Roland Lescure : "Faire de l'écologie, c'est plus difficile que d'en parler, et nous on en fait"

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La loi "industrie verte" sera présentée en conseil des ministres ce mardi 16 mai. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie, est l'invité de 8h20.
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Transcription
00:00 France Inter, Karine Bécard, Eric Delvaux, le 6/9 du week-end.
00:07 C'est en ce moment le dossier qui est un peu en haut de la pile du bureau d'Emmanuel Macron à l'Elysée,
00:12 la réindustrialisation de la France.
00:14 Eh bien on va en parler ce matin avec le ministre en charge de l'Industrie.
00:18 Bonjour Roland Lesqueux.
00:19 Bonjour.
00:20 Le projet de loi pour une industrie dite « verte » sera présenté mardi prochain en Conseil des ministres.
00:26 Industrie verte alors qu'Emmanuel Macron veut au contraire faire une pause dans les normes environnementales européennes.
00:32 Est-ce que ce n'est pas un peu contradictoire tout ça ?
00:34 Non, au contraire.
00:35 C'est-à-dire que ce qu'il a dit jeudi, ce qu'il a répété hier à Dunkerque d'ailleurs,
00:39 c'est l'Europe est la mieux disante en théorie sur les normes et les objectifs.
00:44 Maintenant il faut livrer, il faut être les mieux faisants si je puis dire.
00:47 Vous savez que l'Europe c'est le seul continent à avoir baissé ses émissions de gaz à effet de serre depuis 30 ans.
00:52 C'est le continent qui émet le moins.
00:54 C'est-à-dire qu'un Européen, vous et moi, on émet moins qu'un Chinois, un Indien, un Américain, un habitant du Moyen-Orient.
01:00 Et en plus c'est le continent qui s'est doté des objectifs les plus ambitieux.
01:04 Ça c'est sur le papier.
01:05 Maintenant il faut les livrer.
01:06 On ne va plus vendre un véhicule thermique en Europe en 2035.
01:10 Est-ce qu'on veut les fabriquer chez nous ? Est-ce qu'on veut les importer ?
01:12 Donc ce qu'il dit c'est « on a voté des normes, appliquons-les, faisons en sorte qu'on soit non seulement les mieux disants mais les mieux faisants ».
01:20 C'est extrêmement important.
01:21 Il dit surtout « il ne faut pas en rajouter tout de suite ».
01:23 Oui alors attention, il y a déjà des choses qui sont en train d'être discutées.
01:27 Typiquement il y a une directive sur les pesticides qui est en cours de discussion, qui devrait être votée d'ici la fin de l'année.
01:32 La France ne va pas dire « on arrête tout ».
01:34 Mais avant d'introduire de nouvelles normes, assurons-nous qu'on va déjà pouvoir mettre en œuvre celles qu'on a votées.
01:42 C'est essentiel parce que vraiment la différence entre l'écologie des incantations, des slogans comme on le dit parfois,
01:48 et l'écologie des solutions, de la réalité, elle est là.
01:51 Soit on vote des choses et puis l'intendance suivra, on verra plus tard, ce qu'on a fait pendant longtemps en France.
01:57 Vous vous souvenez des centrales à charbon ?
01:59 On avait un gouvernement qui avait dit « on va fermer les centrales à charbon ».
02:02 On a attendu jusqu'à ce que nous on arrive pour vraiment les fermer.
02:05 Parce que faire de l'écologie c'est plus difficile que d'en parler et nous on en fait vraiment.
02:10 Ça ne va pas vous surprendre, vous allez vous mettre à dos les écologistes qui disent justement « nous sommes au milieu du guet ».
02:14 C'est déjà fait.
02:15 « Nous sommes au milieu du guet », il faut au contraire accélérer encore les normes environnementales parce que c'est là que ça se passe.
02:21 Il faut accélérer l'action.
02:22 Non mais typiquement les voitures.
