SMART TECH - L'interview : Thomas Guenoux (Yelda)

  • l’année dernière
Mardi 25 avril 2023, SMART TECH reçoit Thomas Guenoux (Président, Yelda)
Transcript
00:00 (Générique)
00:06 Sur le plateau de Smartech aujourd'hui, Vianney Raskin, vous êtes le fondateur de la startup Citron
00:11 et puis également adjoint au maire de la ville de Surènes.
00:14 On va débattre ensemble avec Manu Reynaud, adjoint au maire de Montpellier,
00:19 de ces technologies qui s'avèrent réellement utiles à mener des politiques locales.
00:24 On va voir comment aussi les décideurs locaux s'approprient ce numérique
00:28 et quelles en sont les limites.
00:30 Parce qu'il y a des technologies utiles et puis parfois il y a aussi un surplus technologique
00:33 qui va à l'encontre des politiques de sobriété.
00:36 Donc on va étudier tout ça ensemble dans le Tech Talk.
00:39 Mais d'abord, je propose que l'on découvre cette intelligence artificielle
00:42 qui répond au téléphone à la mairie de Plaisir.
00:44 Bonjour Tom Agenou.
00:45 Bonjour.
00:46 Vous êtes le président de Yelda, c'est vous qui êtes derrière cette intelligence artificielle
00:51 et qui répond maintenant à l'appareil.
00:54 Ça se passe à la mairie de Plaisir dans les Yvelines en Ile-de-France.
00:58 Vous appelez ça, vous, un "callbot", c'est-à-dire en fait un "chatbot",
01:01 un robot logiciel avec lequel je peux discuter,
01:05 mais dont le travail principal est vraiment de répondre au téléphone.
01:09 De quoi sont capables ces robots vocaux aujourd'hui ?
01:12 Aujourd'hui, une intelligence artificielle va comprendre un certain nombre d'intentions,
01:16 et pas 100% des intentions de l'utilisateur,
01:19 pour pouvoir répondre aux questions les plus courantes.
01:22 Le but n'étant pas de répondre à 100% des questions,
01:25 mais bien des questions les plus récurrentes et celles qui sont les plus automatisables,
01:29 comme par exemple les questions liées aux demandes de passeport,
01:32 aux demandes de carte d'identité, l'inscription des enfants à l'école,
01:35 ou un problème avec sa poubelle.
01:36 Voilà des questions qui arrivent souvent et finalement dont la valeur...
01:39 C'est très différent du répondeur vocal qu'on connaît tous
01:43 et qui est parfois très désagréable d'ailleurs à utiliser.
01:46 Alors c'est vrai que le serveur vocal interactif classique,
01:49 on tape un, tape deux, tape trois, et on est censé être redirigé vers le bon service.
01:53 Or là, la promesse des nouvelles IA vocal, c'est que l'IA va pouvoir donner un premier niveau de réponse.
01:59 Donc des fois, plus besoin d'un interlocuteur humain.
02:02 D'accord. Et comment vous gérez la fluidité de la conversation avec cette intelligence artificielle ?
02:09 Parce que les gens qui appellent n'ont pas appris à utiliser l'outil.
02:13 C'est vrai. C'est vrai qu'il y en a un certain nombre qui sont surpris
02:15 et qui ne comprennent pas forcément qu'il y a un robot qui peut comprendre.
02:19 On essaie d'être didactique, pédagogique en disant par exemple,
02:22 en quelques mots ou une phrase courte, "donnez la raison de votre appel".
02:26 Ce qui permet aux gens de dire par exemple, "je veux refaire mon passeport"
02:29 ou ne pas sortir une très longue phrase qui n'est pas très bien gérée à ce stade par les IA.
02:35 C'est vrai, les intelligences conversationnelles ne savent pas encore gérer les très longues phrases.
02:38 Et alors, quelle est la machinerie derrière ? Expliquez-nous votre technologie.
02:43 Alors avant tout, sans rentrer dans les détails très techniques,
02:46 il y a un système de base de connaissances.
02:48 On va faire apprendre finalement à une intelligence artificielle
02:52 plein d'informations sur une mairie ou sur une autre organisation.
02:55 Là, on l'espèce une mairie, la mairie de plaisir.
02:57 On va lui expliquer tout ce qui est relatif par exemple au thème des passeports, des cartes d'identité.
03:03 On va lui expliquer tout ce qui est relatif à l'école, aux déchets
03:06 et puis à tout un tas d'autres choses spécifiques à la mairie de plaisir.
