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Regardez L'invité de RTL du 20 avril 2023 avec Amandine Bégot.

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00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 RTL matin
00:06 RTL 7h43, excellente journée à vous tous qui nous écoutez alors qu'Emmanuel Macron est donc attendu aujourd'hui dans les rots pour parler éducation
00:13 vous avez donc choisi ce matin à Mandine de donner la parole à un enseignant.
00:17 Bonjour Stéphane, vous avez 37 ans, vous êtes professeur d'histoire et de géopolitique en lycée dans le sud-ouest
00:22 et je précise et c'est important dans le contexte que vous n'êtes pas syndiqué lundi soir dans son allocution
00:28 Emmanuel Macron a donc promis des changements visibles à vue d'oeil, ce sont ses mots pour l'école et ceux dès la rentrée
00:34 est-ce que vous y croyez Stéphane ?
00:36 Bien écoutez j'y crois autant que les 4, 5, 6 dernières fois qu'il a promis la même chose depuis
00:40 sa première élection en 2017. Du temps de Jean-Michel Blanquer on nous expliquait que la revalorisation
00:45 était sur la table, on ne sait pas où est passée la table mais pour l'instant nous n'avons pas
00:51 encore vu la couleur de la revalorisation.
00:53 Alors on va revenir dans un instant sur cette question de rémunération
00:56 mais vos collègues en salle des profs ils y croient à ses promesses ?
01:00 En salle des professeurs depuis vraiment 5, 6 ans, surtout depuis l'annonce de la réforme du lycée
01:04 c'est la sinistrose. Alors les taux de grévistes peuvent paraître bas au niveau national mais en fait
01:10 c'est aussi lié à la perte drastique de pouvoir d'achat qui est la nôtre depuis le début des années 80
01:15 et beaucoup d'enseignants ne peuvent plus se permettre d'enchaîner 3, 4, 5 jours de grève par mois. Tout ce que je peux vous dire c'est que
01:22 l'écrasante majorité des enseignants non grévistes de mon établissement et ça c'est factuel
01:26 sont vent debout contre la politique d'Emmanuel Macron et ne croient plus à ses promesses.
01:30 Et pourtant beaucoup d'entre eux ont voté pour Emmanuel Macron il y a un an.
01:33 Effectivement on a tendance à croire à tort aujourd'hui que les salles des professeurs sont des repères entre guillemets de gauchistes.
01:40 Je crois qu'en 2022 au premier tour
01:43 55% des enseignants qui se sont déplacés aux urnes ont voté à droite soit pour Emmanuel Macron soit pour LR
01:50 soit pour un parti dit patriote. Et donc malgré ça, oui les enseignants
01:55 macronistes sont aujourd'hui, en tout cas ceux que je connais, très déçus.
01:59 Pour vous Stéphane qui est enseignant depuis 13 ans, on a bien compris la priorité, l'urgence du moment c'est la rémunération.
02:04 Est-ce que je peux me permettre de vous demander combien vous gagnez aujourd'hui ?
02:08 Alors professeur certifié, fonctionnaire de catégorie A, je gagne exactement le même salaire qu'un gardien de la paix,
02:14 néo-titulaire, fonctionnaire de catégorie C. Et c'est très bien pour eux mais il me semble quand même que
02:18 ça en dit long sur ce que sont aujourd'hui les priorités du gouvernement, c'est-à-dire
02:22 2150 euros par mois.
02:26 2150 euros net et malgré tout vous n'arrivez plus à vous en sortir ?
02:30 Bien sûr qu'on peut s'en sortir, bien sûr qu'il y a pire que nous en termes de situation.
02:34 Simplement, et ça c'est prouvé par les différentes enquêtes, nous sommes le corps de métier qui depuis maintenant
02:38 plus de 40 ans a perdu le plus de pouvoir d'achat, fonction publique comme privée. Et donc oui on attend une véritable
02:46 revalorisation sans contrepartie parce que ça fait aussi des années que notre charge de travail ne cesse de s'accroître.
02:51 Moi je le dis à vos auditeurs, ils ne me croiront certainement pas, mais une semaine sur deux pendant mes vacances
02:56 qui ne sont pas des congés, je travaille à temps plein. Le week-end je travaille au moins un jour sur deux et en semaine
03:02 il y a bien une ou deux soirées
03:04 durant lesquelles je vais travailler jusqu'à
03:07 21h, 22h. Malgré tout certains vous diront Stéphane que vous faites partie des professions on va dire un peu
03:12 privilégiées, vous avez 16 semaines de vacances par an par exemple ?
