Augustin Trapenard a rencontré Adèle Exarchopoulos

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L'ado qu'elle était, Adèle Haenel, ses Disney préférés...
Augustin Trapenard a rencontré Adèle Exarchopoulos, à l'affiche de deux films au Festival de Cannes, "Le règne animal" de Thomas Cailley et "Élémentaire", le dernier Pixar. #Cannes2023
Transcript
00:00 -Je me rappelle être allée à une soirée,
00:02 parce que je dormais chez Léa à l'époque.
00:04 Léa s'est doutée sur le tournage de "La vie d'Adèle".
00:06 On rentrait, j'avais pas mes clés, donc je dors chez elle.
00:08 Elle me dit par contre "Ma chérie, il faut que je passe à un anniversaire".
00:11 Et je vais à cet anniversaire,
00:12 et il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de gens de connus.
00:15 Je me rappelle, j'avais mon sac Adidas, parce que je dormais chez elle,
00:17 on était fatigués, on était sur "La vie d'Adèle".
00:19 Et je dis bonjour à une rangée de personnes.
00:21 En plus, c'était lourde, je claque la bise à chaque personne.
00:24 -Une chine indienne, en fait. -Et puis, il y a quelqu'un
00:30 qui tout de suite m'a dit, pour me mettre mal à l'aise,
00:33 "Bonsoir, salut, bonsoir." Elle m'a dit "Oh, salut !"
00:36 Et dans ma tête, je me suis dit "C'est marrant, c'est marrant."
00:39 Tu connais tout le monde, je connais personne,
00:41 et tu me mets mal à l'aise tout de suite sur ma...
00:43 Et j'ai jamais oublié.
00:45 -Et pourquoi il vous a mis mal à l'aise à ce moment-là ?
00:47 L'endroit d'où vous veniez, en fait ? Sur qui vous étiez ?
00:50 -Je suis même pas allée si profondément que ça.
00:52 Je pense que c'est une chose que je me suis faite.
00:54 Je pense que c'est juste...
00:56 Tu sais, c'est gratuit, c'est débile, tu fais pas attention,
00:58 tu te rends pas compte, mais sur ma manière de parler,
01:01 alors que pour une fois, elle était assez simple, je trouve.
01:04 -"Le Règne animal", c'est un film qui parle de mutations,
01:07 et notamment de mutations adolescentes.
01:09 Quel genre d'ado est-ce que vous étiez, vous ?
01:11 -Dans mes souvenirs, j'étais timide, sauf en famille et avec mes amis.
01:16 Mais je sais que c'était la rigolade avant tout.
01:21 J'ai des souvenirs de tous les malaises, l'école,
01:26 tout ce qui pouvait être difficile se transformait très vite en fou rire.
01:29 -On parle de mutations, jouer un rôle, c'est ça, en fait, c'est muter quelque part.
01:32 Quel est le rôle, Adèle, qui vous a le plus changé ?
01:35 -Je pense tous un peu à un niveau.
01:36 Y a pas un rôle où je suis rentrée chez moi et je me suis dit "Waouh !
01:38 Je suis transcendée, je suis différente."
01:41 C'est souvent plus tard, où je me dis "Tiens, c'est marrant,
01:43 mon personnage, il avait traversé ça",
01:44 où "Ah, c'est drôle, je réagis."
01:46 Ça va être plus des détails, des banalités.
01:48 -La vie d'Adèle, ça a tout changé. -Ouais.
01:50 Mais pareil, j'en ai pas eu conscience tout de suite.
01:52 Je suis rentrée de Cannes, je bossais à l'endroit où je bossais avant.
01:56 Le film, il était sorti en France, mais on n'avait pas encore fait la tournée.
02:00 Et c'est petit à petit que je me suis dit "Ah tiens, c'est marrant,
02:03 les gens veulent me revoir en casting."
02:04 Ou "Ah tiens, c'est drôle, peut-être que je pourrais pas bosser à Bercy,
02:06 finalement, cette semaine, puisque je vais travailler."
02:08 "Ah, c'est marrant, on me considère différemment,
02:10 on se comporte avec moi différemment."
02:13 D'ailleurs, c'est très bizarre, ça, les gens qui disaient pas bonjour
02:15 et qui, après, te demandent si tu veux partir en vacances avec eux.
02:18 -Ça vous a éragé beaucoup, ça ? -Non, mais au début...
02:20 C'est vrai que quand t'es jeune, ça devient... C'est flagrant.
02:23 Mais...
02:25 -Mais actuellement, t'es quelqu'un, quoi.
02:27 -Et en même temps, t'étais quelqu'un avant aussi.
02:30 -Je veux dire, pour eux. -Pour eux, oui, apparemment.
02:32 Mais...
