Le Grand Jury de Sophie Binet

  • l’année dernière
La Secrétaire générale de la CGT est l'invitée du Grand Jury de 12h à 13h.
Regardez Le Grand Jury du 14 mai 2023 avec Olivier Bost et Marie-Pierre Haddad.
Transcript
00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 Le grand jury RTL Le Figaro LCI, Olivier Bost.
00:16 Bonjour à tous, bienvenue dans ce grand jury. Bonjour Sophie Binet.
00:20 Vous êtes la secrétaire générale de la CGT.
00:24 La semaine prochaine, vous renouez le dialogue avec le gouvernement, vous irez à Matignon. Qu'allez-vous demander à Elisabeth Borne ?
00:30 Faites-vous de l'abandon de la retraite à 64 ans impréalable à toute autre discussion ?
00:36 Manifestations, lois d'abrogation, comment la CGT va encore mener votre combat ? Jusqu'où ira l'intersyndicale ?
00:44 Ce grand jury est en direct. Vos questions, vos interpellations sur les réseaux sociaux avec le hashtag #LeGrandJury sont scrutées par Marie-Pierre Haddad de la rédaction de RTL.
00:54 Qui nous alertera avec ce signal.
00:56 Et pour vous interroger à mes côtés, Jim Jarassé également du Figaro et Damien Fleureau d'OTF1 LCI
01:03 qui vous pose la toute première question de ce grand jury. Bonjour Sophie Binet.
01:07 Vous avez donc répondu favorablement à l'invitation de la première ministre et vous irez à Matignon ce mercredi.
01:14 Pour que l'on comprenne bien votre démarche, votre état d'esprit,
01:18 est-ce que vous mettez l'abandon de la retraite à 64 ans en préalable à toute ouverture de discussion sur d'autres sujets ?
01:25 Cette question elle sera sur le dessus de la pile parce que ce que je vais dire à la première ministre c'est qu'il n'y aura pas de
01:30 retour à la normale si cette réforme n'est pas abandonnée. La défiance elle est extrêmement profonde.
01:36 Les salariés ne tourneront pas la page tout simplement parce que cette réforme elle consiste à nouveau les deux ans de vie
01:41 et qu'en plus le gouvernement veut l'appliquer à marche forcée. Mais qu'on comprenne bien ne pas tourner la page,
01:46 cela veut dire toutefois ouvrir peut-être d'autres discussions sur d'autres sujets malgré tout en parallèle.
01:52 Ça dépend. Nous allons dire que nous refuserons toute discussion sur des sujets régressifs parce que pour la CGT la
01:58 régression sociale ne se négocie pas, elle se combat.
02:01 Mais par contre nous allons dire que les exigences, oui, il y en a beaucoup dans le monde du travail.
02:06 Évidemment le retrait de cette réforme des retraites mais aussi l'augmentation des salaires par exemple.
02:10 Mais je reviens sur votre première réponse. Vous dites "il n'y aura pas de retour à la normale".
02:14 Qu'est-ce que ça veut dire "pas de retour à la normale"?
02:16 Pas de retour à la normale, ça veut dire encore une fois que la défiance
02:20 restera extrêmement profonde et ce à tous les niveaux. Une défiance avec les organisations syndicales et toutes, toutes l'ont dit, chacune à leur manière,
02:27 et une défiance avec les salariés, la population du pays.
02:32 Et on le voit bien puisque aujourd'hui Emmanuel Macron ne peut pas faire un déplacement sans être accueilli par une
02:38 manifestation de dénonciation de la réforme des retraites. Et c'est pareil pour tous ces ministres. On ne peut pas gouverner contre son peuple.
02:43 Donc ça veut dire quoi? Ça veut dire que la stratégie de harcèlement du gouvernement va continuer?
02:47 Alors c'est pas une stratégie de harcèlement du gouvernement. On ne harcèle personne. Par contre
02:53 c'est les salariés, la population qui s'organisent pour se faire entendre et pour dire qu'effectivement la réforme des retraites est la casserole du gouvernement,
03:00 que nous n'accepterons pas ce passage en force, nous n'accepterons pas qu'on nous vole deux ans de vie
03:06 pour une réforme qui n'a aucune justification économique et qui est extrêmement violente socialement.
03:11 Encore une fois nous voulons que soit discuté les alternatives à cette réforme violente et il y en a toute une série.
03:16 Il suffirait par exemple d'augmenter le taux et l'assiette des cotisations pour récupérer ces 12 milliards qui manquent à horizon 2030.
03:23 Elisabeth Porne ce matin dans le JDD liste tout de même quatre sujets qui seront abordés lors de
03:31 votre rencontre. La prévention de l'usure professionnelle, l'emploi des seniors, la reconversion
03:37 et le compte épargne temps universel. Est-ce que malgré tout, malgré votre position sur la retraite à 64 ans, vous êtes prête
03:44 Sophie Binet à aborder ces sujets ?
03:46 Ça dépend. Par exemple sur l'emploi des seniors,
03:50 clairement nous avons demandé pour parler de cette question là,
03:54 à ce que la réforme des retraites soit abandonnée et suspendue. Là on nous demande de faire les pompiers du gouvernement et de venir
04:01 remplacer des dispositions qui ont été censurées par le conseil constitutionnel
04:05 avec une mesure violente qui s'applique au 1er septembre,
04:08 avec des salariés qui
04:10 seraient, si cette réforme s'appliquait, obligés de travailler six mois de plus et dans le même temps rien qui est prévu pour favoriser l'emploi des
04:16 seniors alors que, je le rappelle,
04:18 aujourd'hui en France,
04:20 à 61 ans, il y a 30% des personnes qui sont ni en emploi ni à la retraite, une situation qui touche principalement les femmes et
04:26 on voit se multiplier les plans de suppression de postes des seniors. Par exemple à Orange, il y a une rupture conventionnelle collective,
04:32 700 personnes qui sont principalement des seniors qui sont sorties de l'entreprise et ça c'est le cas dans
04:38 la quasi totalité des entreprises du pays. On ne veut pas
04:41 des seniors donc il y a une hypocrisie majeure avec cette réforme de nous dire il faut travailler plus longtemps et dans le même temps
04:47 on met les seniors à la porte de l'entreprise et donc ça fait exploser
04:52 la précarité, le chômage et ça fait chuter les pensions cette politique là.
04:56 Vous l'avez entendu, il y a eu une première interpellation sur les réseaux sociaux avec le hashtag "le grand jury", Marie-Pierre Haddad.
05:01 Oui Sophie Binet, votre façon de faire ne plaît pas à tout le monde, je vais vous lire le commentaire d'un internaute, il dit "vous faites du
05:07 jusqu'au boutisme
05:08 irréaliste, c'est irresponsable,
05:10 pourquoi faire de la retraite à 64 ans une ligne rouge plutôt qu'au contraire de négocier avec le gouvernement pour
05:16 faciliter le passage de la vie active à la vie de retraitée ?"
05:19 Le problème c'est, nous l'avons dit sur tous les tons depuis le début, quand nous avons été
05:26 reçus par le gouvernement avant que cette réforme passe en force en janvier, nous avons dit qu'il y avait toute une série d'alternatives
05:32 à cette réforme injuste et violente parce qu'encore une fois les salariés ont déjà payé, ça fait 30 ans qu'on nous impose des réformes, des retraites
05:39 régressives où à chaque fois les seuls à passer à la caisse ce sont les salariés.
05:42 Par exemple, il suffirait de mettre à contribution les dividendes et les rachats d'actions pour dégager
05:47 les milliards nécessaires au financement des retraites. Par exemple, je pourrais multiplier les exemples, il suffirait de faire l'égalité salariale
05:55 entre les femmes et les hommes pour faire rentrer suffisamment de cotisations pour résoudre le déficit
05:59 invoqué pour faire cette réforme. Donc cette réforme, elle n'a aucune justification économique
06:03 et donc on ne nous demande pas de venir faire les pompiers du gouvernement. C'est le gouvernement qui aujourd'hui est
06:08 irresponsable et jusqu'au boutiste qui au bout de quatre mois de mobilisation
06:11 refuse toujours d'entendre l'avis de la quasi totalité des salariés, de l'ensemble des organisations syndicales et d'une majorité de députés.
06:18 On revient un instant sur votre rendez-vous à venir donc mercredi avec la première ministre Damien Fleureau.
06:23 Oui, on entend votre position Sophie Binet sur l'emploi des seniors mais sur les sujets comme la reconversion, le compte et par une temps
06:29 universelle. Est-ce que là vous avez des revendications, des attentes,
06:34 peut-être des différences aussi avec notamment la centrale de la CFDT sur ce sujet du compte temps ?
06:40 Nous, nous voulons parler réduction du temps de travail parce que
06:43 effectivement, l'horizon c'est pas d'allonger toujours plus longtemps le temps de travail comme le fait le gouvernement avec sa réforme des retraites mais de
06:49 le réduire au contraire pour que les gains de productivité
06:52 servent à un bien-être social et sociétal et puis c'est aussi un enjeu environnemental.
06:57 On le voit dans les pays où sont expérimentés la semaine de quatre jours et les 32 heures, il y a à la fois un bienfait
07:04 social et sociétal évident notamment pour l'égalité femmes-hommes mais aussi d'un point de vue économique,
07:09 on sait que la productivité elle est inversement proportionnelle à la durée du travail. Les pays dans lesquels la productivité est la plus faible, c'est les
07:17 pays dans lesquels on travaille le plus et c'est pour ça que
07:20 la fuite en avant du gouvernement est très dangereuse et socialement et économiquement.
