Rocca, un MC entre deux mondes - Clique Talk - CANAL+

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Clique Talk, c’est la rencontre entre Al-Hassan Ly et les artistes, penseurs, acteurs qui font bouger la société.

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Transcription
00:00 -Bonjour à tous. Pour garder "Click talk", aujourd'hui, on reçoit Aroca.
00:02 Salut, comment ça va ? -Comment ça va ? Bien ?
00:04 -Ca va nickel, merci.
00:06 -Comment va ? -Ca va, merci.
00:07 -Eh ben...
00:08 -Toi, t'as une famille avec des parents peintres
00:10 qui sont venus de la Colombie pour en ayant reçu une bourse en France.
00:14 -Hm-hm.
00:15 -Est-ce que tu penses que ça t'a conditionné à être plus sensible à l'art ?
00:18 -Oui, parce que je suis né dans une famille de critères artistiques,
00:22 ce qui fait que c'est pas que mon père et ma mère,
00:24 c'est aussi tous mes oncles, mes grands-parents.
00:27 Mon père et ma mère, c'est les seuls qui font de la peinture,
00:30 mais tous mes oncles qui sont venus après ici,
00:33 quand nous, on est arrivés, c'est tous des grands musiciens.
00:36 Donc je suis né vraiment dans un milieu
00:39 où l'art, c'est le fondement,
00:42 c'est la base, c'est philosophique,
00:46 c'est dans l'ADN.
00:47 Donc tout est autour de l'art.
00:50 Et dès que tu commences à développer l'art,
00:52 tu développes une sensibilité
00:56 et un sens philosophique à la vie très différent.
00:58 -Très jeune, t'as fait du violon, du piano,
01:02 après, t'as fait aussi de la batterie.
01:04 Comment t'es passé d'instrument classique à faire du rap ?
01:07 -Parce que...
01:09 Déjà, je suis pas rentré vraiment...
01:11 La première musique que j'ai écoutée, c'est le folklore.
01:14 -OK.
01:16 -Parce que mes oncles qui sont arrivés ici,
01:17 ils avaient un groupe qui s'appelait Bakata,
01:20 et ils faisaient du folklore colombien.
01:23 C'est-à-dire cumbia, curulaos, buyerengues,
01:26 joropo, bambucos,
01:29 tous les genres musicaux qu'il y a,
01:31 beaucoup de genres musicaux de Colombie.
01:32 Donc moi, j'écoutais que, dans mes oreilles, le folklore.
01:36 Ensuite, je suis passé à d'autres genres musicaux.
01:39 Et le rap, c'est vraiment arrivé
01:41 parce que c'était la musique que j'ai dû vivre par rapport à mon...
01:44 Ma...
01:45 Ma...
01:46 Ma...
01:48 Dans mon actualité contemporaine, c'était ce qu'il fallait que j'écoute,
01:51 c'est-à-dire Michael Jackson,
01:54 Les Fat Boys, Public Enemy,
01:57 Eric Benrakim,
01:58 Trouble Funk, James Brown.
02:00 C'est la musique qu'on écoutait, nous, les jeunes,
02:04 à ce moment-là.
02:05 On dansait...
02:06 Je suis pas rentré dans le rap ou dans le hip-hop.
02:09 Par le rap,
02:10 je suis rentré dans le hip-hop par la danse,
02:12 donc par la musique, par le graffiti.
02:15 Tu comprends ?
02:16 Donc ça s'est fait tout simplement.
02:19 Et puis à la fin, c'est toujours la même racine
02:21 qu'on fait, tu vois, que t'écoutes du blues, du reggae, du rock, de la salsa...
02:25 C'est toujours la même racine, après,
02:27 qui a des cousins éloignés
02:31 et des ralliements musicaux de genres différents,
02:33 mais c'est toujours la même chose à la fin.
02:34 C'est toujours le même beat, c'est toujours le même feeling.
02:38 -Et je crois que ce qui t'a poussé à raper,
02:40 c'est quand t'es parti voir Gang Starr en concert, en 90.
02:43 -À raper professionnellement.
02:45 Je rappais déjà avant,
02:46 j'avais plusieurs groupes,
02:47 je faisais des trucs dans le quartier avec des amis,
02:51 mais c'était pas très sérieux.
02:53 Mais quand j'ai vu le concert à Espace Orlando, en 1990,
02:56 de Gang Starr avec DJ Farid,
02:58 enfin Farid, mon ami,
03:00 Gayego, Cécile Jellahy de la Clique.
03:02 C'est là que j'ai vu vraiment mon premier impact de hip-hop sur scène,
03:08 vraiment...
03:09 Tu vois, j'étais très jeune,
03:11 donc ça m'a vraiment...
03:14 Retourné le cerveau.
03:16 C'est là que j'ai dit "Je vais faire comme Guru,
03:19 je vais être un MC".
03:21 -Donc très jeune aussi,
03:22 t'as beaucoup voyagé entre la France et la Colombie.
03:24 T'as été imprégné de ces deux cultures.
03:27 J'aimerais savoir ce que chacune d'entre elles t'a apporté.
03:30 -Oui. Par exemple,
03:32 la saveur,
03:35 c'est dans l'ADN,
03:36 c'est la Colombie.
03:38 Et en France, je l'ai professionnalisé.
03:42 Ça veut dire...
03:43 Grâce aux rencontres d'autres musiciens,
03:47 d'autres MC, de la Clique,
03:49 des membres de différentes disciplines du hip-hop,
03:54 j'ai commencé à canaliser toutes ces énergies,
03:58 à les fusionner dans un aspect lyrique et musical.
04:03 Et c'est tout ça qui m'a alimenté
04:07 la structure musicale que depuis,
04:11 que je ne fais que de développer.
04:12 Tu vois ?