02:24 Aujourd'hui, on a 10-12% des véhicules qui sont vendus en France qui sont des véhicules électriques.
02:30 La plupart sont importés d'ailleurs.
02:32 Nous on veut qu'à 2035 ce soit 100% des véhicules vendus en France qui soient électriques.
02:37 Est-ce que vous voulez que ces 100% de véhicules électriques, 2 millions en gros,
02:40 ils soient produits en France, ce que nous on veut,
02:42 ou est-ce que parce qu'on a mis trop de normes en Europe,
02:45 ils soient importés de Chine ou d'ailleurs,
02:47 là où les normes vont être moins importantes ?
02:49 Nous on veut réconcilier, vous vous souvenez de l'histoire de fin du mois, fin du monde.
02:52 On veut réconcilier l'économie et l'écologie.
02:54 La meilleure manière de le faire, c'est de décarboner l'industrie traditionnelle
02:58 et de développer l'industrie de la décarbonation chez nous.
03:01 Et donc pour faire ça, il faut donner de la visibilité aux industriels.
03:05 Ils vont investir des milliards d'euros et on va les aider, on va y revenir sans doute.
03:08 Mais pour ça, il faut qu'ils y voient clair sur leur horizon.
03:11 Donc ça veut pas dire qu'on arrête.
03:13 Au contraire, on accélère la transition écologique.
03:16 - Ce que je voulais vous dire, c'est que ça risque de coller aux semelles d'Emmanuel Macron
03:19 comme la phrase de Nicolas Sarkozy en 2010,
03:21 quand il avait dit aux agriculteurs "L'écologie ça suffit".
03:24 Ça doit faire la même chose un peu pour Emmanuel Macron, non ?
03:26 - Peut-être, mais ce que je peux vous dire, c'est que depuis 5 ans,
03:29 on a eu de la croissance et on a baissé les émissions.
03:31 C'était jamais arrivé avant.
03:32 Et dans les 20-30 ans qui viennent, on va avoir de la croissance
03:35 et on va accélérer la baisse des émissions.
03:37 Ça c'est du concret, et j'espère qu'un certain nombre d'écologistes raisonnables
03:41 vont le reconnaître.
03:42 - Mais soyons précis, parce que là on parle d'une pause.
03:45 Elle va durer combien de temps ?
03:47 J'ai cru comprendre qu'elle pourrait durer 5 ans.
03:49 Est-ce que vous le confirmez ça ce matin ?
03:50 Est-ce que c'est déjà acté par le président français, Emmanuel Macron ?
03:54 Et surtout, est-ce que vous allez donc demander à la Commission européenne,
03:57 est-ce que ça va se passer comme ça, qu'il y ait cette pause ?
03:59 - Non, mais on m'a demandé plutôt 5 ou plutôt 10.
04:01 Donc j'ai répondu à la question qui m'avait été posée,
04:04 plutôt 5 que 10.
04:05 Mais on n'a pas évidemment fixé de date.
04:07 On est aujourd'hui dans une logique où on va discuter avec nos partenaires,
04:11 il va y avoir une réflexion commune,
04:13 pour savoir à la fois comment on accélère l'action,
04:16 comment avant d'introduire de nouvelles normes,
04:19 on peut prendre un peu de temps pour y réfléchir.
04:20 - Et les autres pays sont d'accord avec ça ?
04:22 - Alors vous savez quoi, il va y avoir des élections européennes.
04:25 Dans un an.
04:26 Ça peut faire partie des discussions à mener,
04:28 et des débats qu'on aura, y compris d'ailleurs avec d'autres visions de l'Europe,
04:33 une Europe fermée sur elle-même, qui se désindustrialise,
04:36 ou une Europe qui s'ouvre et qui se développe en se décarbonant.
04:39 - Et donc continuons à être très concrets,
04:41 donc on vient d'essayer de voir le temps de la pause,
04:43 c'est pas si clair que ça pour l'instant.
