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Gestion de l’inflation, des politiques monétaires, du temps de travail… l’Histoire économique est jonchée d’erreurs de nos dirigeants qui ont parfois mené à des crises, la déroute, aux révolutions.
Dans son dernier essai « Ils se sont si souvent trompés », Anne de Guigné recense dix grandes erreurs politiques qui ont bouleversé l’économie mondiale. Elle était l’invitée de l’éco sur franceinfo jeudi 27 avril.

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Transcription
00:00 L'invité éco, Emmanuel Cuny.
00:05 Bonsoir à tous.
00:07 Gestion de l'inflation, des politiques monétaires, du temps de travail, l'histoire est jonchée
00:12 d'erreurs, parfois monumentales, de la part de nos dirigeants.
00:15 Ils se sont si souvent trompés.
00:18 C'est le livre, un essai, que publie Anne de Guigny aux éditions du Rocher.
00:22 Bonsoir Anne de Guigny.
00:23 Bonsoir Emmanuel Cuny.
00:24 Vous êtes grand reporter au Figaro.
00:26 On peut vous lire notamment dans les pages saumons du Figaro.
00:29 Le Figaro économie.
00:31 Et dans ce livre, ils se sont si souvent trompés.
00:34 Vous recensez en fait dix grandes erreurs politiques qui ont bouleversé l'économie
00:38 mondiale et vous partez de l'antiquité.
00:40 C'est jusqu'au XXe siècle, donc ça fait beaucoup.
00:42 À la lecture de votre ouvrage, on s'aperçoit vraiment que l'histoire bégait et ses dirigeants avec.
00:48 On va prendre un seul exemple pour commencer qui est d'actualité, c'est l'inflation
00:51 avec le blocage des prix.
00:52 Dioclétien déjà à l'époque.
00:54 Dioclétien.
00:55 Au IIIe siècle, s'il s'est cassé les dents.
00:58 Il y a un projet qui est revenu à l'Assemblée nationale début avril et qui a été retoqué.
01:03 Oui, moi, c'est quelque chose qui m'a beaucoup touché, même en écrivant ce livre.
01:07 C'est de voir à quel point nos débats ressemblent à ceux des Romains.
01:11 Donc Dioclétien, il est connu.
01:13 Il est connu des économistes pour l'édit du maximum en 301.
01:16 Et c'est un édit en fait où il fixe un prix maximum pour toutes les grandes données,
01:20 les grandes denrées et les services aussi de l'époque.
01:23 Et donc, c'est exactement le programme de certains aujourd'hui hommes politiques
01:27 pour lutter contre l'inflation.
01:29 C'est ce qu'a fait Orban en Hongrie.
01:31 Orban, il a mis un prix maximum à toutes les denrées importantes.
01:33 Et ça ne marche pas.
01:34 Et le résultat, on le connaît.
01:35 C'était pareil sous Dioclétien.
01:36 Orban a eu la même chose.
01:38 Ce serait la même chose si on l'adoptait en France.
01:40 C'est-à-dire que l'économie a plein d'effets de bord.
01:42 Du coup, vous créez du troc.
01:44 La production s'effondre parce que si les gens ne gagnent plus d'argent en vendant leurs biens,
01:48 ils arrêtent de produire.
01:50 Et du coup, en fait, l'inflation redouble.
01:52 Regardez en Hongrie aujourd'hui, ils ont la pire inflation d'Europe.
01:54 Oui, ce sont de bons exemples contemporains, effectivement.
01:57 Il y a d'autres exemples très nombreux.
01:59 On ne va pas être exhaustif par rapport à tous ceux que vous citez dans ce livre, aux éditions du Rocher.
02:03 Quel est le plus marquant à vos yeux ?
02:06 Oui, je peux dire que j'étais très impressionnée par l'exemple de la Russie, de Nicolas Ier en Russie.
02:13 Nicolas Ier, c'est le début du XIXe siècle.
02:16 Donc lui, c'est un tsar qui se donne pour mission de garder l'Empire, de le transmettre à son fils, petit-fils.
02:24 Et avec l'idée que son empire, il doit évidemment ses grands alliés, ce sont les grands seigneurs et les paysans.
02:29 Et il voit en Europe de l'Ouest émerger l'industrie et puis les révolutions libérales de 1848.
02:35 Et il se dit avec son premier ministre, Kankrine, qu'en fait, l'industrie apporte ses idées libérales,
02:41 donc est source de révolution, et il va tout simplement bloquer l'industrialisation du pays.
02:45 Vous avez des lois incroyables en 1849, par exemple à Moscou, qui limitent le nombre d'ouvertures d'usines.
02:51 Tout simplement...
02:52 Mais ça, c'est plus le cas aujourd'hui quand même.
02:53 Non, non, non, mais je veux dire, c'est la peur de l'innovation.
02:55 Et on le voit aujourd'hui par exemple à Tchadchipiti.
02:57 C'est un très bon exemple, l'intelligence artificielle générative, ça nous fait peur et c'est légitime.
03:02 Mais, quelque part, l'interdire, est-ce que ça peut être la bonne solution ? Je ne crois pas.
03:06 Et ce tsar, il a interdit l'industrie.
03:09 Anne de Guigny, on va prendre l'exemple de la gestion de crise. 1929, 2019 évidemment, il y a eu avant même 2008-2009 avec Goldman Sachs.
03:21 On a l'impression vraiment qu'on ne tire jamais les leçons.
03:23 A chaque fois, on dit "Oh oui, on a compris, c'est tellement gros qu'on ne va plus refaire les mêmes erreurs".
