'ores et déjà des réserves.
21:01 Leur combat, c'est quoi ?
21:02 C'est, et c'est important pour comprendre ce qui va se passer par la suite,
21:06 faire en sorte que l'emprise de l'État, j'en parlais tout à l'heure,
21:10 c'est un enjeu politique la démographie,
21:12 donc l'État avait son mot à dire.
21:14 L'emprise de l'État sur la sphère privée se relâche.
21:18 Mon corps m'appartient.
21:20 C'est ça la grande revendication du féministe dans les années 60.
21:23 L'État n'a pas à s'en mêler.
21:25 Je vous parlais de privatisation, de la procréation.
21:30 Toute la dimension, toute l'appropriation sociale de la sexualité disparaît.
21:34 Ça ne regarde que le couple.
21:37 Et c'est très intéressant de voir que le mot couple apparaît après 45.
21:42 Avant, on parlait de ménage, on ne parlait pas de couple.
21:45 Ça vient du latin copula, qui signifie copuler,
21:48 ce qui indique bien le caractère à la fois transitoire et passager
21:53 de la relation entre l'homme et la femme.
21:56 Ce qui renvoie, je vous en parlais à l'instant,
21:59 au vieil idéal masculin, s'accoupler sans s'engager.
22:03 Alors que les femmes, jusqu'à présent,
22:05 étaient sur une position un petit peu différente
22:08 qui consistait à ne pas dissocier le sentiment du désir.
22:11 Alors que le comportement masculin
22:13 aboutissait à une dissociation du désir et du sentiment,
22:17 les femmes n'ont été attachées à cela.
22:19 - Mais je vous pose la question à nouveau.
22:21 Est-ce qu'aujourd'hui, dans tous les mouvements que j'évoquais,
22:24 que vous évoquez aussi, balance ton port, tout ça,
22:26 est-ce que finalement, au-delà du néo-féminisme,
22:29 ce n'est pas simplement, si je comprends bien,
22:31 une reconquête du féminin sur les résultats des 40 ou 50 dernières années ?
22:36 - Oui, mais il y a plus profond que cela.
22:39 Donc, une fois qu'on a bien à l'esprit
22:42 ce qu'étaient les revendications du premier féministe,
22:44 qu'est-ce qui se passe aujourd'hui avec MeToo que vous évoquiez ?
22:46 Bon, inventer une sexualité féminine, dites-vous,
22:49 mais il y a autre chose.
22:51 On est face à une vague de néo-puritanisme.
22:57 Mais si on regarde bien, ce n'est pas nouveau dans l'histoire.
23:00 Il suffit de lire l'histoire de la mort en Occident de Rougemont.
23:04 À toute période de libération sexuelle,
23:07 succède une période de puritanisme.
23:11 Le christianisme a été la réaction à la débauche de l'Empire romain.
23:16 L'amour courtois a été une réaction à la trop grande liberté du Moyen-Âge,
23:22 les cours d'amour.
23:24 C'étaient des répliques féminines au débordement sexuel de la masculinité.
23:29 Le mouvement des précieuses a été une réplique féminine
23:34 aux débauches de la cour, sous Henri Cade, par exemple.
23:38 Donc nous sommes le directoire avec les incroyables et les merveilleuses.
23:42 C'est la réponse au règne de la vertu des conventionnels.
23:46 Donc il y a ce mouvement de balancier dans l'histoire
23:49 qui fait qu'aujourd'hui le féminisme, après avoir été sur une libération sexuelle sans limite,
23:54 est en train de changer de forme, le néo-féminisme.
23:57 Arthur de Matrigan.
23:59 C'est néo-féminisme, qui a un mot à la bouche,
24:02 c'est même une ponctuation, c'est patriarcat.
24:04 La question que je vous pose, c'est quelle est la place de l'homme
24:07 lorsque depuis 50, en tout cas en France, et on peut l'élargir à l'Occident,
24:11 il n'y a plus de guerre, il y a une mécanisation de tout,
24:13 il y a un marché du travail qui est ouvert à tout, et vous l'avez rappelé,
24:15 il y a ce slogan "Mon corps, mon choix" avec ce déploiement de la procréation,
24:20 plus évidemment le statut culturel du père qui est contesté, voire carrément éliminé.
24:24 Quelle est la place de l'homme aujourd'hui ?
24:26 Le conseil est celui d'abord d'une destitution biologique, la pilule,
24:29 c'est plus l'homme qui décide de la maternité.