04:45 Sur les 50 mesures du fameux Green Deal européen,
04:48 qui est incarné par la présidente de la Commission européenne,
04:53 pardonnez-moi, Ursula von der Leyen,
04:55 quelles sont les mesures que vous aimeriez voir suspendues pour l'instant ?
05:00 Où est-ce qu'il faut freiner ?
05:02 - Merci Karine Mecquin.
05:03 Vous venez de dire, on s'est mis d'accord sur 50 mesures.
05:05 50 mesures qu'on va mettre en œuvre.
05:07 Donc c'est, est-ce qu'on a besoin d'en rajouter une 51ème ou une 52ème,
05:11 avant d'avoir mis en œuvre les 50 ?
05:13 Je vous donne un exemple très concret.
05:14 - Mais pour l'instant les 50 on les a pas encore.
05:16 - Non mais on est dans des discussions avancées.
05:18 Je vous donne un exemple très concret.
05:19 Là encore, on va vendre des véhicules électriques,
05:21 et que des véhicules électriques en 2035.
05:23 Il y a une discussion aujourd'hui sur les normes
05:26 qui doivent peser sur les véhicules thermiques,
05:29 pour les émissions de particules.
05:31 Et un certain nombre de gens disent,
05:32 on va plus vendre de véhicules thermiques en Europe,
05:35 on va quand même mettre des normes pour ceux qu'on va y produire.
05:38 Nous on dit des normes sur les particules, sur les pneus, sur les freins,
05:42 parce que ça il y en a dans les véhicules électriques, très bien.
05:44 Mais changer les normes sur les véhicules thermiques,
05:47 alors qu'on va plus en vendre,
05:49 ça nous semble un peu absurde, effectivement.
05:51 Et on va avoir un débat là-dessus.
05:52 - Alors le dossier du jour, la réindustrialisation de la France.
05:56 Il y a 4 ans, Tesla avait préféré s'installer à Berlin, en Allemagne,
06:01 plutôt qu'en France, à cause des délais d'implantation trop longs en France.
06:05 Pourquoi les procédures prennent-elles encore trop de temps chez nous ?
06:08 - Alors on a quelques exceptions.
06:11 A la fin du mois, le 30 mai, on va inaugurer une usine de batterie, ACC, à Douai,
06:16 dont le projet a commencé il y a 2 ans, jour pour jour.
06:20 C'est une exception, il faut que ça devienne la règle.
06:22 - Il faut en moyenne 17 mois en France.
06:24 - 17 mois juste pour l'autorisation, et ensuite 2-3 ans de construction.
06:27 Donc ça veut dire 4-5 ans.
06:28 - Trop longs, disent les investisseurs, on préfère aller ailleurs.
06:30 - Voilà, et là, 2 ans, c'était exceptionnel.
06:32 - 2 ans, c'était l'exception, il faut que ça devienne la règle.
06:34 C'est-à-dire qu'il faut ce qu'on appelle "paralléliser" les études.
06:37 Aujourd'hui, vous faites une étude de faisabilité, une étude environnementale,
06:42 une enquête publique, tout ça, ça prend 18 mois.
06:45 En fait, vous pouvez faire tout ça en parallèle.
06:47 Ça veut dire qu'on ne fera pas dépendre l'étude environnementale d'une étude de faisabilité,
06:53 on le fera dès le début, on consultera le public dès le début également,
06:57 on va augmenter la durée de l'enquête publique, ça c'est important.
07:00 Mais tout ça pour passer de 17 mois à 8 à 9 mois, c'est effectivement de diviser par 2.
07:05 - Les procédures sont liées souvent à l'urbanisme, à l'archéologie,
07:08 l'archéologie préventive et à l'environnement.
07:12 Le gouvernement veut aussi plus de friches immédiatement disponibles
07:16 si quelqu'un veut installer une industrie en France,
07:20 ça veut dire qu'on va bétoniser un peu plus au préalable,
07:23 c'est pas très écologiste, c'est contraire à votre politique écologique, ça.
