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Aujourd'hui Hippolyte Girardot nous parle du roman épistolaire de Bergsveinn Birgisson.

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Amusant
Transcription
00:00 Comment choisir un livre ? Parce que malgré nous, dans une librairie, on a notre algorithme
00:04 personnel qui nous guide.
00:05 Une couverture, une maison d'édition, la nationalité de l'auteur, de l'autrice.
00:09 Et c'est comme ça que j'ai fureté du côté des éditions Zulma, qui publient de
00:13 la littérature étrangère et notamment les romans de Hava Olafsdotir, dont j'avais
00:18 chroniqué une fois, or, que j'avais beaucoup aimé.
00:19 Donc j'ai choisi un petit livre, parce que j'ai quelques jours pour écrire la chronique,
00:23 donc je vais pas me taper 500 pages.
00:24 Et ça s'appelle La lettre à Helga de Bergswein Birgisson.
00:30 Bon, très bien, je l'ouvre, parce que les quatrièmes de couverture, c'est un peu
00:34 trompeur, c'est un peu trop vendeur.
00:35 Je l'ouvre comme ça et je tombe sur une phrase.
00:38 Je lis « Te voir nu dans les rayons du soleil était revigorant comme la vision d'une
00:44 fleur sur un escarpement rocheux.
00:46 Je ne connais rien qui puisse égaler la beauté de ce spectacle.
00:50 La seule chose qui me vienne à l'esprit, c'est l'arrivée de mon tracteur farmal.
00:54 Alors là, je me dis, un écrivain qui réussit à comparer son émotion amoureuse non seulement
01:01 à une fleur sur un roche, ce qui est facile, mais aussi à la découverte de son tracteur
01:05 neuf, voilà ce qui ne peut que me transporter de joie.
01:08 Ce livre court, 130 pages, est une merveille.
01:11 Ça se passe en 1939 et le vieux Bjarni Gjilasson, j'arrive pas vraiment à dire ses noms islandais,
01:19 je vais changer, donc je vais là.
01:21 Non, ce vieux Gjilasson est fatigué.
01:23 Alors il décide de répondre à une lettre avant de passer derrière les montagnes.
01:26 D'ailleurs, ça commence comme ça.
01:28 « Cher Elga, et s'ouvre devant vous une histoire d'amour déchirante, envoûtante,
01:32 qui se déploie sur une soixantaine d'années.
01:34 Bjergisson a publié de la poésie et sait être concis.
01:38 Pas comme moi, je sais.
01:40 Elga, donc, est une des plus belles femmes de ce bout de campagne islandais.
01:44 Bjarni et elle, tous les deux mariées par ailleurs, entretiennent une relation amicale,
01:49 où pourtant leur désir mutuel bondit comme une bête enfermée dans une cage.
01:53 Dans ce microcosme, la médisance les rattrape et les voilà accusés, par la rumeur, d'avoir
01:57 une affaire.
01:58 Bjarni se sent amère d'être condamnée, sans avoir goûté la douceur purificatrice
02:04 du crime.
02:05 La douceur purificatrice du crime.
02:08 Que ceci est bien dit.
02:09 Sa femme, alors, devient amère, distante, d'autant plus qu'elle est stérile par
02:14 la faute de médecins incapables.
02:15 Bjarni, irradié par sa libido, doit se masturber dans les prés.
02:19 Et quand il se couche entre des collines, il choisit celles qui lui font penser au sein
02:22 d'Elga.
02:23 Et puis au printemps, Elga fait appel à Bjarni pour l'aider à débarrasser son mouton
02:28 de la gale.
02:29 Alors, je cite, "ce qui devait arriver arriva.
02:32 Je me débarrassais de mon pantalon et tu fis voler tous tes vêtements, découvrant tes
02:37 seins et ton pubis touffu.
02:38 Tu courus dans la grange et moi derrière toi, excité et bandant comme je ne sais quoi.
02:42 Sur le foin, ton corps palpitait et tremblait sous le mien.
02:45 C'était comme toucher du doigt la vie elle-même."
02:48 "Toucher du doigt la vie elle-même".
02:51 Mais comme ceci est bien dit.
02:52 Mais alors pourquoi cette lettre à Elga, écrite des décennies après ? Qu'est-il
02:57 arrivé à ces deux amants du printemps ? Je vous laisse découvrir ce monde de cornes
03:00 de mouton, de touffes, de vents violents, de cabanes de pêche, de porte-boutons en
03:04 os, de morue à moitié séchée, d'un cadavre fumé avec amour, d'une femme morte trop
03:09 longtemps dans une étendue reculée, d'un paysage gelé.
03:11 Je vous laisse pleurer quand vous comprendrez que les plus belles amours sont parfois celles
03:15 qui ne vont échapper, celles où notre corps continue de battre fort comme au premier
03:19 jour des années et des années après.
03:21 Réponse à une lettre d'Elga raconte une vie entière, celle de Bjorni, comme un conte
03:26 cruel et tendre, drôle et profond, futile et tragique.
03:31 La vie elle-même quoi.
03:32 Je vous donne les refs.
03:34 Ça s'appelle "La lettre à Elga" de Bergwein Birgisson aux éditions Zulma Poche.
03:40 Et dans ce que j'imagine être une magnifique traduction d'une femme qui s'appelle Catherine
03:44 Eliasson, tant la langue est belle et fluide.

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