24:33 Il y a dégradation juridique, il perd en 72 son statut de père de famille,
24:38 il y a dégradation sociale dans le monde ouvrier où effectivement
24:41 la force physique n'est plus la valeur de production,
24:45 mais ce qu'on dit aujourd'hui du patriarcat, et notamment des néo-féministes,
24:50 est absolument, à mon avis, à la fois excessif et en grande partie faux.
24:56 Pourquoi ? Je pense que le patriarcat a protégé les femmes.
25:00 Par exemple, on parlait de la relation sexuelle.
25:04 Sous le régime des mœurs du patriarcat, l'homme qui engrossait une fille
25:08 était obligé de réparer, c'était l'expression consacrée.
25:11 Alors tous ne le faisaient pas, bien entendu, d'où les avortements clandestins,
25:14 mais il y avait cette obligation morale que faisait poser la société.
25:18 Donc au détriment de ce qui pourrait être considéré comme la domination masculine,
25:22 il était contraint de se marier.
25:25 Le patriarcat a longtemps maintenu, jusqu'en 1975, jusqu'à la loi Giscard
25:30 qui libéralise la censure, a longtemps endigué les fantasmes masculins,
25:35 et notamment celui de la pornographie, qui va déferler à partir de 1975.
25:39 Donc protection à l'égard des femmes, protection à l'égard d'une image dévalorisée,
25:45 diminuée de la femme.
25:48 Et ce patriarcat était pondéré en pratique par des mœurs extrêmement diverses.
25:55 Vous voyez, par exemple, juste de dire un mot, les théoriciennes féministes
25:59 nous ont exposé l'idée, à partir des années 65-70, que le coup, le foyer,
26:08 c'était le lieu de l'exploitation économique de la femme,
26:11 qui fournissait un travail gratuit, qui n'était pas payé,
26:14 le travail domestique, le travail du foyer.
26:17 Et donc, ça les constituait en classes, ça créait un lien entre elles,
26:23 et donc la lutte des sexes allait remplacer la lutte des classes,
26:26 puisque toutes les femmes étaient victimes de la même exploitation.
26:30 La réalité sociale, jusque dans les années 60 en France,
26:34 elle est toute différente.
26:36 Il y a un patriarcat facial, mais il y a un patriarcat pratique,
26:42 notamment le patriarcat budgétaire.
26:44 Dans les familles ouvrières, le mari rapporte la paie et la remet à la femme,
26:49 et il reçoit un peu d'argent de poche en échange de ce geste symbolique.
26:53 La réalité sociale de la France, c'était ça.
26:55 Merci beaucoup, messieurs, pour la première partie de cet échange passionnant,
26:59 échange qui se poursuit dans un très court instant.
27:01 A tout de suite.
27:02 Il est 20h30, bonsoir à tous.
27:09 Patrick Buisson face à Mathieu Boccoté, juste après le rappel des titres.
27:12 Bonsoir, Isabelle Pipoulot.
27:14 Les quatre syndicats représentatifs de la SNCF
27:20 appellent à une journée d'expression de la colère cheminote jeudi prochain.
27:24 Une étape de préparation aux manifestations du 1er mai,
27:28 peu après la promulgation de la réforme des retraites.
27:30 "Nous ne passerons pas à autre chose tant que cette loi n'est pas abandonnée",
27:34 affirment les syndicats.
27:36 En Seine-Saint-Denis, un impressionnant incendie
27:39 ravage l'école maternelle Jules Ferry de Montfermeil.
27:42 Le feu s'est déclaré en fin d'après-midi dans l'établissement en construction.
27:47 Entre 160 et 200 sapeurs-pompiers sont sur place, avenue Gabriel-Péry.
27:52 Il est demandé d'éviter le secteur et de ne pas encombrer les lignes d'urgence.
27:57 Et puis l'Allemagne ferme ses trois derniers réacteurs nucléaires.
28:00 Ils seront déconnectés du réseau électrique peu avant minuit.
28:04 Une sortie de l'énergie atomique qui reste controversée
28:07 dans le contexte d'urgence climatique.
28:10 Le gouvernement allemand avait accordé un sursis de quelques semaines.
28:14 L'arrêt était initialement fixé au 31 décembre.
28:18 Mathieu, place à votre échange.
28:22 Deuxième partie de cet échange avec Patrick Buisson.
28:24 Alors nous y revenons avec une formule que vous avez lancée
28:26 et qui ne sera pas nécessairement consensuelle.
28:28 Le patriarcat protégeait les femmes.
28:31 Et j'en conclue, son effondrement handicap les femmes.
