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Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Retrouvez "Voyage en absurdie" sur : http://www.europe1.fr/emissions/chronique-en-absurdie

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Transcription
00:00 du journal L'Opinion, c'est à vous. On va parler élevage ce matin, une forme d'élevage assez inattendue, très technologique
00:06 puisqu'il s'agit d'élever des moustiques tigres mâles dans des fermes à insectes. Mais qui a eu cette brillante idée ?
00:12 - Alors on parle là d'une startup française, Terratis, qui a été couvée par l'incubateur de l'Université de Montpellier et qui a reçu une
00:18 bourse de la French Tech pour un projet aussi surprenant qu'utile et innovant.
00:22 Elle va donc monter une ferme à moustiques de plusieurs milliers de mètres carrés. Elle devrait ouvrir
00:27 d'ici à 2028 dans la région de Montpellier après la création d'un pilote l'an prochain.
00:31 Alors on ne va pas élever des moustiques tigres pour les manger mais pour lutter contre leur congénère, une espèce agressive
00:37 qui gagne du terrain en France et qui est vecteur notamment de maladies comme la dengue ou le virus Zika.
00:42 - C'est pas un peu bizarre
00:44 d'élever des moustiques en grand nombre dans le but de s'en débarrasser ?
00:47 - Oui, ça a l'air étrange mais c'est en fait le fruit d'une bonne observation de ces insectes piqueurs.
00:52 Les femelles moustiques ne s'accouplent qu'une fois dans leur vie et ce sont elles qui piquent.
00:57 TerraTis va donc élever des mâles qui eux ne piquent pas par millions, les bombarder de rayons X pour les rendre stériles avant de les
01:04 relâcher dans la nature.
01:05 La loi du nombre fait qu'on multiplie les chances pour les femelles de s'accoupler avec des mâles stériles plutôt qu'avec des mâles sauvages
01:11 et donc elles vont pondre des oeufs qui ne donneront rien et c'est ainsi qu'on fait baisser la population de moustiques tigres en
01:17 empêchant la venue au monde de générations entières de larves.
01:20 - Intéressant, ça marche vraiment ?
01:23 - Eh bien cette technique ça s'appelle la TIS, la technique de l'insecte stérile. Elle a été démontrée grandeur nature l'an passé sur l'île de la Réunion
01:30 par des chercheurs de l'institut de recherche pour le développement
01:33 et ils ont montré qu'elle permettait de réduire de 60% la fertilité des moustiques tigres dans un quartier donné. Alors il y a aussi des expériences
01:40 du même genre en Asie mais la ferme à moustiques TerraTis devrait être la première mise en oeuvre à grande échelle de cette technique
01:46 de stérilisation des insectes en Europe. - Mais on n'est pas en train de créer des franken-moustiques là ?
01:51 - Oui, des mouches un peu bizarre. Non, alors d'abord parce qu'ils ne sont pas mutants, ils sont simplement stériles donc par définition ils ne sont pas voués à
01:59 proliférer et puis ça va se faire dans des conditions précises, dans un bâtiment sécurisé qui empêchera les sorties et les entrées d'autres insectes.
02:06 Précisons aussi que le moustique tigre est une espèce invasive, pas un insecte qu'on trouvait classiquement en France. On ne va pas
02:13 donc déséquilibrer un écosystème entier et puis d'autant que cette technique de l'insecte stérile ne va pas suffire à se débarrasser totalement des moustiques,
02:20 simplement faire baisser la pression. Il faut par ailleurs
02:22 veiller à ne pas laisser leur terrain de jeu habituel, vous savez la petite flaque d'eau qui stague, les pots de fleurs avec de l'eau
02:28 dans la soucoupe. - Alors cette fameuse technique de l'insecte stérile, est-ce qu'il y a d'autres applications possibles ?
02:32 - Oui, c'est ça qui est très intéressant. Cette technique on l'appelle "autocide". Elle n'est pas neuve, elle date des années 50.
02:37 - Autocide ? - Autocide. - Se tuer soi-même, c'est ça ? - Mais c'est comme une autre forme de suicide.
02:42 Voilà, par insectes. Mais elle connaît donc cette technique des avancées récentes. Alors c'est intéressant pas seulement pour avoir des nuits d'été sans
02:50 piqûres, il y a des applications pour d'autres insectes, pour des mouches qui causent des plaies aux bétails.
02:55 Donc on arrive à faire baisser considérablement les populations. - Les ravageurs aussi, c'est ça ? - Oui, pardon ? - Les ravageurs, je pensais pour les cultures.
03:02 - Des cultures. Alors là c'est un énorme avantage parce qu'on réduit la pression de ces ravageurs sans utiliser d'insecticides,
03:09 sans éliminer le reste de la biodiversité. Donc ça c'est vraiment très intéressant.
03:12 L'agriculture cherche d'ailleurs d'autres techniques pour perturber les facultés de reproduction des insectes. On s'est dit que plutôt que de les tuer, il faut
03:19 les empêcher de se reproduire. Dans les vergers, on utilise des phéromones qui créent des confusions sexuelles.
03:24 Elles attirent les mâles dans des boîtes, ils croient y trouver des femelles, ils n'y trouvent rien d'autre qu'un diffuseur d'odeurs.
03:30 - Et la porte s'est refermée derrière eux. - Et voilà, et c'est trop tard. Ça s'appelle du biocontrôle. C'est une piste très intéressante pour une agriculture
03:36 qui affecte moins les écosystèmes.
03:38 - C'est beau la technologie. - Oui, il y a de l'avenir hors de la chimie, en tout cas ça c'est intéressant.
03:42 Merci beaucoup Emmanuel Ducroc, c'était passionnant.
03:44 Tiens, vous parlez d'agriculture, je vous rappelle le nouveau président de la FNSE a été notre invité tout à l'heure à 7h10. Entretien à retrouver sur votre application
03:52 europe1.fr. Merci Emmanuel, on se dit à demain. Il est 8h44.