04:14 Je sais pas comment dire, c'est toutes ces influences-là
04:18 qui m'ont amené à faire ça.
04:20 -Est-ce que, plus jeune, tu t'es pas, par moments,
04:23 senti un peu perdu entre les deux cultures, à pas savoir ?
04:25 -C'est ce que je disais.
04:26 Fils d'immigré, d'un père et d'une mère colombiennes,
04:28 j'aurais dû être sur scène, un chanteur de salsa,
04:30 mais manque de veine, la vie que je mène me fit changer de voix,
04:32 mit trop de veine, troquer mes congas pour le mic,
04:34 faire du rap comme du sport, contact...
04:37 Tu vois ? Je le dis dans mes morceaux.
04:39 J'aurais dû faire ça, mais la vie que je mène ici...
04:43 Je sais que si j'avais vécu en Colombie, j'aurais jamais fait de rap.
04:46 Tu comprends ? -T'aurais fait quoi ?
04:48 -J'aurais fait peut-être de la salsa, du folklore, du jazz,
04:50 free jazz, autre chose, du latin jazz.
04:52 J'aurais fait autre chose dans la musique,
04:54 parce que c'est pas ce que je devais vivre ici.
04:56 J'ai grandi dans un endroit urbain
05:00 avec un multi-pop de cultures d'Afrique, d'Europe,
05:03 qui sont arrivées ici et qui ont adopté la culture
05:07 des ghettos américains, du hip-hop,
05:09 à la mentalité et à la structure sociale qu'il y avait en France.
05:12 Et à partir de là, j'ai baigné dans le hip-hop.
05:16 Et donc, parce que j'ai baigné dans le hip-hop,
05:18 ça a forgé mon caractère, ma manière de parler, mon swing...
05:22 Naturel.
05:24 Les gens s'en trichaient, tu comprends ?
05:26 Ça fait partie de moi.
05:28 Donc c'est ici que j'ai fait du rap.
05:30 J'aurais pas fait de rap en Colombie, c'est clair.
05:32 En plus, je suis arrivé à un moment donné,
05:34 crucial dans le rap, où ça devenait une industrie.
05:37 Donc j'ai fait partie de la génération des premiers artistes
05:40 de l'underground, du vrai underground,
05:43 à arriver au grand public.
05:45 -Diffusé en radio... -Diffusé en radio, grand public.
05:47 Donc tu vois, c'est...
05:49 En vérité, j'ai jamais pensé que j'allais faire du rap pour vivre.
05:53 Tu comprends ce que je veux dire ?
05:54 C'était pas...
05:56 C'était pas écrit.
05:57 Si on pouvait savoir qu'est-ce qui va se passer,
06:00 on envisagerait, on travaillerait d'une autre manière, mais...
06:04 C'est venu...
06:05 Regarde, toi, tu as 19 ans.
06:07 Regarde, tu es là.
06:08 Là, aujourd'hui, tu pensais pas peut-être qu'à 15 ans,
06:10 t'allais faire ça.
06:11 Tu vois, c'est des...
06:12 Mais le fait que tu sois en France,
06:15 au moment précis,
06:16 avec ton énergie précise à ce moment-là,
06:18 c'est ce qui a fait que toi, tu es là aujourd'hui.
06:21 Je pense que c'est pareil pour nous, les gars de notre génération.
06:24 On n'est pas arrivé dans un endroit...
06:25 Il y avait un marché, une structure comme aujourd'hui
06:27 où tu peux te dire...
06:28 "Papa, maman, je vais faire du rap,
06:30 regarde, je vais vous sortir de la galère et on va faire du rap."
06:34 Même si c'est du rap bi-crave,
06:36 je vais faire de la bibi, mais en rap.
06:38 Je vais plus être dans la rue à vendre de la dope,
06:41 je vais vendre des lyriques comme...
06:44 "Là, j'ai un plan pour pouvoir faire de l'argent."
06:46 Tu comprends ? -Ouais.
06:47 -Maintenant, il y a une structure,
06:49 tu peux le développer de différentes manières,
06:51 mais nous, à notre époque, il n'y avait que des passionnés.
06:54 On faisait ça par passion,
06:55 et puis la passion a amené à se professionnaliser,
06:59 à comprendre le game, le jeu, le business,
07:04 et à partir de là, à se perfectionner pour durer
07:07 et pour vivre de ce talent.
07:10 -Donc, t'as été membre de la CLICA, Urban Concept, Jazz Connection...
07:14 -Ouais.
07:15 -Ca, c'était en France, il y a aussi 13 Coronas en Colombie.
07:18 -Ca, ça a été plus tard, ouais.
07:19 -Comment... D'où il vient ?
07:20 -Exactement, c'est pas vraiment en Colombie, c'est vraiment à New York.
07:22 Moi, je suis arrivé, m'installer à vivre à New York,
07:25 et c'est là que j'ai monté mon label et la structure de 13 Coronas.
07:28 -Mais du coup, d'où il vient cet amour de la musique en groupe ?
07:32 -Non, je sais pas, c'est...
07:34 Il y a un proverbe que j'aime bien, c'est...
07:37 Il dit "Ogunda ma asa", c'est "l'union fait la force".
07:41 Et quand t'es pas riche, quand t'es pas multimillionnaire
07:45 et que tu veux percer dans un endroit, l'union fait la force.
07:48 T'es obligé de t'unir avec différentes têtes
07:51 pour créer une énergie,
07:52 et c'est plus simple de le faire en groupe que en solo.
07:56 Tu vois ? C'est toujours...
07:58 C'est venu instinctivement, tu vois ?
08:01 J'étais solo, je suis rentré dans la CLICA, j'ai continué en solo,
08:04 j'ai remonté en groupe, j'ai recontinué en solo.
08:06 Ca fait partie de mon truc. En plus, artistiquement parlant,
08:09 c'est très intéressant de développer aussi...
