• il y a 2 ans
Afflux massif de réfugiés, massacres innombrables... Que se passe-t-il dans l'est du Congo depuis le printemps 1994 et le génocide des Tutsis au Rwanda ? Auteur de plusieurs ouvrages de références sur la région, Charles Onana a enquêté. Entretien.

Le magazine Marianne est en kiosques chaque jeudi et disponible en ligne.
"Le goût de la vérité n'empêche pas de prendre parti". Albert Camus
Marianne TV : https://tv.marianne.net/
Marianne.net : https://www.marianne.net/
Facebook : https://www.facebook.com/Marianne.magazine/
Twitter : https://twitter.com/MarianneleMag
Instagram : https://www.instagram.com/mariannelemag/

Category

🗞
News
Transcription
00:00 Charles Onana, bonjour. Oui, bonjour. Un habitué de Marianne. Nous nous sommes déjà vus à
00:08 plusieurs reprises. Cette fois, c'est pour un ouvrage qui risque de faire un peu de bruit
00:13 dans le landerneau, pour autant que certains confrères voudront bien en parler, ce qui
00:17 n'est pas le cas pour l'instant. Congo, Holocauste, Holocauste au Congo, c'est un titre fort.
00:25 Vous allez nous dire pourquoi un mot si chargé sur cette région du monde, sur cette région
00:32 de l'Afrique centrale. Il y a un sous-titre, la communauté internationale, l'omerta de
00:38 la communauté internationale, c'est pas une masse accusation. Et puis il y a un sous-sous-titre,
00:44 la France complice, point d'interrogation. La France complice sur cette région des Grands
00:49 Lacs. Depuis 30 ans, on l'a beaucoup entendu, mais pas du tout dans le sens qui travaille
00:56 et qui parcourt votre livre. Expliquez-nous un peu. Alors, sur le rôle de la France,
01:00 c'est très simple. C'est la première fois qu'on me voit dans le dossier des Grands
01:06 Lacs où je pointe la France, alors que dans le cas de l'opération turquoise, j'ai défendu
01:11 la position de la France. Et ça peut paraître paradoxal, mais c'est simplement objectif.
01:16 C'est ce qui montre peut-être que je suis assez objectif dans mon travail. Dans le cas
01:20 du Rwanda, du rôle de l'opération turquoise, je pense que même la commission du Kler et
01:25 les autres, ils ont arrivé à la conclusion que les militaires de l'opération turquoise
01:28 n'ont pas participé au génocide. Et il se trouve que beaucoup d'autres enquêtes
01:34 aujourd'hui attestent cela, y compris les tribunaux français. Donc, je bois du pétilet
01:40 et je me dis, c'est qu'ils m'ont mis en accusation. Ils doivent un peu raser les murs actuellement.
01:45 La deuxième chose sur le titre, c'est très simple, c'est exactement ce que vit le peuple
01:51 congolais, c'est-à-dire une extermination programmée. Quand je dis programmée, c'est
01:56 qu'elle a été préparée dès 1994. Et comment j'ai compris cela ? Ce n'est pas au Congo
02:02 que j'ai regardé. Ma lecture est partie du Rwanda, sur la façon dont l'armée patriotique
02:08 rwandaise de Kagame a occupé militairement le territoire rwandais. C'est-à-dire qu'ils
02:12 ont attaqué le pays par le nord, le nord du Rwanda. Les troupes se sont déployées
02:17 à l'est du Rwanda, ont pris les populations rwandaises, toutes les populations Hutu, Tutu,
02:25 Titois confondues, et ont mené, poussé les populations vers l'ouest du Rwanda, dans
02:33 ce qui va être la zone de l'opération turquoise. Et les populations se sont retrouvées en
02:38 train de devoir passer, soit à Bukavu, soit à Goma. C'était les deux passages pour
02:45 entrer sur le territoire congolais. Et le passage du milieu, c'était la mort dans
02:51 le lac. Et donc, quand j'ai vu cette façon de procéder, j'ai compris qu'ils avaient
02:58 fermé la frontière avec la Tanzanie, fermé la frontière avec le Burundi, et toutes les
03:03 populations étaient dirigées vers le Congo. C'est ce que j'ai appelé l'invasion masquée
03:07 du Congo. C'est-à-dire qu'ils avaient envisagé d'aller prendre possession des territoires
03:14 de l'est du Congo, exterminer les populations et s'emparer des ressources minières.
03:18 Oui, mais vous n'êtes pas sans savoir, évidemment, que certains vous diront que c'est une vision
03:22 très complotiste, diront-ils, d'une opération militaire qui, fatalement, à partir du moment
03:30 où le FPR et l'APR, sa branche militaire, engagaient le fer avec le régime Hutu, il
03:39 y avait forcément des mouvements de population inévitables, comme dans toute guerre. La
03:44 grande différence, c'est que vous dites que ces mouvements de population vers ce qu'était
03:49 à l'époque le Zahir, étaient programmés d'avance et avec un plan presque machiavélique
03:58 de chasser une partie de la population vers l'est de ce qu'est aujourd'hui la République
04:05 démocratique du Congo.
04:06 Exactement. Vous savez, je...
04:09 Mais que répondez-vous à cette idée que vous transformez ce qui est juste les conséquences
04:17 d'une opération militaire en programme pensé, réfléchi et machiavélique ?
04:22 Alors, deux choses. La première chose, c'est que beaucoup d'ONG ont dit, en 1994, que
04:31 le Congo était victime d'un dégât collatéral.