03:09 On lui apprend du vocabulaire.
03:11 Donc comme finalement Google sait faire la différence entre un chat et un chien,
03:16 c'est à force d'avoir des données.
03:18 Donc il faut beaucoup de données pour entraîner.
03:20 Donc là, c'est notre rôle.
03:21 Et c'est le personnel de la mairie qui a travaillé à entraîner cette IA ?
03:26 Alors nous, on fait déjà ce travail au préalable.
03:29 Notre entreprise le fait.
03:30 Néanmoins, effectivement, la mairie de plaisir est mise à contribution
03:34 pour donner les subtilités liées à la mairie de plaisir.
03:37 Par exemple, le nom d'un théâtre, le nom d'une rue,
03:39 le nom des personnes qui travaillent peuvent être reconnus.
03:43 Parce qu'effectivement, sinon, si je dis je veux refaire mon passeport,
03:46 ça je peux le comprendre pour n'importe quelle mairie de France, bien sûr.
03:49 Mais il faut un petit temps de chaque personne de la mairie.
03:51 Et aujourd'hui, ce sont des personnes de l'accueil usagé qui ont entraîné,
03:55 qui ont amélioré le système.
03:57 Et est-ce que chaque coup de fil qui est passé à cette IA permet d'améliorer le système ?
04:02 Est-ce qu'elle est apprenante ?
04:04 Ou est-ce que c'est un système fermé qui fonctionne, que vous livrez,
04:09 en travaillant peut-être à côté sur des améliorations ?
04:12 Mais est-ce qu'il y a une évolution ?
04:14 Si j'appelle, je ne sais pas, cette IA aujourd'hui et dans trois jours,
04:18 est-ce qu'elle aura grandi ?
04:19 Bien sûr, le principe étant qu'à force d'avoir des appels, elle va apprendre.
04:24 Mais alors elle va apprendre si seulement il y a un humain qui va venir regarder ce qui se passe.
04:28 Et c'est ce qui se passe aujourd'hui à la mairie de plaisir.
04:30 Il y a des personnes qui travaillent au standard
04:32 qui désormais ne sont plus seulement des gens qui décrochent le téléphone,
04:35 mais qui sont aussi des gens qui vont être sur leur logiciel, Yelda,
04:39 pour regarder ce qui s'est passé, regarder ce qui s'est mal passé,
04:42 et le corriger ou finalement amender.
04:44 C'est-à-dire que si on pose une question dont l'IA n'a pas la réponse,
04:47 dans la base de connaissances, il faut un humain pour rajouter cette information.
04:51 Donc là, il y a quelqu'un, un humain, qui va dire, tiens, sur cette question-là,
04:54 je vais rajouter la réponse.
04:55 Désormais, demain, quelqu'un qui rappelle aura finalement la bonne réponse.
04:59 Et alors, question piège peut-être, mais quel est l'intérêt ?
05:03 Alors, aujourd'hui, bien sûr, l'intérêt très fort, c'est qu'aujourd'hui,
05:07 il y a un certain nombre de collectivités et d'entreprises,
05:10 même dans le secteur privé, on travaille beaucoup avec le secteur privé,
05:13 qui ne peuvent pas répondre à 100% des appels parce qu'il n'y a pas le temps,
05:16 il n'y a pas les moyens, il n'y a pas l'organisation.
05:19 Donc là, par exemple, à la mairie de plaisir, l'année dernière,
05:22 c'était 35% des appels qui étaient décrochés.
05:24 Deux fois sur trois, ça s'est enlevé.
05:27 Pourquoi ? Ce n'est pas parce que les personnes de l'accueil ne veulent pas répondre,
05:30 c'est parce qu'il y a trop de gens qui appellent, il y a plein de sujets.
05:33 Les gens, suite au Covid, ont pris le réflexe d'appeler.
05:36 Paradoxalement, effectivement, le bon vieux téléphone est devenu un canal
05:39 encore plus populaire.
05:40 Les gens ne se déplacent plus et appellent.
05:43 Même avant de venir, ils appellent pour vérifier.
05:45 Et donc, on se retrouve effectivement avec trop d'appels
05:47 et on ne décroche pas tout le monde.
05:49 Donc là, problème, les gens ne sont pas satisfaits.
05:53 Donc, notre solution, c'est de dire on va répondre à 100%.
05:55 Ça veut dire qu'on remplace aussi un service qui était proposé par des humains ?