07:26 - Exactement, c'est donc pas ce qu'on va faire.
07:28 Aujourd'hui, quand vous regardez la France,
07:30 il y a 100 000 hectares de friches industrielles qui sont disponibles,
07:34 c'est-à-dire des terrains qui sont déjà industrialisables
07:37 ou des terrains sur lesquels il y avait une usine, sur lesquels il n'y en a plus,
07:40 mais qui ne sont pas nécessairement utilisables.
07:42 C'est-à-dire que quand Prologium vient nous voir et qui dit "j'aimerais m'installer en France",
07:46 on n'a pas, vous savez, la carte de France en disant "là, là, là, là, vous pourrez y aller".
07:50 Donc c'est ça qu'on veut faire, c'est les friches qui sont aujourd'hui, par exemple, à dépolluer,
07:54 puissent être dépolluées de manière à ce que quand un investisseur vient,
07:58 on puisse lui dire "voilà, vous voulez un terrain de 500 hectares, de 10 hectares, de 1 hectare,
08:03 il est disponible, l'électricité est branchée, il est dépollué, vous pouvez vous y installer".
08:08 En fait, là encore, c'est de simplifier.
08:11 Aujourd'hui, un grand investisseur international qui veut faire des batteries ou autre en France,
08:16 il regarde la France, l'Allemagne, les Etats-Unis, la Chine ou l'Inde.
08:19 Si en France, on est capable de lui dire "voilà, vous avez un terrain,
08:22 vous savez qu'on a de l'électricité décarbonée et pas chère",
08:24 ça c'est l'atout maître de la France, EDF.
08:26 En plus, ce terrain, il est branché, il est dépollué, venez, bancaux,
08:30 on va accélérer aussi leur décision, parce que parfois la décision prend aussi un peu de temps.
08:34 - Alors la France, justement, premier pays en Europe à attirer le plus d'entreprises
08:39 pour la quatrième année consécutive, ça a été dit cette semaine,
08:41 ça sera dit en grande pompe lundi à l'occasion du salon Choose France.
08:46 C'est évidemment une très bonne nouvelle économique, on ne va pas dire le contraire.
08:49 On voudrait juste comprendre pourquoi les investisseurs étrangers
08:52 créent malgré tout deux fois plus d'emplois ailleurs qu'en France
08:55 et en particulier en Allemagne et en Angleterre. Pourquoi ça ?
08:57 C'est-à-dire que nous on crée des entreprises, mais il y a moins d'emplois malgré tout qui viennent chez nous.
09:00 - Oui, alors on crée plus d'entreprises quand même.
09:03 C'est-à-dire que c'est vrai que le projet moyen crée moins d'emplois en France
09:07 que le projet moyen en Allemagne ou au Royaume-Uni.
09:10 - Pourquoi ? - Mais on en crée à peu près 800 en Allemagne et au Royaume-Uni,
09:13 on est à 1200 en France, donc on fait beaucoup plus de projets.
09:15 Pour deux raisons. Essentiellement parce que, aujourd'hui,
09:19 en gros, choisir la France, c'est l'adopter.
09:21 C'est-à-dire que quand les industriels s'installent en France,
09:23 en général, ils y font des extensions.
09:26 Moi, j'ai inauguré une usine de Dupont-de-Nemours, dans le Pas-de-Calais,
09:29 qui était une extension d'une usine précédente.
09:32 Donc, évidemment, quand vous étendez une usine,
09:34 vous ne recrutez pas de DRH, de comptables, de dirigeants,
09:37 donc c'est moins d'emplois.
09:38 Deuxième effet, on attire beaucoup de gens pour des centres de recherche et développement.
09:44 Vous savez qu'en France, il y a le Crédit Imports Cherches.
09:46 Ça, ça permet de financer la recherche et l'innovation.
09:49 C'est vrai que dans les laboratoires, dans les centres de recherche,
09:52 il y a moins d'employés que dans les usines.
09:53 Mais c'est en train de se développer, ça s'améliore.
