En proposant jeudi à la Corse "une autonomie dans la République", Emmanuel Macron risque de doper les revendications territoriales... et de se heurter à une impasse politique.
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00:00 Autonomie de la Corse, le périlleux chemin tracé par Emmanuel Macron.
00:09 Oui, car le président de la République vient d'effectuer un quatrième déplacement en
00:14 Corse depuis qu'il est à l'Elysée.
00:16 Et il a prononcé un discours qui sera peut-être historique devant l'Assemblée de Corse.
00:23 Écoutez cet extrait.
00:24 Pour répondre aux besoins de reconnaissance, éviter de nouvelles confrontations, allons
00:30 au-delà des totems pour les uns, des tabous pour les autres.
00:33 Au fond, ayons l'audace de bâtir une autonomie à la Corse dans la République.
00:42 Oui, Emmanuel Macron a prononcé le mot d'autonomie.
00:45 Il veut proposer l'autonomie et différentes modalités de cette autonomie aux élus corses
00:51 et trouver un accord.
00:52 Alors, avant d'expliciter cela, revenons un peu en arrière.
00:56 Puisque le processus entre l'État et la Corse était encalminé pendant le premier
01:02 mandat d'Emmanuel Macron.
01:03 Et il y a eu un déclic qui n'avait pas grand-chose à voir en réalité avec la politique.
01:08 C'était la mort d'Ivan Kolona en mars 2022.
01:11 Il a été condamné à la perpétuité pour l'assassinat du préfet Erignac.
01:15 Il a été tué pendant la campagne présidentielle de 2022 en prison par un islamiste.
01:21 Et ça a déclenché une vague de violences qui ont agité l'île et remué l'État
01:27 et Emmanuel Macron.
01:28 À ce moment-là, le ministre de l'Intérieur, qui était déjà à Place Beauvau, à l'époque
01:32 Gérald Darmanin, avait réagi en lâchant du lest et en disant que le gouvernement
01:37 "prêt à aller jusqu'à l'autonomie de la Corse", je cite, sans vraiment donner
01:41 un contenu à ce fameux mot d'autonomie qui était donc au cœur de cette visite
01:46 du président en Corse.
01:47 Alors la suite du processus cette année, c'est qu'en juillet, l'Assemblée de
01:53 Corse, qui est l'organe législatif de l'île, a adopté une résolution qui allait
01:58 très très loin dans la revendication de pouvoir autonome de la Corse.
02:03 En clair, l'Assemblée de Corse revendiquait un pouvoir législatif dans quasiment tous
02:07 les domaines, à l'exception du régalien, et elle est donc très loin, pas jusqu'à
02:11 la demande d'indépendance, mais dans la demande d'une très forte autonomie.
02:14 Emmanuel Macron a accédé à une partie de ces demandes dans son discours, y compris
02:20 sur le plan symbolique, en proposant d'inscrire la Corse dans la Constitution et en proposant
02:26 également des aménagements pour que les leviers de commande se situent plus en Corse
02:31 qu'ils ne le sont actuellement, et donc aller vers cette fameuse autonomie.
02:35 En faisant ça, le président de la République rouvre une boîte de pandore, le fameux tiraillement
02:41 entre l'État jacobin et des territoires de plus en plus tentés de demander justement
02:48 une autonomie.
02:49 Déjà, dans le cas de la Corse, le risque pour l'État, c'est de payer toujours
02:54 autant, d'avoir des moyens qui partent en Corse, sans conserver les leviers de commande.
03:00 En clair, de faire une dévolution de pouvoir et de compétences vers l'île, mais en
03:07 payant toujours derrière pour la mise en œuvre des compétences précises.
03:11 Ça ouvre aussi la porte à d'autres revendications.
03:14 Coïncidence, ce jeudi, le même jour que le discours d'Emmanuel Macron en Corse,
03:19 Elisabeth Borne était en Bretagne pour le congrès des régions de France, et le président
03:23 du conseil régional de Bretagne lui a remis un rapport demandant, devinez quoi, plus
03:28 d'autonomie de la Bretagne, au nom, je cite, de la spécificité régionale bretonne.
03:33 On voit donc qu'il y a des tiraillements dans la République, ou des territoires, dotés
03:39 d'une identité forte et revendiquée comme telle, vont aller à Paris demander qu'on
03:44 leur donne plus de leviers de commande.
03:46 La Corse n'est pas la seule en question.
03:48 Maintenant, parlons du cheminement politique qui va s'annoncer.
03:52 Parce qu'on n'en est pas à l'inscription de la Corse dans la Constitution, le chemin
03:56 s'annonce plein d'obstacles.
03:58 D'abord, Emmanuel Macron a demandé aux forces politiques corses de s'accorder sur
04:04 ce qu'elles veulent comme texte de révision constitutionnelle.
04:07 Or, les forces politiques corses, celles qui sont présentes à l'Assemblée de Corse,
04:11 sont très divisées.
04:13 Il y a des indépendantistes, il y a des nationalistes qui sont plutôt sur le chemin de l'autonomie,
04:19 c'est ce qu'ils revendiquent, et puis il y a une opposition plutôt marquée à droite
04:24 qui n'est pas d'accord avec la plupart des revendications des nationalistes et le
04:28 fait savoir, c'est dire si un accord entre ces forces antagonistes sera difficile à
04:33 trouver.
04:34 Et puis la deuxième étape dont a parlé le Président, c'était d'engager une réforme
04:38 constitutionnelle, notamment donc pour inscrire précisément le mot de Corse dans la Constitution.
04:44 Or, il y a déjà eu une tentative pour cela.
04:46 En 2018, une réforme constitutionnelle prévoyait précisément l'inscription de la Corse
04:51 dans la Constitution et elle avait capoté à l'étable du Sénat avec la fameuse affaire
04:57 Benalla.
04:58 On retombe en fait sur un sujet sur lequel Emmanuel Macron bute depuis qu'il est au
05:02 pouvoir, l'accord introublable avec la droite pour s'accorder sur une révision de la
05:08 Constitution.
05:09 C'est pour ça qu'il n'a jamais réussi à réviser le texte fondamental depuis qu'il
05:12 est à l'Élysée.
05:13 Aujourd'hui, il est face à un double obstacle, il a besoin de l'accord de la droite corse
05:18 et de la droite nationale.
05:20 On en est loin.
05:21 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
05:24 [SILENCE]