07:23 Mais faire une semaine de quatre jours en finalement cinq jours de travail en quatre jours, est-ce que ça met pas une pression encore
07:29 supplémentaire sur les salariés justement ? Nous ce que nous voulons c'est une réduction du temps de travail c'est-à-dire
07:34 une semaine de quatre jours avec moins d'heures de travail, c'est pour ça que nous portons les 32 heures.
07:38 C'est ce qui est expérimenté en Espagne et qui fonctionne bien, il y a un certain nombre d'entreprises françaises qui l'ont mis en place et qui
07:45 se portent très bien. Je pense notamment à LDLC, c'est un fournisseur de matériel informatique.
07:48 Mais avec des embauches à la clé alors ?
07:50 Oui bien sûr.
07:51 Pour éviter les baisses de productivité des entreprises ?
07:53 Tout à fait, avec des embauches à la clé qui permettent d'avoir des salariés qui sont plus épanouis dans leur travail et...
07:59 Et économiquement c'est soutenable par les entreprises ?
08:01 La preuve, LDLC par exemple l'a fait il y a à peu près cinq ans, les 32 heures, elle est très en forme, elle se porte très bien.
08:07 Les 35 heures ça n'a pas coulé l'économie française, au contraire c'est un des moments où les salariés étaient les plus productifs
08:14 en France et où on a créé le plus d'emplois. C'est la dernière grande réforme qui a créé des emplois en France, c'est les 35 heures.
08:21 Jim Gerasé.
08:22 Je reviens sur votre futur entretien avec la première ministre. Vous allez être reçus en bilatéral, chaque syndicat va être reçu
08:28 l'un après l'autre par la première ministre.
08:31 Est-ce que c'est un avantage ou un inconvénient pour vous ? Est-ce que c'est le début de la fin de l'intersyndicale ?
08:36 Non, c'est pas le début de la fin de l'intersyndicale. Ça fait trois mois qu'on nous dit que c'est le début de la fin de
08:41 l'intersyndicale et donc non, elle ne va pas s'arrêter
08:43 demain puisque vous avez vu qu'on a un appel clair avec une journée d'action qui doit être très forte, je le rappelle, le 6 juin prochain.
08:49 Que les syndicats sont unis, resteront unis. Nous travaillons actuellement sur des propositions communes que nous allons porter
08:56 ensemble face au gouvernement et face aux patronats qui seront publiées dans les prochaines semaines et d'ores et déjà en échange de façon très régulière.
09:04 Nous savons que nous allons porter des messages très convergents.
09:06 C'est quoi ? C'est où vous nous en dire plus sur ces causes communes avec les autres syndicats ?
09:09 Eh bien comme je vous ai dit, ça va être
09:11 publié dans les prochaines semaines donc là c'est pas encore finalisé parce que c'est un travail de fond
09:17 sérieux.
09:18 L'idée c'est quoi ? C'est de dire qu'il n'y a pas seulement le refus des 64 ans qui vous permet d'être ensemble encore ?
09:22 Tout à fait, tout à fait. Par exemple, tous les syndicats
09:24 s'accordent pour dire qu'il y a un gros problème sur les salaires et que nous voulons que le gouvernement et le patronat répondent
09:29 à cette question sur les salaires.
09:31 Si je comprends bien, vous voulez absolument maintenir l'intersyndicale, c'est quelque chose d'important parce que c'est quelque chose qui a marché jusque là ?
09:38 Oui tout à fait et surtout ça n'a pas marché sur du vide, ça marche parce qu'on est d'accord sur des points clés.
09:43 Sur le retrait des 64 ans et de l'allongement de la durée de cotisation.
09:48 Et puis aussi nous sommes d'accord sur des propositions clés, par exemple sur la nécessité d'augmenter les salaires.
09:53 L'ensemble des syndicats partagent cette nécessité là.
09:56 Ça va être d'ailleurs le premier point après le retrait de la réforme des retraites que j'aborderai
10:00 avec la première ministre en lui disant que ça n'est plus possible de continuer comme ça et que le gouvernement doit prendre ses responsabilités
10:06 sur le sujet. Quand Laurent Berger disait "tout coûtera plus cher", il l'a dit sur ce plateau ici au grand jury,
10:11 c'est la liste que vous allez établir avec les autres syndicats, c'est pour que tout coûte plus cher pour le gouvernement ?
10:18 Oui tout à fait, nous allons avoir une liste d'exigences très ambitieuses. La CGT aura en plus les siennes mais nous aurons des exigences communes.
10:24 Ça veut dire quoi "tout coûtera plus cher" ?
10:26 Ça veut dire que là il y a une colère sociale extrêmement forte et donc d'abord
10:32 l'ensemble des syndicats sont d'accord pour dire qu'en termes de méthode ça n'est plus possible de continuer comme avant.
10:38 C'est à dire comme on nous l'a fait par exemple sur la réforme des retraites, à nous recevoir chacun un par un, à écouter nos
10:44 propositions et puis ensuite on découvre un projet du gouvernement qui ne prend aucunement en compte nos propositions. Donc il faut que toutes les propositions
10:50 des organisations syndicales soient examinées, expertisées, débattues, ce qui n'a pas été le cas jusque là.
10:57 Et il faut enfin qu'il y ait un agenda de progrès social qui soit à l'ordre du jour. Nous ne rentrerons pas dans un agenda de
11:03 régression sociale imposée par le gouvernement ou le patronat et donc nous voulons par exemple d'abord parler salaire.
11:10 Mais l'agenda il a été présenté par le gouvernement avec la préparation de ce projet de loi sur l'emploi notamment
11:16 pour, vous l'avez dit en début d'émission, combler certains manques
11:20 de la réforme des retraites sur l'emploi des seniors. Vous ne vous inscrivez pas dans cet agenda là ?
11:25 Pour l'instant, les rendez-vous de mardi et mercredi nous n'avons pas d'ordre du jour.
11:29 La feuille est blanche et c'est d'ailleurs ce que nous a indiqué le gouvernement.
11:32 Et donc nous nous prendrons nos décisions au fur et à mesure en fonction de ce que le gouvernement
11:36 précisera ou pas et si nos demandes sont prises en compte ou pas. Moi j'arriverai mercredi avec des demandes extrêmement précises
11:42 en matière de contenu et en matière de méthode. Et donc en matière de contenu, les sujets dont nous voulons parler c'est la question des
11:49 salaires parce que en France aujourd'hui les salaires s'effondrent.
11:52 Il y a un tassement sans précédent, un déclassement sans précédent. Il faut indexer les salaires sur les prix. Je demanderai ensuite à parler de la
12:00 conditionnalité des aides publiques. C'est plus possible, on multiplie les cadeaux pour les entreprises. C'est 200 milliards chaque année qui sont donnés aux entreprises
12:08 chaque année sans condition sociale ni environnementale.
12:10 On a un levier majeur qui permettrait par exemple de mettre sous pression les entreprises pour augmenter les salaires. Il suffirait
12:16 de mettre en place une disposition du type un avis conforme du CSE, des représentants du personnel
12:22 pour que les aides publiques soient soumises à une validation des représentants du personnel dans l'entreprise qui jugeraient si les objectifs sociaux et
12:29 environnementaux sont tenus par exemple.
12:31 Mais ça, ça serait quand même un moyen de pression
12:33 phénoménal pour les entreprises parce qu'elles n'auraient plus le choix de... pour recevoir des aides publiques, il faudrait qu'elles augmentent les salaires.
12:40 Tout à fait, il faudrait qu'elles respectent des objectifs...
12:42 C'est un levier énorme là, c'est impossible.
12:44 Exactement, c'est pour ça qu'on le demande.
12:46 C'est tout à fait possible.
12:47 C'est quand même la moindre des choses quand on reçoit des aides publiques, qu'on n'ait pas le droit de licencier, qu'on n'ait pas le droit
12:53 d'avoir des actions nuisibles à l'environnement.
12:55 Les aides publiques ne sont pas faites pour augmenter les salaires, elles sont faites pour permettre aux entreprises d'investir et de se développer.
13:00 Pas forcément, elles sont là pour des objectifs sociaux, économiques, environnementaux.
13:04 Le problème c'est que par exemple en matière de crédit impôt recherche,
13:07 on a des entreprises qui se gavent de crédit impôt recherche. Je peux prendre par exemple l'exemple de Sanofi qui a bénéficié de près d'un
13:12 milliard de crédit impôt recherche et qui dans le même temps a divisé par deux son nombre de chercheurs. Donc on voit que
13:17 quand même il y a des objectifs, ces objectifs ne sont pas tenus parce qu'il n'y a aucun contrôle et c'est ça, c'est pas seulement la
13:23 CGT qui le dit, c'est tous les rapports parlementaires qui s'amoncèlent.
13:26 Donc il y a besoin d'avoir un contrôle et nous pensons que les mieux placés pour faire ce contrôle,
13:30 c'est les représentants du personnel qui sont sur le terrain. Et oui, il y a aussi des exigences sociales à avoir sur les aides publiques.
13:36 C'est pas possible d'avoir des aides publiques quand on licencie, c'est pas possible d'avoir des aides publiques quand on ne respecte pas l'égalité
13:42 professionnelle, c'est pas possible d'avoir des aides publiques quand on augmente de façon exponentielle
13:46 les dividendes et les salaires des PDG et que les salaires stagnent. Je peux vous prendre un dernier exemple, Air France.