04:34 C'était le mot.
04:35 Bon, exactement. Sauf qu'en analysant tout simplement l'action militaire, le défaut
04:42 de l'analyse, ou la qualité, la principale qualité d'une analyse, c'est qu'on cherche
04:48 des éléments objectifs. Et dans ce qui relève des éléments objectifs, le FPR avait
04:53 la possibilité d'attaquer le pays à partir du nord, aussi bien à l'est qu'à l'ouest,
04:59 en allant vers le sud. Ce n'est pas exactement ce qu'ils ont fait. Et quand on sait que la
05:05 branche militaire du FPR reposait sur sa branche politique, on est obligé de se poser la question
05:10 de savoir, sur le plan militaire, quels sont les objectifs politiques poursuivis. Et dans
05:15 ces objectifs politiques, on constate tout simplement que l'invasion du Congo était
05:20 dans le schéma. Mais qu'est-ce qui va m'amener à étayer cela ? Je vais donc accéder
05:25 aux archives du Pentagone, un grand nombre de documents de la CIA, et les archives du
05:32 président Bill Clinton. C'est dans les archives américaines, c'est-à-dire ceux qui sont
05:36 à l'époque considérés comme les parrains du FPR, que je vais chercher les éléments
05:41 de compréhension. Oui, évidemment. C'est-à-dire que le président Clinton, l'administration
05:46 Clinton, c'est l'administration Clinton qui est en quelque sorte la cheville ouvrière
05:52 de cette opération politique et militaire. Et là, ils expliquent. Tout le monde a parlé
05:56 en France de l'opération turquoise, de ses défauts. Mais il y avait une opération qui
06:01 se déroule à peu près au même moment, dont aucun média n'a parlé, c'est l'opération
06:05 Support O. Qu'est-ce que signifie l'opération Support O pour les Américains ? Les Américains
06:10 disent que l'opération Support O, c'est une opération humanitaire. Or, dans l'opération
06:16 turquoise, qui était une opération humanitaire, cette opération était ouverte à toutes les
06:21 forces des pays étrangers ou des pays africains. Bon, il se trouve que les Américains ont refusé
06:30 de participer à cette opération, qui elle était sous une résolution des Nations Unies,
06:35 alors que l'opération Support O était une opération bilatérale, qui engageait uniquement
06:42 les États-Unis et pas les autres, et pas la communauté internationale, pas les Nations
06:47 Unies. Et je découvre en examinant cette opération Support O et les documents internes
06:51 du Pentagone, que l'objectif est de venir renforcer le pouvoir d'Ekigali et en même
06:58 temps de lui apporter un soutien militaire. Et je ne m'arrête pas là, c'est que je
07:03 constate que des membres du Congrès américain ont décidé d'écrire directement au président
07:08 Clinton pour lui demander des explications sur ce qui se passe avec le Congo. Et là,
07:13 le président Bill Clinton ne répond pas pendant au moins six mois.
07:16 Oui, c'est ça. On peut préciser que ce sont des membres, le vice-président de la
07:20 commission des affaires étrangères.
07:21 Le président de la commission des affaires étrangères qui écrit au président, il ne
07:25 répond pas. La seule personne à qui le président Bill Clinton va écrire, c'est Cynthia McKinney
07:31 qui était son envoyée spéciale. Il se trouve que Cynthia McKinney est une amie personnelle.
07:35 Elle m'a remis la lettre que le président Clinton lui a écrite et je la rends publique.
07:40 Et là, on constate que le président Clinton ne se justifie pas sur le fait que le Congo
07:47 est en train d'être envahi avec le soutien des militaires américains.
07:50 Et Cynthia McKinney va me dire, écoute Charles, j'ai bien constaté en écrivant à madame
07:56 Albright et au président Clinton qu'ils voulaient tout simplement dissimuler ce que
08:00 notre pays était en train de faire au Congo.
08:02 Oui, alors on vous reprochera, comme on vous l'a reproché sur des précédents ouvrages,
08:08 de faire une lecture subjective de faits bien réels. C'est-à-dire qu'effectivement, les
08:12 États-Unis sont plutôt aux côtés du FPR et de la PR, alors que la France est plutôt
08:19 du côté, au niveau de ses engagements qu'on a fortement critiqués vis-à-vis du régime
08:24 de la Barine Manin. Mais on vous reprochera d'aller trop en avant dans la lecture. Oui,
08:30 un soutien au FPR ou APR, mais est-ce que ce soutien allait jusqu'à, comme vous venez
08:37 de le dire, soutenir l'expulsion manu militari d'une partie de la population vers le Congo
08:43 et a forceri soutenir des massacres qui ont eu lieu ?
08:46 Les documents du Pentagone et de la Maison Blanche rappellent au président Clinton qu'il
08:54 y a un problème avec les réfugiés, l'afflux massif des réfugiés au Congo. Il est dit
09:00 très explicitement que les réfugiés du Congo, les réfugiés rwandais vers le Congo, sont
09:07 susceptibles de constituer une menace pour le Rwanda. C'est ça le paradoxe de la mission
09:14 humanitaire, c'est que la mission humanitaire sous Paul Hope, au lieu de contenir les Rwandais
09:21 chez eux, les laisse se réfugier au Congo. Ils disent en même temps qu'ils vont faire
09:27 une mission humanitaire au Rwanda. Or, on ne peut pas faire une mission humanitaire au
09:32 Rwanda quand les populations se trouvent déjà sur le territoire congolais. Je constate que
09:37 toutes les missions humanitaires, l'ensemble de l'opération de la mission sous Paul Hope
09:42 va se déployer à Entebbe en Ouganda. C'est là-bas qu'on va envoyer toutes les armes
09:49 américaines. Ces armes vont être rapatriées à la fin de l'opération turquoise à Kigali.
