• il y a 2 ans
Alors que l’OMS annonce la baisse de 95 % des morts liés au Covid depuis janvier dernier, le sujet du Covid long continue d’être peu traité dans les médias. Un patient sur 10 contractant cette maladie infectieuse risquerait pourtant de déclencher des symptômes, parfois très invalidants, à long terme.

Deux ans après l’apparition des troubles, certains patients peinent encore à marcher, à avoir une activité sociale plus de quelques heures par jour et ont perdu leur activité professionnelle.

Pourtant aucune reconnaissance du covid long comme affection de longue durée, permettant une prise en charge à 100% des frais de santé, ne semble à ce stade vouloir voir le jour. Quant à la plateforme d’orientation des patients promise par le gouvernement, elle n’est toujours pas lancée, faute de publication du décret d’application.

Alors qu’est-ce que le Covid long, comment se manifeste-t-il ? Pourquoi en parle-t-on si peu? Où en est-on de sa prise en charge et de son encadrement en termes de remboursements? Et surtout que nous révèle-t-il de la manière dont nous devons penser les questions de santé publique, de protection des plus vulnérables et d’autodéfense sanitaire dans un système qui s’effondre ? Nous faisons le tour de la question avec notre journaliste santé Eloïse Nguyen-Van Bajou.

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Transcription
00:00 [Générique]
00:05 On apprend aujourd'hui que le Covid ne tue plus avec une chute de la mortalité de 95% selon l'OMS.
00:12 Mais Héloïse, tu voulais nous alerter sur le fait que la crise sanitaire n'est peut-être pas finie
00:17 et nous allons parler du Covid long et de ses conséquences.
00:21 Oui, tout à fait théophile.
00:22 Et les articles de presse publiés aujourd'hui sont assez révélateurs.
00:26 Quand on sait qu'il y a quelques semaines, lors des assises du journalisme de Tours,
00:29 s'est tenu un débat intitulé "Covid long, une agresie journalistique".
00:34 Il m'apparaissait donc important aujourd'hui plus que jamais de décrypter ensemble
00:39 pourquoi cette pathologie reste sous silence,
00:42 car cela illustre parfaitement comment lutter collectivement pour notre santé dans l'avenir.
00:47 Alors comment expliques-tu qu'on parle peu jusque-là du Covid long en question ?
00:52 La première raison tient à l'absence pendant longtemps de chiffres sur le nombre réel de victimes du Covid long.
00:59 Aujourd'hui, selon les chiffres de l'OMS, on parle de 10% de personnes ayant contracté le Covid
01:04 qui développeraient un Covid long, ce qui est énorme.
01:07 En France, on parle ainsi de près de 1,7 million à 2 millions de personnes concernées.
01:12 Mais ce qu'il faut comprendre, c'est que le corps scientifique lui-même a eu du mal à établir la définition du Covid long.
01:18 Car outre la bataille sur la durée de persistance des symptômes pour le définir,
01:23 le Covid long peut prendre une multitude de formes en fonction des individus.
01:27 L'OMS parle elle-même d'une constellation d'effets sur la santé.
01:31 Cela regroupe ainsi plus de 200 symptômes très variables,
01:35 telles qu'une fatigabilité intense, des difficultés respiratoires, des douleurs thoraciques,
01:40 des troubles de la mémoire, de la concentration, de l'anxiété,
01:43 mais aussi des difficultés d'élocution, des douleurs musculaires, des troubles de l'équilibre, etc.
01:50 Bref, toute une liste qui a été réactualisée encore cette semaine par la Haute Autorité de Santé, l'HAS,
01:56 et parmi lesquels il était très difficile pour les médecins de faire du lien.
02:00 Alors, il est désormais établi que le Covid long se définit comme l'apparition de plusieurs de ces symptômes
02:06 dans les trois mois après une infection au Covid,
02:09 et avec la persistance de ceux-ci pendant deux mois, mais cela en l'absence de toute autre explication.
02:14 Donc face à cette définition pour le moins déconcertante,
02:17 on comprendra pourquoi les journalistes ont eu du mal à en parler.
02:21 Je renverrai cependant, à titre d'exception, au reportage d'Anna Hiesbaar pour Envoyé spécial,
02:26 dont on mettra les références en commentaire.
02:28 Comment expliquer qu'il ait fallu autant de temps pour en donner une définition ?
02:33 Alors, évidemment, le Covid est une maladie émergente apparue en 2019
02:36 et pour laquelle nous ne disposions pas d'une littérature scientifique établie.
02:40 Il faut donc prendre en compte à la fois le temps de l'alerte et le temps de la recherche.
02:45 Et les premières alertes sur la possibilité de conséquences au long cours de la maladie
02:48 sont apparues via les patients eux-mêmes dans le courant du deuxième trimestre 2020.
02:53 Mais sans marqueur biologique pour pouvoir identifier le Covid long,
02:56 par une prise de sang par exemple,
02:58 beaucoup de patients sont restés en errance jusqu'à la première définition officielle
03:02 qui n'est intervenue que fin 2021.
03:05 La majorité des victimes de Covid long, en tout cas dans les premiers temps, étant des femmes,
03:10 la reconnaissance de cette pathologie par le corps médical a également pris du retard,
03:14 probablement en raison de biais de genre que l'on connaît malheureusement.
