Jeudi 4 mai 2023, SMART JOB reçoit Angélique Petel (Senior Manager, Sia Partners) , Sylvain Bersinger (économiste et auteur, Cabinet Asterès) et Stéphane Marchand (rédacteur en chef du magazine "Pour l'éco")
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 [Musique]
00:12 Le cercle est rache et les experts de Smart Job comme chaque semaine pour balayer l'actualité ce 1er mai
00:17 avec une nouvelle manifestation prévue le 6 juin prochain.
00:20 Mouvement social, stop ou encore, pendant ce temps-là le gouvernement accélère
00:23 et a dévoilé un calendrier très précis d'un nombre de textes dont un texte sur le partage de la valeur,
00:28 un texte sur le travail, enfin le gouvernement en tout cas essaie d'enjamber et d'accélérer.
00:34 On va parler du salaire des députés, puisque les députés faisaient partie des 1% les mieux payés,
00:38 ils passent à 3% donc ils régressent en tout cas sur le plan du salaire.
00:43 Et puis on va parler aussi si on a le temps, mais je trouve ça intéressant, de la grève des scénaristes
00:48 parce qu'on s'intéresse tous au cinéma sur ce plateau et c'est une guilde tellement puissante
00:52 que quand ils s'arrêtent il n'y a plus d'industrie.
00:54 Donc ça c'est très très intéressant.
00:56 On en parle avec Angélique Pétel, bonjour Angélique.
00:58 - Bonjour. - Ravie de vous accueillir.
01:00 Senior manager chez SIA Partners, ravie de vous accueillir.
01:03 A vos côtés Stéphane Marchand, bonjour Stéphane.
01:05 - Bonjour Arnaud. - Très heureux de vous accueillir, rédacteur en chef de l'Eco,
01:08 délégué général de l'Institut du capitalisme responsable, c'est un joli titre.
01:13 Et la une de Pour l'Eco, ça va faire couler de l'encre, ou en tout cas faire parler dans les chaumières,
01:19 qui n'a jamais payé au black, l'idée c'est du paiement de la main à la main,
01:23 avec quand même le gouvernement qui est en tête, avec l'obligation de la TVA automatisée,
01:28 la facture électronique, tous les comptables sont dessus.
01:30 - De manière à enrayer ça. - C'est ça l'objectif.
01:32 - Mais c'est toujours le travail clandestin qui gagne.
01:35 - Quoi qu'il arrive. - Les gouvernements et les régulateurs sont toujours en retard d'une technologie.
01:40 - Et Sylvain Bersinger est avec nous, économiste chez Astéres,
01:43 avec des notes d'analyse et des livres, je rappelle le Audiard, c'est ça ?
01:47 Audiard vu l'économie à travers. - Apprenons l'économie avec Michel Audiard.
01:50 - Je vous invite à lire ce livre parce que c'est une manière un peu ludique de faire de l'économie.
01:54 Un mot tous les trois sur ce mouvement social, il y a eu le 1er mai des violences très fortes
01:58 avec ce CRS brûlé en partie, vivant évidemment par un cocktail Molotov,
02:04 c'est quoi, c'est stop ou encore ? Parce qu'on a déjà un début de morcellement du mouvement social,
02:09 la CFDT dit "attendez, il faut retourner discuter", la CFTC dit "on ne peut pas manifester comme ça toutes les semaines",
02:16 la CFECGC dit à peu près pareil, il n'y a que la CGT. Pour vous, c'est la fin du mouvement social ?
02:22 - Sur les alliances entre syndicats, je ne suis pas spécialiste, je vais plus aborder les choses sur un aspect économique.
02:29 Je pense que sur le mouvement social, et on va dire globalement le mécontentement des Français qui est assez fort,
02:36 je pense qu'effectivement dans les mois à venir, ce mécontentement-là va rester assez fort,
02:41 notamment parce que l'inflation ne va pas baisser tout de suite.