09:56 Pourquoi ? J'ai la confirmation également au sein du gouvernement du président Kagame
10:03 par le ministre de la Défense de Kagame qui m'a confirmé que les Américains...
10:07 Dont on va rappeler le nom.
10:09 Oui, monsieur le général Abiyarimana, qui me confirme que les forces spéciales américaines
10:16 et beaucoup d'agents des services de renseignement américains sont venus à Kigali pour soutenir
10:21 et former les officiers américains. Ce n'est pas tout. C'est que dans le rapport du Pentagone,
10:29 la lettre qui a été écrite par monsieur William Perry, le secrétaire d'État à la
10:34 Défense à Paul Kagame que j'ai pu obtenir, il confirma à Paul Kagame qu'il lui apporte
10:39 le soutien militaire, il lui apporte tous les éléments qu'il faut pour former ces
10:43 gens à la lutte insurrectionnelle. Alors, quel est l'objet de pouvoir préparer une
10:49 guerre insurrectionnelle si le Rwanda a remporté la victoire contre les Hutus et que Paul Kagame
10:56 et le FPR ont pris le pouvoir à Kigali ? Donc, il est évident, j'ai posé la question
11:01 aux militaires qui, eux, m'ont confirmé que pour réussir à renverser, parce que
11:06 ce sont les troupes de Kagame qui vont venir en 97 pour renverser le président Mobutu.
11:11 Comment, pour réussir une telle opération, combien de temps faut-il ? Alors, tous les
11:15 officiers que j'ai interrogés me disent, il faut au minimum deux ans. Et deux ans est
11:19 exactement la date qui correspond à la préparation en 1994 et au renversement de Mobutu en 97.
11:26 Voilà les faits.
11:27 Parlons pour cette question naïve, mais quel est le but poursuivi à ce moment-là par
11:32 les Américains à travers ces différents éléments que vous donnez ?
11:35 Ben écoutez, je retrouve encore une fois de plus…
11:39 Et là, vous savez bien qu'on va vous dire que vous êtes complotiste à l'égard des
11:41 États-Unis.
11:42 Je m'en moque éperdument parce que moi, je ne suis pas anti-américain. J'analyse,
11:46 je suis un politologue, j'analyse, je fais de la science. Donc, j'examine les documents,
11:53 je confronte ces documents avec les faits et je les croise avec d'autres sources et
11:57 j'arrive aux conclusions qui me paraissent implacables. Donc, là, encore une fois de
12:02 plus, je constate que le sous-secrétaire d'État américain chargé des Affaires
12:07 économiques, M. Ron Brown, il disait qu'il avait fait un discours à Dakar en 1993, disant
12:12 que les anciennes puissances coloniales ne vont plus avoir le monopole des matières
12:18 premières en Afrique. Bon, je prends ça comme indice. Et je me rends compte en 1994,
12:23 au moment où les membres du Congrès font des auditions sur la situation du Congo, tous
12:30 les hauts responsables américains disent que le Congo est un pays qui est bourré de
12:36 matières premières, notamment le coltan.
12:39 80% des réserves mondiales dans le Nord-Sibou ?
12:43 Absolument. Le cobalt, 70% de la production mondiale, c'est-à-dire que le Congo est
12:48 aujourd'hui le plus grand réservoir de cobalt qui est utilisé à la fois dans les produits
12:56 de haute technologie et de la sécurité et de la défense, mais aussi sur la transition
13:00 énergétique, c'est-à-dire les voitures électriques que nous allons utiliser en Europe, etc. sont
13:05 produits par les batteries qui viennent du Congo. Le cobalt vient du Congo. Et donc,
13:15 quand vous voyez tous ces éléments réunis, vous vous dites pourquoi ? Parce que je me
13:19 suis posé, je me pose toujours des questions simples. Quel est l'intérêt pour les États-Unis
13:24 d'aller dépenser autant d'argent, plus de 150 millions de dollars pour la mobilisation
13:31 de l'opération Support Hope au Rwanda, alors qu'il n'y a plus le génocide, le Rwanda
13:36 est terminé ?
13:37 Terminé. Nous sommes à la fin de juillet. Bon, quel est l'intérêt de dépenser autant
13:43 d'argent ? Pour quel intérêt ? Le Rwanda est un petit pays pauvre, enclavé, sans ressources.
13:48 Eh bien, on retrouve également que c'est à la frontière avec le Congo que ça se
13:55 passe. Et puis j'ai regardé…
13:56 On peut dire, pardon je vous coupe, objectif, stabiliser un régime démocratique et anti-ethniciste.
14:04 C'est bien de s'installer.
