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Dans la famille Barrault nous demandons Marie-Christine. Depuis les années soixante, elle traverse nos écrans et imprime nos souvenirs. Aujourd'hui, Marie-Christine Barrault publie ses mémoires et raconte les étoiles solaires ou sombres qui ont traversées sa vie. Elle est l'invitée de 9H10.

Retrouvez "L'invité de Sonia Devillers" sur
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Transcription
00:00 Il est 9h08, Sonia De Villere, votre invitée joue sa mort au théâtre et raconte sa vie
00:05 dans un livre.
00:06 Et voilà le résumé qui tue ! Bonjour Marie-Christine Barraud !
00:10 Bonjour Sonia !
00:11 Et soyez la bienvenue ! Ce livre où vous égrinez les souvenirs, sans mentir à soi-même,
00:19 sans mentir aux autres, sans mentir à la vie, parce que je pense que c'est ça quand
00:22 on arrive à un certain âge, il s'intitule « Si tu savais, c'est merveilleux ». Et
00:27 il paraît chez Stock. Et ce qui m'a frappée, c'est ce nom dit que vous qualifiez de colonne
00:34 vertébrale, ce nom dit abyssal dans lequel vous grandissez.
00:38 Curieux d'ailleurs, parce que j'étais quand même dans un environnement assez élevé,
00:44 on va dire. Ma mère était pianiste, fille d'un grand peintre. J'étais enveloppée
00:50 de très beaux tableaux, de très beaux meubles, de belles choses. J'avais cet oncle Jean-Louis
00:55 Barreau qui était quand même une grande figure du théâtre. Et curieusement, j'étais
00:59 dans un environnement assez aculturel. On parlait très peu, et surtout on parlait très
01:04 très peu de nos sentiments. Et on aurait pu être une famille dans laquelle il ne se
01:08 passe rien. Or il se passait quand même beaucoup de choses. Mes parents se sont séparés,
01:13 mon père est tombé malade, mon père est mort, mon beau-père est mort. C'était
01:16 une sorte quand même de drame permanent.
01:20 Et pourquoi vous et votre frère grandissez seul chez vos grands-parents, loin de votre
01:25 père, loin de votre mère ?
01:26 Oui, parce que ma mère a changé de vie très rapidement. Elle a changé d'homme et qu'elle
01:31 ne savait absolument pas quoi faire de nous dans sa nouvelle vie qui n'était pas encore
01:34 vraiment installée. Elle a eu très très vite ma soeur, mes deux soeurs qui sont très
01:38 proches de moi comme âge, mais pas du même père. Et du coup, ne sachant pas quoi faire,
01:43 elle nous a mis chez notre grand-mère. On a été élevés par une grand-mère très
01:46 aimante par ailleurs. Donc on n'a pas manqué d'amour, mais on a manqué de parents. Jusqu'à
01:50 l'âge de 8 ans, moi je ne savais pas ce que c'était que de vivre ni avec mon père
01:54 ni avec ma mère.
01:55 Mais c'est ça les années 50, c'est ça les années 60, ces divorces où on n'explique
01:59 rien, nos enfants, ces beaux-pères qui ne peuvent pas trouver leur place, si ce n'est
02:04 en imposant leur autorité, ces cancers qu'on ne soigne pas encore.
02:10 Et dont on ne prononce jamais le mot même. Je sais que récemment, dans une soirée pour
02:16 le cancer, j'ai dit "mais moi j'ai vu mourir mon beau-père d'un cancer, on n'a jamais
02:20 prononcé le mot cancer". La grande différence c'est qu'aujourd'hui on en parle. Aujourd'hui
02:23 on parle des choses. Je crois que les gens d'aujourd'hui ne se rendent pas compte à
02:26 quel point ma génération a vécu dans une espèce de silence. Mais ce n'était pas de
02:32 la méchanceté. Quand mon père est mort, non seulement ma mère ne m'a pas prévenu
02:36 qu'il mourrait, il était à Bordeaux à ce moment-là, dans un hôpital, elle est partie
02:40 juste en voyage comme si elle partait pour le week-end et elle partait accompagner mon
02:44 père, qui n'était plus son mari, mais sans nous prévenir, mon frère et moi, qu'il
02:47 était en train de mourir. Et quand elle est rentrée à la maison, à ce moment-là, quelqu'un
02:52 nous avait dit qu'il était mort, elle ne s'est même pas assise à côté de moi pour
02:54 me dire "est-ce que tu as du chagrin ? Est-ce que tu veux qu'on en parle ?". Heureusement
02:58 j'ai trouvé moi des palliatifs parce que j'étais élevée dans un collège religieux
03:02 avec des religieuses extrêmement intelligentes et généreuses et j'avais des répondants
03:07 avec elle, heureusement.