02:44 Il y a dans ce mouvement social, évidemment les retraites.
02:47 - Mais on quitte les retraites pour un sujet plus global finalement ?
02:50 - Pour un sujet, notamment sur le pouvoir d'achat. Je pense que l'inflation va baisser à partir de l'été de l'automne,
02:55 mais dans les mois à venir, ça va rester un sujet sensible.
02:57 - Mars rouge, septembre vert, nous dit-on.
03:00 - Oui, c'est grosso modo ça. Je pense malgré tout que dans ce contexte de mauvaise nouvelle, il faut aussi rappeler les bonnes,
03:05 qui sont les chiffres de l'emploi. Le nombre d'inscrits à Pôle emploi continue à légèrement baisser au premier trimestre,
03:09 donc c'est vrai qu'il y a de l'inflation, mais ne voyons pas non plus tout de manière excessivement rouge.
03:14 - C'est bien de l'entendre.
03:15 - Et les chiffres de l'emploi restent bons et on aura les chiffres vendredi qui ne seront sûrement pas trop mauvais, je pense.
03:19 - Stéphane Marchand, là c'est intéressant parce qu'on est déjà en train, nous aussi finalement, d'enjamber le débat des retraites qui semble soldé.
03:26 Il y a un texte, une proposition de loi le 8 juin, déposée par Lyot, qui donne un dernier soubresaut pour faire tomber le texte,
03:34 il y a peu de chance. On est dans un climat social très tendu et en même temps une économie qui ne se porte pas si mal,
03:41 si je veux pas rafraser ce que nous dit Sylvain.
03:43 - C'est vrai que c'est le paradoxe français aujourd'hui. L'économie se porte plutôt bien, l'emploi se porte plutôt très bien,
03:49 quand on regarde le passé français et pourtant les manifestations continuent, le mouvement social continue.
03:56 Ça veut bien dire que le mécontentement est extrêmement profond, il va bien au-delà de la réforme des retraites.
04:01 Il est très largement incarné, la colère est très largement incarnée, tournée vers le président de la République.
04:07 C'est une des conséquences du quinquennat peut-être, mais surtout de la personnalité d'Emmanuel Macron.
04:11 - Son attitude.
04:12 - On peut être inquiet de savoir comment ce quinquennat va durer, qu'est-ce qui va se passer dans le quinquennat qui ne fait que commencer.
04:18 Et puis quand même, on voit qu'après 50 ans de dégringolade tragique, le syndicalisme français reprend de la bête.
04:30 Il reste extrêmement faible, on en parlera peut-être tout à l'heure, on a le taux le plus faible de syndicalisation de toute l'OCDE.
04:38 On est nettement moins syndiqués que les Américains, c'est absolument incroyable.
04:42 Et nos modèles du nord de l'Europe, Finlande, Suède, Norvège, tous ces pays-là sont syndicalisés à 80%.
04:49 - Il faut préciser Stéphane que dans certains pays, c'est obligatoire, on annexe l'accès à la mutuelle à la syndicalisation.
04:56 Donc si vous voulez, ça donne un peu envie aux salariés de se syndiquer quand même.
04:59 - Ce qui se passe en France, c'est quand même que l'acteur syndicat devient un acteur politique à part entière.
05:05 Et dans le jeu actuel qui consiste à avoir le Rassemblement National, la NUPES et les syndicats face à Emmanuel Macron,
05:15 c'est le nouveau jeu politique français. Voilà ce qui à mon avis est intéressant.
05:19 - Angélique Pétain, vous en pensez quoi à la fois de ce mouvement social et du sujet qu'on va évoquer d'ailleurs en transition directe ?
05:26 Le calendrier développé par Elisabeth Borne, qui est toujours à son poste, avec un certain nombre de textes, dont le texte sur le partage de la valeur.