14:05 Oui, ils l'ont dit. Oui, vous avez raison, c'est écrit effectivement dans les rapports
14:09 de la CIA et dans les rapports des membres de Support Hope qui disent qu'il faut effectivement
14:15 stabiliser le Rwanda. Or, ce n'était pas la lettre de la mission du président Clinton
14:21 aux membres du Congrès. Il ne leur a pas dit qu'on allait stabiliser les forces de
14:26 Kagame, il leur a dit qu'on envoie des troupes pour une mission humanitaire au Rwanda. Et
14:31 c'est d'ailleurs pour cette raison que les membres du Congrès ont demandé et ont
14:34 écrit au président pour lui dire "mais attendez, on ne comprend pas très bien ce
14:37 qui se passe avec le Congo". Et ce qui est beaucoup plus grave dans cette opération,
14:41 c'est que je découvre dans les archives du président Clinton qu'ils reconnaissent
14:48 eux-mêmes que ce qui se passe au Rwanda c'est une discrimination grave entre les
14:54 populations minoritaires et majoritaires par le régime, que ce régime commet des choses,
15:02 des atrocités, mais que pour les intérêts des Etats-Unis, il est important de s'attaquer
15:11 aux populations, aux réfugiés qui sont à l'est du Congo. Sauf que ces populations
15:18 de réfugiés...
15:19 Aux réfugiés génocidaires.
15:20 Génocidaires.
15:21 Oui, il n'est pas dit aux réfugiés, il est dit aux réfugiés génocidaires.
15:26 Aux réfugiés génocidaires. Le problème c'est que dans ce terme générique des réfugiés
15:29 génocidaires, on a des bébés, on a des femmes enceintes, on a des vieillards. Est-ce
15:35 que des bébés ont planifié ou organisé un génocide au Rwanda ? C'est une vraie
15:38 question. Et le président Mobutu qui demande à ce moment-là que tous les Rwandais retournent
15:46 chez eux parce que le Zaïre a épuisé sa capacité d'accueil, c'est des millions
15:53 de personnes qui sont sur le territoire. Eh bien le président Mobutu n'est pas écouté
15:58 par l'administration américaine qui le balade pendant deux ans. Et au terme de ces
16:03 deux ans, Cynthia McKinney, qui était donc l'envoyée spéciale de Clinton, me dit
16:07 quand je vais faire ma mission avec mon collègue Bill Richardson, l'objectif du président
16:14 Clinton, ce qui nous avait été demandé par le président Clinton, c'était de demander
16:17 à Mobutu de quitter le pouvoir. Et je retrouve cette déclaration dans les archives de l'Élysée
16:26 où effectivement les États-Unis ont fait pression dès 1993 sur le président Mitterrand
16:31 et sur les autorités belges pour les aider à faire partir le président Mobutu.
16:35 Alors évidemment, on pourrait vous objecter que Mobutu, lui, il avait épuisé son pays
16:40 à bien des égards, mais ce qui n'enlève rien par ailleurs aux stratégies des uns
16:45 ou des autres. Quand est-ce qu'ont commencé, selon vous, les massacres de population dans
16:51 l'Est du Zaïre, aujourd'hui la RDC ? Vous parlez de low cost, low cost ça suppose
16:58 des massacres de masse à très très grande échelle. Est-ce que vous, alors les chiffres
17:05 ne disent rien, enfin ils sont juste un repère, ils ne disent pas l'histoire bien sûr dans
17:10 sa complexité, mais est-ce qu'il y a un chiffre qu'on peut retenir ? Et qui a tué
17:15 qui dans l'Est du, pendant les 30 ans qui viennent de s'écouler, on va dire à partir
17:19 de 1994, qui a tué qui dans l'Est du Congo ?
17:23 Alors, il y a les forces venant du Rwanda, de Paul Kagame, dont les Tutis qui étaient
17:31 l'armée, qui constituaient l'ossature de l'armée de Paul Kagame, l'armée de Uyuheri
17:38 Museveni, l'Ouganda, et puis des éléments qu'on a considérés comme les rebelles Banyamulengues
17:46 dont les Tutis du Congo.
17:47 Il faut préciser voilà ce que c'était Banyamulengues.
17:49 Bon, ce sont les Tutis du Congo, ces gens qui disaient être victimes de discrimination
17:54 se sont retrouvés en train d'occuper des postes de responsabilité au plus haut niveau
17:57 dans le pays.
17:58 Et à l'époque, en 1997, quand ils sont arrivés au pouvoir, qui est devenu le chef
18:03 d'état-major de l'armée congolaise ? James Kabarebe, qui est devenu par la suite,
18:07 qui était le bras droit de Paul Kagame, qui est devenu chef d'état-major de l'armée
18:12 rwandaise et puis ministre de la Défense.
18:14 Alors, quand on voit un tel cirque, c'est-à-dire qu'il n'y a aucun Congolais qui est rentré
18:19 au Rwanda pour devenir officier dans l'armée rwandaise.
18:22 Mais là, on a eu plusieurs officiers Tutis rwandais qui sont devenus des très hauts
18:27 responsables dans l'armée congolaise.
18:29 Et je publie d'ailleurs dans le livre le rapport de l'Agence nationale des services
18:35 d'enseignement congolais qui a écrit à la MONUC, la mission des nations unies au Congo,
18:43 pour leur dire voilà la liste des gens qui ne sont pas susceptibles d'être intégrés
18:49 dans l'armée congolaise, mais qui figuraient déjà dans cette armée, c'est-à-dire des
18:52 Tutis venus du Rwanda et qui ont été installés par Paul Kagame et par James Kabarebe.
18:57 Oui, c'est peut-être, on va dire techniquement un peu compliqué pour les gens qui ne connaissent
19:03 pas dans le détail cette histoire, mais c'est un épisode important.
19:07 Voilà, c'est un peu…
19:09 Pour reprendre un terme un peu controversé aujourd'hui de remplacement de population.
19:14 C'est comme si, écoutez, vous voyez les populations de l'Alsace-Lorraine sont complètement
19:22 chassées de leur territoire et occupées intégralement par les populations allemandes.