13:51 Le patron d'Air France vient d'annoncer le triplement de son salaire, le triplement de son salaire, je dis bien, qui passerait à 3 millions
13:58 d'euros alors qu'il a touché des milliards de prêts garantis par l'État. Il a été un des premiers bénéficiaires des aides Covid.
14:05 C'est quand même un problème. L'entreprise, lui qui directement a touché ces aides.
14:08 Et donc on a une entreprise qui a été une des premières bénéficiaires des aides publiques et qui dans le même temps
14:13 annonce le triplement du salaire du patron, ce qui n'est évidemment pas le cas sur le salaire des salariés d'Air France.
14:19 Sophie Binet, toujours sur la question des salaires, est-ce que vous soutenez l'augmentation du SMIC et l'indexation des salaires sur l'inflation ?
14:28 Tout à fait. Nous demandons à la fois une augmentation du SMIC parce que le SMIC aujourd'hui ne permet pas de vivre, je rappelle d'ailleurs qu'en France
14:36 nous avons un salaire minimum horaire mais pas un salaire minimum mensuel. Donc il y a des millions de salariés qui sont en dessous du SMIC mensuel,
14:44 notamment des femmes, puisque 30% des femmes sont à temps partiel, qui travaillent mais qui ont des salaires bien inférieurs au seuil de pauvreté.
14:51 Donc il faut augmenter le SMIC. Mais il ne faut pas se limiter à cela puisque la France est aussi un pays de bas salaires avec de plus en plus de salariés
14:59 qui sont des SMICards et surtout des SMICardes. Il faut garantir le paiement des qualifications et donc il faut indexer les salaires sur les prix
15:05 et que dès lors qu'on augmente le SMIC, tous les salaires augmentent de la même manière.
15:09 Cette indexation a été supprimée en 1983 déjà. Comment on revient sur une mesure comme ça alors qu'on sait que l'indexation peut finalement
15:21 constituer une hausse de l'inflation ?
15:25 Alors effectivement, l'absence d'indexation constitue une trappe à bas salaires. C'est ce qu'on vit aujourd'hui en France.
15:30 Par contre, l'indexation permet de garantir le paiement des qualifications.
15:35 Une spirale hausse des salaires inflationniste ?
15:36 Oui, effectivement, c'est le compte du patronat et des libéraux. Mais moi je vais dire une chose très simple.
15:41 Cette indexation existe en Belgique et au Luxembourg. Je ne crois pas que la Belgique et le Luxembourg se portent particulièrement mal économiquement,
15:48 en tout cas pas plus mal que la France. Par contre, en Belgique et au Luxembourg, le pouvoir d'achat est garanti et il n'y a pas ce tassement des qualifications
15:55 qu'on a en France qui est extrêmement dangereux pour l'avenir, y compris économiquement. Pourquoi est-ce qu'on a des problèmes de recrutement,
16:01 d'attractivité, de qualifications, d'emplois qualifiés ? Justement parce qu'il y a un tassement des salaires en France qui est grave.
16:07 J'ajoute que les milliards d'aides publiques sont concentrés, notamment les exonérations de cotisations sociales,
16:12 elles sont concentrées sur les bas salaires, elles constituent des trappes à bas salaires. Et il y a aujourd'hui un intérêt objectif à mal payer les salariés
16:20 parce que c'est plus attractif du point de vue des exonérations sociales. Il faut arrêter ça.
16:25 Une autre appellation avec le hashtag #LeGrandJury. Marie-Pierre Haddad.
16:29 Oui, vous savez que le sujet de l'inflation reste vraiment un sujet très important pour les Français. Bruno Le Maire, à propos du pouvoir d'achat,
16:35 justement le ministre de l'économie, a menacé de donner le nom des marques et des industriels qui refusent de baisser leur prix, faire le fameux "name and shame".
16:43 Est-ce que sur ce point-là, vous dites "c'est une bonne idée, vous donnez un bon point au gouvernement" ?
16:49 Le problème c'est que le gouvernement fait beaucoup de mousse et beaucoup de com' et que par contre sur les actions concrètes, il n'y a plus rien.
16:54 C'est-à-dire qu'au lieu de faire du "name and shame", encore une fois, il y a le levier des 200 milliards d'aides publiques qui constitue un levier autrement plus efficace.
17:02 Et donc il faut avoir des mesures d'efficacité et pas seulement des mesures de communication.
17:09 Donc pour vous c'est complètement inutile cette technique ? Ça ne va pas aider à baisser les prix de la part des industriels ?
17:15 J'attends de voir dans le concret mais je suis extrêmement sceptique. Par contre, je confirme qu'il y a un vrai problème avec aujourd'hui des industriels qui,
17:22 dans un contexte d'inflation, au lieu d'augmenter les salaires de façon correspondante, profitent de l'inflation pour reconstituer leurs marges.
17:30 Et c'est les salariés et les consommateurs qui payent avec une forme de double peine parce que ce sont les mêmes.
17:34 C'est-à-dire non seulement les salariés, leur salaire n'augmente pas, mais en plus comme consommateurs, ils doivent payer des produits beaucoup plus chers
17:40 parce que les entreprises préservent leurs marges et augmentent les dividendes de la flotte nationale.
17:44 Donc la stratégie de nommer, de cibler ces entreprises, de les mettre sur la place publique, c'est aussi un peu ce que vous faites.
17:50 Vous avez parlé d'Air France par exemple, vous avez cité d'autres entreprises. C'est un facteur qui peut permettre de faire bouger ensuite les politiques.
17:57 Oui d'accord, mais quelque part c'est un peu la stratégie du pauvre. C'est-à-dire que cette stratégie, c'est des stratégies qu'on peut avoir comme organisation syndicale
18:04 ou comme ONG. Mais quand on est le gouvernement, on a bien d'autres leviers d'action que ça quand même.
18:08 Elisabeth Borne va fêter ses un an à Matignon mardi, la semaine prochaine. Est-ce que vous considérez qu'elle est encore suffisamment forte pour négocier ?
18:19 Ou est-ce que vous dites qu'un changement de Premier ministre, ça pourrait être utile ?
18:24 La question pour nous, c'est pas le nom du ou de la Première ministre, c'est la politique et la feuille de route qui lui est donnée.
18:30 Le problème, c'est qu'on a une conception de plus en plus centralisée de la Ve République et c'est ça qui fait qu'on est aujourd'hui dans le blocage dans lequel on est.
18:38 Avec une réforme des retraites qui est imposée par la volonté d'un seul homme, à savoir Emmanuel Macron, qui n'écoute rien ni personne,
18:45 qui n'écoute pas les députés, sa majorité, les syndicats, la population et qui utilise de façon très cynique la Première ministre comme un fusible.
18:53 Il l'a dit d'ailleurs, pour nous, un Premier ministre, une chef du gouvernement, ce n'est ni une exécutante ni un fusible.
18:59 Elle doit avoir de vraies responsabilités et pouvoir les prendre. Et c'est pour ça que quand je vais la rencontrer mercredi, je l'appellerai à prendre toutes ses responsabilités
19:06 et donc à dire au Président de la République que cette réforme des retraites, c'est pas possible parce que ça va l'empêcher de finir son quinquennat.
19:12 C'est ça le problème, c'est qu'il reste 4 ans de fin du quinquennat. Comment ce quinquennat va se finir avec ce niveau de défiance dans le pays aujourd'hui ?
19:20 Il y a un autre rendez-vous au-delà de celui que vous avez avec la Première ministre qui sera à l'Assemblée nationale.
19:25 Ça sera le 8 juin avec une proposition de loi pour abroger la réforme des retraites. C'est le groupe Lyot qui porte ça.
19:32 Un groupe que vous avez rencontré et avec qui vous avez fait une conférence de presse ensuite.
19:36 Il y a une réaction que je vais vous soumettre, c'est celle du député LRJ, Julien Dive, qui a vu votre conférence de presse avec les députés
19:43 et qui a dit "je ne suis pas là pour sucer la roue de la CGT". Julien Dive fait partie des opposants à la réforme des retraites.
19:50 Est-ce qu'à trop faire ou à trop vous afficher finalement avec des politiques, vous n'êtes pas en train de perdre des soutiens ?
19:56 Écoutez, non, je ne crois pas. Je pense que là, il y a eu peut-être des prétextes qui sont pris pour justifier l'absence de courage.
20:03 Je pense que le 8 juin prochain, l'enjeu c'est d'avoir une décision pragmatique, de faire preuve d'intelligence, de sens politique,
20:10 de comprendre que le vote du 8 juin peut permettre une sortie de crise du pays.
20:15 Et donc, c'est pour ça que ce qui est très important, c'est que cette proposition de loi, elle est transpartisane.
20:19 Et c'est ce que je trouve intéressant, c'est de dire, quel que soit le bord politique, des élus républicains, je dis bien des élus républicains,
20:28 ne sont pas le Rassemblement National, voilà c'est ça, doivent voter cette proposition de loi, parce que quand on est député,
20:34 on doit représenter la population de sa circonscription, et puis on doit aussi être capable de faire preuve de sagesse et de permettre de sortir par le haut.
20:44 On voit bien que la réforme des retraites, elle n'a aucune justification économique, et par contre, elle bloque le pays,
20:49 parce qu'elle est extrêmement violente pour des millions de jeunes et des millions de salariés.