03:15 Je leur répondrai que
03:17 s'ils croient ça alors qu'ils croient aussi que notamment les journalistes
03:21 radiophoniques ne travaillent qu'une heure, une heure et demie par jour, le temps de leur prise
03:25 de parole à l'antenne, on sait bien que c'est beaucoup plus que ça, il y a du travail de préparation,
03:29 il y a des réunions aussi après les interventions, c'est pareil pour nous. Et oui 16 semaines de vacances, c'est à dire sans élève en face,
03:36 ça ne veut pas dire 16 semaines chômées. Bien sûr qu'on se souvient de l'enseignant ou des deux trois enseignants qu'on a eus et qui
03:43 recyclent sans arrêt les mêmes évaluations et les mêmes cours. Je peux vous garantir que la plupart des enseignants que je connais
03:48 s'investissent
03:50 plus que de raison dans ce métier. Quand je dis plus que de raison c'est à dire que
03:54 la réponse en face institutionnelle, le manque de reconnaissance fait qu'on devrait vraiment
03:58 baisser et lâcher les rames. Et nous on s'investit et puis ensuite on est dans des enseignements
04:03 qui sont vivants, contrairement à ce qu'on peut croire. Même en histoire, la recherche historique progresse en permanence mais quand on enseigne la géopolitique
04:10 on est au fait permanent de l'actualité et bien sûr qu'il faut actualiser. Donc ceux qui disent que les enseignants sont des gros fainéants et
04:16 qui râlent tout le temps,
04:18 ils se mettent un doigt dans l'oeil. Aujourd'hui les enseignants, je crois non plus vraiment la force et l'énergie de râler.
04:24 Alors je vais dire que c'est ce que je viens de faire et c'est ce que les auditeurs se diront. Mais
04:27 il y a beaucoup de lassitude et je crois qu'on n'est pas loin d'une situation de
04:31 dépression collective. C'est à dire que quand on se projette tous dans l'avenir,
04:34 on a le sentiment que rien ne bougera, que rien ne s'améliorera et qu'au contraire notre situation ne fera à tout niveau
04:40 pouvoir d'achat, conditions de travail que se dégrader.
04:44 Alors la semaine dernière, ici même sur RTL, Papendia et le ministre de l'éducation nationale a promis des augmentations
04:49 substantielles et sans condition. Il parle d'une enveloppe de 2 milliards d'euros dès la rentrée prochaine. On va voir aujourd'hui si Emmanuel Macron confirme tout ça.
04:57 Mais ce serait quoi pour vous Stéphane, une augmentation substantielle ?
05:00 La plupart des enseignants, et là je me fie aux enquêtes notamment faites par l'OCDE et par tout un tas d'institutions,
05:08 aimeraient tout simplement qu'on rattrape la perte de pouvoir d'achat qui est celle de notre métier. Depuis, je vous le répète, le début des années
05:14 80, elle se monte actuellement à environ 35%. On sait bien que les finances publiques sont exsangues et qu'on ne pourra pas aller jusque là.
05:21 Mais de notre point de vue, en deçà d'une revalorisation de
05:24 20% sans contrepartie, ça ne sera pas suffisant. Là on nous parle de 10% sans contrepartie, plus 10% avec
05:33 contrepartie, les 10% sans contrepartie ne rattraperont même pas et l'inflation actuelle et surtout le gel de points d'indice depuis maintenant presque
05:40 13 ans sans discontinuer. Il ne faut pas oublier ça.
05:42 Les contreparties, c'est ce fameux pacte pour les enseignants qui accepteront de remplacer leurs collègues absents. Ceux qui feront
05:48 72 heures en plus chaque année auront droit à une prime annuelle de
05:52 3 650 euros. En plus, ce n'est pas rien ça ? Ce n'est pas rien, mais encore une fois, là ce n'est pas une
05:58 revalorisation. C'est du travailler plus pour gagner plus. Je crois qu'il faut quand même qu'on soit
06:01 assez cohérent sur le choix des mots qu'on emploie. Une revalorisation, c'est une hausse de salaire à temps de travail et à mission équivalente.