19:26 Et là, je pense que ça explique aux Français ce que ça veut dire.
19:30 C'est-à-dire, et là, en disant tout simplement que l'Alsace-Lorraine est un territoire
19:34 qui appartient aux Allemands.
19:36 Et c'est exactement…
19:38 Et on peut ajouter un élément pour mettre un peu de piment dans l'histoire.
19:42 C'est comme si l'Alsace-Lorraine était bourrée de richesses minières, etc.
19:47 Et du jour au lendemain, toutes les populations de l'Alsace-Lorraine sont complètement chassées.
19:52 Mais encore une fois, c'est la lecture politique et historique que vous faites de ces événements.
19:57 C'est-à-dire que vous pensez qu'il y a un projet politique très ancien, enfin très ancien,
20:02 qui s'est nourri lors de l'exil des futurs haut-cadres du FPR en Ouganda,
20:09 et qui était à terme de récupérer une partie de l'Est du Zahir.
20:17 Ce que, d'une certaine manière, peut-être, je dis ça avec beaucoup de précaution,
20:23 Paul Kagame vient très récemment de reconnaître en disant que,
20:28 somme toute, le tracé des frontières par les puissances coloniales et impérialistes
20:34 s'était fait au détriment du Rwanda.
20:37 – Alors, je me suis retrouvé sur ce point précis, je vais vous surprendre.
20:40 Je me suis retrouvé il y a plusieurs années de ça,
20:44 à l'hôpital Cochin, dans le bureau à l'hôpital Cochin,
20:47 reçu par le professeur Bernard Debré, qui était ministre de la coopération.
20:51 Et il m'avait expliqué que... – Pas très loin d'ici.
20:53 – Oui, que les Tutsis du Rwanda et du Burundi avaient un grand projet impérialiste
21:01 dans la sous-région et que ce projet était très sérieux d'occuper le Congo
21:05 et beaucoup de pays en Afrique centrale.
21:08 Je trouvais cela tellement ubuesque,
21:11 même si j'avais beaucoup de respect pour le professeur Debré,
21:14 je me suis dit "c'est impossible, c'est quelque chose qui est infaisable".
21:17 Et je n'ai jamais pris cette histoire au sérieux.
21:20 Jusqu'à ce que le professeur Debré publie son livre "Le retour du Moamie"
21:24 en donnant beaucoup de détails.
21:26 Et ensuite, je vais avoir beaucoup de gens qui vont me faire des confidences sur cette affaire.
21:30 Et ce qui va être pour moi un déclic,
21:33 c'est lorsque je découvre dans les rapports de l'Élysée
21:36 les déclarations qui sont faites par le général Keno,
21:41 qui, au cours de deux réunions restreintes, fait état du même projet.
21:47 Mais le plus important, c'est que dans les archives du président Clinton,
21:52 je découvre un rapport qui est fait par l'ambassade des États-Unis à Kigali, au Rwanda,
21:59 qui parle exactement de ce projet et qui explique effectivement
22:03 que l'objectif d'un certain nombre de Tutsis était le contrôle de la totalité de leur pays au Rwanda
22:10 en expulsant leurs compatriotes Hutus et Toa.
22:13 Les Américains étaient parfaitement au courant de cela.
22:16 Ils ont laissé faire, mais qu'ils envisageaient aussi probablement de s'occuper d'autres pays.
22:22 Et on a vu récemment que Paul Kagame a acheté 12 km de terre au Congo-Brazzaville
22:29 et que ses troupes ont quasiment pris position en République centrafricaine.
22:34 Donc la France qui était décriée par Paul Kagame à l'époque
22:38 a remplacé la France en République centrafricaine.
22:41 Allez comprendre quelque chose.
22:42 Donc quand on voit ce schéma qui, on peut dire que bon,
22:47 M. Nana, il a découvert des documents, etc.
22:49 Mais sauf que la réalité, la coïncidence est troublante avec la réalité.
22:53 Quand vous voyez les troupes de Kagame en République centrafricaine,
22:56 en République démocratique du Congo et au Congo-Brazzaville,
23:01 on est quand même obligé de se poser des questions.
23:03 Pourquoi se sous-titre la France complice et qui n'est donc pas la France complice du génocide ?
23:08 - Le génocide rwandais. - Comme ça fait en crue.
23:12 - Un certain nombre de médias et d'universitaires ne cessent de l'affirmer depuis des années.
23:18 - De l'affirmer par paresse intellectuelle, je dois d'ailleurs ajouter une fois.
23:20 - Ou par conviction. - Oui, peut-être par conviction.
23:23 Mais on ne fait pas la science avec simplement des convictions.
23:26 Il faut faire des recherches.
23:27 Et je découvre par exemple que les Américains avaient fait un travail de recherche
23:33 sur le rôle de la France dans cette affaire-là
23:35 parce qu'on disait que la France livrait des armes par exemple.
23:38 Et j'ai découvert dans les archives du président Clinton un rapport de George Moose
23:43 qui était à l'époque le sous-secrétaire d'État américain chargé des affaires africaines,
23:47 qui expliquait que tous les services de renseignement américains, CIA, NSA, DIA,
23:54 le service de renseignement militaire, avaient fait des recherches sur cette question.
23:57 Ils n'ont jamais trouvé la moindre preuve que la France avait livré les armes.
24:02 Or les Américains étaient les adversaires de la France dans cette bataille géopolitique au Rwanda.