09:56 On a 40% des projets qui sont des projets industriels, quand même,
09:59 et ça s'améliore le contenu en emploi.
10:01 Et puis, dernier point très important.
10:03 Quand vous créez un emploi industriel, vous en créez 3 ou 4 autour.
10:07 C'est-à-dire que vous créez des emplois de services,
10:10 vous créez des emplois de transport, vous créez des écoles.
10:12 Et donc, il y a un effet d'entraînement très fort de l'industrie.
10:15 Donc, c'est pour ça que Choose France est important.
10:17 Quand vous choisissez la France, vous développez la France.
10:20 Choose France, je précise, ce sera lundi à Versailles.
10:23 À Versailles, où on aura, je pense, un montant record d'investissements
10:29 annoncés en France de la part d'investisseurs internationaux.
10:31 Autour de combien ?
10:32 On verra.
10:33 10 milliards ?
10:33 L'année dernière, c'était 7.
10:35 J'ai entendu parler de 10 milliards, vous confirmez ?
10:37 Je ne confirme rien, on verra lundi.
10:38 Alors, est-ce que le climat social, malgré tout, qui existe aujourd'hui en France,
10:42 pourrait impacter nos futures capacités d'attractivité ?
10:46 Moi, je ne pense pas.
10:47 Est-ce qu'il y a un gros risque ?
10:48 D'abord, un, parce que je pense que ça va se calmer,
10:50 que progressivement, on va reconnaître quand même qu'il y a des choses qui vont très bien en France,
10:53 dans l'industrie, et que c'est le moment de passer à autre chose.
10:56 Mais pas de passer à autre chose en oubliant la séquence.
10:58 De travailler sur la pénibilité, sur les carrières longues, sur la rémunération, etc.
11:02 Et deux, parce que la France, elle a montré une capacité de résilience assez impressionnante.
11:08 De résilience ?
11:09 Oui.
11:09 Il y a un an, on avait l'équivalent d'un choc pétrolier.
11:14 Une forte hausse de l'énergie, électricité, gaz, suite à la guerre en Ukraine.
11:17 Moi, j'étais à Aluminium Dunkerque, on y était hier avec le président, le 21 septembre,
11:21 ils étaient en train de fermer des cuves.
11:23 Ils réouvrent.
11:24 Hier, ils ont annoncé que ça y est, ils tournent à pleine capacité.
11:27 Mais les investisseurs étrangers voient bien ce qui se passe en ce moment en France.
11:30 Donc, est-ce qu'ils sont en train éventuellement de s'interroger, de se dire "je vais peut-être suspendre ma petite idée et je reviendrai plus tard" ?
11:35 Ce pays est toujours en grève.
11:36 Oui, mais non, en fait, c'est pas vrai qu'il est tout le temps en grève, d'ailleurs.
11:38 Vous êtes optimiste.
11:39 Non, mais on le voit bien.
11:40 On a eu un mouvement social d'ampleur, mais la croissance a continué à tourner.
11:45 C'est pas la grève générale, heureusement.
11:47 C'est pas la France à l'arrêt, comme certains le voulaient.
11:50 Vous vous souvenez, on va mettre la France à l'arrêt.
11:51 En fait, la France, elle a continué à marcher, elle a continué à avancer.
11:54 Bon, maintenant, il faut que ça se calme et qu'on essaye, je pense, de tous se remettre au boulot, je vais le dire comme ça.
12:00 Mais malgré tout, la France, elle va pas si mal que ça.
12:03 Moi, j'entends beaucoup de misérabilisme autour de moi, et surtout à l'Assemblée, d'ailleurs.
12:07 Je pense que la vraie France, celle dans laquelle on était hier, elle va pas si mal que ça.
12:11 Je peux vous dire qu'il y a un enthousiasme à Dunkerque, autour des projets qu'on a annoncés hier, exceptionnel.