03:09 La Vierge Marie a été un palliatif à cet amour maternel qui vous faisait défaut,
03:17 à cette attention maternelle, à cette affection maternelle qui ne fait que plus l'épreuve.
03:20 On me parle toujours de ma foi parce que j'ai la foi.
03:22 Vous en parlez Marie Castignon.
03:23 Oui, justement, on m'en parle parce que j'en parle, mais parce qu'elle a été
03:27 ancrée en moi dans cette période-là, c'était la seule valeur sûre autour de moi. Ça et
03:33 le fait que je voulais être actrice pour être dans un métier dans lequel on exprime
03:37 les choses. C'est venu de tellement loin, de tellement profond en moi. C'est pour
03:41 ça que je n'ai jamais douté une seconde de ma vocation, comme on dit, parce que c'était
03:46 la seule réponse à ce silence.
03:48 Votre oncle Jean-Louis Barraud, sa femme Madeleine Renaud.
03:52 Ce métier, si tu avais à le refaire, est-ce que tu le choisirais ?
03:55 Écoute, en principe, quand une jeune fille vient me demander mon avis, je la supplie
04:01 de ne pas faire de théâtre parce que d'abord je trouve que c'est un métier un peu absurde
04:07 dans une profession et un art magnifique.
04:09 Oui, alors il faut la convertir en profession magnifique.
04:11 Oui, mais à vrai dire, je lui donne ce conseil-là, mais moi si c'était à refaire, je referais
04:15 ce métier-là.
04:16 Votre beau-père…
04:18 Ça dit bien les relations que j'ai eues avec elle.
04:21 Voilà. Votre beau-père, quand vous lui exprimez le souhait de devenir actrice, vous
04:27 répondez que c'est un métier de pute.
04:28 Oui, c'est ça.
04:29 Jean-Louis Barraud et Madeleine Renaud sont encore plus assassins.
04:34 Elle a été terrible.
04:36 Un jour, je lui ai dit « mais arrête de vouloir me dissuader, laisse-moi tenter ma
04:39 chance, on ne t'a pas empêchée ». Elle m'a répondu du tac au tac.
04:42 Moi, ce n'est pas pareil, j'avais du talent.
04:43 Votre oncle vous a dit « avec le physique que tu as, ma petite fille, tu ferais mieux
04:50 ». C'est elle qui dit ça ? C'est elle qui dit ça ? Qui vous dit « tu devrais
04:54 être étalagiste dans un grand magasin » ?
04:56 Ah oui, elle voulait absolument que je… Elle trouvait que c'était bien.
04:58 Non, ce qu'elle m'a dit, c'est qu'en tout cas avec le physique que tu as, ne compte
05:01 pas faire du cinéma.
05:03 Là, c'est quand même un peu trompé.
05:06 À la mort de Jean-Louis Barraud, Marie-Christine Barraud, vous vous penchez sur sa dépouille
05:12 et vous exprimez cette profonde interrogation qui vous a rangée pendant si longtemps.
05:18 C'est-à-dire, pourquoi ça a été si difficile entre…
05:21 Malheureusement, il ne pouvait plus me donner la réponse.
05:24 Parce que le livre, il est construit comme ça.
05:26 C'est-à-dire, en fait, c'est la mort de chacun de ces personnages importants dans
05:29 ma vie.
05:30 Personnes importantes dans ma vie.