24:07 - Oui, il y a même eu d'ailleurs une information judiciaire en France
24:10 sur l'intervention de certaines banques qui auraient facilité ces achats etc.
24:15 Tout ça n'a jamais abouti.
24:16 - Bon voilà, on nous a même dit à un moment donné qu'on allait déposer des plaintes.
24:19 On n'a pas vu ces plaintes prospérer.
24:21 Alors j'en viens donc à la complicité de la France.
24:25 Alors là une fois de plus, c'est au Congo qu'il faut aller chercher le rôle de la France.
24:30 Ce n'est pas au Rwanda.
24:31 Bon, au Rwanda, on peut continuer à faire la propagande si on veut,
24:35 ça c'est leur problème, moi je parle des faits, des données etc.
24:38 Au Congo, je découvre par exemple que le président Nicolas Sarkozy
24:42 déclare lors d'une réunion des ambassadeurs en 2010
24:45 que les Congolais devaient partager leurs richesses avec le Rwanda.
24:51 Alors, ça provoque un tollé chez les Congolais
24:54 qui se demandent si les Français seraient heureux de partager les richesses
24:58 avec la Belgique ou avec l'Allemagne.
25:01 Pourquoi demander aux Congolais sur leur territoire
25:04 de partager leurs richesses avec le Rwanda ?
25:06 Et je découvre également que lorsque l'enquête du juge Bruguer
25:11 est lancée à Paris, c'est sous le président Sarkozy,
25:15 et ce n'est pas moi qui le dis, c'est Bernard Kouchner qui l'a dit publiquement,
25:19 que M. Kagame les avait appelés et il a demandé de faire tout
25:24 pour que l'enquête du juge Bruguer ne prospère pas.
25:27 Et on a vu, ce qui est quand même assez rare en France,
25:30 on a vu, tous les spécialistes étaient bouchbés de voir qu'une enquête
25:35 qui avait abouti au terme de l'instruction du juge Bruguer
25:38 au lancement de neuf mandats d'arrêt internationaux contre les proches de Kagame,
25:42 s'est retrouvée par un non-lieu, a été conclue par un non-lieu.
25:46 – Elle a été conclue bien des années après.
25:50 – Oui, tout à fait.
25:51 – Et après plusieurs autres juges.
25:52 – Et après plusieurs autres juges, puisque les juges espagnols
25:55 qui n'avaient rien à voir avec la région,
25:59 les espagnols ne sont pas mêlés dans les histoires coloniales
26:02 avec la région des Grands Lacs.
26:03 Le juge espagnol était arrivé à la même conclusion que le juge Bruguer,
26:08 et bien son enquête a été également sabotée puisque les dirigeants britanniques
26:11 ont fait pression et les diplomates américains ont fait d'énormes pressions
26:15 sur les britanniques pour que cette enquête ne voit pas le jour.
26:18 Et l'enquête de l'attentat du 6 avril a été ainsi enterrée sous le président Sarkozy.
26:23 Je découvre encore autre chose, c'est que le président Sarkozy,
26:26 après toutes les accusations qui ont été portées contre la France
26:31 et aussi contre les militaires français, lui, chef des armées,
26:34 n'a jamais demandé des comptes sur les gendarmes français
26:38 qui avaient été tués au Rwanda en 1994.
26:40 Ce qui était quand même le minimum de gendarmes français.
26:44 C'était quand même le minimum quand vous êtes chef des armées
26:46 et que vous êtes président des français.
26:47 – Alors un certain journal, dont on ne va pas prononcer le nom ici,
26:51 avait soutenu dans une grande enquête que
26:54 ils auraient peut-être été victimes d'un règlement de comptes
26:57 au sein même de l'armée française.
26:58 – Mais alors, on nous apporte des éléments de preuve pour éteiller les choses.
27:02 – Il n'y en avait pas.
27:02 – Bon alors, il n'y a pas, enfin, moi je dis,
27:05 quand un journaliste dit qu'il fait des enquêtes,
27:08 bon, il apporte des éléments de preuve, il ne se contente pas d'affirmations vagues.
27:13 Donc, alors, je découvre que le président Sarkozy,
27:15 il allait au Rwanda demander pardon.
27:21 – Mais de manière assumée.
27:22 – Oui, de manière assumée.
27:23 – C'est un choix de politique étrangère assumé publiquement.
27:26 – Mais sauf que le même Sarkozy, en 1994,
27:28 disait tout le contraire lorsqu'il était porte-parole du gouvernement M'a-la-Dure.
27:32 Donc, on ne sait plus trop bien, moi en tout cas…
27:34 – Vous n'êtes pas le seul qui a pu constater,
27:36 dans beaucoup de domaines, des évolutions de Nicolas Sarkozy.
27:39 – Bon, je ne sais pas si c'est une évolution ou une régression,
27:41 mais j'ai constaté qu'il y avait le même Sarkozy
27:45 qui disait des choses tout à fait contradictoires,
27:48 et je ne sais pas lequel dit la vérité.
27:50 Est-ce que c'est le Sarkozy de 1994,
27:52 ou le Sarkozy qui est devenu président de la République,
27:54 qui est devenu un passionné du Rwanda ?
27:57 Mais j'ai quand même beaucoup de mal à imaginer
27:59 que le président Sarkozy aime plus les tutti du Rwanda que les Français,
28:03 parce qu'il est président français.
28:05 Donc, je découvre dans ce jeu un peu sombre
28:10 que le président Sarkozy a des préoccupations au Rwanda régulières.