12:16 C'est peut-être une victoire d'abord culturelle, d'abord, l'industrialisation de la France, parce qu'il y a pas si longtemps, l'industrie, ça sentait mauvais en France.
12:21 À croire, à écouter Emmanuel Macron, la réindustrialisation de la France, elle est venue en 2017, autrement dit, quand il a pris le pouvoir.
12:29 Est-ce qu'Emmanuel Macron n'a pas surfé aussi, est-ce que vous reconnaissez qu'il a surfé aussi sur, par exemple, le pacte compétitivité, le CICE de François Hollande ?
12:39 - Moi, je pense que ça a commencé à ce moment-là. Le frémissement, il a commencé à ce moment-là.
12:43 - 2015, 2016 ? - 2013, le premier CICE.
12:45 - Oui, enfin, je pensais à mi-temps être mis en oeuvre, quand même.
12:48 Donc, à partir de 2015, 2016, ça a commencé à frémir.
12:52 Mais ça, c'est, tout le monde le reconnaît, accéléré depuis 2017, et surtout, faut accélérer encore.
12:58 Jusqu'en 2016, on ferme plus d'usines qu'on en ouvre en France.
13:02 Depuis 2017, on a ouvert 300 usines de plus qu'on en fermait.
13:07 Et en 2021-2022, c'est 200 usines.
13:09 Donc, l'essentiel, d'ailleurs, c'est plutôt la fin du premier quinquennat.
13:13 Donc, on voit bien que ces choses-là prennent du temps.
13:16 Mais la réforme du marché du travail, la baisse des impôts, la baisse des impôts sur le capital, l'attractivité des investisseurs, tout ça, ça paye dans la durée.
13:23 Et ça bénéficie à la France, hein. Pas au monde entier, c'est la France qui en profite.
13:27 - Roland Lescure, ministre en charge de l'industrie. Un mot sur le bonus voiture, le bonus à l'achat des véhicules électriques.
13:32 Il va être corrigé pour prendre en compte l'empreinte carbone de la fabrication du véhicule.
13:39 C'est une mesure frontale contre les véhicules fabriqués en Chine ?
13:43 - Non, c'est une mesure qui va sans doute se traduire par ça.
13:46 C'est vrai que les véhicules qui sont fabriqués, je dirais, de manière plus environnementale, sont des véhicules fabriqués en Europe.
13:54 Parce que le bilan carbone de l'Europe est meilleur et le bilan de la France est encore meilleur.
13:57 - On va dire des choses plus simplement. Le bonus voiture électrique n'ira que pour les véhicules qui seront produits en Europe.
14:03 Et pas pour les produits... - En tout cas, non, non, c'est pas aussi...
14:06 - C'est pas aussi net que ça. - Mais en tout cas, c'est pas du protectionnisme. C'est très important.
14:09 On ne ferme pas les frontières. - Parce qu'on n'a pas le droit ?
14:11 - Non, c'est pas seulement ça. C'est quand vous fermez une porte, vous la fermez dans les deux sens.
14:15 Si vous empêchez les gens d'entrer chez vous, vous ne pouvez pas sortir non plus. Il ne faut pas rêver.
14:19 Donc si on ferme les frontières européennes, on n'exportera plus d'avions, de centrales nucléaires, de voitures, de luxe, de produits, etc.
14:27 Donc il ne faut pas fermer les frontières. Il faut que vous faites naïf.
14:29 - Donc vous faites une politique de primes, de bonus, mais pourquoi ne pas aller plus loin en étant plus frontal,
14:34 en mettant par exemple une taxe carbone aux frontières de l'Europe et de la France en particulier ?
14:39 - Il y en a une. On va la mettre en œuvre. Elle est pour l'instant...
14:42 - La taxe carbone mise en place, elle ne concerne, je crois, que 2% des produits manufacturés qui viennent de Chine.
14:47 - 2% ce n'est pas beaucoup. - À ce stade, ce sont les biaises intermédiaires.