05:33 On a quand même la création de France Travail, avec un texte dans lequel il y aura évidemment le fait qu'on crée cet organisme qui va rassembler tous les acteurs du travail.
05:43 On voit quand même que le gouvernement a senti qu'il fallait accélérer sur ces sujets de travail, de transformation du travail.
05:50 - Alors certes, il faut qu'effectivement on accélère sur l'enjeu du travail, parce que c'est quand même l'enjeu majeur, en tout cas pour les Français.
05:58 Mais ce qu'on peut regarder, notamment à travers les manifestations et cette mobilisation qui a été accrue, voire historique, c'est que la colère, je vous rejoins, elle persiste.
06:08 - Oui, elle risque de perdurer d'ailleurs.
06:10 - Et on le voit parce qu'on est en attente par exemple du référendum individuel partagé, qui doit tomber le 3 mai par le Conseil concessionnel.
06:18 C'est un des leviers en tout cas des syndicats, parce qu'effectivement ils mettent en place aussi une stratégie de pression.
06:24 Mais on a aussi, effectivement vous le disiez tout à l'heure avec le groupe Lyot, c'est-à-dire qu'on veut abroger une loi par une autre loi.
06:30 La plus célèbre c'était l'abolition de la peine de mort, qu'on a abrogée en tout cas par une loi.
06:35 Mais en tout cas les syndicats attendent vraiment, et ce groupe Lyot aussi, attend vraiment, si vous voulez, que les Français sont vraiment contre cette réforme,
06:45 et surtout contre l'article 7 du passage des 62 ans aux 64 ans.
06:49 - Et beaucoup ont contesté la manière dont le texte a été adopté par un 49-3, c'est-à-dire qu'il n'y a pas eu de débat sur ce fameux article 7, donc pas de débat démocratique.
06:57 - Et derrière c'est toute la question en tout cas du dialogue social, parce qu'Elisabeth Borne a effectivement dit "il faut revenir à la table des négociations",
07:05 et en même temps en utilisant le 49-3, effectivement les partenaires sociaux se posent des questions.
07:11 - Et les députés par ailleurs, dont on va parler, dans les revenus ont un petit peu baissé, en tout cas même leur statut.
07:17 Juste un mot quand même sur le partage de la valeur, parce que ça c'est un UNANI, un accord national interprofessionnel, qui n'a pas été validé par la CGT mais par les autres.
07:27 Quand on rentre un tout petit peu dans le détail, objectivement vous êtes un économiste, c'est assez complexe,
07:32 et l'idée quand même pour le dire en une phrase c'est que les PME participent aussi à ce partage de la valeur, et qu'il n'y ait pas que les grandes entreprises structurées qui ont...
07:41 Est-ce que vous y croyez ? Moi j'ai voulu appeler cette séquence-là "coup de com" autour du partage de la valeur.
07:47 Ça fait un peu "coup de com", ça fait un peu "regardez, on va partager la richesse".
07:52 - Oui, alors les plus petites entreprises pourront mettre en place des programmes d'intéressement participation, ça ne veut pas dire qu'elles le feront forcément,
07:59 ça ne veut pas dire que ça va ruisseler forcément, c'est-à-dire que ce n'est pas une obligation donnée aux entreprises qui feraient X profits pendant X années de...
08:08 - 3 ans minimum déjà pour commencer.
08:10 - 3 ans minimum déjà pour commencer, mais en fait ce n'est pas un engagement formel sur "on va donner temps aux salariés".
08:15 - Non mais est-ce que ça peut éteindre l'incendie que vous évoquiez tout à l'heure, qui nous dit l'inflation, les Français ont +15 quand ils font leurs courses,
08:21 il y a l'énergie, est-ce que ça peut éteindre l'incendie qui est de dire "mais regardez, l'entreprise partage".
08:27 - Moi je ne sais pas si ça peut éteindre l'incendie parce que finalement tous ces dispositifs dont on parle, ce sont des extensions d'un dispositif bien connu,
08:34 c'est intéressement et participation, ou prime Macron rebaptisée prime de partage de la valeur.