28:18 Il va fêter ses 66 ans à Kigali,
28:21 bon, pays réputé depuis 1994 quand même par ses atrocités.
28:25 Bon, je sais bien qu'il y a des collines là-bas,
28:27 mais dans toutes ces collines, on a tué des gens.
28:29 Donc, il y a quand même beaucoup d'endroits en Afrique
28:32 où le président Sarkozy aurait pu passer ses vacances.
28:34 Mais j'étais quand même troublé de voir qu'il va passer ses 66 ans là-bas.
28:39 Mais ce n'est pas tout, c'est que lorsque le président Macron arrive,
28:43 on découvre qu'effectivement, une Rwandaise qui était ministre,
28:47 qui était ministre de Pôle Kagame, ministre des Affaires étrangères de Pôle Kagame.
28:50 – Et pas la plus tendre. – Qui a été, mais…
28:54 – Pas la plus tendre avec la France notamment.
28:56 – Les critiques les plus acerbes, les plus violentes
28:58 et les plus virulentes contre la France,
29:00 est devenue la secrétaire générale de la francophonie.
29:03 Alors que le Rwanda a quitté la francophonie et a…
29:07 – Et a anglicisé la quasi-totalité de son système éducatif.
29:11 – A rabroué la langue française et a rejoint le Commonwealth,
29:14 mais au grand étonnement des dirigeants francophones d'Afrique
29:18 qui se demandaient comment la France peut aller mettre son centre de gravité
29:24 sur la francophonie, au Rwanda, le pays qui méprise le plus les Français.
29:28 Alors l'explication ne peut pas être une explication politique d'intérêt général,
29:33 l'explication ne peut être que des intérêts particuliers.
29:37 Donc j'ai constaté que dans cette mécanique où on soutient constamment
29:45 Paul Kagame avec, sur la ligne des États-Unis,
29:48 sur la ligne des États-Unis et des Britanniques,
29:50 la France au lieu d'afficher son indépendance ou sa position autonome,
29:55 s'est alignée sur la position anglo-saxonne depuis Sarkozy.
29:58 – Oui mais ça peut être des choix politiques que vous pouvez contester
30:01 en disant qu'ils sont… – On peut les comprendre.
30:03 – Inefficaces, mais pourquoi ça ne serait pas des choix politiques ?
30:06 – Dans le cas du président Macron, on voit bien lors de son dernier voyage en RDC,
30:13 son hésitation à condamner les actions du M23,
30:16 on va en parler pour d'ailleurs conclure notre entretien du M23,
30:19 c'est un choix politique, il joue une certaine parité avec le Rwanda,
30:26 et d'ailleurs le Rwanda est à nos… vous l'avez évoqué vous-même,
30:29 les militaires rwandais sont en Centrafrique face aux Russes,
30:33 sont au Congo-Brasa et sont en protection du site de Total au Mozambique.
30:39 C'est des choix politiques, on peut dire qu'ils sont immoraux,
30:43 inefficaces, cyniques, mais c'est des choix politiques.
30:47 – Tout à fait, je les comprends et d'ailleurs moi je ne les critique pas les choix politiques,
30:50 je cherche à comprendre la cohérence politique de ces choix.
30:54 Je constate par exemple que le président Macron lorsqu'il est allé à Kinshasa,
30:59 il y a eu une altercation entre lui et le président Tshisekedi,
31:03 qui est quand même… ce genre d'altercation n'a pas eu lieu depuis de très nombreuses années
31:09 en Afrique entre un président africain et un président français.
31:13 Donc tout le monde était surpris parce que le président Macron a tenté de sermonner
31:21 ou de reprimander le président Tshisekedi qui ne l'a pas du tout apprécié.
31:25 Mais je me rends compte que quand le président Macron va à Kigali,
31:29 il ne sermonne pas et ne critique pas le Rwanda.
31:32 Donc pour les Congolais il se pose des questions
31:34 et pour beaucoup de Français on se pose également des questions.
31:36 Donc qu'est-ce qui peut justifier qu'un pays, un grand,
31:40 le plus vaste pays francophone d'Afrique,
31:42 donc si on se situe simplement sur le plan de la francophonie,
31:46 on va sermonner un président qui n'a jamais attaqué la France,
31:50 le président Tshisekedi n'a jamais critiqué la France, n'a jamais attaqué la France,
31:54 mais le président qui a toujours quasiment malmené la France dans les médias français,
32:00 il est célébré et il n'y a rien, il est constamment caressé dans le sens du poil.
32:07 Et ça pour beaucoup de gens, on cherche à comprendre quelle est la cohérence politique
32:11 et quelles sont les répercussions de la coopération entre la France et le Rwanda sur la France.
32:16 On ne les voit pas.
32:17 Donc clairement on peut penser, effectivement,
32:21 c'est le seul point sur lequel j'avance avec beaucoup de prudence,
32:25 on peut penser qu'il ne s'agit pas là de la défense des intérêts collectifs,
32:30 des intérêts, ce qu'on peut appeler l'intérêt général de la France ou de l'Afrique.
32:34 Dans ce rapport-là, ce sont des personnes qui ont des affinités entre eux,
32:41 ce qui n'est d'ailleurs pas interdit d'avoir des affinités,
32:44 sauf que dans une politique internationale, dans les rapports entre l'Afrique et la France,
32:49 surtout dans le contexte actuel, ce genre d'affinités pose question
32:52 et les gens observent ça avec beaucoup d'attention.