20:53 Il faut la retirer et pouvoir repartir d'une feuille blanche, d'abord pour discuter de mesures de financement pour nos retraites.
20:59 Et donc nous, nous voulons en parler, nous avons des propositions. Ce qui est intéressant, c'est que dans la proposition de loi du 8 juin prochain,
21:05 il y a un article 2 qui prévoit une conférence sociale sur la question des retraites, c'est ce qu'aurait dû faire le gouvernement depuis des mois.
21:12 Nous voulons venir dans cette conférence sociale avec nos propositions en matière de financement pour garantir la pérennité du régime.
21:19 Et en plus, ensuite, repartir d'une feuille blanche, c'est permettre enfin de parler des vrais sujets, à savoir la question environnementale,
21:25 la question salariale, la question de l'emploi, etc.
21:29 Elisabeth Borne juge cette initiative parlementaire irresponsable, tout simplement parce que si elle peut être examinée à l'Assemblée,
21:37 elle ne passera jamais au Sénat. Est-ce que, Sophie Binet, vous mentez aux Français en disant qu'avec le vote de cette proposition de loi,
21:45 c'en est fini de la réforme des retraites ?
21:47 Non, pas du tout, parce qu'Elisabeth Borne sait très bien qu'in fine, c'est toujours l'Assemblée nationale qui a le dernier mot.
21:53 Et donc, effectivement, la proposition de loi doit passer ensuite au Sénat.
21:58 Moi, je ne veux pas préjuger du vote des sénateurs. Je pense que les sénateurs et les sénatrices sont assez grands pour se faire leur idée par eux-mêmes.
22:04 Et donc, on verra quand la proposition de loi arrivera au Sénat, quelle sera leur position.
22:09 Nous irons échanger avec eux pour leur dire pourquoi est-ce que c'est très important de voter cette proposition de loi.
22:13 Mais in fine, c'est l'Assemblée nationale qui aura le dernier mot et donc qui pourra abroger la réforme.
22:18 Et ensuite, au lieu de balayer cette proposition de loi d'un revers de main, Elisabeth Borne ferait bien d'entendre.
22:25 Ça veut dire, le fait qu'il y ait une initiative parlementaire de la sorte,
22:28 et je salue encore une fois l'esprit de responsabilité des parlementaires qui ont déposé cette proposition de loi,
22:33 ça veut dire justement que sa réforme ne passe pas, que l'Assemblée nationale et les parlementaires ne l'ont pas votée,
22:39 et qu'enfin, pour la première fois le 8 juin prochain, les parlementaires vont pouvoir voter.
22:43 C'est quand même très important de dire qu'une réforme sociale de cette ampleur ne doit pas s'appliquer sans vote des parlementaires et des députés.
22:50 Une question des réseaux sociaux en direct, Marie-Pierre Haddad.
22:54 Oui, votre rapprochement avec les députés du groupe Lietz fait un peu grincer les dents de certains internautes.
22:59 Idéologiquement, ils trouvent que vous êtes très éloigné par exemple d'un député comme Charles de Courson.
23:05 Est-ce que ce n'est pas juste une alliance de circonstances, voire même un peu une alliance contre nature ?
23:09 Mais la CGT ne fait aucune alliance avec aucun député. La CGT, elle joue son rôle de syndicat.
23:14 Mais vous vous affichez quand même à côté d'eux, et vous les soutenez dans leur démarche.
23:18 Alors, on est allé les rencontrer pour échanger sur cette loi. On soutient cette proposition de loi et on appelle à voter pour,
23:24 puisqu'on partage l'objectif de cette proposition de loi d'abroger la réforme des retraites.
23:29 Et encore une fois, on fait ça pour l'ensemble des textes.
23:33 Nous rencontrons très régulièrement l'ensemble des députés à l'exclusion du Rassemblement National pour échanger sur les différentes propositions de loi,
23:40 nos propositions syndicales, et faire en sorte qu'on ait un maximum de propositions syndicales,
23:44 et qu'elles soient reprises par la représentation nationale. C'est leur rôle, et c'est le nôtre aussi.
23:49 C'est le rôle d'un syndicat de discuter avec l'ensemble des organisations politiques républicaines.
23:53 C'est ce que nous faisons depuis que la CGT existe.
23:55 - Mais, Sous-Secrétaire de la Cabinet, si cette proposition de loi ne passe pas,
23:58 est-ce que finalement vous ne rendez pas un énorme service à Emmanuel Macron
24:01 en signant la fin de tous les recours et du mouvement contre cette réforme des retraites ?
24:08 - D'abord, quoi qu'il se passe le 8 juin au soir, ça ne sera pas la fin de la mobilisation contre la réforme des retraites.
24:14 - Oui, mais il ne restera quoi d'autre que les casseroles ?
24:16 - Eh bien, écoutez, je ne vais pas vous dévoiler la palette de possibilités qui est à notre disposition,
24:21 puisque nous décidons par étapes et on ne va pas dévoiler les choses par avance.
24:26 - Il y a les manifestations, il y a les casseroles, mais qu'est-ce qu'il peut y avoir de plus ?
24:29 - Non, mais il y a une série d'actions et de travail possibles, puisque quand on est syndicaliste...
24:35 - Les coupures d'électricité, par exemple ?
24:38 - Oui, enfin bon, ça on le fait déjà aujourd'hui, mais ce que je veux dire, c'est que quand on est syndicaliste,
24:42 quand on perd par la porte, on se bat pour gagner par la fenêtre et on n'arrête jamais la mobilisation.
24:48 Ce n'est pas parce qu'en première instance, on ne gagne pas sur une mobilisation,
24:53 ce ne serait pas la première fois malheureusement, que la lutte s'arrête.
24:57 Cette réforme est inacceptable, on continuera à la combattre avec tous les moyens qui sont à notre disposition.
25:02 - Mais la mobilisation s'affaiblit, manifestation après manifestation, on le voit dans les chiffres.
25:07 Est-ce que par exemple, sur la mobilisation du 6 juin, qui aura lieu justement avant le vote de cette proposition de loi,
25:13 vous pensez être encore en mesure de rassembler les Français ?
25:17 - Oui, c'est totalement faux de dire que la mobilisation s'affaiblit d'abord.
25:20 - C'est ce que disent les chiffres, à la fois de votre syndicat et du ministère de l'Intérieur.
25:24 - Le 1er mai était un 1er mai historique, on n'avait jamais eu de 1er mai aussi élevé d'un point de vue social depuis l'après-guerre.
25:30 Il était extrêmement fort, plus fort même, je vais vous dire, un scoop que ce que nous, on attendait.
25:34 Et donc oui, le 6 juin prochain, nous appelons l'ensemble des jeunes et des salariés à faire grève, à manifester.
25:40 Il faut que cette mobilisation soit extrêmement forte, parce que oui, le 8 juin, la proposition de loi peut être votée.
25:45 C'est bien la raison pour laquelle... - Vous voulez dire que ce serait extrêmement forte, c'est assez vague finalement, comme jauge ?
25:50 - Extrêmement forte, c'est le plus fort possible. Il faut qu'il y ait des millions de personnes dans les rues, comme on l'a déjà fait.
25:58 Après, on ne se donne jamais un objectif chiffré avant une journée, parce qu'on sait que la journée, elle est faite par en bas.
26:03 Ce n'est pas moi qui vais dire "il faut qu'on soit 2 millions et après on sera 2 millions".
26:07 On va le décider ensemble et c'est la mobilisation des salariés qui le fera.
26:11 Mais ce que je veux dire, c'est qu'on le voit à travers la fébrilité du gouvernement, les déclarations d'Elisabeth Borne sur la soi-disant irresponsabilité de cette proposition de loi.
26:18 Elle dit ça parce qu'elle sait que cette proposition de loi peut être votée le 8 juin prochain.
26:22 Et cela, ça dépend de la mobilisation du 6. Donc encore une fois, j'appelle les salariés.
26:27 Le 6 juin, c'est l'anniversaire du débarquement. On les appelle à se mobiliser par la grève, par les manifestations, pour débarquer la réforme des retraites
26:36 et pour mettre sous pression le débat parlementaire.
26:38 - Le 6 juin. Juste une question, parce qu'on l'a évoqué d'un seul mot, mais sur les coupures d'électricité,
26:44 ce sont des actes illégaux. Est-ce que vous les soutenez ?
26:49 - Ces coupures d'électricité, ce sont des actions qui sont décidées par les salariés concernés.
26:55 Ce ne sont pas des actions de l'extérieur. Et donc, ce sont des actions des électriciens qui agissent sur leur outil de travail en protestant
27:01 contre cette réforme des retraites qui les impacte directement.
27:04 Donc c'est pour ça que ça fait partie du panel des actions syndicales.
27:08 Oui, je les soutiens. Et après, c'est eux et elles qui prennent les décisions au quotidien, de la façon dont ils l'organisent,
27:15 de façon sérieuse, parce que ce sont des professionnels, pour se faire entendre.
27:18 Et encore une fois, le problème, ce n'est pas les coupures d'électricité.
27:21 C'est pourquoi on ne nous entend pas alors que depuis 4 mois, nous avons une mobilisation historique et exceptionnelle
27:26 et que cette situation n'aurait pu exister dans aucun autre pays d'Europe, quasiment.
27:31 En Allemagne, en Espagne, en Belgique, etc.