14:49 Il va falloir sans doute qu'on l'élargisse à terme, comme quoi on n'arrête pas complètement le travail européen.
14:54 Mais non, c'est important. C'est-à-dire qu'on n'est pas là pour empêcher des véhicules chinois d'entrer.
14:59 On est là pour dire qu'un véhicule chinois qui est déjà subventionné en Chine, de 30 à 40%,
15:03 il n'y a aucune raison que vous et moi, on le subventionne à nouveau quand il entre en France.
15:08 Donc c'est vrai qu'aujourd'hui, il y a 1,2 milliard d'euros qui sont destinés à ce bonus.
15:13 Il y en a 400 millions qui partent en Chine. Moi, je préfère ces 400 millions. Ils financent des emplois en France qu'ailleurs.
15:18 - Alors ce projet de loi Industrie Verte, c'était votre projet, Roland Lescure, avec Bruno Le Maire.
15:25 Emmanuel Macron a repris les annonces que vous auriez dû faire, comme il a repris les annonces de Papendiaïe, par exemple,
15:31 sur l'augmentation des professeurs récemment, ou comme il a repris l'annonce sur la réforme des lycées professionnels.
15:37 J'ai envie de vous demander à quoi servent encore les ministres du gouvernement ?
15:41 Si tout est incarné par Emmanuel Macron.
15:44 - Je trouve ça assez... Je suis désolé, mais ça me fait sourire. Parce qu'il est président de la République.
15:50 Il oriente les grands choix de la nation. Il donne des commandes aux ministres.
15:54 Et je peux vous dire que la commande à Bruno Le Maire, à un moyen an, c'était "vous accélérez".
15:57 Parce que la réindustrialisation, c'est bien, mais il faut qu'on change de braquet.
16:00 Nous, on travaille pendant 8 mois. On fait des consultations avec les chefs d'entreprise, des parlementaires.
16:04 On fait des propositions. Oui, c'est le chef de l'exécutif qui décide si ces propositions, elles sont bonnes ou pas bonnes.
16:10 - Non, mais qui décide, oui, mais après le ministre est là pour porter.
16:14 - Et on va porter. C'est Bruno Le Maire qui va présenter ça au Conseil des ministres.
16:18 Ce sera à ses côtés. C'est nous qui allons le porter à l'Assemblée.
16:20 Mais que le président de la République puisse incarner la réindustrialisation de la France,
16:25 qu'il a portée depuis 6 ans, qui va d'ailleurs au-delà de la politique économique de Bercy, parce que vous l'avez dit.
16:30 Lycées professionnels, formation, aménagement du territoire.
16:35 Cette réindustrialisation, elle concerne quasiment la moitié du gouvernement.
16:39 - Mais il n'est pas en train de se garder un peu les bonnes nouvelles en ce moment, Emmanuel Macron,
16:42 pour essayer de calmer la colère qu'on entend encore en France ?
16:46 - Non, mais on n'est pas... C'est pas comme ça que ça se passe.
16:48 On n'a pas une espèce de gâteau au milieu de la table du Conseil des ministres,
16:50 où le président dit "moi je prends la meilleure part, puis toi tu prends la fève".
16:53 C'est pas du tout comme ça que ça se passe.
16:55 On est une équipe, avec, oui, un capitaine, un patron, un meneur de jeu, une première ministre,
17:01 qui elle aussi, je peux vous dire, sur la planification écologique, Elisabeth Borne,
17:04 elle nous réunit tous les mois, et on a intérêt à livrer,
17:07 parce que sinon, évidemment, on se fait challenger.
17:09 Donc, il y a une équipe qui travaille, il y a un patron qui incarne,
17:12 et souvent c'est ce qui se passe, y compris dans des entreprises, le patron, il incarne.
17:16 - Mais toutes ces bonnes nouvelles, j'ai l'impression que ça calme la colère en France en ce moment ?
17:19 - Moi je pense que oui. Je pense qu'aujourd'hui, la vraie France,
17:22 elle est en train de réaliser que ça va pas si mal, qu'on se projette vers l'avant,
17:26 et qu'on a intérêt à le faire surtout.