32:55 Pour conclure, pendant longtemps, les Congolais, les élites congolaises,
33:02 les partis congolais, qu'ils soient au pouvoir ou dans l'opposition,
33:06 la population congolaise elle-même, dans son immense diversité,
33:10 a pu donner l'impression d'être, par rapport à ce que vous,
33:13 vous considérez comme une politique d'occupation impérialiste
33:19 d'une partie de son territoire, de pillage de ses ressources,
33:22 donc ces différents acteurs ont pu donner l'impression d'être un peu passifs.
33:26 Est-ce que vous pensez qu'il y a aujourd'hui, ce que certains semblent croire,
33:32 un réveil de la RDC par rapport à son voisin, on va dire son voisin "agressif",
33:42 un peu encombrant, envahissant.
33:46 Est-ce qu'on assiste aujourd'hui à un réveil de la RDC par rapport à tout ça
33:51 et comment voyez-vous l'avenir, non pas très lointain, mais immédiat ?
33:55 Alors, je pense qu'effectivement, les Congolais ont pré-conscience
33:59 que le président Chisekedi, lorsqu'il est arrivé au pouvoir,
34:03 il a tendu la main à son voisin, il croyait pouvoir faire la paix avec lui.
34:08 On a constamment demandé aux Congolais de signer des accords de paix avec le Rwanda.
34:14 Le Congo a signé tous ses accords de paix,
34:17 mais aucun de ces accords de paix n'a été respecté par le Rwanda,
34:20 ce qui est quand même troublant lorsque vous n'avez pas,
34:22 vous n'êtes pas conquérant, vous n'avez pas une politique d'hégémonie vis-à-vis de votre voisin.
34:26 Donc vous ne pouvez pas exiger la paix, on crée les conditions pour signer la paix
34:31 et jamais vous respectez les accords de paix.
34:33 Ce qui était déjà d'ailleurs le cas de l'attitude du Rwanda
34:36 au moment de sa conquête du pouvoir au Rwanda.
34:39 Tous les accords de paix, notamment les accords d'Arusha,
34:41 n'ont jamais été respectés par le FPR.
34:43 Donc ce n'est pas une nouveauté pour le FPR, pour Kagame,
34:45 de ne pas respecter les accords de paix.
34:47 Donc là, on se rend compte que les hauts niveaux, en tout cas des intellectuels
34:53 et aussi de la classe politique, il y a des gens qui ont pris conscience
34:57 qu'ils ne peuvent pas compter ni sur la France, ni sur l'Europe,
35:01 ni en tout cas sur l'Occident.
35:03 Et ils se sont dit que si on ne se bat pas tout seul aujourd'hui,
35:08 on risque de perdre définitivement notre pays.
35:11 Pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui, il n'y a pas que l'affaire du Rwanda
35:15 avec les velléités rwandaises d'envahir.
35:20 Il y a tous les multinationales, mais il y a aussi la Chine
35:23 qui est très présente là-bas.
35:24 Il y a la Russie qui est en République centrafricaine,
35:28 qui observe avec beaucoup d'intérêt ce qui se passe en RDC.
35:32 Donc on est au cœur d'un affrontement géopolitique extrêmement dangereux
35:39 pour la stabilité de la RDC.
35:42 Et si les Congolais ne prennent pas le taureau par les cornes,
35:47 ils peuvent facilement perdre leur pays.
35:49 – Vous voulez dire que leur pays sera dépecé ?
35:51 – Il sera dépecé.
35:52 – Soit par des acteurs économiques internationaux sans contrôle,
35:55 soit par différents acteurs nationaux.
35:58 – Ou sous-régionaux.
35:59 – Ou sous-régionaux, oui, bien sûr.
36:00 – Ou tous ensemble.
36:03 Donc on est dans une configuration où le danger,
36:06 et ce qui correspond à ce que M. Bernard Debray m'avait dit,
36:09 c'est-à-dire qu'il y avait des gens qui avaient un projet
36:13 de balkanisation du Congo qui était sérieux.
36:15 Et plusieurs années, le professeur Debray est aujourd'hui décédé,
36:19 mais on se rend compte dans les faits que ce qu'il avait dit
36:22 est en train de se réaliser.
36:24 Et beaucoup de personnes qui avaient envisagé cette hypothèse-là
36:28 sont obligées de constater que ça devient une réalité sur le terrain.
36:33 Ce qui, moi, me pose des questions, pas seulement à moi,
36:36 mais à beaucoup de Congolais, c'est qu'ils sont quand même
36:39 à plus de 10 millions de morts aujourd'hui dans ce pays.
36:42 – C'était la question que je vous posais initialement,
36:44 sur est-ce qu'on peut chiffrer à peu près le…
36:47 – Mais toutes les organisations internationales,
36:50 je les mets au défi de nous donner aujourd'hui
36:53 le nombre précis des victimes du Congo.
36:55 Toutes les organisations internationales ont déserté le Congo.
36:59 Parce que si on s'assoit pour faire la comptabilité macabre
37:03 des victimes du Congo, je pense que ce sera,
37:06 comme dit le ministre de la Défense Charles Mignon dans la préface,
37:11 ce sera une honte pour le monde démocratique,
37:15 pour les pays démocratiques, de dire qu'on a laissé
37:18 ou on encourage ce massacre de millions de gens au Congo,
37:23 c'est quelque chose d'extrêmement grave.
37:25 – Ces morts-là, on en gênait moins que d'autres.
37:28 – Exactement, vous résumez bien la situation.
37:31 – Merci Charles Onana. – Merci.
37:33 [Musique]

Recommandations