08:12 C'est un caractère de lyrique très différent
08:14 quand t'es en groupe que quand t'es en solo.
08:16 Par exemple, t'écoutes mon album "Simarrón",
08:18 tu sens mon aisance, tu sens mon feeling à moi, personnel.
08:23 C'est pas... Je suis pas en train de...
08:25 On n'est pas...
08:27 C'est pas qu'il y a plus d'ego, mais c'est que tu sens mon aisance, moi,
08:30 tu sens mon âme.
08:31 Quand je suis en groupe,
08:33 c'est comme quand tu vois une bonne équipe de foot,
08:35 tout le monde se fait la passe et...
08:38 C'est différent, tu comprends ?
08:39 Et c'est une énergie que j'aime bien.
08:41 J'ai toujours aimé m'associer avec du sang neuf,
08:44 des nouvelles idées, des gens talentueux.
08:46 C'est très important pour un artiste, c'est pour sa longévité artistique.
08:51 -Donc à quel moment t'as considéré le rap comme une affaire solo ?
08:55 -Depuis le début. -Ouais.
08:56 -Depuis le début, parce que mes premiers idoles, c'était des solistes.
08:59 Eric Benrakim, même s'il était avec un DJ,
09:01 mais c'était un gars, Rakim, tu comprends ?
09:04 Guru et Gangstar, tu vois, Guru et DJ Premier,
09:08 Gangstar, Kool G Rap, DJ Polo, Kool G Rap, LL Cool J.
09:12 Tu vois ce que je veux dire ? J'ai toujours été...
09:14 Même Public Enemy, c'est un groupe,
09:16 mais j'ai toujours eu l'impact du MC.
09:18 J'ai toujours trouvé que c'était fort, un gars qui...
09:21 Tout seul, qui contrôle le mic.
09:24 Et je trouve que j'ai une personnalité
09:27 qui est difficile à rester qu'en groupe.
09:30 Il faut que je brille, à un moment donné, il faut sortir.
09:32 Pas briller dans le sens égocentrique,
09:35 mais c'est... -Exprimer.
09:36 -M'exprimer mes trucs parce que j'ai beaucoup de choses à dire,
09:39 parce que je vois beaucoup de choses et je vis beaucoup de choses.
09:41 Et quand t'es en groupe, c'est pas la même chose.
09:45 -T'as ressenti pas mal d'aigreur par rapport au rap dans les années 2000,
09:48 parce que tu disais que les gens, ils savaient plus kicker.
09:52 Aujourd'hui, on a beaucoup le débat de...
09:54 Enfin, on commence à avoir le débat de...
09:55 Est-ce qu'il faut savoir kicker pour être un rappeur ?
09:57 Qu'est-ce que t'en penses, toi ?
09:58 -Moi, je dis que Jacques Martin, il peut rapper,
10:00 n'importe qui peut rapper.
10:02 N'importe qui peut rapper.
10:03 Maintenant, faire du hip-hop et être un MC...
10:06 C'est pour ça que je dis, il y a mille et une façons...
10:09 Il y a mille et une raisons d'être un MC,
10:12 mille et une façons de traiter cet MC,
10:14 plus de mille mots, mille mots, même si il y a qu'une chance sur mille
10:17 d'être le MC.
10:18 C'est très différent.
10:20 Rapper, tout le monde peut rapper du fromage, des carottes,
10:24 faire de la thune avec ses carottes et son fromage,
10:26 tout le monde peut.
10:27 C'est ouvert à tout le monde, comme tout le monde peut chanter,
10:29 comme tout le monde peut danser.
10:31 Maintenant, être le danseur,
10:34 le chanteur, c'est pas pareil.
10:36 -Du coup, qu'est-ce que tu penses du rap d'aujourd'hui ?
10:38 -Moi, j'écoute beaucoup de rap d'aujourd'hui.
10:40 J'écoute que du rap d'aujourd'hui. -Comme qui ?
10:42 -Bah, ça peut passer de...
10:45 Ça peut passer...
10:47 Des gars, j'aime bien toute la clique de les Wayside Guns et compagnie,
10:51 comme je peux passer à des trucs super modernes, à la Drake ou à la...
10:55 N'importe quel rap d'aujourd'hui, que ce soit même en autotune,
10:58 je l'écoute.
10:59 -OK. T'as pas ce truc d'été fermé, OK.
11:02 -Non, pas du tout. Je suis quelqu'un de trop ouvert.
11:04 Quand c'est de la bonne musique, c'est de la bonne musique.
11:06 Je kiffe plein de gens.
11:08 Il y a plein de... Je suis très éclectique dans la musique que j'écoute déjà,
11:13 moi, de base.
11:14 Et quand j'écoute du rap, j'adore la drill, j'adore de la trap.
11:18 D'ailleurs, j'ai fait de la drill, j'ai fait de la trap
11:19 avant même que ça soit de la trap ici.
11:21 En 2014, j'avais sorti "Battles Locos".
11:23 *-Porte-moi le parampolis, autour de nous, ça vibre.
11:26 *-Battles Locos.
11:27 *-Héros, trop con, trop beau, je te fais trop beau.
11:30 *-Battles Locos.
11:31 *-J'étais à la télé, ce qui nous fait kiffer, c'est...
11:35 *-Battles Locos.
11:36 *-Grosse honteuse, grosse cylindrée, les jeunes veulent des gueules.
11:39 *-Battles Locos.
11:40 -Quand personne faisait de la trap encore vraiment ici,
11:42 la trap vraiment trap,
11:44 la drill, j'en ai fait il y a deux ans.
11:46 C'est sorti en proche en espagnol.
11:49 J'ai toujours été... J'aime tous les genres musicaux.
11:53 Je trouve qu'un MC, il faut qu'il teste plein de trucs.
11:55 Maintenant, je trouve que...