17:28 - C'est quoi la vraie France ?
17:29 - Ben c'est, moi, la France que je rencontre dans les usines.
17:32 Quand je vais dans les usines, souvent, il y a 30 ou 40 syndicalistes à l'entrée,
17:35 quelques casseroles, on discute, on est d'accord pour pas être d'accord sur les retraites,
17:39 et après, j'entre dans l'usine, je retrouve les mêmes.
17:41 Et là, je peux vous dire qu'ils sont attachés à l'outil de travail,
17:44 attachés à leur usine.
17:45 Quand Duralex démarre, tous les salariés de l'usine, ils ont la banane,
17:49 et je le comprends, parce qu'ils ont eu peur que leur entreprise ferme.
17:52 Et ça, on est tous alignés là-dessus.
17:54 L'actionnaire, le patron, le ministre, et tous les ouvriers.
17:57 - Roland Lescure, les ennuis de l'équipementier Val d'Une, près de Valenciennes,
18:01 dernier fabricant français de roues et d'essieu pour les trains,
18:04 l'actionnaire chinois ne veut plus injecter un seul euro.
18:07 Vous souhaitez prendre le temps de retrouver un repreneur.
18:10 Y a-t-il ce matin un investisseur, des investisseurs déclarés ?
18:13 - Non, c'est trop tôt. J'ai rencontré l'actionnaire mercredi.
18:17 Ils ont annoncé le fait qu'il se retirait vendredi dernier.
18:21 J'ai rencontré les organisations syndicales jeudi.
18:23 Ma priorité à court terme, déjà, c'est que l'actionnaire continue
18:26 à faire vivre l'entreprise jusqu'à la fin de l'année.
18:29 Donc, il y a des enjeux de liquidité, comme on dit.
18:31 Il faut que ça tourne, il faut qu'on paie les salaires.
18:33 Et nous, on va profiter de cette période pour chercher un repreneur.
18:37 Évidemment, on va tout faire pour en trouver un.
18:39 Ça prend du temps, ces choses-là.
18:40 - Cela dit, la SNCF ne passe plus commande.
18:44 - C'est pas tout à fait vrai.
18:45 - Très peu, beaucoup moins qu'avant.
18:47 Y a-t-il un marché encore pour les roues et les essieux ?
18:49 - Y a un marché pour les roues et les essieux.
18:51 Il faut qu'on soit compétitif. Donc, il y a un enjeu d'investissement.
18:54 Il y a une forge chez Val d'Une qui date de 1950.
18:57 C'est vrai qu'elle n'est plus tout à fait au standard.
18:59 - On va dérouliser un peu.
19:00 - Donc, il y a un défi d'investissement.
19:01 On l'a fait pour Carline. Vous savez, les poches à perfusion à Tourcoing.
19:04 - Donc, c'est possible à Val d'Une de trouver un repreneur ?
19:06 - Bien sûr que c'est possible.
19:07 Est-ce qu'on va y arriver ? Je peux pas vous le dire aujourd'hui.
19:09 Mais en tout cas, je peux vous dire qu'on va tout faire pour.
19:11 - Et les salariés disent que les Chinois ne sont venus chez Val d'Une
19:13 que pour prendre le savoir-faire français.
19:15 - Ça fait 10 ans qu'ils sont là.
19:16 Ils ont investi plus de 100 millions d'euros.
19:18 Je regrette qu'ils partent. Soyons clairs.
19:20 - Avec les brevets ?
19:21 - Avec les brevets des roues ATGV, aujourd'hui, on en fait partout dans le monde.
19:24 C'est plus tout à fait ce que c'était il y a 15 ou 20 ans.
19:27 - Merci beaucoup, Roland Lescure, d'être venu parler ce matin
19:30 et de nous éclairer sur la politique du gouvernement.
19:33 Merci et bonne journée.

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