08:40 - Donc c'est un coup de com'.
08:41 - Alors non, ce n'est pas forcément un coup de com', mais ce n'est pas une révolution.
08:44 La vraie révolution c'est que les salariés soient associés à la vie, à l'aventure de l'entreprise, dans tous les sens du terme évidemment,
08:50 c'est-à-dire la vraie révolution par exemple serait de distribuer des stock options, ou l'équivalent de stock options, à absolument tout le monde.
08:57 Alors là, le lien entre le salarié et l'entreprise serait beaucoup plus fort.
09:01 - Salarié-actionnaire.
09:02 - Et ça serait aussi un lien quand il y a des échecs, et quand il y a des pertes.
09:05 Donc ça serait ça la vraie révolution.
09:09 Là on bricole toujours autour du même concept, rajouter un petit peu d'argent sur la fiche de paye,
09:14 et certains syndicats disent non, on ne veut pas de prime, on veut des augmentations de salaire, pas un débat très neuf.
09:19 - Vous en pensez quoi Angélique Pétel ? Parce que dans l'idée du gouvernement, vous avez vu le train de projet de loi, je le redis,
09:26 c'est quand même autour du travail, de la transformation du travail, de France Travail, de partage de la valeur.
09:31 Il y a quand même cette idée-là chez le gouvernement.
09:33 D'ailleurs le projet de loi immigration, vous avez vu, a été mis sur le côté.
09:36 - Alors on fait beaucoup porter au gouvernement, qui retranscrit normalement l'accord national interprofessionnel.
09:41 Donc les partenaires sociaux ont quand même signé fin février cet accord.
09:45 Donc ça veut dire que eux-mêmes, si vous voulez, la révolution finalement dans ce qu'ils ont signé,
09:50 c'est effectivement l'accès à l'épargne, en tout cas des salariés qui sont dans des PME.
09:55 Parce que la problématique, ce n'est pas pour les grands groupes, c'est pour les PME finalement.
09:59 Ça existe déjà finalement pour pouvoir partager la valeur.
10:02 Est-ce que les PME vont s'emparer de ce sujet ?
10:05 En tout cas, il y en a qui commencent, voire même des TPE qui commencent,
10:08 puisque les branches professionnelles doivent mettre en place un accord atypique,
10:11 enfin, pardon, pas un accord atypique, un accord type, pour que les TPE, en tout cas, puissent mettre en place ces accords.
10:18 Donc moi j'y crois, et je pense que ça peut être aussi un bon moyen de repartager la valeur.
10:23 En tout cas, ça oblige les syndicats et les salariés à se remettre autour de la table en entreprise.
10:28 Et n'oublions pas que, on a par exemple Total, à un moment donné, cette question du partage de la valeur s'est posée avec Patrick Pouyannette,
10:36 qui avait une rémunération qui était supérieure à l'inflation.
10:39 Donc on a eu des grèves où les salariés et les syndicats ont dit "mais nous on n'est pas d'accord avec ça, on partage autrement la valeur".
10:47 Donc je pense que c'est un vrai sujet qui inquiète les Français et qui veulent voir en tout cas le partage de la valeur autour de nous.
10:53 - Un dernier mot, parce que je dirais qu'on parle des députés quand même, c'est assez intéressant de voir le salaire des députés.
10:59 Parce qu'on parle d'inflation, on parle de salaire, et là on voit qu'il rétrograde.
11:02 Quand même, vous l'économiste, vous nous dites "attention, soyons pas toujours noirs, le chômage va encore peut-être baisser".
11:10 Vous les regardez comment les six prochains mois, à travers vos études à Steres ?
11:14 Parce que vous nous produisez chaque semaine des études qui sont extrêmement passionnantes.