11:57 J'aime bien les tendances, mais j'aime bien faire ma tendance.
12:02 Je trouve qu'un artiste, quand il développe,
12:04 il faut qu'il crée son propre son.
12:06 C'est bien, kicker avec le producteur à la mode,
12:09 les tendances à la mode, c'est cool, tu montres que tu sais faire,
12:12 que t'es versatile,
12:13 mais le vrai artiste, il crée son propre son.
12:17 Et c'est ce que j'essaie de faire depuis toutes ces années.
12:19 À chaque fois, j'arrive avec un nouvel album, une nouvelle sonorité,
12:22 un nouveau challenge musicaux.
12:24 -C'est un peu cette lassitude qui t'a poussé à l'étranger ?
12:26 -Non, c'est pas tout ça. C'est beaucoup plus complexe que ça.
12:29 Déjà, il faut savoir que...
12:30 Ils ont assassiné mon meilleur ami, ici, en France,
12:32 qui s'appelait Miguel Merton, P4.
12:35 C'était mon sauce, l'unique backer que j'ai eu.
12:39 Et c'était le gars que j'avais envie de produire.
12:42 J'avais monté mon label aux Etats-Unis,
12:44 j'étais en train de vouloir produire des artistes.
12:47 Et c'était mon gars, mon gars, mon gars !
12:49 Et ici, il s'est fait assassiner,
12:51 et ce que j'ai vécu durant le procès qu'il y a eu,
12:55 parce qu'il y a eu un procès et tout,
12:57 ça m'a coupé toute envie.
13:00 Et là, c'est là que j'ai dit...
13:02 J'ai vu le continent américain,
13:04 dont je fais partie, dont ma famille est issue,
13:08 qui a toujours été mon rêve, et je dis...
13:10 Putain, je rappe bien en espagnol, aussi.
13:12 Je venais de faire un morceau avec Jay-Z.
13:14 *Musique*
13:33 Et ce ficturine-là m'a ouvert énormément de portes à New York
13:37 avec les DJs, DJ Enoff, DJ J'ai pas qui, DJ Camilo,
13:40 tous les DJs de Odd 97.
13:41 Et je venais de sortir un morceau qui s'appelait "L'Original".
13:44 Qui commençait à sonner.
13:45 *Musique*
14:07 Et j'ai dit, bah, écoute,
14:09 j'avais une douleur lourde.
14:12 C'est que maintenant que j'en parle, vraiment,
14:13 parce que la peine est passée,
14:15 et j'ai toujours de la peine, mais cette peine-là est passée,
14:18 donc j'en parle, maintenant.
14:19 Et voilà, je suis parti vraiment parce que j'avais comme plus de lien.
14:23 Je sentais que j'avais plus de lien, ici.
14:25 Et je suis parti vivre à New York.
14:27 Et j'ai monté mon label, et j'ai bien fait,
14:29 parce que ça m'a maintenu très frais dans ma musique,
14:31 le fait de recommencer une carrière de zéro.
14:36 Parce que là-bas, tout ce que j'avais fait en France...
14:38 -Les gens, ils savent pas. -Non, ils savent pas.
14:40 Y a pas de Français dans le ghetto américain.
14:42 Et donc, tous mes textes,
14:45 tout mon répertoire en français ne servait à rien.
14:47 Donc ça m'a redonné comme une seconde niaque
14:50 à refaire un répertoire solide, et des classiques en espagnol.
14:54 Aujourd'hui, j'ai plus de classiques en espagnol qu'en français.
14:58 J'espère refaire le niveau de la balance avec le DC Maroon.
15:02 -Mais du coup, comment la relation avec ton public,
15:04 elle a évolué, que ce soit en France et en Amérique ?
15:08 Et comment chacun de ces publics y perçoit ton autre carrière ?
15:12 -Je pense que c'est un peu ma difficulté.
15:14 C'est-à-dire, il faut savoir que...
15:16 J'ai toujours été, sans le vouloir dans ma vie,
15:18 précurseur à quelque chose.
15:20 Quand on est précurseur à quelque chose,
15:21 il faut savoir qu'il faut avoir la niaque
15:24 et il faut avoir le machete bien affilé.
15:28 Je sais pas comment on dit... -Affûté.
15:30 -Affûté.
15:31 Parce que c'est moi qui vais devoir ouvrir le chemin.
15:33 Y a personne qui va me l'ouvrir.
15:35 Et quand t'es précurseur, tu ouvres un chemin.
15:38 Et ça, c'est un truc qu'il faut l'avoir...
15:40 En tête, il faut pas être aigri avec ça.
15:41 Il faut dire que c'est moi qui vais ouvrir le chemin.
15:43 Donc quand tu ouvres le chemin,
15:45 t'es peut-être pas le gars le plus reconnu,
15:46 mais à la fin, on revient vers toi.
15:48 Parce que c'est toi qui as ouvert le chemin.
15:50 Et disons que quand je suis arrivé aux Etats-Unis,
15:53 et je suis arrivé à une époque où y avait pas Internet,
15:57 donc tout...
15:59 Mais les exploits, on peut dire le terme "exploits" ou les...
16:04 Je sais pas comment on peut dire les...
16:07 Ouais, c'est ce que je dis. -Ce que t'as pu faire.
16:09 -Ce que j'ai pu faire, ça n'a pas été mis en image,
16:12 mais tous les ghettos d'Amérique latine connaissent mes chansons.
16:16 C'est des classiques.
16:18 Donc ce que j'ai fait, ça a eu un impact social
16:22 et un impact musical dans toute l'Amérique latine.
16:24 Comme La Clique à l'a fait, à son époque,
16:26 j'ai réussi à créer un impact musical, une école.
16:29 Tous les groupes d'aujourd'hui d'Amérique latine
16:31 viennent de l'école de Tres Coronas, tous.