06:08 Si vous faites le calcul, vous constaterez que c'est une augmentation du temps horaire hebdomadaire de
06:13 11 à 13% qu'on soit par exemple certifié ou agrégé, pour une hausse de salaire de 10%.
06:18 Donc ce sont des heures supplémentaires moins bien payées que des heures normales.
06:22 Je peux vous garantir qu'autour de moi, les enseignants que je connais
06:25 ne sont pas prêts à signer ce pacte. Moi en tout cas dans mon lycée, je n'en connais pas un qui est prêt à le
06:29 signer. Et donc quand le président Emmanuel Macron s'engage à ce qu'à la rentrée, les absences des enseignants soient
06:35 systématiquement remplacées, est-ce que ça veut dire qu'il pense qu'il va y avoir un
06:39 raz-de-marée de demandes de signature du pacte ? Si c'est le cas, je pense qu'il va être très déçu.
06:44 Mais qu'est ce qu'il faut faire ? C'est pas juste une question de salaire, pas juste une question de moyens ?
06:48 Bien sûr, il n'y a pas que ça. Moi ce que je crois aussi, c'est qu'il faut que l'éducation nationale et le gouvernement
06:52 enfin
06:54 construisent l'école avec les enseignants. Ça aussi c'est quelque chose peut-être que vos auditeurs ne savent pas, mais il n'y a jamais eu dans l'histoire de
07:00 l'éducation nationale de réformes construites et pensées avec les enseignants. C'est toujours asséné verticalement.
07:07 Quand des réformes comme celle du lycée sont annoncées, les enseignants qui sont des professionnels de terrain voient bien les problèmes que ça va soulever.
07:14 Moi dans mon lycée, on avait signé une tribune, on avait pointé du doigt les différents risques
07:19 qu'allait entraîner la réforme du lycée. Ça n'a pas loupé. Tout ce qu'on avait pointé du doigt est arrivé.
07:25 Quand on l'avait fait, on nous avait rionné et aujourd'hui on nous reproche presque de ne pas nous être mobilisés.
07:30 Mais quoi par exemple ?
07:31 Par exemple, c'est un bac et un fonctionnement, une articulation, une architecture qui placent les élèves dans un état de stress
07:38 permanent. Je n'ai jamais vu ça de ma carrière.
07:41 Quand j'avais des terminales dans l'ancienne formule, l'ancien bac,
07:44 j'avais des terminales qui étaient globalement apaisés, qui venaient avec plaisir en classe, qui venaient vraiment en souriant.
07:49 Et puis il y avait un petit état de stress au moment de l'examen final.
07:52 Aujourd'hui, dès le début de l'année de première, avec le contrôle continu notamment, ils se mettent une pression sans nom.
07:58 J'ai beaucoup d'élèves qui
08:00 tombent en pleurs à la moindre note et qui vraiment viennent en classe la boule au ventre, qui ont l'impression de jouer leur vie
08:05 pratiquement à chaque évaluation, ce qui bien sûr n'est pas le cas. Et ça on l'avait pointé du doigt.
08:09 Stéphane, je disais, ça fait 13 ans que vous êtes enseignant. Qu'est-ce qui a le plus changé à vos yeux ?
08:13 Le plaisir. Le plaisir qu'on peut ressentir nous à aller travailler et que les élèves peuvent aussi avoir
08:19 à venir dans les établissements.
08:21 J'ai vraiment l'impression que le climat, de manière générale et globale, s'est dégradé. Et j'ai envie de vous dire, pour les enseignants, c'est un
08:26 peu la dernière chose qui nous reste normalement. Le plaisir qu'on a à transmettre.
08:30 Et si c'était à refaire, vous choisiriez le même métier ?
08:33 Je vais inverser la question.
08:36 Vous ne trouverez pas aujourd'hui beaucoup d'enseignants qui conseilleraient à leurs propres enfants de s'engager dans ce métier-là.
08:41 Pas très optimiste. En effet, merci beaucoup en tout cas Stéphane d'avoir pris la parole.
08:46 On vous souhaite une très bonne journée. Dépêchez-vous puisque vous avez cours des 8 heures.
08:49 - Ouais.
08:50 et de la sécurité de nos gens.

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