11:18 On va vers plutôt des crispations, plutôt vers une économie qui va réaccélérer.
11:22 Comment on avance là ?
11:24 - Je pense que sur 2023, ça va être assez poussif encore.
11:27 - La croissance est faible.
11:29 - Voilà, la croissance sera faible, on sera entre 0,5 et 1% de croissance sur l'année.
11:33 On peut voir le verre à moitié plein ou à moitié vide, parce que rappelons-nous qu'à l'automne,
11:37 on se demandait "est-ce qu'on ne va pas avoir une récession ? Est-ce qu'on ne va pas avoir des coupures de courant ?
11:40 Est-ce que la production industrielle ne va pas s'effondrer ?
11:42 - C'est vrai, on n'a pas eu et on n'est pas en récession.
11:44 - On n'a pas eu de récession, la production industrielle s'est globalement maintenue en Europe.
11:47 Donc c'est sûr qu'on est sur un rythme de croissance faible.
11:49 La croissance potentielle française, c'est 1,5, on va être à 2 fois plus faible.
11:54 Donc ça c'est le verre à moitié vide.
11:56 Le verre à moitié plein, c'est qu'au vu du choc inflationniste et énergétique gigantesque qu'on a connu,
12:00 tout compte fait, on ne s'en sort pas si mal.
12:02 L'économie européenne a été plus résiliente qu'on ne l'aurait cru.
12:05 - Donc il y a un peu d'optimisme sur ce plateau.
12:07 Est-ce qu'il y a des incidences sur l'emploi quand même ?
12:09 - A court terme, je pense que monsieur a raison.
12:12 Il y a quand même deux points de vigilance.
12:15 Il y a des taux d'intérêt qui augmentent.
12:17 On est très tendu sur ce sujet-là.
12:19 On voit qu'il y a une certaine inquiétude au gouvernement quand il commence à parler de la dette.
12:23 Et puis la deuxième chose, ce sont les fameuses faillites d'entreprises.
12:27 L'espèce de mystère pendant le Covid.
12:29 Pourquoi n'y a-t-il pas plus de faillite après l'arrêt des aides ?
12:33 Peut-être que là, elles repartent.
12:35 Et peut-être que les entreprises vont se faire enlever.
12:38 Mais je pense que c'est un peu le cas.
12:40 - Le salaire des députés qui vont devoir d'ailleurs voter une loi de transformation du pôle emploi en France Travail,
12:46 mais aussi des lycées professionnels, puisque tout ça sera dans le même texte.
12:49 Ce n'est pas rien.
12:50 C'est d'unir les missions locales, tous les acteurs de l'emploi, les régions, les départements.
12:55 C'est une petite révolution.
12:57 Des salaires de députés d'indemnité parlementaire, on ne parle pas de salaire de député,
13:01 mais des salaires de députés d'indemnité parlementaire.
13:04 On parle pas de salaire de 7493,30 euros, avec une indemnité de résidence de 174,60 euros.
13:12 Ça, c'est pour les métropolitains et pour ceux qui sont évidemment en Outre-mer.
13:16 1498,66.
13:19 Par expérience, ils avaient des salaires supérieurs quand on y additionnait les indemnités de frais de représentation de mandat, l'IRFM.
13:27 C'est à la hauteur, parce que dans les textes, et quand on regarde les articles sur ce sujet,
13:33 c'est de dire que l'État doit fournir un salaire assez digne, suffisamment digne aux députés,
13:37 en un mot, pour ne pas les corrompre, pas qu'ils soient corrompus, et qu'ils aient un niveau de vie satisfaisant.
13:42 Vous, l'économiste, c'est le bon niveau, ça, pour un élu de la République ?
13:46 - Alors, le bon niveau, c'est toujours... - Je ne cherche pas à vous piéger.
13:48 - Non, non, mais je suis d'accord.