28:35 Alors, essayons d'être dans la nuance et dans la modération.
28:40 Simplement, le patriarcat est devenu un mot fétiche,
28:43 qu'agitent aujourd'hui les fétichistes,
28:45 pour tout expliquer d'une oppression qui serait l'équivalente,
28:49 c'est comme le mot capitaliste dans les organisations extrêmes gauches de 1970.
28:53 C'est le sésame qui permet de tout comprendre.
28:55 C'était la domination masculine.
28:58 Précisément, je parlais des premières générations de féministes.
29:03 Dès le départ, elles ont pointé le passif de cette libération.
29:09 La réification chimique du corps, la dépendance de la femme,
29:13 l'instrumentalisation techno-marchande à l'égard des laboratoires pharmaceutiques.
29:17 Alors aujourd'hui, on voit l'extraordinaire mouvement de défaveurs qui frappe la pilule,
29:22 les class-actions contre Bayer aux États-Unis,
29:24 en France aussi, la Cour d'appel qui a reconnu l'imputabilité
29:28 d'accidents vasculaires à une étudiante qui avait consommé des pilules surdosées.
29:34 Tout ça fait débat déjà.
29:36 Et les féministes se disent qu'en fait, on est en train de nous dénaturer en tant que femmes
29:42 pour le plus grand profit de l'industrie chimique.
29:45 Donc, il n'y a pas.
29:46 Et puis aussi, cette ruse de l'histoire qui fait qu'on leur présente la pilule
29:51 comme l'instrument de libération à l'égal de la domination masculine,
29:54 mais finalement, elles vont tomber sous une autre domination masculine
29:57 qui est celle du corps médical, qui devient le régulateur de leur vie endocrinienne,
30:02 qui devient le maître enlangé de cette vie.
30:05 Alors à l'époque, il y a très peu de femmes gynécologues.
30:07 Donc, on passe d'une forme de patriarcat à une autre forme de domination
30:12 qui est celle du corps médical sur les femmes.
30:16 Et c'est très intéressant.
30:17 Je sentais que vous cherchiez à me taquiner un peu, Mathieu, dans votre question,
30:21 de voir comment le néo-féminisme occupe aujourd'hui les positions
30:25 qui sont à front inversé de celles de la première génération des féministes.
30:30 Il faut dire que pour la plupart de nos néo-féministes,
30:35 ce sont les cruches incultes qui veulent nous imposer un nouvel ordre moral
30:42 aussi étouffant et aussi insupportable que celui de l'ordre moral bourgeois
30:48 au XIXe siècle, simplement avec les signes inversés.
30:52 Mais puritanisme est dans les deux cas, finalement.
30:54 L'ordre moral bourgeois, c'est celui qui fait condamner Baudelaire pour les fleurs du mal.
30:58 Chacun se souvient de cela.
31:01 Alors, les néo-féministes, aujourd'hui, prennent le contre-pied de la première génération des féministes.
31:06 Parce que les premières voulaient se délivrer et délivrer la sphère privée de l'emprise de l'État.
31:11 Elles ne font que réclamer que plus d'État à l'intérieur du couple.
31:16 Un juge et un flic au bord du lit, pratiquement.
31:20 Donc elles constituent une sorte de police des mœurs, de brigade de la délation,
31:25 de fliquettes de la pensée pour effectivement imposer une autre forme d'ordre moral.
31:31 Si je vous ai, je dirais que le néo-féministe, c'est le monologue du vagin terroriste.
31:37 Et c'est ce à quoi nous sommes arrivés, à contre-pied du mouvement de libération
31:41 qu'avait lancé le MLF dans les années 60-70, puisqu'il s'agit de judiciariser l'intime.
31:47 Là où les premières féministes disaient "foutez-nous la paix, laissez notre corps tranquille,
31:52 lâchez notre utérus", comme aura dit aujourd'hui Samuel Rousseau
31:56 avec toute l'élégance qui la caractérise.
31:58 - Arthaud de Matrigan.
31:59 - Justement, vous dites que l'histoire se répète et que finalement,
32:02 le puritanisme revient après une libération.
32:04 Donc là, on est dans une période puritaine.
32:08 C'est quoi l'étape d'après ?
32:10 - L'étape d'après, logiquement, c'est une autre libération sexuelle.
32:15 Je ne sais pas sur quelle base...
32:17 - Est-ce qu'on peut plus libérer ?
32:18 - Elle pourra se...