16:35 Tous les gars de ta génération qui rappent,
16:37 ils connaissent tous mes paroles par cœur en espagnol,
16:39 de Tres Coronas et de mes solos à moi en espagnol.
16:41 Ils les connaissent tous.
16:43 C'est-à-dire que j'ai réussi à faire quelque chose.
16:45 Maintenant, ce qui se passe, c'est que...
16:47 Pareil, quand arrivait l'ère digitale, j'étais dans un autre truc.
16:50 Donc là, je suis en train à peine de me mettre à l'ère digitale depuis 2 ans.
16:53 Il y a 2 ans, on n'avait pas de chaîne YouTube de Tres Coronas.
16:57 On a monté une chaîne YouTube à peine il y a 2 ans.
17:00 -Mais du coup, les gens y trouvaient où, vos morceaux ?
17:02 -À l'époque, ils les passaient sur MySpace,
17:05 ça passait à la télévision en Colombie,
17:09 dans des chaînes de MTV latinos, des chaînes...
17:13 Des trucs comme ça.
17:14 Et c'est comme ça que les gens s'alimentaient dans le quartier.
17:18 Mais j'avais pas un...
17:19 C'est pas comme aujourd'hui où tout est super contrôlé et bien fait.
17:24 Je me suis en train de me mettre à l'ère digitale il y a 2 ans à peine.
17:26 T'imagines, j'ai du retard.
17:27 C'est pour ça que j'ai pas les résultats qu'il faut encore.
17:30 Et là, je suis en train de travailler pour les avoir.
17:33 -Hier, t'étais en concert à la Place Hip Hop. -Oui.
17:36 -Ça faisait combien de temps que tu t'étais pas produit
17:38 dans ton public français ?
17:39 -Ça faisait longtemps, je sais pas.
17:41 J'essaie de pas compter, sinon ça me...
17:44 Mais ça faisait longtemps.
17:45 -Ça s'est bien passé ?
17:47 -Ça s'est super bien passé.
17:48 Ça s'est super bien passé.
17:49 Il y a eu Big Up à Sous-France,
17:52 il y avait Big Up à Benjamin Epps,
17:54 il y avait Big Up à The Free,
17:56 DJ Kod, Driver, Big Up à eux.
17:59 Ils sont venus épauler du bon son du vrai hip-hop,
18:02 ils ont kické comme il fallait.
18:03 C'est ça, tu vois ?
18:05 Moi, c'est pour ça que j'aime pas le truc...
18:07 C'est des générations et des générations,
18:09 on s'ensemble pour créer une nouvelle génération.
18:11 C'est pas l'ancienne et la nouvelle.
18:12 On apprend des nouveaux, les nouveaux apprennent des anciens,
18:15 et on mélange les deux pour créer quelque chose de nouveau.
18:18 Tu vois ?
18:20 -Là, ton nouvel album, il s'appelle "Simaron",
18:22 produit avec Didier Diuk, Persona. -Didier Diuk, Persona, Mibai.
18:25 -Donc quelqu'un qui a travaillé avec Prodigy, Alchemist,
18:28 Sean Price, Conway.
18:29 -Ouais.
18:31 -Comment votre relation s'est créée et comment elle a évoluée ?
18:33 -C'est Diuk qui m'en avait parlé.
18:36 Il m'a dit qu'on s'était rencontrés à l'époque de la Clica, en 97,
18:40 quand ils faisaient nos premières parties,
18:42 quand on arrivait à Lyon ou à Strasbourg, dans les régions où lui vivait,
18:44 parce qu'il était issu de Lyon.
18:46 Et ensuite, il a été DJ d'Assassin,
18:48 et on se croisait dans des festivals et tout,
18:50 et on avait toujours un bon feeling,
18:52 mais on n'avait jamais vraiment travaillé ensemble.
18:54 C'est quand j'ai commencé à sortir un EP qui s'appelle...
18:59 "Le calme sous la pluie".
19:01 Ça faisait plus de 8 ans que je rappais pas en français.
19:03 Et Diuk, il m'a fait un son incroyable qui s'appelle "Génération Hip-Hop".
19:07 -En vérité, je suis pas nostalgique, je vis mon époque sans gimmick,
19:10 que des nouveaux artistes dans ma playlist.
19:12 Qu'est-ce qui se passe ? C'est qu'on peut pas cliquer sans connaître son histoire.
19:14 N'oublie pas que si t'es là, c'est grâce aux anciens connards.
19:17 Que serait Nas sans Slick, Big 50 sans L.A.K.E.N.Y.
19:19 sans DJ Boots et sans Big E-Need to Pat.
19:22 De même que tout le rap français sans les freestyles de Lovat,
19:24 Dynastie et tous les anciens qui sont pas vieux.
19:26 Et j'ai trouvé qu'il était super bien produit.
19:28 Et c'est là que j'ai commencé à travailler avec lui sur différents projets.
19:32 Mais d'une manière très normale, soit avec Molo ou pas.
19:37 Et pendant qu'on était en train de faire la tournée de l'âge d'or du rap français,
19:42 avec tout le monde, le secteur, tous les anciens qu'on s'est tous retrouvés,
19:48 c'était un peu la colonie de vacances pour nous,
19:51 mais musical, c'était chanmé.
19:53 Et pendant toutes ces heures où on était dans les bus et tout ça,
19:56 Diok, il était en train de travailler sur un projet d'album.
19:59 Et il a commencé... Moi, ça faisait très longtemps que je cliquais pas en français.
20:02 Et Diok, il m'a dit "écoute, j'ai des morceaux là, commence à les écouter".
20:07 Et il a commencé à me faire écouter ça dans les chambres d'hôtel.
20:09 J'écoutais les sons.
20:12 Et d'ailleurs, je vais te donner un scoop.