05:32 D'ailleurs, je note, Marie-Christine Barraud, qu'à la mort de chacun de ces personnages
05:36 importants, vous êtes sur scène.
05:37 Et ça, c'est très beau.
05:38 Parce que c'est le vrai livre d'une femme qui a passé sa vie sur scène.
05:43 Je les ai notés.
05:44 À la mort de Jean-Louis Barraud, vous jouez « La cerisée » de Tchékov.
05:48 À la mort de Vadim, vous jouez « Barrage contre le Pacifique ». Le jour de votre mariage
05:54 avec Toscan du Plantier, vous jouez « Andorra » de Max Frisch.
05:58 Ça, c'est vraiment les souvenirs d'une femme de théâtre.
06:00 Oui, moi ça me semble tellement naturel.
06:02 Mais effectivement, vu de l'extérieur, le théâtre est tellement lié à ma vie.
06:07 Je suis tellement liée au théâtre.
06:09 Je ne m'en rends même plus compte.
06:12 C'est ma patrie.
06:14 C'est mon pays.
06:16 C'est mes fibres.
06:18 On vous écoute jouer, pas du tout Tchékov, on vous écoute jouer Claudel.
06:24 Un écrit d'amour, cela devrait être aussi soudain qu'une fleur, par exemple.
06:29 Un parfum.
06:30 Un parfum si droit, si prompt, que cela vous fait sourire seulement un petit peu.
06:36 Voilà.
06:37 Et voilà que l'on est parti.
06:40 Ce n'est pas une fleur que l'on respire.
06:43 L'amour.
06:44 Nous parlions d'un livre.
06:47 Mais l'amour même, ça, je ne sais pas ce que c'est.
06:53 Le Partage du Midi que Marie-Christine Barrault connaît par cœur.
06:57 Claudel, voilà qui aurait dû vous réunir avec Jean-Louis Barrault.
07:01 Claudel a été créé par Jean-Louis Barrault au théâtre, joué par Jean-Louis Barrault,
07:06 adoré par Jean-Louis Barrault.
07:08 Et pourtant, Jean-Louis Barrault n'est jamais venu vous voir jouer sur scène.
07:12 Jamais.
07:13 Mais en même temps, quand je lui ai dit que j'allais jouer Le Partage du Midi, qui
07:15 était pour moi la cible absolue, c'est-à-dire que je l'avais vu jouer par lui et par Edwige
07:20 Feuillère quand j'avais 17 ans, plusieurs fois.
07:22 Et je m'étais toujours dit que si dans ma vie d'actrice, je ne jouais pas Isée du
07:26 Partage du Midi, j'aurais tout raté.
07:27 Quand je lui ai dit que je vais jouer Le Partage du Midi, il m'a simplement dit "Ah,
07:31 les Claudel vous ont donné les droits".
07:33 Et il n'est pas venu me voir, non jamais.
07:36 Il n'est jamais venu me voir jouer.
07:38 Jamais.
07:39 Ils n'ont jamais parlé d'un film ni quoi que ce soit.
07:43 Saskia de Ville : Et pourtant, vous avez passé du temps avec lui.
07:45 C'est-à-dire quand vous étiez jeune adolescente avec votre frère.
07:47 Christine Barrault - Bien sûr, c'est ma seule famille.
07:49 Mais je l'aime, de toute façon.
07:50 Parce que quand on m'entend parler comme ça, on pourrait se dire "Elle règle des
07:53 comptes, je l'aime".
07:54 C'est un amour frustré, surtout sur le plan professionnel.
07:57 Mais je l'aime d'amour.
07:59 Pour moi, c'était mon héros, Jean-Louis Barrault.
08:02 Et il mérite de l'être parce que c'était un homme exceptionnel.
08:05 Saskia de Ville - Et c'est pour ça que vous vouliez être son Isée d'une certaine manière ?
08:08 Christine Barrault - Oui, oui.
08:09 Oui, oui.
08:10 Oui, oui.
08:11 Saskia de Ville - Lui, il n'avait pas eu d'enfant.
08:13 Il aurait pu, c'est-à-dire, vous auriez pu occuper cette place-là.