13:49 C'est toujours très difficile de dire que l'État doit fournir un salaire assez digne,
13:53 parce que sur une économie de marché, la rémunération, c'est assez simple,
13:57 c'est la productivité, si on est bêtement économiste.
13:59 - Là, c'est une indemnité.
14:00 - Mais là, on est sur des gens qui ne vendent pas de services, qui ne sont pas sur un marché.
14:04 - Non, ils votent les lois. Et ils contrôlent.
14:06 - Il n'y a pas vraiment de loi économique absolue pour dire...
14:10 - Donc l'économiste est perdu par rapport à une indemnité ?
14:12 - Oui, mais l'économiste est toujours un peu perdu sur le salaire des fonctionnaires,
14:14 des fonctionnaires au sens large, qui ne sont pas sur un marché.
14:17 - Vous en pensez quoi, Stéphane ?
14:19 - D'abord, le député, c'est quelqu'un, c'est quelque chose de très important,
14:22 c'est un joke très important, c'est un peu comme les enseignants,
14:24 c'est toujours difficile de mesurer la productivité d'un enseignant,
14:27 mais un député, c'est quelqu'un dont le travail le met en rapport avec des grands patrons,
14:32 avec toute une série de gens, à l'égard desquels il doit maintenir son indépendance.
14:36 C'est la qualité de son travail qui en dépend, et c'est la qualité des lois qui en dépend.
14:39 Donc, s'il est dans une situation économique trop inférieure à celle de l'État,
14:45 s'il est dans une situation économique trop inférieure à ses interlocuteurs,
14:50 à partir d'un certain moment, on sait très bien que s'engage une mécanique d'infériorité qui peut mener à...
14:58 - C'est un danger.
14:59 - Donc, il y a un danger. Donc, il faut qu'il soit bien payé, cela dit, quel est le nombre ?
15:03 - On était riches à 4 000 euros pour François Hollande, vous vous rappelez ?
15:06 Parce que, puisqu'on parle salaire, ça lui avait...
15:08 - C'était il y a 10 ans, il y avait un peu d'impression.
15:10 - Ça lui a collé aux doigts, ça, d'ailleurs, aussi.
15:12 Parce que, finalement, ce sont des nantis, les députés, qui font quand même partie des 3% des personnes les mieux payées.
15:18 - Ça peut susciter de l'antiparlementarisme et de la défiance, encore.
15:21 - Ça peut susciter de la défiance, mais surtout, ce qu'il reproche, c'est de dire
15:24 "Mais nous, on nous demande des efforts", et puis, finalement, l'exemplarité, elle n'est pas là.
15:28 On a des députés qui sont dans le privilège financier.
15:31 Donc, il faut quand même, en tout cas, se poser la bonne question de qu'est-ce qui est, finalement,
15:37 acceptable à la fois pour les députés, pour qu'ils puissent exercer correctement leurs fonctions,
15:41 et en même temps, ce qui peut être entendable par un Français.
15:45 - Juste un mot sur... Vous avez évoqué la démocratie en entreprise,
15:48 parce que ça faisait écho, évidemment, à ce que l'on allait évoquer sur les députés.
15:50 C'est eux qui portent la démocratie, ils votent les lois,
15:52 ils vont examiner des textes, là, dans quelques semaines, qui vont transformer nos vies.
15:56 La démocratie en entreprise, je ne sais pas si l'économiste, là, face à ce sujet, est perdu,
15:59 parce qu'on est proche de la sociologie, mais il y a quand même, chez les salariés, citoyens,
16:03 l'idée que l'entreprise doit être aussi un réceptacle démocratique.
16:06 - Non, mais c'est une question très importante en gouvernance d'entreprise.
16:09 Il y avait cette vision un peu anglo-saxonne, actionnariale de l'entreprise...
16:13 - Ce qu'évoquait Stéphane.
16:14 - Ce qui est l'actionnaire... De toute façon, l'entreprise est propriété de l'actionnaire,
16:17 son but, c'est de maximiser la valeur, point final.