03:17 Beaucoup de patients ont été renvoyés sans coordination vers des psychiatres
03:21 pour des suspicions d'état de stress post-traumatique, de dépression, etc.
03:25 Tandis que certains d'entre eux, même deux ans après, peinent encore à marcher,
03:30 à avoir une activité sociale plus de quelques heures par jour
03:32 et ont perdu leur activité professionnelle.
03:35 Il a ainsi fallu des mois pour que la communauté médicale somaticienne notamment
03:40 se saisisse réellement de la question
03:42 et se mette d'accord à la fois sur la définition et sur les modalités de prise en soin.
03:46 Le premier des leviers a bien été l'alerte populaire et les lanceurs d'alerte en santé
03:51 qui n'ont eu de cesse d'informer en population générale
03:54 et de travailler de concert avec certains médecins engagés sur le sujet.
03:58 Et en France, je ne peux que vous conseiller d'aller voir le site de l'association Après J20
04:03 qui fait notamment un travail de bibliographie et de veille scientifique
04:06 extrêmement complet et sérieux sur la question.
04:09 Mais le problème n'est pas réglé pour autant.
04:12 Non, en effet, loin de là.
04:13 Et les prises en charge restent inégales en fonction des lieux, voire des médecins.
04:17 Des services experts existent dans certains CHU,
04:19 mais tous les patients n'y ont pas accès.
04:21 Alors une plateforme d'orientation gérée par l'assurance maladie
04:25 et l'association Tous partenaires Covid avait été annoncée par le gouvernement l'année dernière,
04:29 mais elle peine à voir le jour faute de décret d'application.
04:33 Les patients semblent donc démunis et livrés à eux-mêmes.
04:35 Et ce phénomène a été renforcé ces dernières semaines
04:38 par le fait que certaines mesures barrières censées les protéger,
04:41 telles que le port du masque, ont été enlevées, même dans les structures de santé,
04:46 et que d'autres, tels que le contrôle de la qualité de l'air, ne sont toujours pas appliquées.
04:50 Ce qui produit des craintes à fréquenter les lieux de soins,
04:53 du retard dans les prises en charge de santé, voire du renoncement aux soins.
04:57 Renoncement qui est renforcé lui-même par de grosses problématiques
05:00 en termes de prises en charge des soins au niveau financier.
05:03 Il faut dire ou rappeler que le Covid,
05:05 l'on n'est toujours pas reconnu comme une infection longue durée.
05:09 Qu'est-ce qui bloque encore et pour quelles conséquences Héloïse ?
05:13 Alors ce qui bloque, c'est clairement le coût pour l'assurance maladie.
05:15 Concrètement, inscrire le Covid sur la liste des infections longue durée,
05:20 ce qu'on appelle l'ALD30, implique la prise en charge à 100% de l'ensemble des soins,
05:25 des transports, des matériels liés à la pathologie pour 2 millions de personnes.
05:29 Cela pour des soins réguliers, tels que de la kiné, de l'orthophonie,
05:33 qui nécessitent souvent des allers-retours en transport sanitaire
05:36 ou encore du matériel coûteux, tels que des cannes, des déambulateurs, des fauteuils, etc.
05:41 Et ça, sans compter la prise en charge psychologique et sociale de patients,
05:44 souvent jeunes, parfois sportifs auparavant,
05:47 qui ne travaillent plus et qui ne se reconnaissent plus.
05:49 Il y a une réelle atteinte à leur vie sociale et à leur sentiment d'identité même.
05:54 Et sur ce point, l'HAS insiste sur le fait que la prise en charge
05:57 des conséquences psychiques du Covid long doit être pluridisciplinaire et multidimensionnel,
06:02 ce qui implique que les professionnels doivent travailler ensemble
06:06 et sur tous les aspects de la vie du patient,
06:08 ce qui dans la réalité est encore loin d'être le cas.
06:11 Alors face à cette situation, que peut-on faire ?
06:14 Plein de pistes.
06:15 Alerter sur la nécessité de cette reconnaissance en affection longue durée du Covid long,
06:20 s'impliquer dans la sensibilisation des politiques et des médecins,
06:23 comme le collectif Après J'y vais le fait depuis le début de la crise sanitaire.
06:26 Lutter aussi pour les moyens alloués au système de santé en général
06:31 et à tout ce qui permet une meilleure articulation entre le sanitaire,
06:35 le médico-social et le social en particulier,
06:38 mais aussi prendre conscience de notre responsabilité collective
06:42 en termes de protection des populations à risque.
06:45 Considérer par exemple le fait de porter le masque comme un geste militant,
06:49 un geste de solidarité, ce qui est extrêmement impopulaire,
06:52 mais ce qui semble indispensable pour ne pas exclure
06:55 les plus vulnérables des lieux de soins et des transports.
06:58 À ce titre, je rappellerai que la Covid-19 n'est pas la seule pathologie infectieuse
07:03 qui tue en France.
07:04 Chaque année, la grippe conduit à des décès, entre 10 000 et 15 000 morts par an.
07:08 Et évidemment, cela va de pair avec ce que je viens de dire,
07:11 se former, s'informer en santé, faire de l'autodéfense sanitaire.
07:15 Avec l'effondrement du système de santé actuel,
07:17 ce sera malheureusement notre seul moyen d'arriver à faire face
07:21 et à continuer à nous soigner correctement dans les mois et les années à venir.
07:25 Merci beaucoup Héloïse pour cet éclairage.

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