27:34 Tous nos homologues nous disent "mais on ne comprend pas ce qui se passe en France".
27:37 Ils vont passer à 65 ou 65 ans.
27:39 Surtout, ils nous disent "si on avait dans nos pays, ne serait-ce que pendant 2 semaines, le niveau de mobilisation que vous avez depuis 4 mois,
27:46 cette réforme aurait déjà été retirée depuis longtemps".
27:49 Pourquoi ? Parce que dans leur pays, il y a une démocratie sociale que nous n'avons pas en France
27:53 et une démocratie politique que nous avons de moins en moins en France.
27:56 Ils ne comprennent pas pourquoi le Président de la République peut tout seul imposer une réforme
28:00 contre l'avis des parlementaires, contre l'avis des syndicats, contre l'avis de la population.
28:04 On va parler du Président de la République, faire revenir des usines dans notre pays,
28:09 attirer les investisseurs étrangers, c'est la stratégie d'Emmanuel Macron pour créer des emplois.
28:15 Êtes-vous tout à fait d'accord avec ça ? C'est ce que nous verrons juste après la pause.
28:18 A tout de suite.
28:19 [Générique]
28:29 Suite du grand jury RTL Le Figaro LCI. Olivier Bost.
28:33 Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT est notre invitée ce dimanche.
28:38 Nous allons maintenant parler de faire revenir les usines en France. Jim Jarasi.
28:43 Oui, demain Emmanuel Macron reçoit de grands investisseurs, des grands patrons au château de Versailles.
28:49 C'est le sommet annuel Choose France. La CGT des Yvelines appelle à manifester devant le château.
28:56 Est-ce que vous serez présente demain, Sophie Binet ?
28:58 Moi, personnellement, non. Mais je crois que c'est important de faire entendre l'intérêt des salariés demain.
29:03 Vous soutenez ce mouvement de protestation. C'est quoi ? C'est le symbole du château de Versailles
29:08 qui pèse dans le choix de manifester ?
29:12 Non, d'abord c'est le rappel de la réforme des retraites et de notre fût de la réforme.
29:16 Et puis ensuite, c'est l'expression du fait que pour faire revenir l'emploi industriel en France,
29:22 il ne faut pas aligner l'action publique sur l'intérêt des grands groupes.
29:26 Et c'est ce qui se passe aujourd'hui avec des annonces d'Emmanuel Macron
29:29 qui reviennent encore une fois à multiplier les cadeaux aux entreprises.
29:33 Pardon, qu'on comprenne bien. C'est-à-dire que des annonces de grandes entreprises d'investir sur notre territoire,
29:40 cela n'irait pas dans le bon sens selon vous ?
29:43 Non, ce n'est pas ce que je dis. Ce que je dis, c'est que l'action publique,
29:46 elle ne doit pas seulement être guidée par l'alignement sur les intérêts des grands groupes,
29:50 que l'action publique, au contraire, doit viser à contraindre l'action des grands groupes
29:55 pour qu'ils respectent les normes sociales et environnementales.
29:57 Et ce qu'on voit, c'est qu'en matière industrielle, l'emploi industriel en France
30:01 y retrouve péniblement le niveau de 2014 qui était historiquement bas,
30:05 puisque on a seulement 9% d'industrie dans l'emploi total, c'est deux fois moins qu'en Allemagne, au Japon, en Italie par exemple.
30:14 Et pourquoi ? Parce qu'on attire les investisseurs, oui, mais par contre les emplois beaucoup moins,
30:19 parce qu'il y a un problème de normes.
30:21 C'est un peu mieux faire, envoyer à Emmanuel Macron.
30:24 Vous reconnaissez toutefois que sa politique en matière d'industrie va plutôt dans le bon sens ?
30:29 Non, non, non, puisque ce redémarrage de l'emploi, il est global au niveau européen,
30:35 il n'y a rien de spécifique à la France.
30:37 Le problème, c'est que, je pourrais multiplier les exemples,
30:41 par exemple, il s'est déplacé vendredi à Dunkerque, dans une usine de fabrication de batteries,
30:47 donc très bien de travailler sur cette filière-là,
30:50 par contre, 20 kilomètres à côté, il y a Val d'Une, une usine de production de roues pour les trains,
30:56 qui ferme, et qui ferme pourquoi ? Parce qu'on n'a aucune stratégie sur la filière ferroviaire.
31:01 Pourtant, la filière ferroviaire, en France, on maîtrise.
31:03 On a la SNCF, entreprise publique, qui fait rouler les trains,
31:07 et on a Alstom, notre groupe champion du monde en matière de production de véhicules,
31:12 de matériel pour les trains, qui pourrait maîtriser la commande publique,
31:16 et maîtriser la commande pour, justement, ce sous-traitant,
31:19 qui est le seul fabricant de roues de train,
31:22 et qui, aujourd'hui, ferme, en laissant 380 ouvriers sur le carreau,
31:28 parce qu'il a été racheté par un groupe chinois, il y a 10 ans,
31:31 qui a pompé tout son savoir-faire.
31:33 - Il y a encore au moins pour un an d'activité de schiffe d'affaires sur ce site industriel,
31:36 le temps, justement, de retrouver peut-être un repreneur.
31:38 - C'est ça, sauf qu'en attendant, on a laissé un groupe chinois pomper tout son savoir-faire,
31:42 tous ses brevets, et maintenant, repartir avec l'activité ailleurs.
31:46 Donc la question, c'est comment est-ce qu'on protège notre industrie européenne
31:50 du dumping social et environnemental ?
31:52 Et là-dessus, l'annonce d'Emmanuel Macron de faire une pause sur les normes environnementales,
31:57 c'est juste gravissime, parce que c'est l'inverse de ce qu'il faut faire.
32:01 Ce qu'il faut, au contraire, c'est augmenter le niveau de normes sociales et environnementales
32:05 au niveau européen, pour lutter contre le dumping social,
32:08 qui se fait d'abord au sein de l'Europe,
32:11 et protéger les frontières européennes de produits
32:15 qui ne respecteraient pas ce niveau de normes,
32:17 avec des droits de douane indexés sur le niveau de droits sociaux et environnementaux.
32:21 Et ce n'est pas du tout ce que fait le gouvernement, malheureusement.
32:23 - Pourquoi est-ce qu'Emmanuel Macron a dit qu'il fallait faire une pause
32:25 après avoir adopté tout ce qui permettait de respecter l'accord de Paris ?
32:29 Donc c'est une pause pour après, ensuite, pour rester compétitif et effectivement attractif ?
32:35 - En fait, on sait qu'en matière environnementale,
32:38 on va beaucoup trop lentement par rapport aux enjeux posés par le changement climatique.
32:43 - Mais beaucoup plus vite que la Chine ou que les Etats-Unis ?
32:45 - Oui, sauf qu'on ne peut pas se satisfaire de se dire
32:48 qu'on va à la même vitesse que la Chine,
32:51 parce qu'à ce rythme-là, la France sera submergée sous les eaux.
32:54 Ce qu'il faut, c'est que l'Europe donne l'exemple.
32:56 On sait que le niveau de normes sociales et environnementales européens
32:58 tire vers le haut le monde entier.
33:00 Il faut qu'on continue à faire ça.
33:02 Et donc dire que la France va demander à faire une pause
33:05 sur les normes environnementales et les normes sociales,
33:07 c'est extrêmement grave, c'est un contre-sens historique.
33:09 - La CGT a longtemps eu une tradition, on va dire, productiviste.
33:12 Est-ce que cette tradition-là, aujourd'hui, vous la reniez ?
33:14 - Pas du tout.
33:16 Nous pensons qu'il faut réindustrialiser le pays,
33:19 justement pour répondre aux enjeux sociaux et environnementaux.
33:23 Il faut plus produire en France,
33:25 parce que c'est ça qui fera baisser les émissions de gaz à effet de serre
33:28 qui explosent du fait des transports et de l'importation.
33:31 En termes de chiffres, le président de la République
33:33 ferait mieux de regarder la balance commerciale,
33:35 qui n'a jamais été aussi déficitaire.
33:37 On n'a jamais importé autant de produits qu'aujourd'hui,
33:39 justement parce que notre industrie va très mal.
33:41 Donc ce qu'il faut commencer par faire,
33:43 c'est de réindustrialiser l'industrie, réindustrialiser la France,
33:45 mais justement en transformant l'appareil productif,
33:48 en produisant autrement, avec des circuits courts,
33:51 avec des produits qui durent plus longtemps.
33:53 On va peut-être produire moins, mais produire mieux,
33:56 pour garantir la durabilité, la réutilisation des matières premières.
34:00 - Marie-Claire Haddad.
34:01 - Oui, il y a quelques années, je suis sûre que vous vous en souvenez,
34:03 Emmanuel Macron avait déclaré qu'il suffit de traverser la rue
34:05 pour trouver un emploi en déplacement à Dunkerque.
34:08 Il a ironisé sur cette petite phrase,
34:10 et il a dit que maintenant, il suffit de faire un mètre
34:12 pour trouver un travail.
34:14 Vous voyez ça comme une nouvelle provocation ?
34:16 - Oui, c'est très cynique, c'est très choquant
34:19 pour les 5 millions de personnes qui, en France,
34:21 sont toujours privées d'emploi, je le rappelle.