32:19 Le problème de ces émancipations qui n'en sont pas, finalement,
32:24 c'est qu'il y a un sentiment de...
32:26 Je reprenais tout à l'heure le mot de Simone de Beauvoir.
32:29 On a été floué.
32:31 On voit bien d'ailleurs, le rossac a été assez rapide.
32:34 Je le décrivais, y compris par exemple,
32:37 vis-à-vis d'une invasion de l'image pornographique dans les années 75.
32:41 Les mouvements féministes se sont mis à le découvrir avec horreur.
32:44 Cette espèce de culte phallique sur l'écran,
32:47 qui était d'ailleurs une forme de revanche des catégories populaires
32:50 dont vous parliez tout à l'heure, qui se trouvaient déclassées socialement
32:53 et qui retrouvaient à travers le cinéma porno
32:56 la vieille affirmation d'un virilisme, d'une domination sur les femmes.
33:00 C'est très intéressant de voir le succès des films pornographiques
33:02 dans les milieux populaires.
33:04 On a pu théoriser ça d'ailleurs en disant que l'État l'utilisait jusqu'à...
33:09 On a toujours peur d'un retour de mai 68.
33:11 On a pris la pornographie comme un sédatif des luttes sociales.
33:15 On a prêté à un ministre important, Poniatovski,
33:17 il ne faut pas le nommer, ce mot, pendant qu'il se branle,
33:19 ils nous foutent la paix.
33:20 - Ça fait quoi ce que pouvait dire Oxley, auquel vous faites référence d'ailleurs ?
33:24 Plus une société restreint les libertés politiques,
33:27 plus elle restreint la vie publique,
33:29 plus elle tend à maximiser l'espace de la liberté sexuelle.
33:32 C'est une thèse que vous reprenez à votre compte ?
33:34 - Comment ?
33:35 - C'est une thèse que vous reprenez à votre compte ?
33:36 - Oui, tout à fait. C'est exactement ce qui s'est passé.
33:39 Le libéralisme avancé de Viscard, ça a effectivement consisté
33:42 à lancer ces messages en direction des deux forces dynamiques
33:47 sur le plan sociétal, qu'étaient les femmes et les jeunes,
33:50 en leur accordant des libertés nouvelles.
33:52 L'avortement pour les femmes, le droit de vote pour les jeunes.
33:56 Et en fait, les libertés politiques ont commencé de reculer
34:00 ou de régresser à ce moment-là.
34:02 Effectivement, il y a un phénomène compensatoire
34:05 qui se produit entre les deux.
34:07 Je voudrais quand même ajouter, parce qu'on ne se me prenne pas,
34:10 et surtout, on ne présente pas mon propos comme un propos misogyne.
34:16 Dans l'histoire, il faut quand même redire les choses
34:19 comme elles se sont passées, et de dire franchement,
34:22 la gauche a des états de service sur la misogynie absolument extraordinaires.
34:28 Il ne faut pas oublier que la révolution française a été faite,
34:32 on n'en parle jamais, contre le pouvoir des femmes,
34:35 le pouvoir politique des femmes, dans les salons,
34:37 les salons philosophiques, à la cour.
34:40 La révolution française a été une réaction viriliste
34:43 pour remettre les femmes à leur place.
34:46 Un conventionnel qui s'appelait Amart a pu dire,
34:49 les femmes, c'est le chaos et l'erreur.
34:52 Et que font d'ailleurs les conventionnels pendant la Terreur ?
34:54 En 93, ils envoient les femmes à la guillotine.
34:56 Marie-Antoinette, Madame Roland, Charlotte Corday,
34:59 Olympe de Gaulle, féministes mais aussi royalistes.
35:02 Et il y a cette réaction qui est de violence innuie,
35:06 et qui va faire que pendant plus d'un siècle et demi,
35:09 au nom de l'héritage de la révolution française,
35:12 la gauche va traîner les femmes dans la boue,
35:15 en les considérant comme des moins que rien.
35:17 C'est ce qu'on a pu appeler la république des Jules,
35:20 le premier étant Jules Michelet,
35:22 qui considère les femmes comme le parti prêtre,
35:26 le parti de la contre-révolution qui est sous l'influence de l'Église,
35:29 les dépositaires de l'obscurantisme.
35:32 Cette tradition, elle fait partie de notre vie politique et sociétale.
35:36 Si bien d'ailleurs que la France, la République française,
35:40 a attendu 1945 pour donner le droit de vote aux femmes,
35:44 alors que toutes les monarchies européennes l'avaient fait depuis belle lurette.
