Virginie Efira : «L'emprise peut raconter un certaint état de sidération»

Europe 1

ABONNEZ-VOUS pour plus de vidéos : http://www.dailymotion.com/Europe1fr Virginie Efira, actrice, répond aux questions de Dimitri Pavlenko à l'occasion de la sortie du film "L'amour et les forêts", réalisé par Valérie Donzelli.   Retrouvez "L'invité actu" sur : http://www.europe1.fr/emissions/l-interview-de-7h40 LE DIRECT : http://www.europe1.fr/direct-video                                                                  Retrouvez-nous sur :                                 | Notre site : http://www.europe1.fr                                 | Facebook : https://www.facebook.com/Europe1                                 | Twitter : https://twitter.com/europe1                                 | Google + : https://plus.google.com/+Europe1/posts                                 | Pinterest : http://www.pinterest.com/europe1/

Transcript

00:00 Il est 7h12. Sur Europe, un très bon début de journée.

00:03 Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin la comédienne Virginie Effira.

00:07 Je t'ai folle de lui. Il est à une tendresse infinie.

00:12 Je t'aime.

00:14 T'es sûre que tu vas pas regretter de faire tout ça pour moi ?

00:16 J'échange la mer contre les forêts.

00:18 Greg s'est arrangé pour me rendre la vie impossible.

00:23 Et vous suivez ?

00:24 T'étais où ?

00:25 Je veux que tu répondes à la moindre de mes questions.

00:29 Je te préviens, le chemin va être long.

00:31 C'est une guerre.

00:32 Bonjour Virginie Effira.

00:35 Bonjour.

00:36 Bienvenue sur Europe 1.

00:37 Merci de me recevoir.

00:38 Vous êtes à l'affiche cette semaine de L'Amour et les forêts,

00:41 film signé Valérie Donzelli.

00:43 C'est un film, je vais vous donner mon ressenti immédiat,

00:46 que j'ai trouvé...

00:47 Honnête ?

00:48 Oui, honnête.

00:49 Que j'ai trouvé dur, que j'ai trouvé perturbant,

00:51 éminemment intéressant.

00:52 Je dirais que c'est une sorte d'alcool fort.

00:54 C'est un film qui a pour propos l'amour.

00:56 Ça commence bien et ça va vite se tordre.

00:59 Est-ce que, sans divulguer la trame générale de scénario,

01:02 Virginie Effira, vous pouvez nous dire ce que vous,

01:04 vous avez ressenti quand vous avez tourné L'Amour et les forêts ?

01:07 Pas que de la joie et de l'allégresse.

01:11 En fait, vous savez, au cinéma,

01:14 on ne tourne pas dans l'ordre chronologique les choses.

01:16 Ça coûterait trop cher.

01:18 Et nous, on a tourné toutes les parties,

01:21 le dur, on va dire.

01:22 C'est-à-dire toutes les parties de violences conjugales,

01:24 puisqu'il y en a.

01:25 Il y a de la violence mentale,

01:26 il y a de la violence conjugale.

01:27 Il y a comment, à l'intérieur de ce noyau,

01:29 ça devient...

01:30 Le couple, c'est une sorte de mini-pouvoir.

01:31 Là, clairement, on n'est pas en démocratie.

01:33 Clairement, c'est de la tyrannie profonde.

01:37 On a commencé par ces choses-là.

01:39 Et ça, c'était assez particulier à tourner

01:41 pour finir avec la rencontre et la candeur.

01:48 Je vais expliciter un peu.

01:49 Vous jouez Blanche, vous incarnez Blanche,

01:51 qui est une fille un peu renfermée,

01:53 qui a une soeur jumelle,

01:54 qui, elle, au contraire, est beaucoup plus extravertie.

01:56 Et vous allez rencontrer Grégoire,

01:58 qui est, semble-t-il, un amour de jeunesse,

02:00 qui va vous charmer.

02:02 Et vous allez vous mettre en couple.

02:04 Et cet homme va se révéler,

02:06 je ne sais pas si mon diagnostic est le bon,

02:07 mais une sorte de pervers narcissique manipulateur.

02:11 Et vous avez, vous, en tant que Blanche,

02:13 des réactions assez troublantes,

02:14 d'une femme qui, finalement, se laisse faire

02:16 et semble ne pas vouloir voir

02:18 qui est l'homme qu'elle a choisi pour être.