20:18 Tu vois le morceau où je dis
20:19 "350 kilos de feuilles de coca, my man, pour un kilo de cocaine,
20:23 dose mou la street car pour ces autres qui passent en trop de peine,
20:26 c'est l'offre et la demande au bled, les gars n'ont plus le temps,
20:28 trop de sang versé pour terminer dans le zen, insultant gang bang".
20:31 Ce morceau-là, avant Benjamin, c'est le premier texte que j'écris de l'album.
20:34 -Tu l'as écrit dans le bus ? -Dans le bus.
20:36 J'écris ce morceau-là sur le son de Diok.
20:38 Et c'était à ce moment-là que j'arrive et la police avait mis une matraque sur le...
20:43 -L'affaire Théo. -Là, là, là.
20:44 Et ça m'avait choqué.
20:46 Et c'est pour ça que je dis "trois flics excités, le quatrième en mode jeune recrut,
20:50 et une matraque télescopique dans le cul en pleine rue,
20:52 merde de France, France est sur 5 votes, FN..."
20:55 Bref.
20:56 Quand j'écris ce texte-là, Diok me le fait enregistrer direct.
21:01 Bam, je l'enregistre, je le fais écouter aux gens...
21:04 C'était l'époque où la trappe, c'était à fond.
21:07 Et Diok me fait placer sur un boom-bap,
21:09 moi, ça faisait longtemps que je rappelais pas en français,
21:11 et sur du boom-bap.
21:12 Et personne capte !
21:14 Donc du coup, le son, il reste là.
21:17 Je le laisse là.
21:18 Et je commence à développer le concept de "Cimarron".
21:22 Avec Diok.
21:23 Et on commence à travailler, lui et moi,
21:25 parce que moi, je suis producteur aussi de son,
21:26 on commence à travailler les sons,
21:27 je lui envoie des instrumentaux de beat que j'ai,
21:32 des group-break-beat que je fais avec des percussions.
21:34 Et Diok, il commence à me mettre des mélodies.
21:36 Et vice-versa, il m'envoie des mélodies, et moi, je mets des beats.
21:39 Et je lui envoie "Va, va, va, va, va, va", et on commence à travailler dessus.
21:42 Et on revient sur le morceau relatif.
21:44 Et c'est là que Diok me dit "Ça serait bien que tu fasses un feat là-dessus".
21:48 Et là, Diok, quelques mois après, il part.
21:52 C'est un coup foudroyant pour nous.
21:55 Et donc le projet reste...
21:57 - On "stand by".
21:59 - Voilà, c'est la deuxième vague de la pandémie.
22:01 Le projet reste là.
22:04 Et puis, quand ça se termine et que je récupère sur des projets à côté,
22:08 sur mon album de 13 Corona, sur des projets pour une musique de film...
22:12 Je gagne un prix pour une musique de film, d'ailleurs,
22:14 qui s'appelle "Somos Calentura".
22:16 Je gagne le prix de meilleure musique originale de film
22:19 sur les prix Macondo.
22:21 Et Sud-américain, c'est très important.
22:23 Et je crois que c'est la première fois qu'un mec du rap
22:25 gagne un prix de musique de film.
22:27 Et donc, je commence à rentrer dans une autre sphère,
22:31 et je reviens sur le disque.
22:33 Et j'ai le courage de le refaire, et là, c'est là que j'appelle Benjamin,
22:37 et je dis "Benjamin, pose-toi dessus",
22:39 et j'ai gardé les mêmes prises de voix de l'époque.
22:41 C'est-à-dire qu'on était... Diok, on était sur le coup encore.
22:46 Et c'est il y a 4 ans.
22:47 C'est-à-dire que j'ai pas reposé mon texte.
22:49 C'est le même texte original que j'ai posé avec Diok.
22:53 -Et du coup, l'album s'appelle "Simaron".
22:56 Pourquoi ce titre ?
22:58 -Parce que j'étais en train de développer...
23:00 "Simaron", il est en deux versions, c'est important de le dire.
23:03 Il y a la version en français et la version en espagnol.
23:05 La version en français, celle qui est sortie,
23:08 c'est une version qui pousse les jeunes issus de l'immigration
23:14 et les jeunes qu'on a côtoyés français,
23:17 qui aussi nous ont côtoyés,
23:19 de comprendre la force qu'ils ont
23:22 de capter les énergies et la culture d'autres origines que la leur.
23:27 Parce que c'est une source inépuisable.
23:31 D'où les arbres, les racines que j'ai mis, les mangroves.
23:34 C'est la source même... Tu vois, tu peux pas...
23:37 Un arbre a des bonnes racines, il fait des bons fruits.
23:41 Et c'était un peu toujours le message que j'ai voulu développer
23:44 dans "Les jeunes de l'univers", dans "La sarbacane",
23:46 c'est revenir aux sources.
23:48 Ça veut pas dire couper la source française,
23:51 mais c'est l'agrémenter avec autre chose.
23:54 C'est comme quand tu cuisines.
23:56 Il y a un plat qui fait comme ça, mais tu peux apporter autre chose.
23:59 Et ça amène une fusion.
24:01 C'est plus le même plat, c'est une fusion.
24:03 Je pense que culturellement, c'est ce qui se passe ici, en France.
24:06 On a tous un peu de tout.
24:09 -Toi, c'est parce que tu es né en France ou que tu as grandi en France
24:12 que tu connais de la cuisine vietnamienne,
24:14 que tu connais un peu de culture hindoue,
24:16 que tu connais un peu de la culture française,
24:18 la culture portugaise, la culture maghrébine.
24:20 Si tu avais grandi dans l'endroit de tes parents...
24:25 -J'aurais pas eu toutes ces influences-là.
24:28 -Tu n'aurais pas eu toutes ces influences-là.