06:00 Eh bien non, parce que par définition, il n'y avait pas de service.
06:03 Pour 65% des gens qui appelaient, il n'y avait pas de service.
06:06 Et donc, nous, aujourd'hui, il y avait deux personnes à la mairie de Plaisir.
06:09 Il y a toujours deux personnes.
06:10 Simplement, aujourd'hui, elles peuvent se concentrer sur les appels.
06:13 À l'accueil, vous voulez dire ?
06:14 Pardon, il y a deux personnes à l'accueil du standard,
06:16 qui est différent de l'accueil physique, c'est souvent dans les grandes mairies,
06:19 35 000 habitants à Plaisir.
06:20 Donc, deux personnes qui, aujourd'hui, peuvent se concentrer sur les appels
06:24 qui ont vraiment du sens, là où elles apportent de la valeur.
06:26 Parce qu'effectivement, quand quelqu'un appelle et qui demande
06:28 quels sont les horaires de la mairie ou comment faire mon passeport,
06:32 la valeur ajoutée n'est pas évidente.
06:35 Est-ce qu'on peut appeler le chatbot, du coup, à n'importe quelle heure,
06:38 n'importe quel jour ?
06:39 Est-ce que la mairie est plus disponible aussi ?
06:41 Bien sûr, la promesse, c'est de répondre 24/7, notamment à la pause méridienne,
06:44 puisqu'effectivement, il y a des pauses et il n'y a personne qui répond le midi.
06:47 On a beaucoup d'appels entre midi et deux qui sont maintenant pris en charge.
06:51 Donc, évidemment, c'est important de pouvoir répondre à tout moment.
06:55 Ça fonctionne bien 24/7.
06:57 Et ça coûte combien ?
06:58 Ça coûte cher ?
06:59 C'est un gros investissement pour une mairie ?
07:01 Non, ce n'est pas un gros investissement dans le sens où, d'une part,
07:04 l'ordre de grandeur, ça a commencé à environ 700 à 800 euros par mois.
07:09 Et qu'en plus, souvent, pour une mairie, il peut y avoir des aides au niveau régional.
07:13 C'est le cas de la mairie de Plaisir.
07:14 Donc, c'est quand même vraiment intéressant de s'équiper de ce genre d'outils,
07:17 puisque de toute façon, par rapport à l'apport que ça apporte aux usagers,
07:22 pour nous, c'est extrêmement intéressant,
07:24 puisque ce n'est pas si cher et ça apporte une vraie plus-value aux usagers.
07:28 On a voulu quand même tester votre RIA, lui passer un coup de fil.
07:32 Je dois dire, pas très sympathique, parce qu'on lui a posé une question compliquée,
07:36 mais on voulait aussi pouvoir tester jusqu'où est capable d'aller l'intelligence artificielle
07:41 et peut-être aussi démystifier certaines choses.
07:44 Et c'est Marie qui a passé ce coup de fil pour l'équipe de Smartech.
07:48 Bienvenue à la mairie de la ville de Plaisir.
07:53 Je suis Optimus, votre nouvel assistant conversationnel.
07:57 À des fins d'amélioration continue de notre service,
08:00 je vous informe que cet appel est susceptible d'être enregistré.
08:03 La mairie vous accueille le lundi de 13h30 à 19h30,
08:06 du mardi au vendredi de 9h à midi et de 13h30 à 17h30,
08:10 et le samedi matin de 9h à 11h45.
08:14 Le jeudi, la mairie ouvre à 10h.
08:16 Afin de mieux vous servir, pouvez-vous m'indiquer, en quelques mots ou une phrase courte,
08:20 le motif de votre appel ?
08:22 Après le dit, c'est à vous.
08:25 Bonjour, j'ai entendu dire à la télé qu'on allait couper le réseau cuivre.
08:29 Quand est-ce que notre commune sera concernée ?
08:32 Je n'ai pas encore la réponse à cette demande pour le moment.
08:37 Pouvez-vous reformuler votre demande ?
08:40 Comme le réseau cuivre va s'arrêter, est-ce que je risque de ne plus avoir d'accès au téléphone ?
08:46 Quel service souhaitez-vous joindre ?
08:49 Est-ce que je risque de ne plus avoir accès à Internet ?
08:52 Et qui peut me renseigner à la mairie, s'il vous plaît ?
08:55 Je ne reconnais pas ce service.
08:57 Quel service souhaitez-vous joindre ?
08:59 Si vous ne savez pas, dites "accueil".