35:49 Donc moi, je n'entends pas qu'on fasse ce procès en misogynie.
35:54 La réalité, effectivement, qu'est-ce qui s'est passé autour de ces lois ?
35:57 C'est évidemment que la gauche a cherché, et réussit d'ailleurs,
36:00 à soustraire la population féminine à l'influence de l'Église,
36:03 qui avait été prédominante pendant des siècles sur les esprits féminins.
36:08 Là aussi, c'est une révolution à bas bruit qui s'est produite,
36:11 mais on voyait bien les enjeux idéologiques et politiques
36:14 que cachaient ces débats de société.
36:16 Alors, vous nous racontez l'histoire d'une décomposition,
36:19 l'histoire d'un basculement, l'histoire d'une société
36:21 qui passe d'un modèle à un autre,
36:23 mais dans une telle révolution, il y a toujours,
36:25 d'une manière ou de l'autre, des convulsions.
36:27 Dans une telle révolution, il y a une partie de la société
36:29 qui se braque contre le nouveau modèle qui s'installe.
36:32 Est-ce qu'il serait possible aussi de décrire une histoire
36:35 de ces résistances à la société que vous avez indiée,
36:37 qui se mettait en place et que vous racontez ?
36:39 Est-ce que les populismes aujourd'hui, par exemple,
36:41 ou l'histoire des mouvements conservateurs,
36:43 peuvent être pensés comme des réactions à l'histoire que vous nous racontez ?
36:47 - La question que vous posez, plutôt que d'évoquer le populisme,
36:50 je parlerais de résistance populaire.
36:52 Cette résistance populaire se manifeste très tôt.
36:55 Elle se manifeste à l'égard de la pilule.
36:58 En 1966, l'IFAB fait une enquête.
37:00 78 % des femmes disent jamais qu'elles ne veulent pas
37:03 se faire dénaturer par la pilule.
37:05 Non, on ne veut pas.
37:07 Et ce taux augmente encore dans les catégories populaires.
37:10 Il y a une très grande méfiance.
37:12 Le conservatoire des moeurs dans ces régimes,
37:14 ce sont les catégories populaires.
37:16 On ne divorce pas.
37:18 L'avortement, contrairement à ce que la vulgate compassionnelle
37:21 va raconter, est plutôt plus rare que dans les milieux bourgeois.
37:25 Jeannette Vermerch, la compagne de Maurice Thorez,
37:28 le secrétaire général du Parti communiste dans les années 50,
37:31 disait que l'avortement, c'est un vice-bourgeois.
37:33 Elle décrivait une réalité sociologique.
37:36 Les catégories populaires vont être la principale force de résistance
37:40 à ces changements sociétaux.
37:42 La méfiance à l'égard de la pilule est fondée sur, évidemment,
37:45 toutes les premières études qui arrivent des pays anglo-saxons.
37:48 Les Américaines aussi qui disent qu'on ne veut pas de des cobayes.
37:51 Vous avez homologué ce médicament qui comporte des risques,
37:55 cancers hygiènes qui sont aujourd'hui listés par les filiales de l'OMS,
37:59 de thromboses, accidents circulatoires.
38:02 Il y a une méfiance qui va durer, disons, 15 ans pour que la pilule s'installe,
38:08 alors que les décrets d'application entrent en fonction en 1974.
38:12 Il faut attendre les années 80-85.
38:15 10 ans, 15 ans.
38:18 Résistance populaire qui ne veut pas être sous cet espèce de conditionnement chimique
38:24 que représente la pilule.
38:26 C'est très intéressant dans l'histoire des idées,
38:28 parce qu'on se souvient que, par exemple, à gauche,
38:33 l'idée du contrat social avec Rousseau remettait en cause l'état de nature,
38:38 ou plutôt, non pas le remettait en cause, mais le mettait en avant,
38:41 face aux traditions et à l'esprit du catholicisme.
38:47 Dans les années 60, là aussi, combat à fond renversé.
38:52 Ce sont les défenseurs de la tradition qui se mettent à défendre la nature,
38:57 qui refusent l'intrusion chimique dans le corps féminin.
39:02 C'est très intéressant, parce qu'au fond, c'est le début du transhumanisme.
39:07 L'idée, c'était de dire aux femmes, à l'état de nature, vous êtes incomplète.
39:11 Il faut que vous soyez augmentée par une prothèse chimique ou mécanique,
39:17 le stérilet, pour devenir véritablement une femme.
39:20 Alors que la réaction naturelle d'un milieu populaire dit,
39:22 je suis femme parce que je respecte ma nature de femme.