03:27 Patatras, on recommence dix ans après.
03:29 Là, peut-être quand même, il y a eu un petit problème.
03:32 Parce que je pense que la grande crise de 1929 et celle de 2008, ça se ressemble assez.
03:38 On va serrer les boulons et on suit la crise financière suivie d'une grande crise économique de dépression.
03:45 Cette fois-ci, pour le Covid, il y a quand même eu beaucoup cette idée de faire attention à ce qui s'était passé dix ans plus tôt.
03:51 Et on voit qu'on a beaucoup dépensé. La question maintenant, c'est peut-être trop.
03:55 Mais par contre, il y a quand même eu l'idée de faire un peu plus attention.
03:58 Ce sont des crises quand même différentes. Structurellement, elles n'ont rien à voir.
04:02 Les crises sont très différentes.
04:04 Les leçons, à chaque fois, ce n'est pas évident. On les voit mal.
04:08 Pourquoi ce bégaiement, Anne de Guigny, de nos dirigeants ?
04:11 C'est quoi ? C'est un manque de volonté politique ? Trop de politique, justement, de court terme ?
04:15 De la lâcheté, pardon, le terme est peut-être un peu lourd. De l'irresponsabilité ? De la cécité ?
04:20 C'est sans doute un mélange un peu de tout ça, Emmanuel.
04:25 Mais surtout, ce qui m'a marquée, je trouve que les erreurs en disent plus long.
04:30 D'un titre individuel et d'une société, en disent plus long que les réussites.
04:33 Et pour moi, ce biais des erreurs, c'était surtout une façon, pas tant de dire "ils sont tous lamentables",
04:38 "je ne crois pas du tout qu'il faudrait prendre un bon chef d'entreprise qui nous ferait ça mieux".
04:41 Non, mais c'est une façon de parler de la politique et de l'économie par les erreurs.
04:45 Et pourquoi on revoit tout le temps les mêmes erreurs ?
04:47 Parce que la nature humaine ne change pas dans le temps.
04:49 Et on voit bien l'inflation aujourd'hui qui nous touche tous.
04:52 La solution un peu populiste qui a apporté de dire "on va limiter les prix",
04:57 quelque part on en a tous envie, qu'on nous dise "votre baguette ne bougera plus, votre pâte à pâte va être limitée".
05:02 Et je crois que c'est ça qu'on retrouve à travers ces erreurs qui se répètent.
05:06 C'est une nature humaine qui est identique à travers les temps.
05:08 Mais est-ce qu'il n'y a quand même pas une part de subjectivité dans les critiques que l'on fait, justement,
05:13 sur la manière dont les dirigeants gèrent les affaires ?
05:16 Je prends l'exemple des 35 heures.
05:18 Vous dites "ce texte conçu au moment du lancement de la monnaie unique européenne
05:21 et de l'entrée de la Chine dans l'Organisation mondiale du commerce
05:24 ne pouvait pas plus mal préparer les Français à l'intensification de la concurrence internationale".
05:30 Ça c'est un fait, mais les 35 heures, certains les aiment bien aujourd'hui.
05:33 Oui, bien sûr, il y a des débats.
05:35 Moi je ne prétends pas à dire ce qui est juste.
05:39 C'est un livre qui est là pour ouvrir au débat.
05:42 Et sur la réduction du temps de travail, débat qui revient aujourd'hui,
05:45 je pense qu'il est intéressant de dire aussi que tout dépend du moment,
05:48 de la croissance ou pas, de la productivité.
05:52 Et c'est sûr que le 35 heures, au moment où il a été voté,
05:56 c'était un moment d'intensification de la concurrence,
05:59 où la France s'est décalée par rapport aux autres États.
06:02 Et c'est sûr qu'à mon sens, vous trouverez des gens qui vous diront le contraire,
06:06 c'est très mal tombé.
06:07 Et puis la faute n'est peut-être pas seulement aux femmes et aux hommes qui dirigent,
06:10 puisque l'économie n'est pas une science exacte, donc c'est très difficile.
06:14 Finalement, et peut-être comme conclusion générale,
06:16 il est difficile voire impossible de créer de vraies politiques économiques finalement.
06:20 Parce que le temps de l'économie n'est pas celui du politique.
06:22 Le temps du politique, c'est le très court terme, le temps de l'économie, c'est le long terme.
06:25 Donc il y aura toujours ce hiatus.
06:27 Oui, ce hiatus qu'on a essayé un peu de régler avec l'idée, par exemple,
06:31 de l'indépendance des banques centrales,
06:35 de donner à certaines institutions une indépendance par rapport au temps politique,
06:39 pour qu'elles puissent justement s'aligner sur un temps plus long.
06:41 Mais ce que vous dites est tout à fait juste.
06:43 Et d'ailleurs, moi, c'est pour ça que j'aime beaucoup l'économie,
06:45 c'est que ça incite vraiment à la modestie, l'économie.
06:48 On peut dire que c'est très quantitatif, mais non, c'est vraiment un art.
06:51 Il faut essayer de comprendre la société,
06:52 pousser nous selon la confiance des personnes, de la société.
06:55 Donc voilà, c'est moi, c'est ce que j'aime le temps, l'économie.
06:58 Et on se réfère donc à ce livre dont je rappelle le titre que vous publiez,
07:01 Anne de Guignet, grand reporter au Figaro Économie, c'est aux éditions du Rocher.
07:05 "Ils se sont si souvent trompés, dix grandes erreurs politiques
07:08 qui ont bouleversé l'économie mondiale".
07:11 Anne de Guignet qui était l'invité de l'écho sur France Info ce soir.

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