24:30 Donc tu n'aurais pas la richesse et tu serais pas, à ce moment-là,
24:33 en train de me parler et faire une interview
24:36 avec une tête culturelle aussi large comme tu as là, maintenant.
24:39 Et je trouve que ça, c'est la force de la France.
24:42 En tout cas, des jeunes issus de l'immigration
24:44 et des Français qui ont grandi autour de toute cette...
24:47 Cette...
24:49 Cette richesse musicale. -Cette richesse culturelle.
24:52 -Cette richesse culturelle.
24:54 Et "si ma ronde", c'est ça. En français, le message, c'est
24:57 revenir à la source pour mieux comprendre qui on est aujourd'hui.
25:00 Parce que sinon, on nous parle encore d'intégration et de conneries comme ça.
25:05 Donc cet album-là, il a ce message-là.
25:07 Le message en espagnol, c'est un message plus anticolonial,
25:10 contre les grosses puissances
25:13 qui maintiennent notre pays en agonie, économiquement.
25:17 Donc c'est un album beaucoup plus révolutionnaire.
25:20 Mais c'est le même contexte, c'est le "si ma ronde" moderne.
25:24 Le "si ma ronde", c'est...
25:26 l'homme esclavisé qui reprend sa liberté.
25:30 Et aujourd'hui, l'esclavage, il est mental, surtout.
25:34 -C'est un morceau qui s'appelle "Esclave moderne".
25:35 -"Esclave moderne attachée à des chiennes mentales".
25:37 -On dise le frère rouge, code baron, preuve digitale.
25:39 Le fouet du major d'homme se remplace par l'impôt et le fisc.
25:42 Et les chiens qui poursuivent ta fuite s'appellent désormais flics.
25:45 Ton champ de coton, on y filme ta nouvelle plantation.
25:47 Pendant que tu trimes tes patrons, on décide le sort de ta nation.
25:50 Je dis "nation", mais qui détermine les frontières dans le globe ?
25:53 Les perdants dans l'histoire sont condamnés à mort, leurs ob.
25:56 -Bam ! Tu vois ce que je veux dire ?
25:58 C'est tout un concept de...
26:02 Comment, dans une société où tu as de moins en moins de liberté,
26:04 alors que la société te donne tout l'écart pour avoir ta liberté,
26:07 en vérité, tu t'es de plus en plus emprisonné à plein de choses.
26:11 Et donc c'est contourner ce système-là pour...
26:14 C'est ça que j'appelle moi le cimarronage moderne.
26:16 Je l'ai étudié avec différents auteurs,
26:19 là, je n'ai pas les noms, je ne retiens plus les noms,
26:21 mais je l'ai étudié et j'ai vu qu'il y avait des études
26:24 qui s'étaient faites sur le cimarronage moderne actuel.
26:27 Ça veut dire le cimarronage cybernétique,
26:30 le cimarronage culturel, le cimarronage...
26:32 De plein de choses, ça veut dire...
26:34 C'est comme des cris d'indépendance dans un système contrôlé.
26:38 Et le cimarronage actuel, moi, c'est dans ça.
26:41 Et c'est pas simplement dans le message verbal,
26:44 mais c'est aussi avec Duke qu'on a réussi à créer un message musical.
26:49 Si tu regardes bien et si tu écoutes l'album,
26:52 depuis le début, on est dans le cimarronage.
26:55 Dès la première note de l'album jusqu'à la fin de l'album,
26:59 même si on passe sur des différentes textures musicales,
27:01 il n'y a pas que simplement mon message lyrique,
27:05 qui est très explicite et imagé et cinématographique et réaliste,
27:10 mais il y a aussi tout un travail musical
27:16 qui est à avoir avec ce cimarronage.
27:19 On a les kicks, les snares, les éléments musicaux qu'on a pris,
27:23 les percussions, les samples qu'on a choisis,
27:26 les musiques qu'on a jouées.
27:28 Ça a à voir avec toute cette source musicale,
27:31 en tout cas qui, à moi, m'a influencé dans ma vie,
27:34 qui est toujours avec la mer Afrique,
27:37 qui arrive dans le continent d'Amérique latine
27:41 et qui se fusionne avec les Indiens, les Créoles
27:44 et toutes les autres choses qui arrivent de l'Europe.
27:47 Et c'est cette fusion-là.
27:49 Et je crois que cet album, il a ça.
27:51 Tu passes des trucs Yoruba,
27:53 parce que c'est des cultures qui ont encore lieu
27:56 et dont je fais partie en Amérique latine.
27:59 Il y a les cultures du blues, de la soul, de la cumbia,
28:04 du curulao, de plein de rythmes différents,
28:07 mais c'est toujours la même racine,
28:09 même si elle est un peu plus teintée des Andes.
28:11 D'un coup, celle-ci est plus indigène,
28:13 celle-ci est un peu plus espagnole,
28:15 celle-ci est un peu plus européenne,
28:17 celle-ci est plus africaine.
28:19 Tu comprends ? Mais c'est là où j'ai grandi, en France,
28:22 et là où j'ai grandi, à ma maison, avec mes parents,
28:25 avec ces musiques qu'on écoutait à la maison.
28:27 Et cet album-là, c'est ça, c'est la recherche musicale,
28:29 c'est le cimarronnage verbal,
28:31 c'est-à-dire c'est un message subliminal,
28:33 explicite, mais que tu le comprends bien,
28:35 et musicalement aussi.
28:36 C'est-à-dire que ça ressemble à rien.
28:38 J'ai pas écouté un album...
28:40 Peut-être que je me trompe, il y a toujours quelqu'un...
28:42 -Pas à ma connaissance. -Mais j'ai écouté ni aux Etats-Unis,
28:44 ni en Colombie, ni au Mexique, ni à Puerto Rico,
28:48 ni en France, ni en Allemagne, ni en Angleterre,
28:51 qui est la sonorité qu'on a réussi à créer avec Duke.