39:25 Vous voyez, cette inversion des fronts est très intéressante,
39:28 parce qu'elle montre bien que ce n'est pas d'abord des milieux intellectuels
39:32 qu'est venue cette résistance à ce basculement anthropologique.
39:35 Ce sont des milieux populaires.
39:37 C'est là où la résistance a été la plus forte.
39:39 Il a fallu toute l'ingénierie sociale, des campagnes de promotion considérables
39:44 de la part des organismes de communication gouvernementales
39:48 pour arriver à convaincre les femmes d'utiliser la pilule.
39:52 Avec aujourd'hui ce mouvement des affections,
39:55 je crois qu'on est monté au plus haut à 46% des femmes en âge de féconder
39:58 qui utilisent la pilule.
40:00 Aujourd'hui, on est tombé à 35%.
40:02 Au contraire, on a une vogue du retour aux méthodes naturelles
40:07 dont on se moquait parce que c'est ce que l'Église préconisait,
40:10 la méthode des températures, etc.
40:12 Il y a une espèce d'hormonophobie qui fait que l'éco-féminisme
40:16 aujourd'hui récuse et balaye la pilule avec encore plus de vigueur
40:20 que l'avait fait la première génération de féministes.
40:22 Arthur de Matrigan.
40:23 Diriez-vous que le progrès que vous dénoncez,
40:26 IGG, divorce, vous n'avez pas parlé mais vous parlez beaucoup dans votre livre,
40:30 GPA qui arrivera probablement et peut-être même le tenazis,
40:33 sont des fantasmes de bourgeois qui sont payés par les classes populaires.
40:37 Pour le divorce, d'abord, on a le recul pour en juger.
40:42 Ce n'est pas moi qui le lis, c'est une sociologue,
40:46 Irène Théry, qui a consacré des études importantes.
40:49 Mais dans un contexte très particulier,
40:51 le divorce par consentement mutuel est voté en 1975,
40:54 encore un cadeau de Giscard à ses clientèles électorales préférées.
41:03 Il est voté en 1975 sans qu'on se préoccupe,
41:08 jusqu'à présent le divorce était un luxe bourgeois,
41:11 la loi Vidal-Naquay faisait que c'était très compliqué,
41:13 ça coûtait très cher de divorcer
41:15 et le taux de divorcialité était très faible dans les milieux populaires,
41:19 sans qu'on se préoccupe des conséquences que va avoir cette loi,
41:22 c'est-à-dire de la massification du divorce.
41:25 La première conséquence, c'est que ça a été le premier facteur
41:28 de paupérisation des femmes en France.
41:31 On ne le dit jamais, l'apparition des familles monoparentales.
41:34 Il faut attendre 1976 pour que le gouvernement Chirac
41:39 fasse voter l'allocation de parents isolés,
41:43 qui est une forme d'aide à la famille monoparentale,
41:46 qui est en parenthèse une invention de la sociologie américaine.
41:49 Ça n'existe pas les familles monoparentales.
41:51 Vous voyez la subversion du langage,
41:53 la bataille sémantique et culturelle dont vous parlez.
41:55 Si brillamment, cher Mathieu Bocote, elle se perd là,
41:59 un enfant a toujours deux parents,
42:01 alors c'est pas parce qu'ils vivent séparés
42:03 que c'est une famille monoparentale.
42:05 Vous voyez l'abus du langage, c'est l'élimination déjà de la figure du père,
42:09 rien qu'avec cette classification sémantique.
42:14 Conséquence pratique, c'est le premier facteur de paupérisation.
42:17 Dans les milieux ouvriers, la femme qui a souvent,
42:22 à l'époque encore, assez peu de crèches
42:25 et assez peu de soutien pour s'organiser,
42:28 est obligée de travailler pour compenser des conséquences financières
42:32 beaucoup plus lourdes évidemment pour un ménage ouvrier
42:34 que pour un ménage bourgeois,
42:36 où le fait d'avoir deux appartements ne pose pas de problème.
42:38 La séparation est mieux supportée.
42:41 Je m'en voudrais de ne pas vous conduire aux conséquences politiques,
42:44 si je peux me permettre, de l'histoire que vous nous racontez.