34:24 C'est quand même la première violence dans notre pays
34:26 d'être privées d'emploi, parce qu'un emploi,
34:28 c'est non seulement la capacité d'avoir son indépendance économique,
34:31 mais c'est aussi la dignité sociale qui est en jeu.
34:34 Donc faire croire que ces personnes ne travaillent pas
34:36 parce qu'elles l'auraient choisi, c'est scandaleux
34:38 de la part de notre premier dirigeant politique.
34:40 - Emmanuel Macron fait du retour de l'industrie
34:42 aussi un moyen de lutter contre le Rassemblement National.
34:45 Son raisonnement, c'est de dire, là où une usine disparaît,
34:48 le parti de Marine Le Pen monte.
34:50 Est-ce que vous êtes d'accord avec cette analyse ?
34:52 Est-ce que vous partagez ou pas ce combat ?
34:54 - C'est vrai que le Rassemblement National
34:56 prospère sur la désespérance sociale.
34:59 C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous sommes
35:01 extrêmement en colère face au passage en force
35:03 d'Emmanuel Macron sur la réforme des retraites,
35:05 parce qu'en faisant de la sorte et en méprisant
35:07 les syndicats comme il le fait,
35:09 il ouvre un boulevard au Rassemblement National.
35:12 C'est la raison pour laquelle il faut avoir
35:14 une vraie politique sociale résolue.
35:16 Et donc en matière industrielle, ce qu'il faut faire,
35:18 c'est avoir une planification stratégique
35:20 avec des vraies filières industrielles
35:22 et une planification de moyens long terme.
35:25 Il faut conditionner les 200 milliards annuels
35:27 d'aides publiques aux entreprises pour en faire
35:29 un levier de réindustrialisation du pays, par exemple.
35:32 Et ce n'est pas du tout ce qu'il fait.
35:34 - Pourquoi est-ce que, Sophie Binet, vous dites
35:36 qu'Emmanuel Macron et sa politique font un boulevard
35:38 au Rassemblement National et pas
35:40 au parti de la gauche, au parti communiste,
35:42 dont vous êtes proche ?
35:44 Pourquoi est-ce que ce climat social,
35:46 cette période politique, ne profiterait pas
35:48 aux organisations partisanes de gauche ?
35:50 - Je crois qu'Emmanuel Macron ferait bien
35:52 de s'interroger sur la situation actuelle.
35:54 C'est-à-dire que le Rassemblement National
35:56 n'a jamais été aussi proche du pouvoir qu'aujourd'hui.
35:59 Ça, c'est extrêmement grave, c'est très inquiétant.
36:01 On a une extrême droite décomplexée dans le pays.
36:03 - Vous prédimez une victoire du Rassemblement National en 2027 ?
36:05 - Malheureusement, aujourd'hui,
36:07 elle devient possible, et je pense que c'est très grave.
36:10 Ce qu'on voit dans le pays avec
36:12 des manifestations d'extrême droite décomplexées,
36:14 des menaces sur des élus,
36:16 des menaces sur des associations,
36:18 et des violences physiques,
36:21 avec notamment l'élu de Saint-Brévent-les-Pins
36:24 qui a failli être assassiné dans un incendie criminel
36:28 organisé par des personnes
36:30 qui dénonçaient sa politique d'accueil des étrangers,
36:33 ça, c'est très grave.
36:35 - Et Emmanuel Macron a une responsabilité directe en la matière
36:38 parce qu'il a été élu pour faire barrage au RN.
36:42 Et ce qu'on observe, c'est que jamais le RN n'a été aussi haut.
36:45 Aussi haut, pourquoi ?
36:47 - Sophie Binet, en 2022, Philippe Martinez,
36:49 votre prédécesseur, avait appelé au barrage
36:51 contre Marine Le Pen,
36:53 et donc, de facto, au vote pour Emmanuel Macron.
36:55 Est-ce que vous referez ce geste en 2027
36:59 si jamais Marine Le Pen est au second tour ?
37:03 - La CGT a toujours été très claire
37:05 sur le fait qu'on ne renvoie jamais dos à dos
37:08 le RN avec aucun autre parti républicain.
37:11 Et moi, je serai toujours très claire
37:13 sur ce point dans les pas de mon prédécesseur.
37:15 Mais ce qui est très grave,
37:17 c'est qu'Emmanuel Macron fait tout l'inverse
37:19 puisque depuis qu'il est arrivé,
37:21 il renvoie dos à dos l'extrême droite
37:23 avec d'ailleurs une prétendue extrême gauche.
37:25 C'est ce qu'il a fait à l'Assemblée nationale
37:27 avec sa majorité qui a laissé le RN
37:31 occuper des postes de responsabilité importantes
37:33 ce qui contribue à sa banalisation.
37:35 Ça, c'est grave.
37:37 Et puis ensuite, dans la banalisation,
37:40 moi, je suis assez choquée sur le deux poids deux mesures.
37:43 Comment Zemmour se fait agresser,
37:47 il a un appel immédiat du chef de l'État,
37:50 le maire de Saint-Brévin envoie des appels au secours
37:53 pendant des mois et des mois,
37:55 il n'a aucun soutien des pouvoirs publics et de l'État.
37:57 C'est très grave.
37:59 - Il a reçu "Mercredi" par Elisabeth Borne,
38:01 c'est trop tard selon vous ?
38:03 - Oui, il a démissionné,
38:05 sa maison a été incendiée,
38:07 il n'a absolument pas été soutenu par le député
38:09 de la circonscription qui était un député
38:11 de la minorité présidentielle.
38:13 C'est bien de se réveiller maintenant,
38:15 mais c'est trop tard.
38:17 Et puis le dernier point qui est grave
38:19 dans la politique d'Emmanuel Macron,
38:21 c'est qu'il banalise les thèses de l'extrême droite
38:23 en les reprenant, par exemple, en matière d'immigration
38:25 ou de sécurité.
38:27 Malheureusement, on préfère toujours
38:29 l'original à la copie, et quand on fait
38:31 tomber les digues en reprenant
38:33 un certain nombre de thèses, comme par exemple
38:35 la stigmatisation des privés d'emploi
38:37 ou la stigmatisation des personnes d'origine étrangère,
38:39 on contribue à la banalisation
38:41 de l'extrême droite. C'est ce qui se passe aujourd'hui
38:43 dans le pays et c'est grave.
38:45 - Mais qu'est-ce qu'il y a dans la politique d'Emmanuel Macron qui stigmatise les étrangers ?
38:47 - Par exemple, ce projet de loi
38:49 immigration dont on nous annonce qu'il est
38:51 à nouveau mis à l'ordre du jour
38:53 et qui fait croire que le problème de la France
38:55 c'est qu'il y aurait trop d'étrangers.
38:57 - Il s'agit de faire exécuter les expulsions pour des gens
38:59 qui sont en situation irrégulière et parallèlement
39:01 de régulariser
39:03 des gens qui travaillent.
39:05 - Il s'agit aussi
39:07 de limiter les mesures de regroupement
39:09 familial, de faciliter les poursuites
39:11 contre les étrangers, etc.
39:13 Et quelque part, ce qui est problématique
39:15 avec ces mesures, et pour nous d'un point de vue
39:17 social, c'est que quand on criminalise
39:19 les étrangers, quand on rend plus difficile
39:21 leur accès à des titres de séjour,
39:23 ça augmente les phénomènes.
39:25 - En l'occurrence, sur les métiers en tension, l'idée est plutôt inverse.
39:27 - Sauf que c'est juste sur les métiers en tension et avec des conditions
39:29 très limitées, parce que c'est pendant des durées très limitées
39:31 et ça donne le plein pouvoir
39:33 au patronat là-dessus.
39:35 - Justement, ça enlève un pouvoir au patronat
39:37 puisqu'à partir du moment où vous régularisez
39:39 ou en tout cas, vous donnez des titres de séjour
39:41 à des gens qui travaillent,
39:43 ça leur permet d'avoir des droits
39:45 qu'ils n'ont pas aujourd'hui. - Oui, c'est ce que nous souhaitons.
39:47 Mais le problème, c'est les modalités
39:49 qui étaient prévues dans le précédent projet de loi
39:51 - on va voir s'il a changé ou pas -
39:53 mais qui, dans les modalités techniques, faisaient reposer
39:55 beaucoup sur le patron.
39:57 - Vous, pour bien comprendre, vous êtes pour une régularisation
39:59 de tous les sans-papiers ?
40:01 - Nous pensons qu'il faut une régularisation par le travail
40:03 et que quand on travaille, on doit être régularisé
40:05 automatiquement. Pourquoi ?
40:07 Parce que c'est ça qui permet de lutter contre le dumping social
40:09 et de lutter contre le travail au noir
40:11 dont abuse un certain nombre d'employeurs
40:13 qui savent, parce qu'une personne
40:15 n'a pas de titre de séjour,
40:17 qu'elles peuvent très facilement les faire travailler
40:19 dans un contrat de travail, ne pas payer les heures supplémentaires,
40:21 les faire travailler dans des conditions indignes, etc.
40:23 Ça, c'est grave, évidemment, pour les personnes concernées,
40:25 mais c'est grave pour tous les salariés
40:27 parce que ça tire les droits des autres salariés vers le bas.
40:29 Et puis, la dernière chose, c'est qu'en matière
40:31 d'immigration, ce qui serait bien de rappeler
40:33 et qu'on entend trop peu dans le débat public,
40:35 c'est qu'aujourd'hui, l'immigration est une source de richesse
40:37 pour notre pays, puisque chaque année,
40:39 c'est 60 milliards d'euros qui rentrent
40:41 dans les caisses du pays, en matière
40:43 d'impôts et de cotisations sociales,
40:45 grâce aux personnes étrangères en France.