28:54 C'est-à-dire cette texture-là, je l'ai pas écoutée.
28:57 Et je suis content d'avoir réussi à faire un album
29:00 qui reste très hip-hop,
29:02 très à l'avant-garde,
29:04 très intemporel.
29:07 Je suis très content, parce que c'est son hommage à lui et au Duke aussi.
29:10 C'est plus de 30 années qu'il a donné au hip-hop,
29:13 il a eu très peu de reconnaissance de son vivant,
29:15 et aujourd'hui, j'ai la possibilité de porter le flambeau
29:19 et son...
29:22 -Son "legacy". -Son héritage.
29:26 Duke's héritage.
29:28 -Tu parlais du fait que l'album peut être intemporel.
29:31 Justement, j'ai cette impression que tes textes,
29:34 ils auraient très bien pu se retrouver sur ton premier album,
29:36 et c'est ton premier album, on aura pu se retrouver sur celui d'aujourd'hui.
29:39 -Oui. Ce que j'essaie de faire quand j'écris,
29:42 c'est que...
29:44 Pour moi, il y a deux styles de rap.
29:46 Il y a un rap freestyle, qui est très agréable et très chanmé,
29:50 qui est très dans l'actualité de maintenant.
29:52 Avec les rimes, les phases, les expressions qu'on utilise à ce moment-là.
29:56 Et c'est bien, le faire.
29:58 Mais je pense que quand tu fais un projet d'album
30:00 et que tu veux qu'il soit un peu conçu pour durer,
30:02 tu le fais instinctivement, sans le vouloir.
30:04 On utilise des termes qui soient complètement universels, intemporels.
30:07 Les thèmes que je développe dans mon album,
30:09 c'est des thèmes qu'on peut écouter à l'époque de 1800, 1700, 1400,
30:15 comme tu peux les écouter en 2023,
30:17 comme tu pourras les écouter en 2050, 2060, quand on sera plus là,
30:21 quand la matière, elle disparaîtra,
30:23 une parcelle de mon âme restera dans ma musique et le message restera.
30:28 Donc j'essaie toujours d'utiliser un langage qui soit compréhensible
30:33 dans la durée et pas dans l'immédiat.
30:36 Je garde ces morceaux immédiats pour des trucs un peu plus freestyle,
30:40 un featuring, des morceaux comme ça, qui soient plus légers.
30:43 Parce que c'est tendancieux, c'est un truc qu'on consomme tout de suite.
30:46 Mais quand je fais un projet,
30:47 j'ai eu la chance d'avoir un mentor comme Duke derrière,
30:50 je sais pas si tu vois,
30:52 mais je crois que le 80% de l'album, c'est que des rimes riches.
30:56 C'est-à-dire que c'est des rimes qui ont plus de trois syllabes.
30:59 Parce que Duke était très pointillé avec ça.
31:01 Il dit "Ah, parimé ça avec ça".
31:04 -Mais du coup, comment t'arrives un peu à retourner,
31:07 quand t'as fait des années de musique en espagnol,
31:09 à retourner sur le rap français ?
31:11 -Parce que ça, c'est des automatismes, ça se perd pas.
31:14 Je suis bilingue parfait.
31:15 "You have loads of languages perfectamente."
31:17 Je parle deux langues parfaites.
31:19 Pour moi, c'est un flingue en espagnol et un flingue en français.
31:22 Simplement, quand j'arrive sur le continent,
31:24 il faut que je change le chip.
31:26 -C'est comme le vélo. -C'est comme le vélo, ça se perd pas.
31:28 Et même le français, je dirais que c'est automatique.
31:31 Parce que c'est là que j'ai commencé.
31:33 Donc pour moi, c'est comme rouler en automatique.
31:35 Je suis encore plus à l'aise
31:36 et ça me permet de travailler plus la dextérité dans les flows,
31:41 les sonorités.
31:42 Je travaille beaucoup les sonorités.
31:44 Tu vois ? C'est pour ça que dans mon rap,
31:47 c'est très musical.
31:49 J'aime beaucoup les sonorités.
31:50 Il y a des rimes, parfois, que j'ai envie d'utiliser.
31:52 Le mot, il est bien, mais je préfère utiliser un synonyme
31:55 qui soit plus swinguant.
31:57 -Même pour les rimes, pour que ça passe mieux ?
31:59 -Swinguant. Je cherche toujours le swing.
32:01 Dans la langue.
32:02 Aussi bien en espagnol. Je cherche toujours le swing.
32:05 J'aime bien...
32:06 Je trouve que le rap, il faut que ça soit très musical aussi.
32:08 Il faut pas que ça soit parlé.
32:10 Si parlé, c'est...
32:11 C'est rapper, nous, ce qu'on fait. On parle pas.
32:13 On rappe.
32:15 -Malheureusement, on est déjà à la fin de l'interview.
32:17 Pour conclure, j'aimerais que tu poses une question
32:19 aux internautes et ils devront y répondre en commentaire.
32:22 -Une question que je pose aux internautes ?
32:25 -Ouais. Ce que tu veux.
32:26 Ça peut être sur ta musique, sur un truc en général.
32:29 -Je sais pas. Je vais vous poser une question.
32:32 Est-ce que vous vous sentez libre ?
32:33 -Très philosophique.
32:34 -Est-ce que vous vous sentez libre ?
32:36 Dans tout, dans votre manière de vous habiller, de penser,
32:39 de prier. Est-ce que vous vous sentez libre ?
32:42 Ou est-ce que vous êtes en train de le faire parce que,
32:44 culturellement, c'est ce qu'on vous demande de faire ?
32:47 Mais est-ce que ça vient de vous ?
32:49 Voilà. -Merci beaucoup, Roca.
32:52 -Merci à toi. C'est marrant, papa.
32:54 -Eh ben !
32:55 ...

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