42:46 Est-ce que vous voyez dans le monde occidental aujourd'hui,
42:49 non pas le résident, vous parliez par exemple de réaction culturelle,
42:53 la méfiance envers la pilule, l'hormonophobie, et ainsi de suite,
42:56 mais sur le plan politique, est-ce que vous voyez l'amorce
42:59 d'une volonté de reconstruire,
43:02 je voudrais dire de déconstruire l'ordre dont vous faites l'histoire,
43:05 ou de construire un ordre qui serait plus en conformité
43:08 avec ce qu'a été longtemps le monde occidental ?
43:11 Toute restauration est difficile ou impossible.
43:15 Simplement, je mentionnais les prémices en ce qui concerne la contraception,
43:18 la volonté de recourir à des méthodes naturelles
43:21 au détriment de ce qui a été fait entre 1960 et 1970,
43:26 et qui est apparue comme une grande conquête des luttes féminines.
43:29 Aujourd'hui, cette conquête, les femmes elles-mêmes ont pris une distance
43:32 vis-à-vis de celle-là.
43:34 Pour le reste, le problème est lié,
43:39 Pierre Chaumut, qui était le spécialiste de l'histoire sérielle après Vrodel.
43:44 Il a mis en relation le krach de la foi, la décristinalisation,
43:49 et le collapsus démographique.
43:53 Il y a un lien, il y a une corrélation qu'il trouve dans toutes les études mécaniques.
43:58 Quand on cesse de croire en Dieu, dans une surdurée, dans un au-delà,
44:04 le souci de reprogrammer la vie est moins vif, est moins présent.
44:09 Ce qui explique d'ailleurs que la crise de la reproduction de la vie,
44:13 l'effondrement de la natalité en Occident,
44:16 se soit accompagnée d'une crise de reproduction des systèmes
44:20 qui donnaient un sens à la vie.
44:22 C'est l'effondrement des grands messianismes,
44:24 le catholicisme d'abord, mais aussi le marxisme.
44:27 Donc quand vous ne croyez plus à une surdurée,
44:30 l'investissement sur l'avenir, sur le capital humain, sur l'enfant,
44:33 c'est-à-dire quelque chose qui transcende votre propre destinée individuelle,
44:37 devient moins naturel, moins spontané.
44:41 Et effectivement, il compare deux courbes,
44:45 la croyance en une vie après la mort,
44:47 c'est-à-dire la croyance dans un dogme chrétien,
44:50 et celui de la démographie.
44:52 Et il montre que les deux suivent la même courbe descendante.
44:57 C'est-à-dire la descente de la foi, la croyance,
45:03 d'abord par l'escalier de service, puis par la fenêtre,
45:07 qui entraîne celle de la reproduction de la vie, c'est-à-dire de la natalité.
45:12 Donc vous posez le problème du retour d'une forme de sacré ou de croyance.
45:17 - Je poserai la question autrement.
45:19 Vous parlez de retour du sacré, je reprends votre formule.
45:21 Tout récemment, on l'a vu, la volonté d'inscrire l'IVG dans la Constitution
45:25 à la manière d'un droit fondamental.
45:27 Est-ce qu'on ne peut pas dire qu'il y a une forme de sacré qui se joue ici,
45:31 c'est-à-dire la révolution des 50 dernières années
45:33 trouve son point culminant dans la volonté de sacraliser l'IVG
45:37 à la manière de la liberté qui ne doit pas céder, qui ne doit pas tomber.
45:40 Donc il y a une forme d'écart dans votre propos,
45:43 une société qui est consciente de ses contradictions,
45:46 mais qui cherche néanmoins à consacrer dans le droit, dans la Constitution,
45:50 probablement la valeur, le droit symbolique
45:52 qui incarne la révolution dont vous avez parlé.
45:54 - Votre question n'est pas sûrement pertinente,
45:56 mais j'y ai déjà en partie répondu.
45:58 Vous avez parlé de sacré, c'est un nouveau sacré.
46:01 Et là aussi, c'est une défaite, une débâcle idéologique de la gauche.
46:04 Qu'est-ce que c'était que l'esprit des Lumières
46:06 pendant lequel, par exemple, le christianisme a été contesté ?
46:08 C'était le couronnement de l'esprit critique.
46:10 Or, j'ai dit tout à l'heure, je vais blasphémer
46:13 en disant que les lois Neuwirth et Loweil sont des fiascos
46:16 au regard des objectifs qui étaient les leurs.
46:20 Échec.
46:21 Bon, eh bien, quand je dis blasphémer,
46:24 ça veut dire que je touche à quelque chose qu'on ne peut plus critiquer.
46:27 Et vous le savez bien, dans l'espace médiatique,
46:29 ce sujet est absolument tabou.
46:31 On ne peut pas en parler.