16:19 Mais il y a aussi beaucoup d'autres approches.
16:21 Par exemple, en Allemagne, la co-gestion, où les salariés ont un poids plus important...
16:25 - Et les syndicats puissants.
16:26 - Voilà, et les syndicats, les deux, ont un poids beaucoup plus important dans les décisions.
16:30 Et c'est vrai que le modèle purement actionnarial, on va dire à l'anglo-saxonne,
16:34 il montre un petit peu ses limites, parce qu'on a vu, aux États-Unis,
16:37 les salaires des grands patrons qui ont flambé, des stratégies d'entreprise, parfois court-termis...
16:41 - On est dans ce débat en France, les écarts trop importants entre le patron et le plus basse à l'air.
16:45 - On est sur les stratégies d'entreprise.
16:47 Est-ce qu'on maximise la valeur actionnariale à court terme, est-ce qu'on investit plutôt à long terme ?
16:50 Donc, c'est des débats très importants.
16:52 - Ce serait une une, un jour pour les cons, ça, cette question de la démocratie.
16:54 C'est-à-dire, c'est un mot qui est réservé à l'Assemblée nationale, au Sénat,
16:57 ou à des Sénats clorégionaux, dans l'entreprise.
17:00 - Alors, je pense qu'il ne faut absolument pas que l'entreprise devienne une démocratie.
17:03 Ce serait une très, très mauvaise idée.
17:05 - Mais ça monte, ce sujet.
17:06 - Mais le sujet monte. Mais alors, à mon avis, il monte sur deux voies,
17:09 qui ne sont pas forcément le management.
17:11 Il y a la voie des parties prenantes.
17:13 On parle de plus en plus des parties prenantes et de l'importance qu'elles ont.
17:16 Et, de fait, elles ont une importance considérable.
17:18 Si on ne les connaît pas et si on ne traite pas avec eux,
17:20 l'entreprise va devenir assez rapidement aveugle et inopérante.
17:23 Et deuxièmement, ce qu'on appelle la démocratie actionnariale,
17:27 qui consiste à ce que les actionnaires puissent s'exprimer avec des salariés
17:30 et le font de manière de plus en plus organisée, virulente et efficace,
17:35 dans les assemblées générales.
17:37 - Angélique Pétel, avant de nous quitter, cette grève des scénaristes,
17:39 parce qu'en date régulière, tous les 10 ans, il y a des grèves très puissantes.
17:43 Comment vous la regardez, cette grève ?
17:45 Nous, qui sommes dans un mouvement social violent,
17:47 on a des scénaristes qui font à la fois les séries les plus connues
17:51 et des films, évidemment, qui écrivent,
17:54 pour faire parler des vedettes américaines.
17:57 C'est incroyable, ça !
17:59 - Ça veut dire que le partage de la valeur, ce n'est pas qu'un sujet français.
18:01 C'est un sujet international qui a traversé l'Antique.
18:04 Les scénaristes à Hollywood sont considérés comme des ouvriers, finalement.
18:08 Et eux, ce qu'ils demandent, c'est quoi dans leurs revendications ?
18:11 C'est, encore une fois, le partage sur les succès, en tout cas, des séries.
18:15 N'oublions pas qu'on a 2007-2008, une première grève de 100 jours,
18:20 très puissante par ce syndicat, le Writers' ...
18:24 - C'est la guilde des scénaristes.
18:26 - Exactement, des guildes des scénaristes.
18:28 Et il y a eu quand même un coût de 2 milliards et des retards dans les séries.
18:32 Un autre sujet sur les scénaristes qu'on n'a pas évoqué, sur le partage de la valeur,
18:36 c'est aussi qu'ils demandent dans leurs revendications,
18:38 et ça, je pense que c'est un vrai sujet,
18:40 c'est que les scripts par les studios ne soient pas pris en compte par le tchat GPT.