08:17 Christine Barrault - Il avait ce seul frère qui était mon père, qui a eu une vie pourrie,
08:21 à la fois sentimentalement et physiquement, puisqu'il a été très très malade avant de mourir.
08:25 Et en fait, c'est tout ce qui lui restait de sa vie de famille.
08:30 C'était mon frère et moi.
08:32 Et maintenant, il n'a pas joué ce rôle de père que j'attendais.
08:34 Alors évidemment, j'étais assez frustrée.
08:36 Saskia de Ville - Et bien plus tard, bien après sa mort, vous comprenez, vous adultes
08:41 et en capacité de comprendre, que lui-même n'avait pas eu de père.
08:44 Que lui-même avait été privé de cet amour fraternel.
08:46 Christine Barrault - Et c'est ça qui a été génial en écrivant ce livre.
08:48 C'est que j'ai fait un chemin avec chacune des personnes qui a tellement compté pour moi.
08:53 Et j'ai fait un chemin à partir de leur disparition, pour arriver à comprendre
08:58 comment je pouvais les aimer au-delà de leur disparition.
09:02 Saskia de Ville - Il est 9h17, vous écoutez France Inter.
09:06 C'est un bonheur d'être avec Marie-Christine Barrault ce matin.
09:09 On va parler de vos amours, de vos grands amours.
09:12 On va parler de Toscan Duplantier, on va parler de Vadim surtout.
09:15 *Musique*
09:22 Toi, mon amour, mon ami, quand je rêve c'est de toi.
09:27 Mon amour, mon ami, quand je chante c'est pour toi.
09:31 Mon amour, mon ami, je ne peux vivre sans toi.
09:35 Mon amour, mon ami, et je ne sais pas pourquoi.
09:43 Je n'ai pas connu d'autre garçon que toi.
09:47 Si j'en ai connu, je ne m'en souviens pas.
09:51 A quoi vont chercher faire des comparaisons ?
09:55 J'ai un coeur qui sait quand il a raison,
09:59 et puisqu'il a pris ton nom.
10:02 Toi, mon amour, mon ami, quand je rêve c'est de toi.
10:07 Mon amour, mon ami, quand je chante c'est pour toi.
10:11 Mon amour, mon ami, je ne peux vivre sans toi.
10:15 Mon amour, mon ami, et je sais très bien pourquoi.
10:22 On ne sait jamais jusqu'où ira l'amour,
10:27 et moi qui croyais pouvoir t'aimer toujours.
10:31 Oui, je t'ai quitté et j'ai beau résister,
10:35 je chante parfois, pas d'autre que toi.
10:39 Un peu moins bien chaque fois.
10:43 Toi, mon amour, mon ami, quand je rêve c'est de toi.
10:47 Mon amour, mon ami, quand je chante c'est pour toi.
10:51 Mon amour, mon ami, je ne peux vivre sans toi.
10:55 Mon amour, mon ami, et je ne sais pas pourquoi.
10:59 Mon amour, mon ami, quand je rêve c'est de toi.
11:03 Mon amour, mon ami, quand je chante c'est pour toi.
11:07 Mon amour, mon ami, je ne peux vivre sans toi.
11:11 Mon amour, mon ami, et je ne sais plus pourquoi.
11:17 Mon amour, mon ami, 1967, Marie-Christine Barraud et moi,
11:23 on aime autant l'une que l'autre, Marie Laforêt,
11:26 et on vous propose, je sais pas moi, d'écrire massivement
11:30 à Radio France, à La Médiatrice par exemple, pour qu'on écoute ça.
11:33 Pour qu'on l'écoute plus souvent.
11:34 Tous les jours.
11:42 Moi j'ai eu la chance de ne pas devenir amère
11:48 après avoir connu toutes les qualités, mais aussi les faiblesses des femmes,
11:54 toutes leurs bontés et toutes leurs trahisons,
11:58 mais surtout d'avoir fini par le mieux,
12:02 ce qui est quand même une chance dans la vie.