02:21 Je ne sais pas si c'est si troublant que ça.

02:23 C'est-à-dire qu'en fait, dans l'idée de l'emprise,

02:25 qui est maintenant reconnue au niveau pénal,

02:29 on ne peut pas être accusé d'emprise,

02:31 mais on peut comprendre,

02:32 on l'a vu à plein d'endroits,

02:33 l'affaire Sauvage, etc.,

02:35 que l'emprise peut raconter un certain état de sidération.

02:39 Et dans cet état,

02:41 qui est celui que vit mon personnage,

02:43 il y a le déni.

02:44 On ne se voit pas soi-même comme victime.

02:46 On trouve des moyens détournés.

02:48 C'est ça qu'on essaie de raconter.

02:49 Comment on peut être ?

02:50 Parce qu'elle est bien, cette femme.

02:51 Elle a quelque chose.

02:52 Elle est plantée.

02:54 C'est une mère aimante.

02:58 Elle aime la littérature.

02:59 Elle a un métier.

03:00 Elle est prof de français.

03:01 Ses élèves l'adorent.

03:02 Elle a une assise dans l'existence.

03:03 Et pourtant, et ça, je le crois très fort,

03:05 je le crois, tout ça est très objectif,

03:08 on peut avoir cette assise-là, cette force-là,

03:12 et malgré tout, être dans une histoire comme celle-là

03:17 où même si on nous fait beaucoup de mal,

03:19 on n'arrive pas vraiment à le voir

03:20 et on n'arrive pas à partir.

03:21 C'est très courant.

03:22 C'est pour ça qu'il y a beaucoup de féminicides

03:25 et qu'il y a une femme qui meurt tous les deux jours.

03:27 - Alors ça a fini moins mal que ça, heureusement.

03:30 - Oui, mais ça en a fallu peu.

03:32 - Est-ce que vous diriez que c'est un film militant ?

03:34 Est-ce que vous diriez que c'est un film féministe,

03:36 Virginie Effira ?

03:38 - Oui, féministe, évidemment.

03:40 Mais bon, ça, j'ai l'impression que même si je faisais

03:42 dans n'importe quelle film,

03:43 on va me demander si c'est féministe.

03:45 Et tout le monde va dire oui.

03:46 - Là oui, c'était d'une telle évidence.

03:48 - Je vous pose la question parce que, honnêtement,

03:49 je n'ai pas trouvé ça évident.

03:50 - Ah bon ?

03:51 Vous avez trouvé que c'était machiste ?

03:52 - Non, non, ni l'un ni l'autre.

03:54 - Ça raconte.

03:55 - Il y avait une description d'une situation,

03:57 mais il n'y a pas un parti pris

03:58 selon lequel les hommes sont tous des salauds.

04:00 - Ah, on peut être féministe sans penser

04:02 que tous les hommes sont des salauds.

04:04 - Mais je vous avoue que j'ai craint

04:05 que le film parte sur ce point-là

04:08 et heureusement, il évite cette situation.

04:10 - D'abord, il y a plein de féminismes différents.

04:12 Il n'y aurait absolument pas ça.

04:13 En revanche, là où c'est éminemment féministe

04:16 et peut-être aussi politique,

04:19 c'est que sur les violences conjugales,

04:22 si on le met sur un endroit sociétal

04:24 et pas cinématographique,

04:25 sur les violences conjugales

04:27 et certains aboutissements qui peuvent être tragiques,

04:29 on a toujours parlé jusqu'à peu de temps

04:35 de crimes passionnels.

04:37 C'est quelque chose qui revenait.

04:38 Comme si on comprenait la jalousie masculine,

04:41 on comprenait que ça faisait partie du couple,

04:43 dans la passion, dans cette chose-là un peu diffuse.

04:46 Ça peut arriver tout à coup.

04:48 On a commencé à parler,

04:49 du mot que j'ai utilisé là, de féminicide,

04:51 c'est-à-dire que cette violence-là

04:52 était dans le continuum des violences faites aux femmes,

04:54 bien plus tard, pour dire

04:56 qu'il y a quelque chose d'un peu systématique.

04:58 Ce n'est pas l'amour passionnel qui provoque ces choses-là.