02:34 Mais en même temps, tu les oublies jamais, ces petites humiliations.
02:37 Peut-être que c'est parce que j'ai un peu d'orgueil,
02:39 mais je sais pas si ça t'a déjà fait ça,
02:41 mais y a des petites humiliations du début,
02:43 où forcément t'as pas du tout la même assurance,
02:45 tout est une première fois, tu connais pas la promo.
02:48 Et y a une personne qui va t'humilier devant des gens,
02:50 mais gentiment, juste pour se faire remarquer ou par malaise.
02:53 -Ce film "Elementaire", c'est votre première expérience de doublage.
02:55 Quand je vous dis "Disney", Adèle Hexacopoulos,
02:57 vous pensez à quoi, tout de suite ? -Mon enfance.
03:00 Mon enfance, les premiers Disney,
03:01 ceux que je redécouvre aujourd'hui avec mon enfant, où je suis émue, pareil.
03:05 Où forcément, je voyais une moralité que je voyais pas du tout avant.
03:07 Et c'était un rêve.
03:09 -Votre Disney préféré, c'était quoi ? Petite ?
03:11 -J'en ai plein !
03:13 C'est des classiques, je vais dire. "Le Roi Lion".
03:16 Parce que je suis toujours émue quand il part, qu'il pense que c'est lui qui a...
03:19 Je veux pas spoiler pour ceux qui ont la chance de pas l'avoir vu.
03:21 -Les chansons aussi ?
03:23 -Ouais, elles sont mythiques, les chansons Disney, c'est vrai.
03:25 -Vous chantez, vous, ou pas ? -Pas du tout.
03:27 Pas du tout.
03:28 -Mais vous rappez, en revanche. -Non, c'était...
03:31 -On en reparle !
03:33 Qu'est-ce qui s'est passé dans "L'Empire Isore" ?
03:35 -L'épuisement. -L'épuisement.
03:36 -Franchement, je me suis cueillie seule, déjà, ce qui est fou,
03:39 de se faire rire deux fois seule. -Un freestyle, comme ça.
03:42 On y va. -La fatigue.
03:44 -En fait, c'est long, moi.
03:47 Tu fais midi, 4h du matin, à la fin, on te disait à Pierre Minet,
03:49 "Je t'en supplie, rigole."
03:51 "Rigole, fais quelque chose, Paul, il va jamais rire."
03:53 -Si c'était à refaire, vous le referiez ? -Oui.
03:55 -Il y a quelques semaines, la comédienne Adèle Haenel a annoncé
03:58 qu'elle arrêtait le cinéma pour des raisons politiques.
04:00 Vous en avez pensé quoi, vous ?
04:02 -Moi, je respecte beaucoup Adèle.
04:04 Je respecte beaucoup Adèle, en plus, pour la connaître,
04:07 parce que je sais son combat sincère, honnête.
04:10 C'est beaucoup de...
04:12 Beaucoup de respect. Après, c'est son choix.
04:14 Je me sens pas légitime de juger son choix d'arrêter le cinéma.
04:17 À mon sens, c'est dans tes choix.
04:19 Il n'y a aucun moment où je me dis "Ah tiens, là, je collabore"
04:21 ou "Ah tiens, je tolère."
04:22 Puis j'ai commencé jeune,
04:25 donc il y a quelque chose où, très vite, j'ai compris où les limites étaient dépassées,
04:29 où, en faisant des erreurs, j'ai essayé d'apprendre,
04:33 mais de collaborer, non.
04:36 J'avoue, c'est peut-être égoïste, mais je...
04:41 Moi, j'ai eu la chance de faire un métier que j'aime,
04:43 et c'est pas donné à tout le monde.
04:44 -Et vous diriez que, dans ce métier, on fait de plus en plus attention,
04:46 de fait, quand on choisit un film ?
04:48 -Ouais, et puis c'est aussi dans le comportement.
04:52 Je trouve que ça passe dans des banalités,
04:54 mais c'est pour ça que c'est toujours un sujet qui est délicat
04:56 et qui, après, est interprété.
04:58 Je trouve qu'on retourne rarement aussi à la source,
05:02 c'est-à-dire bien se comporter avec les autres,
05:04 dans quelque chose de très banal,
05:05 parce que moi, j'ai vu des gens me demander, par exemple, de signer des pétitions
05:08 et qui, après, sont incapables de dire bonjour à d'autres gens moins connus
05:11 ou qui sont des femmes.
05:12 C'est ce que j'essayais de te dire tout à l'heure quand on parlait d'hypocrisie,
05:16 mais Adèle, je la trouvais hyper sincère.
05:20 Après, c'est vrai que...
05:22 Moi, personnellement, je n'aurais pas envie d'arrêter le cinéma.
05:26 [Générique]
05:28 [SILENCE]

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