12:05 C'est-à-dire qu'approchant 60 ans, j'avais 58 ans,
12:11 j'ai rencontré Marie-Christine.
12:13 Quand je l'ai rencontrée, j'ai rencontré l'être humain
12:18 qui me correspondait parfaitement.
12:20 Et je crois qu'elle a rencontré l'être humain qui lui correspondait parfaitement.
12:24 Vous savez ce qui est très très émouvant, Marie-Christine Barraud,
12:28 c'est de voir votre visage illuminé de bonheur, rien qu'à entendre sa voix.
12:32 Rien qu'à entendre la voix de Roger et Vadim.
12:35 Ça m'émeut beaucoup, parce que c'est ça un grand amour,
12:38 et j'espère qu'on aura tous la chance de vivre ça une fois dans notre vie.
12:42 Vous savez ce que sa mère, sa mère qui est une femme extraordinaire, très féministe,
12:45 elle m'a dit après quelques mois qu'on vivait ensemble,
12:48 elle m'a dit "Ma petite fille, je te remercie, tu m'as rendu mon fils".
12:52 Je crois que c'était tellement évident que lui et moi,
12:55 on était tellement fait l'un pour l'autre,
12:57 que tout d'un coup on a donné le meilleur de nous-mêmes.
13:00 Chacun a fait grandir l'autre, a agrandi l'autre.
13:03 Mais ça veut dire quoi ?
13:04 Ça veut dire que Vadim qui passait de femme en femme depuis des années,
13:07 il cherchait sa mère ?
13:09 Non, non, mais il cherchait une femme idéale pour lui, j'entends.
13:12 Parce qu'elles sont idéales sur bien des points, ces femmes-là.
13:16 Mais ce n'étaient pas des femmes idéales pour lui.
13:18 Il y a eu Bardot, il y a eu Schonda, il y a eu Deneuve.
13:20 Quand je l'ai connu, je lui disais "Mais tu n'étais pas fait pour ces femmes-là".
13:24 En fait, il y avait erreur, parce qu'il a eu tellement de succès,
13:27 il était tellement beau et charismatique.
13:29 Alors c'est vrai qu'il avait des femmes sublimes,
13:31 et c'était difficile de les résister.
13:33 Mais en fait, il n'était pas heureux.
13:34 La preuve, c'est que ça se terminait plutôt mal à chaque fois.
13:37 Alors que nous, à part mourir, je ne vois pas ce qui aurait pu nous séparer.
13:40 Vous aviez 44 ans quand vous l'avez rencontré.
13:43 Je pensais que l'amour, c'était fini à 44 ans.
13:45 Mais est-ce que la grande leçon, ce n'est pas ça ?
13:47 C'est qu'au fond, c'est là, c'est dans la quarantaine qu'on rencontre le grand amour, le vrai.
13:52 En tout cas, si on a la chance de le rencontrer à cet âge-là,
13:54 il est beaucoup plus fort, parce qu'on se connaît,
13:56 on sait ce qu'il ne faut pas faire.
13:58 Il y a des pages sur l'amour physique qui sont très belles, dans ce que vous écrivez.
14:02 Je vous ai invitée pour, si tu savais, c'est merveilleux.
14:04 Ça, c'est merveilleux, c'est les pages sur l'amour physique avec Vadim.
14:07 Oui, mais je me suis fait engueuler dans un journal catholique
14:11 qui avait l'air de dire que comment je pouvais dire que j'avais la foi,
14:15 alors que j'avais une telle liberté physique, sexuelle.
14:18 Et qu'en plus, je me battais, je militais pour la liberté de mourir dans la dignité,
14:25 comme si c'était incompatible.
14:27 Bon, ça, c'est ce que je n'aime pas chez...
14:29 Chez les cathos.
14:30 Ou n'importe quel religieux qui ne pense pas par lui-même.
14:34 Oui, ça va vous rappeler des souvenirs.
14:38 C'est la bande-annonce d'un...
14:39 Ce n'est pas un film à succès, c'est un immense succès.
14:43 Ça vous vaudra même une nomination aux Oscars pour la meilleure actrice.