46:33 On ne peut pas soumettre à l'esprit critique l'exemple ou l'idée,
46:36 simplement, qu'on a fait ces lois avec le fait, par exemple,
46:42 de faire reculer l'avortement.
46:44 Or, depuis 40 ans, on est au chiffre incompressible
46:47 de 200 000 avortements par an.
46:49 Alors qu'il y a la pilule de la veille,
46:51 la pilule du jour-même, du lendemain, le RU486,
46:54 tous les moyens de contraception sont à disposition.
46:57 L'avortement est devenu une forme de contraception privilégiée.
47:00 C'est la plus pratique.
47:01 Ça évite la pilule dont on redoute les effets chimiques.
47:04 Et le politique, pour au moins s'interroger sur le coût
47:07 qu'a, pour la collectivité, ces choix.
47:10 Eh bien, non.
47:11 Toute discussion et tout débat est interdit.
47:13 On va sacraliser.
47:14 On doit s'agenouiller.
47:16 D'ailleurs, je m'étonne que vous n'ayez pas fait venir
47:18 un exorciste en plateau, Mathieu.
47:20 Ça aurait permis, effectivement, de décharger mes propos
47:23 de tout caractère blasphématoire qu'ils ont.
47:25 - Il nous reste moins d'une minute.
47:27 La société dont vous avez fait l'histoire,
47:29 le nouveau modèle de société qui s'est mis en place,
47:32 le voyez-vous aujourd'hui fragile ou le voyez-vous
47:35 dans une phase de radicalisation, à moins que les deux
47:38 puissent se conjuguer ?
47:39 - Eh bien, écoutez, là encore, l'indice le plus sûr,
47:44 c'est cette volonté de sacraliser, de constitutionnaliser.
47:47 À partir du moment où on ne sent pas le danger
47:52 pour quelque chose que l'on défend, on ne sacralise pas.
47:56 On ne constitutionnalise pas.
47:58 Vous voyez, ça me rappelle la loi de 1884
48:01 qui va asseoir la République en France,
48:04 qui à l'époque est menacée par les monarchistes
48:06 par autour de la monarchie.
48:08 Cette menace est tellement présente qu'ils éprouvent
48:10 le besoin d'inscrire dans la Constitution
48:12 le fait qu'on ne peut pas changer la forme républicaine
48:15 de nos institutions.
48:17 On ressent le péril et la menace.
48:19 Le fait, alors, il y a eu ce qui s'est passé aux Etats-Unis
48:22 qui a été le prétexte pour lancer cette campagne,
48:25 mais on voit bien qu'on veut consacrer
48:28 cette avancée idéologique, c'est parce qu'on sent
48:30 qu'à un moment ou à un autre, elle peut être remise en cause.
48:33 Sous quelle forme ? Comment ? Je n'en sais rien.
48:35 - Alors, il nous reste 30 secondes.
48:37 Devant le monde qui se présente à nous, vous nous dites
48:39 que nous sommes au passage d'une époque à une autre.
48:41 Nous ne savons pas à quoi ressemblera l'avenir,
48:43 mais le passé peut être une ressource.
48:45 La passée est une sorte de source de sens
48:47 pour la reconstruction. En quelques secondes,
48:49 sur ce dernier thème.
48:50 - Oui, ressource de sens, ressource d'énergie.
48:53 La tradition, ce n'est pas ce qui est derrière nous,
48:56 c'est ce qui est en nous, ce qui nous éclaire,
48:58 c'est l'expérience. Ce sont les préjugés au sens noble du terme.
49:02 Le préjugé, c'est ce qui a été jugé avant nous
49:04 par toute l'humanité. On peut peut-être en tenir compte.
49:07 C'est un avis qui vaut bien d'autres,
49:09 par exemple des journalistes de plateaux de télévision.
49:12 - Merci, Philippa.
49:14 - Merci beaucoup, messieurs, d'avoir été en direct
49:16 avec nous pour cet échange, évidemment, très passionnant.
49:19 Merci beaucoup, Mathieu Bocoté, Arthur De Vatrigan.
49:21 Merci beaucoup, Patrick Buisson, d'avoir accepté
49:24 de venir une heure ce soir en direct sur le plateau de CNews.
49:27 Merci à vous, évidemment, de nous avoir suivis.
49:29 Dans un instant, vous avez rendez-vous avec FASS à Riofol.
49:31 Et puis, vous retrouverez, évidemment, à 22h.
49:33 Frédéric Taddeï, très belle soirée à tous.
49:36 Merci.