09:02 Accueil.
09:04 Je transfère votre appel à l'accueil de la mairie.
09:07 Ce n'était pas une question facile.
09:11 L'IA a eu du mal à s'en sortir.
09:13 Ce qui est intéressant, c'est qu'on ne reste pas dans l'impasse.
09:16 À la fin, il nous propose de discuter avec un humain à l'accueil.
09:20 C'est plutôt positif.
09:22 Cela montre aussi que quand il n'est pas programmé pour répondre à certaines questions,
09:27 on ne peut pas le pousser beaucoup plus loin.
09:30 Ce cas-là n'était pas inclus dans la base de connaissances de l'agent virtuel.
09:38 Alors, qu'est-ce qui se passe dans ce cas-là ?
09:41 Il va finir par rediriger vers l'accueil.
09:43 Cela ne veut pas dire qu'on n'a pas compris.
09:46 Cela peut simplement dire que la réponse n'est pas encore disponible.
09:49 Pour une question très spécifique liée à l'actualité,
09:52 il faudrait que l'on ait les éléments de langage de la part de la mairie
09:57 pour mettre à jour le système et donner une réponse.
09:59 Sinon, si on laissait l'agent virtuel inventer une réponse,
10:05 ce qui est techniquement possible, on le voit avec les chats GPT,
10:08 on peut inventer des réponses.
10:10 Mais il ne pourrait pas décider que ça va se terminer demain
10:14 ou que non, ça ne va pas se terminer demain.
10:16 Mais si ça n'a pas été validé par la mairie,
10:19 on n'a pas envie d'assainer une réponse.
10:22 On ne sait pas d'ailleurs si à l'accueil, on aurait eu la réponse à notre question.
10:26 Il va falloir travailler dessus aussi avec la mairie de plaisir.
10:30 Et puis il y a cette difficulté de décrypter aussi ce que disent les gens.
10:34 Parce que le serveur vocal peut avoir appris des mots à l'écrit,
10:38 à l'oral avec certaines voix,
10:40 mais pas forcément comprendre toutes les voix, tous les accents,
10:43 toutes les façons qu'on a chacun de nous exprimer.
10:46 C'est vrai qu'aujourd'hui, on passe toujours par une transcription,
10:49 la plupart du temps, orale à l'écrit.
10:51 On va essayer de transcrire et ensuite on va analyser ce qui a été dit
10:54 en fonction de la transcription écrite qu'on a reçue.
10:58 Aujourd'hui, ce stade-là est vraiment à un niveau très bon.
11:02 On n'a pas beaucoup de loupés.
11:04 Si on va regarder dans les logs, dans les écrits de ce qu'on a récupéré
11:08 suite à votre appel, on verra ce qui a été écrit.
11:11 On a bien compris, c'est quasiment sûr.
11:13 On a sans doute aussi compris le thème.
11:15 Mais encore une fois, ici, finalement,
11:18 quand le bot a regardé dans sa base de connaissances,
11:21 il n'a rien vu par rapport à ça.
11:23 Il n'a pas pu y répondre.
11:24 Donc, il a voulu transférer un service.
11:26 Ça vous intéresse pour la mairie de Suresnes ?
11:28 Ce qui est sûr, c'est qu'à Suresnes, on réfléchit beaucoup à ce type de solution.
11:32 On re-challenge énormément l'accueil des usagers à la mairie
11:36 dans les différents services.
11:38 Après, c'est une vraie réflexion de fond parce qu'effectivement,
11:40 on ne peut pas faire dire n'importe quoi à une intelligence artificielle.
11:43 On a besoin de maîtriser notre discours.
11:45 Et tous les services ne sont pas forcément accessibles.
11:48 Il y a des services, il y a des questions sur lesquelles
11:50 quelqu'un des services ne saura pas répondre,
11:53 n'aura pas la réponse et n'aura peut-être même pas vocation à répondre.
11:56 Là, on a eu une réponse, une question très concrète,
11:59 mais les questions peuvent être d'ordre personnel, etc.
12:02 On aurait plutôt tendance à challenger beaucoup l'outil avant de le déployer.
12:05 Mais clairement, ça fait partie des solutions d'aujourd'hui et de demain
12:09 sur lesquelles on se penche très sérieusement pour étudier leur pertinence.
12:13 C'est une bonne introduction pour notre talk ensemble sur ces technologies
12:17 qui sont utiles ou non aux politiques locales.

Recommandée