14:48 C'était "Cousin-Cousine".
14:49 * Extrait de "Cousin-Cousine" de Christophe Chassol *
15:13 1975, "Cousin-Cousine", c'était la bande-annonce.
15:18 Mais "Cousin-Cousine", c'est l'épilogue de votre grande histoire partagée avec Daniel Toscan du Plantier,
15:27 immense producteur.
15:29 Et ce que j'ignorais, c'est que vous vous connaissiez depuis l'enfance.
15:32 Oui, on était amis d'enfance.
15:34 J'avais 11 ans et lui 14 quand on s'est connus.
15:37 Et plus jamais quitté, parce qu'il était le meilleur ami de mon frère
15:40 et qu'il est devenu le cinquième enfant de ma famille,
15:42 qui à l'époque était reconstituée.
15:44 Et donc, je n'ai pas de souvenirs d'enfance et d'adolescence auxquels il ne soit pas relié.
15:51 Donc c'est vrai qu'on pense toujours à un producteur et une actrice,
15:55 ah ben oui, ils se sont rencontrés sur le métier, pas du tout.
15:57 Et je pense qu'il est venu à ce métier...
15:59 Il a rencontré beaucoup d'actrices après Toscan du Plantier.
16:02 J'étais la première pour beaucoup de choses avec lui.
16:06 Et vous décrivez très jeune sa verve et son irrésistible envie de séduire en public.
16:13 Oui, il était le contraire de Vadim.
16:16 C'était quelqu'un qui, en public, brillait, prenait la parole,
16:19 ne laissait personne parler d'ailleurs, écrasait tout le monde.
16:22 Alors que Vadim, c'était le contraire.
16:24 Il écoutait, il écoutait beaucoup les gens.
16:26 C'était sa forme de séduction que finalement je préfère.
16:29 Mais on sent que Vadim a guéri chez vous, dans la femme que vous étiez,
16:34 beaucoup de choses qui avaient un peu abîmé quand même Toscan du Plantier.
16:37 Oui, parce que la relation avec Toscan, elle a été sûrement passionnante.
16:40 Elle a surtout été passionnante entre 11 ans et 20 ans.
16:42 C'est quand même ce que je raconte dans le livre.
16:44 Entre 11 ans et 20 ans, ça, on ne peut pas nous l'enlever.
16:46 Mais à partir du moment où on a été un couple, c'était beaucoup plus compliqué.
16:49 Sauf qu'on a fait deux enfants absolument magnifiques et merveilleux.
16:52 Je bénis le ciel aujourd'hui de ces deux enfants et des sept petits-enfants qu'ils m'ont donné.
16:56 C'est ça. Mais c'est quand même des souvenirs de petites humiliations publiques.
17:01 Parce que c'est quelqu'un qui ne résiste pas à l'envie de faire un bon mot.
17:04 Qui t'a crucifié sa femme devant les autres.
17:06 Absolument. Mais ce n'est pas seulement avec moi.
17:08 C'était avec tout le monde, y compris avec d'autres femmes. Je l'ai vu.
17:11 Il ne résiste pas au plaisir de faire un bon mot, de faire rire.
17:15 Même si c'est au dépend de la personne qu'il est supposé aimer.
17:18 Et il voulait être au bras d'une star.
17:22 Ça aussi, ça caractérisait votre relation.
17:25 Il a trouvé que je mettais très très longtemps à devenir une star.
17:29 Que je ne suis d'ailleurs jamais venue. Parce que je suis devenue.
17:32 Je ne suis pas une star. Loin de là. Je suis une ouvrière du spectacle.
17:35 Mais il trouvait que c'était très long.
17:37 Il me disait "Mais enfin, Catherine Deneuve, elle a le même âge que toi.
17:39 Regarde, elle a déjà eu la couverture de match."
17:42 Je ne pensais pas que c'était une fin en soi d'avoir la couverture de match.
17:45 Mais bon, j'étais très contente le jour où je l'ai eue.
17:48 Mais ce n'est pas ça.
17:50 Et c'est le fait d'avoir été nommée aux Oscars qui vous donne,
17:53 comment dire, la liberté de dire "Maintenant ça suffit, on divorce."