40:47 Ça, on ne l'entend jamais. Heureusement qu'on a
40:49 des immigrés en France.
40:51 Un détour par les réseaux sociaux avec le hashtag
40:53 #LeGrandJury. Marie-Pierre Haddad.
40:55 Oui, pour revenir à vos propos sur le Rassemblement
40:57 National, un internaute vous souligne
40:59 que de nombreux syndiqués
41:01 de la CGT votent Rassemblement National
41:03 et selon un sondage qui a été fait
41:05 en 2022, Marine Le Pen est arrivée largement
41:07 en tête chez les ouvriers
41:09 et elle a séduit 22% des militants
41:11 de la CGT. Vous leur dites quoi ?
41:13 Ils n'ont plus leur place au sein de la CGT ?
41:15 Alors, le vote, c'est un
41:17 droit individuel avec
41:19 confidentialité, etc. Donc, évidemment,
41:21 nous respectons la liberté de chacune et chacun
41:23 dans l'isoloir. Par contre, la CGT
41:25 est extrêmement claire sur le fait
41:27 qu'il n'y a pas de pire ennemi pour le monde
41:29 du travail que le Rassemblement
41:31 National. Et donc,
41:33 là-dessus, on gardera cette position
41:35 très claire. Et puis, cette position très claire
41:37 s'accompagne aussi de dispositions très
41:39 claires sur les responsabilités.
41:41 Il n'y a aucun responsable syndical
41:43 de la CGT qui peut être militant
41:45 du Front National, encore moins élu.
41:47 Dès qu'on l'apprend,
41:49 cette personne est démandatée. Nous sommes
41:51 une des organisations qui sont les plus claires sur le
41:53 sujet. Donc,
41:55 voilà, je pense qu'on ne peut pas faire de procès
41:57 à la CGT sur ce point qui est extrêmement clair.
41:59 Mais, encore une fois, pour faire reculer
42:01 le Rassemblement National, il faut
42:03 lutter contre la source, ce qui fait
42:05 monter l'extrême droite aujourd'hui en France.
42:07 Et ce qui fait monter l'extrême droite en France, c'est la
42:09 désespérance sociale, le fait que
42:11 les pouvoirs publics, les partis politiques
42:13 et notamment celui que dirige
42:15 Emmanuel Macron, ont démissionné
42:17 face aux pouvoirs économiques et nous disent
42:19 "Bah oui, quand une entreprise
42:21 veut délocaliser, on ne peut rien faire".
42:23 Par exemple, je vais reprendre un exemple
42:25 sur les questions industrielles. On a
42:27 laissé fermer toutes les fonderies,
42:29 donc les entreprises qui fabriquent les
42:31 composants des moteurs thermiques, au prétexte
42:33 qu'il fallait changer de modèle.
42:35 Donc, par exemple, c'est
42:37 la SAM, la Société Aveyronnaise
42:39 de Métallurgie, 350
42:41 ouvriers concernés qui se sont
42:43 battus pendant deux ans. Leurs premiers
42:45 clients, c'était Renault, dont l'État
42:47 est quand même actionnaire principal.
42:49 Le gouvernement n'a pas levé le petit doigt
42:51 pour garantir le maintien de l'emploi,
42:53 peut-être la transformation économique,
42:55 ça c'est possible, on avait des propositions sur le sujet,
42:57 et a laissé les ouvriers
42:59 se faire licencier. Et donc c'est quand on fait
43:01 ça, qu'on fait prospérer
43:03 le Rassemblement National et c'est la politique
43:05 que porte le gouvernement aujourd'hui, c'est ce qui est grave.
43:07 Un autre sujet dans l'actualité, c'est la lutte
43:09 contre les fraudes. Damien Fleureau.
43:11 Annonce de Gabriel Attal, le ministre
43:13 du Budget, cette semaine la lutte contre la fraude
43:15 fiscale, notamment les grandes entreprises.
43:17 On imagine que vous trouvez que ça va
43:19 dans le bon sens, qu'il y a peut-être plus
43:21 à faire. Est-ce qu'il faut aussi avoir
43:23 la même stratégie pour lutter contre
43:25 la fraude sociale ?
43:27 Alors d'abord, la fraude fiscale, il était temps
43:29 d'en parler parce que chaque année, c'est
43:31 80 à 100 milliards qui manquent dans les caisses
43:33 de l'État du fait de la fraude fiscale. Bon,
43:35 c'est une mesure, c'est à peu près 10 fois
43:37 le montant du déficit
43:39 invoqué pour justifier la réforme des
43:41 retraites. Donc si on luttait sérieusement
43:43 contre la fraude fiscale, on pourrait
43:45 financer nos services publics,
43:47 la réindustrialisation du pays, la transformation environnementale.
43:49 Mais en tout cas, c'est plutôt un bon point que vous donnez à l'exécutif
43:51 dans cet objectif. C'est un bon point
43:53 d'en parler. Le problème, c'est qu'il ne faut pas se limiter
43:55 à faire de la com parce que sinon, encore
43:57 une fois, on fait monter le Rassemblement National
43:59 et là, en l'occurrence, depuis
44:01 20 ans, on a supprimé 50 000
44:03 emplois au ministère des Finances. On a divisé
44:05 par deux les effectifs des inspecteurs
44:07 des impôts qui sont justement chargés de cette
44:09 lutte contre la fraude fiscale. Et le gouvernement
44:11 nous annonce quoi ? Il nous annonce
44:13 1 500 redéploiements de
44:15 postes. Donc ce n'est pas du tout à la hauteur de ce qu'il faudrait.
44:17 En matière de lutte contre la fraude sociale,
44:19 des abus, de toucher par
44:21 exemple certaines allocations, certaines prestations
44:23 alors qu'on ne vit pas en France
44:25 totalement, est-ce que
44:27 vous trouvez qu'il y a aussi là
44:29 matière à équiter dans les combats ?
44:31 Ce qui serait bien, c'est qu'il y ait matière
44:33 à équiter effectivement parce qu'on nous parle
44:35 souvent de la fraude sociale. On parle
44:37 beaucoup moins du non-recours au droit. Et aujourd'hui
44:39 le problème, ce n'est pas tant la fraude sociale qui est marginale
44:41 c'est le fait qu'il y a de plus
44:43 en plus de personnes, 30 à 50%
44:45 en fonction des prestations
44:47 qui n'ont pas recours à leur droit.
44:49 Par exemple, qui ne touchent pas le RSA alors qu'elles
44:51 devraient rentrer dans les clous, qui ne touchent pas le chômage
44:53 alors qu'elles rentreraient dans les clous. Pourquoi ?
44:55 Parce que les procédures sont de plus en plus complexes.
44:57 Il y a une automatisation aussi du versement
44:59 de certaines allocations.
45:01 Oui, pour l'instant ce n'est pas fait.
45:03 Et surtout pour l'instant, ce que nous annonce le gouvernement
45:05 c'est la mise sous condition du RSA.
45:07 RSA qui je rappelle est très loin du seuil
45:09 de pauvreté. Et non seulement
45:11 le RSA ne permet pas de vivre, mais en plus
45:13 on exigerait des personnes qui touchent le RSA
45:15 qu'ils travaillent gratuitement. C'est juste scandaleux.
45:17 Justement une question sur le sujet. Elisabeth Born
45:19 souhaite des sanctions
45:21 pour les Français qui ne
45:23 respecteraient pas ce qu'elle appelle
45:25 un parcours d'accompagnement au retour
45:27 à l'emploi
45:29 en échange du RSA.
45:31 On comprend que vous êtes opposée
45:33 à cette mesure. Est-ce que vous en faites
45:35 une ligne rouge dans votre
45:37 négociation avec le gouvernement ?
45:39 Oui, exactement. Parce que c'est une stigmatisation
45:41 inacceptable des privés d'emploi.
45:43 C'est faire croire qu'il y a des gens qui se
45:45 tournent les pouces et qui
45:47 iraient bronzer au soleil
45:49 avec 450 euros par mois de RSA.
45:51 Donc c'est scandaleux.
45:53 Quand on touche 450 euros par mois
45:55 on ne peut pas vivre. Et donc on passe
45:57 son temps à essayer de joindre les deux bouts
45:59 en multipliant les
46:01 dispositifs pour trouver à manger
46:03 pour pas cher, trouver à s'habiller pour pas cher,
46:05 trouver à loger ses enfants pour pas cher.
46:07 Et donc si en plus on a des sanctions
46:09 c'est pas sérieux.
46:11 Aujourd'hui il faut rappeler qu'il y a 5 millions
46:13 de personnes qui sont privées d'emploi. Pourquoi ?
46:15 Parce qu'il n'y a pas assez d'emplois en France.
46:17 C'est pour ça qu'il faut réduire le temps de travail
46:19 par exemple pour créer des emplois.
46:21 Pour les salariés, il y a un accord
46:23 qui a été signé récemment entre plusieurs syndicats
46:25 et le patronat. Ça s'appelle un accord pour
46:27 le partage de la valeur.
46:29 Vous ne l'avez pas signé. Il sera prochainement
46:31 retranscrit dans une loi. Pourquoi vous n'avez pas signé cet accord ?