05:01 On l'a regardé autrement pour pouvoir,

05:03 c'est là où c'est intéressant,

05:04 finalement de nouveau pas à niveau cinématographique

05:06 mais sociétal,

05:07 pouvoir le traiter autrement aussi,

05:08 pouvoir utiliser des instruments pénales ou éducationnels

05:14 qui peuvent aider à prévenir ces choses-là.

05:16 - C'est ça qui vous a attiré dans ce film ?

05:18 - Non.

05:19 - Pas du tout ?

05:20 - Non parce que sinon je ne ferais que des films

05:22 des dossiers de l'écran.

05:23 - Ce qui n'est pas le cas.

05:26 - J'essaye, non.

05:27 Ce n'est pas suffisant pour faire un film.

05:29 - Il va être présenté au Festival Cannes 1ère,

05:31 non dans la sélection Cannes 1ère,

05:33 pardonnez-moi, mais au Festival de Cannes.

05:35 C'est-à-dire en fait, c'est le festival

05:37 mais sans la pression de la compétition.

05:39 C'est bien d'y aller dans cet état d'esprit,

05:41 Virginie Effira ?

05:42 - C'est plus facile pour s'amuser.

05:44 Quand on est en sélection officielle,

05:47 quand on est en compétition,

05:49 ça devient très sérieux quand même.

05:51 C'est très très sérieux.

05:52 Donc c'est difficile.

05:53 En tout cas moi, peut-être que c'est ce que je deviens vieille,

05:55 je me dis mais qu'est-ce que ce n'est pas possible ?

05:57 Avant je trouvais des moyens de rigoler,

05:58 de sortir un peu du cadre,

06:00 d'en faire quelque chose

06:01 et là c'est au travail, le matin, le soir,

06:04 non je ne veux pas sortir, je vais rester.

06:06 C'était vraiment...

06:08 Donc peut-être, après je ne suis pas dans un état physique

06:12 qui va faire en sorte qu'à 4h du matin,

06:14 je reste debout sur les tables.

06:16 - C'est-à-dire que vous êtes enceinte,

06:17 je le dis pour les auditeurs qui...

06:18 - Effectivement !

06:19 Ou alors vraiment je suis très ballonnée.

06:21 - A 2023, c'est aussi l'année du César,

06:25 de la meilleure actrice pour Revoir Paris également.

06:27 Ça a changé quelque chose,

06:28 cette récompense pour vous, Virginie Effira ?

06:30 Je ne dis pas tant à titre personnel

06:31 parce que vous ne m'avez pas l'air particulièrement

06:33 transformée par le César

06:34 mais le regard du public...

06:36 - Ah oui, non c'est vrai ça !

06:38 - Non mais non je rigole !

06:39 - Je vois une petite couronne autour de votre tête.

06:41 - Ah oui, non c'est une aura, c'est l'aura.

06:43 C'est ce que vous voyez.

06:44 Non, si ça a changé des choses,

06:48 vous voulez dire dans ce que je reçois comme proposition ?

06:50 - Oui, oui.

06:51 - Non, pas vraiment.

06:53 Non, pas vraiment.

06:54 Mais j'étais assez gâtée quand même avant,

06:57 en tout cas dans le cinéma qui m'intéresse,

07:00 qui n'est peut-être pas toujours

07:01 avec le public le plus large et tout ça,

07:02 mais que j'aime vraiment bien quand même.

07:05 Mais non, ce que je veux dire,

07:07 c'est que j'avais déjà le choix

07:08 sur des choses très différentes

07:09 et des personnages complexes et nuancés.

07:11 - Qu'est-ce qu'on vous souhaite pour la suite ?

07:13 Vous avez des envies particulières ?

07:15 - De fraises bien sûr !

07:16 - De fraises !

07:17 Eh bien c'est la saison, ça tombe bien !

07:19 - Prenons un peu des fruits de saison.

07:22 - Merci beaucoup Virginie Effira,

07:23 je ne vous emmène pas plus longtemps.

07:24 - Je vous remercie beaucoup.

07:25 - L'Amour et les forêts,

07:26 signé Valéry Donzelli,

07:27 c'est en salles le 24 mai.

07:28 Bonne journée à vous.

07:29 - Merci, bonne journée !

07:30 - Merci, bonne journée.

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