17:56 L'Oscar, le divorce était déjà bien entamé.
18:00 Mais dis-moi, surtout ça m'a donné une force, une confiance en moi-même.
18:07 Non pas l'Oscar lui-même, mais le fait d'avoir une sorte de reconnaissance du métier.
18:12 Ça n'a pas été plus facile après qu'avant.
18:15 Parce que je suis quand même très exigeante.
18:18 Je n'ai aucun plan de carrière.
18:21 Je fais ce que j'ai envie de faire.
18:23 Et comme j'aime beaucoup le théâtre, pour moi le vrai métier c'est le théâtre.
18:26 Le cinéma c'était la cerise sur le gâteau, comme disait ma tante.
18:29 Je n'avais pas le physique pour réussir au cinéma.
18:31 Donc j'avais l'impression que c'était à l'arraché.
18:34 Mais j'ai fait des beaux films, je suis très fière.
18:36 Mais mon vrai métier c'est le théâtre.
18:39 - Et quand est-ce que vous vous êtes sentie libérée de cette image de jeune fille sage,
18:44 de jeune fille catholique, de jeune fille propre sur elle ?
18:47 - Oui, alors en même temps, là je vois bien, mon premier film c'est "Manu Michel Maud", le film de Romère.
18:52 Et là j'étais à Clermont-Ferrand, ce week-end, pour fêter les 400 ans de la naissance de Blaise Pascal à Clermont-Ferrand.
19:01 Et tout tourne autour de Romère à Clermont-Ferrand.
19:04 Et j'étais vraiment l'actrice de Romère, Manu Michel Maud et tout.
19:07 Donc c'est pas mal de commencer au cinéma avec Manu Michel Maud.
19:11 C'est pas mal.
19:12 Mais après, c'est vrai que j'étais cataloguée comme jeune fille catholique, convoyée à la messe.
19:18 C'est pour ça qu'ils m'avaient choisie quand même Romère.
19:20 Et après c'est quand même "Cousin-Cousine".
19:22 C'est le film, même si ce n'est pas le plus grand film pour moi, le plus grand rôle,
19:25 mais c'est un film où une femme prend sa liberté.
19:28 Mais en plus sans aucun sentiment de culpabilité.
19:31 Et ça c'est ce qui me caractérise.
19:33 C'est le tournant des années 70 en réalité, pour votre génération.
19:36 C'est le tournant des années 70.
19:38 Et je crois que c'est à partir de là que...
19:40 De toute façon, moi, ces petits pas à petits pas, mon avancée dans le métier,
19:45 comme la vie, pas plus, pas moins, c'est parallèle.
19:49 De toute façon, il était très important pour moi de faire avancer ensemble la femme, la mère, l'actrice.
19:56 Et qu'il n'y ait jamais une qui prend le pas sur l'autre et qui écrase l'autre.
20:01 - Et ce qui est très joli dans ce petit livre que vous publiez chez Stock,
20:04 c'est que quand je dis "il y a mes amours, mes emmerdes", il y a beaucoup d'emmerdes.
20:07 Il y a beaucoup de douleurs aussi dans ce livre.
20:09 Et on sent que vous avez fait votre miel des amours et des emmerdes.
20:14 Et qu'à la fin, ça constitue la femme que vous êtes et que vous assumez complètement.
20:19 - Je suis quelqu'un qui a cherché et qui a trouvé la joie.
20:23 La vraie joie.
20:24 La joie qu'on ne peut pas nous enlever, même avec les emmerdes, comme vous dites.
20:28 Et même avec les choses graves et douloureuses qu'on peut vivre dans la vie, ça n'empêche pas la joie.
20:33 Et je crois que si le livre dit quelque chose, il dit ça.
20:36 Comment trouver la joie au-delà même des difficultés et des obstacles de la vie ?
20:41 - Si tu savais, c'est merveilleux.
20:43 Et c'est Marie-Christine Barraud qui partage la joie ce matin avec nous.
20:46 - Je prends.
20:47 prend.

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