46:33 Parce qu'on trouvait que c'était un hors-sujet.
46:35 Parce qu'aujourd'hui l'enjeu
46:37 c'est que les salaires en France baissent
46:39 du fait de l'inflation. Et cet accord
46:41 ne dit pas un mot sur la façon
46:43 d'augmenter les salaires. Nous ce que
46:45 nous aurions souhaité... C'est une façon d'augmenter les salaires ?
46:47 Le partage de la valeur ?
46:49 Sauf qu'on parle intéressement participation.
46:51 C'est un peu une cotaire sur une jambe de bois.
46:53 Mais on ne parle pas salaire.
46:55 Nous ce que nous aurions voulu, ce que nous voulons
46:57 c'est un accord à l'espagnol.
46:59 Vous savez que les syndicats et le patronat espagnol
47:01 ont signé un accord extrêmement ambitieux
47:03 qui prévoit 10% d'augmentation de salaire
47:05 sur les 3 ans à venir pour couvrir
47:07 l'intégralité de l'inflation.
47:09 J'appelle d'ailleurs très solennellement
47:11 le patron des patrons à ouvrir
47:13 des négociations dans toutes les entreprises,
47:15 dans toutes les branches pour enfin
47:17 augmenter les salaires et garantir à minima
47:19 le pouvoir d'achat, ce qui n'est pas du tout le cas aujourd'hui.
47:21 Aujourd'hui est paru au journal officiel
47:25 le décret qui lève l'obligation vaccinale
47:29 pour les soignants contre le Covid.
47:31 Que défend la CGT ?
47:33 Les soignants qui sont vaccinés
47:35 ou les opposants au vaccin ?
47:37 La CGT défend une politique de santé publique
47:41 et donc nous pensons effectivement
47:43 qu'aujourd'hui il n'y avait plus matière
47:45 à maintenir cette obligation vaccinale.
47:47 D'abord parce que ça nous prive
47:49 de nombreux soignants alors qu'on est dans un contexte de pénurie.
47:51 Et puis ensuite parce que
47:53 on voit que la situation en matière de Covid
47:55 elle s'est améliorée
47:57 et donc on peut se permettre
47:59 de faire travailler des soignants non vaccinés.
48:01 Donc c'est une bonne chose de lever cette obligation.
48:03 Avant d'être secrétaire générale de la CGT,
48:05 vous étiez CPE,
48:07 c'est-à-dire conseillère principale d'éducation
48:09 dans un établissement à Marseille
48:11 puis ensuite en Seine-Saint-Denis.
48:13 Cette semaine, le ministre de l'Éducation
48:15 Papendia y a annoncé des mesures
48:17 pour renforcer la mixité dans les écoles
48:19 mais ces mesures ne concerneront
48:21 finalement que l'enseignement public.
48:23 Est-ce que vous le regrettez ou est-ce que vous dites
48:25 "c'est déjà ça, il faut qu'on avance sur ce sujet-là"?
48:27 Ce qui est important
48:29 c'est de parler de mixité sociale
48:31 parce qu'effectivement il y a un grave recul
48:33 de la mixité sociale dans l'enseignement
48:35 avec on est dans des établissements
48:37 qui sont de plus en plus ségrégés.
48:39 Par contre, encore une fois,
48:41 c'est comme en matière de fraude fiscale
48:43 ou en matière d'industrie, on ne peut pas
48:45 se limiter à de la com. Et là, encore une fois,
48:47 on a des annonces de communication
48:49 mais il n'y a aucun contenu concret.
48:51 D'abord parce qu'effectivement ça ne porte
48:53 que sur les établissements publics.
48:55 Or, on sait que les effectifs dans le privé
48:57 explosent pour contourner la carte scolaire
48:59 donc il faut que la carte scolaire
49:01 s'impose et pour le public et pour le privé.
49:03 Et puis la deuxième chose, c'est que la mixité sociale
49:05 pour fonctionner, elle doit
49:07 s'accompagner de création de moyens.
49:09 Il faut qu'il y ait davantage d'enseignants,
49:11 des conditions d'enseignement qui soient améliorées
49:13 pour qu'il soit intéressant de venir
49:15 étudier dans des établissements en difficulté.
49:17 Et donc, dans le même temps, on a
49:19 un gouvernement qui nous parle de mixité sociale
49:21 mais qui supprime pour la rentrée prochaine
49:23 1500 postes dans l'enseignement.
49:25 C'est un grave recul, notamment
49:27 dans les zones d'éducation prioritaire
49:29 où les élèves auront encore moins d'enseignants,
49:31 encore moins de moyens, et donc
49:33 les établissements ne seront plus en difficulté
49:35 ce qui va faire fuir les élèves
49:37 issus de la classe moyenne qui y étaient.
49:39 C'est pas comme ça qu'on va faire la mixité sociale.
49:41 Un dernier sujet pour le Grand Jury,
49:43 Jim Jarrassé.
49:44 Oui, Laurent Berger, dans un livre à paraitre
49:46 la semaine prochaine, épingle la vision
49:48 misérabiliste de la gauche,
49:50 je cite, vis-à-vis des travailleurs.
49:52 La gauche voit le travail, selon lui,
49:54 comme un élément d'exploitation.
49:56 Est-ce que c'est aussi ce que vous pensez ?
49:58 Nous pensons que
50:00 le travail c'est un point central pour la
50:02 dignité des travailleuses
50:04 et des travailleurs. C'est pour ça que je disais tout à l'heure
50:06 que la première violence c'est d'être privé de travail.
50:08 Pourquoi ? Parce que le travail
50:10 c'est son utilité sociale,
50:12 c'est le lien social.
50:14 La gauche qui défend le droit à la paresse, par exemple,
50:16 c'est pas votre gauche ?
50:18 Non, la CGT, je veux dire,
50:20 Confédération Générale du Travail, pour nous,
50:22 le travail est au centre.
50:24 Et donc, bien sûr que nous pensons
50:26 que le travail joue un rôle
50:28 central dans le lien
50:30 social, les dynamiques d'émancipation.
50:32 Mais pour ça, il faut combattre l'exploitation
50:34 qui est quand même une réalité au travail
50:36 aujourd'hui, avec des conditions de travail
50:38 qui sont aliénantes, parce que
50:40 le travail est au service du dégagement de profuses
50:42 valeurs pour les actionnaires.
50:44 Vous dites à ces parlementaires, dont Olivier parle, qu'ils se trompent
50:46 quand ils font ce genre de déclarations,
50:48 que ces déclarations
50:50 au droit à la paresse mènent
50:52 la gauche dans le mur, justement,
50:54 participe à faire monter le Rassemblement
50:56 National. On comprenne bien votre position.
50:58 Je pense surtout qu'il ne faut pas organiser les débats
51:00 de façon caricaturale, c'est-à-dire que
51:02 pour nous... Ça c'est pour Sandrine Rousseau, par exemple,
51:04 députée Europe Écologie-Les Verts...
51:06 Ou pour les médias qui font
51:08 des buzz sur des petites phrases.
51:10 Évidemment que... On ne tient pas ses propos,
51:12 on relève. Voilà, des petites phrases.
51:14 Le progrès
51:16 social et environnemental
51:18 est lié à la réduction du temps de travail. Nous nous battons
51:20 pour la réduction du temps de travail qui,
51:22 malheureusement, a été
51:24 interrompue ces dix dernières années, alors que
51:26 depuis 150 ans, il y a un mouvement historique
51:28 de réduction du temps de travail. Pour autant,
51:30 nous pensons que le travail est central
51:32 à notre société, qu'il y aura toujours besoin
51:34 de travail. C'est pour ça que la CGT
51:36 était opposée aux revenus de base, par exemple.
51:38 Parce que
51:40 le travail, c'est ce qui doit permettre
51:42 à notre société d'aller mieux,
51:44 d'avoir plus de liens sociaux, de relationnels, par exemple.
51:46 - Une dernière question, Sophie Binet, pour ce grand jury.
51:48 On l'a posé cette question régulièrement
51:50 à Laurent Berger.
51:52 Est-ce que la politique vous tenterait ?
51:54 - Non, moi,
51:56 je suis secrétaire générale de la CGT depuis
51:58 un mois, donc je suis à ma tâche,
52:00 qui est très importante. Et puis,
52:02 j'ai toujours choisi, privilégié,
52:04 l'engagement syndical, parce que c'est l'engagement...
52:06 - La politique, jamais ?
52:08 - Certainement pas aujourd'hui. Après, je pense
52:10 que c'est important que...
52:12 - Vous avez milité au Parti Socialiste ?
52:14 - Oui, mais ça n'a jamais été mon engagement principal.
52:16 Je pense que c'est important qu'il y ait
52:18 des personnes qui militent politiquement,
52:20 parce qu'on a besoin, il faut faire très attention
52:22 au discours populiste sur les responsables
52:24 politiques. C'est important d'avoir
52:26 des dirigeants politiques aussi qui viennent du terrain.
52:28 Mais pour ce qui me concerne, c'est vraiment pas l'engagement
52:30 qui m'intéresse, parce que l'engagement
52:32 syndical est beaucoup plus concret,
52:34 quotidien, collectif, et c'est ça
52:36 qui me plaît, et c'est pour ça que j'appelle tous les salariés
52:38 à se syndiquer sur cgt.fr.
52:40 - Merci Sophie Binet pour ce
52:42 grand jury. Bon dimanche à tous,
52:44 à la semaine prochaine.