18:43 - Exact.
18:44 - Parce que c'est aussi un concurrent.
18:46 - Vous avez raison, que le lien n'intervienne pas.
18:48 C'est intéressant, Etats-Unis, pays du libéralisme,
18:51 on voit quand même des scénaristes qui descendent dans la rue,
18:53 qui bloquent l'industrie Hollywood, c'est quand même assez intéressant de voir ça.
18:57 - Bien sûr, et puis Hollywood et les plateformes de streaming
19:01 ont pris un peu le pouvoir par rapport aux studios traditionnels.
19:04 Les séries qui sortent des plateformes de streaming ont tendance à être moins longues,
19:07 8 ou 12 épisodes contrairement à 20 avant.
19:10 Donc les gens sont payés moins souvent, là-bas ils sont payés tous les 15 jours,
19:14 et par conséquent, leur revenu global baisse,
19:17 et donc il y a une sorte de prolétarisation du métier de scénariste à Hollywood.
19:20 - Un tout petit mot pour conclure, vous qui écrivez sur le cinéma et au diar,
19:23 - Oui, alors je pense qu'il y a un sujet très important pour les scénaristes qui est le tchat GPT,
19:29 parce que je pense qu'ils sont clairement en première ligne,
19:31 ça fait partie de ces métiers avec les traducteurs et autres,
19:33 qu'ils sont clairement en première ligne,
19:35 et est-ce que dans 10 ou 20 ans, il y aura encore tout simplement des scénaristes ?
19:38 Et je pense qu'il y a une vraie angoisse que je comprends de la part des scénaristes.
19:41 - Je crois que vous avez raison, le fond de ça, cette angoisse,
19:43 elle est aussi liée à l'IA, au-delà de la rémunération,
19:46 c'est qu'à terme, ils peuvent avoir des scénarios clés en main,
19:49 qui sont produits, fabriqués par l'algo, c'est ça que vous nous dites.
19:52 - Je pense que c'est un vrai risque pour ce genre de métier.
19:54 - Et vous êtes optimiste, parce que 10 ans, moi je pense plutôt 5 ans.
19:57 - Peut-être, je ne fais pas de prédiction.
19:59 - Je pense que c'est à moins de 10 ans.
20:01 - À moins de 10 ans, on est d'accord.
20:02 - On le dit souvent, quand ça démarre aux Etats-Unis,
20:04 ça arrive assez rapidement chez nous, en France et en Europe,
20:06 donc c'est un sujet qui va nous impacter nous aussi dans nos métiers respectifs.
20:09 Évidemment, merci à vous, j'espère qu'il y aura encore des livres écrits par des vrais écrivains,
20:14 vous qui écrivez des livres, Stéphane, et vous Sylvain qui écrivez des livres,
20:18 on va continuer à écrire nos livres quand même, on va se battre.
20:20 - Contre JAPJPT.
20:21 - Contre JAPJPT, exactement.
20:22 Merci Stéphane Marchand, la une de Pour l'écho,
20:25 qui n'a jamais payé au Black avec un point d'interrogation
20:28 sur ce travail de la main à la main sans TVA,
20:31 à découvrir dans Pour l'écho.
20:33 Merci à Sylvain Bersinger, Economist, Astérès, avec vos notes de...
20:38 - Notes de conjoncture, notes d'analyse, on en fait de plusieurs sortes.
20:41 - J'adore le mot "notes de conjoncture".
20:43 Merci à Angélique Pétel, Senior Manager chez SIA Partners.
20:46 Merci à vous trois, c'était un vrai plaisir.
20:47 On termine avec Fenet sur l'emploi, on a été très optimistes sur ce plateau.
20:50 On va parler aujourd'hui avec le président de la Fédération Nationale de l'Habillement
20:54 de la difficulté du petit commerce de l'habillement.
20:56 La situation est complexe et on l'accueille.