Anne Fulda reçoit Jessica L. Nelson pour son livre «L’orageuse» dans #HDLivres
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00:00 -Bonjour, Jessica L. Nelson. Vous êtes éditrice,
00:03 vous écrivez aussi, et vous venez de publier "L'orageuse",
00:06 un livre qui est paru chez Albain Michel,
00:08 une biographie romancée qui est absolument passionnante
00:12 et qui met la lumière sur un personnage,
00:15 l'orageuse Louise Collet, que longtemps avoir oubliée,
00:19 alors que c'était une figure littéraire du XIXe siècle
00:22 et qu'on a retenu d'elle que ses amours avec Flaubert.
00:25 -Absolument. C'est une star au XIXe.
00:27 -C'est une star Victor Hugo, elle croise les grandes plumes
00:31 de son époque. On a gardé d'elle ce qu'il ne fallait pas garder,
00:34 des liaisons tumultueuses, mais pas ses écrits.
00:38 -Comment l'avez-vous découverte ?
00:41 -C'est mon travail d'éditrice, en réalité,
00:43 parce qu'il y a quelques années, nous avions édité
00:46 le manuscrit de Mme Bovary et de Flaubert.
00:49 Je me suis intéressée à la façon dont il avait écrit ce chef-d'oeuvre.
00:53 Je découvre une femme derrière, comme bien souvent.
00:56 Je m'étais toujours promis d'y revenir et d'essayer de comprendre
00:59 qui elle était. Quand vous ouvrez la porte de Louise Collet,
01:03 vous découvrez un univers tellement fantastique et romantique
01:06 qu'on ne peut qu'y plonger.
01:08 -C'est un personnage, elle a une vie totalement romanesque.
01:11 Vous la suivez, on part de son enfance en Provence,
01:14 de son mariage avec Hyppolyte Collet, son arrivée à Paris.
01:18 C'est un peu à nous de Paris, sur féminine.
01:20 -Complètement. -Elle a un culot à l'assaut.
01:23 -Elle va voir Chateaubriand, vous racontez,
01:26 pour lui demander de faire une préface.
01:28 -Il refuse. -Il refuse.
01:29 -Et elle décide, puisqu'elle n'est plus à sa presse,
01:33 il lui écrit un gentil refus, diplomate,
01:36 tout en brillance et en rondeur,
01:38 et elle le publie en guise de préface.
01:41 Ca, c'est un peu Louise Collet, effectivement.
01:43 C'est n'hésitant devant rien,
01:45 partant du principe que tout est possible.
01:48 C'est cette grande modernité qui était formidable à explorer.
01:51 La manière dont on pense à cette femme
01:54 résonne de façon assez étonnante avec notre époque,
01:57 où on voudrait que toutes les femmes soient libres,
02:00 sauf qu'on est il y a deux siècles.
02:02 -Vous le disiez, c'était une star de la littérature,
02:05 la postérité de la part retenue, enfin reconnue. Pourquoi ?
02:08 -Eh bien, parce que je pense...
02:10 Quatre fois le prix de l'Académie française, quand même,
02:14 ce qui n'est jamais arrivé dans l'histoire de l'Académie française,
02:17 de remettre quatre fois le prix à une femme qui plus est.
02:21 Elle a connu son nom probablement parce que sa vie a pris le pas
02:24 sur ses écrits, très probablement aussi
02:27 parce que son audace et sa liberté dérangeaient
02:30 et qu'elle avait des prises de position politique, religieuse,
02:33 sur tous les sujets qui n'étaient pas du tout dans le vent
02:36 et dans l'élan qu'on pouvait attendre à cette époque.
02:40 -Elle est en avance sur son temps.
02:42 Ca, ça dérange.
02:43 -Ca, ça dérange, et très certainement aussi
02:46 que sa liaison avec Flaubert, qui est devenue Flaubert après elle,
02:51 puisque vraiment, il est devenu cet écrivain connu
02:54 après leur liaison, n'a pas arrangé les choses.
02:57 Il était très entouré, je dirais, d'amis,
03:00 de sénacles littéraires qui ont eu à coeur
03:02 à enterrer Louis Skoulé de son vivant.
03:05 -Vous le disiez un peu, c'est aussi...
03:07 C'est pas quelqu'un qui écrit, c'est aussi une bourlingueuse,
03:11 une voyageuse. Elle a écrit aussi.
03:13 Elle a fait des récits de voyage.
03:15 -Et c'est une partie formidable dans son oeuvre,
03:18 parce qu'on peut s'intéresser à la poétesse.
03:20 Mais vous avez raison, quand elle décide de partir
03:23 dans les années 60, voir ce qui se passe en Italie,
03:26 qui est en train de se réveiller aux côtés de Garibaldi,
03:29 c'est assez inédit.
03:31 Une femme qui va prendre sa plume et ses jambes
03:33 pour voir ce qui se passe.
03:35 Elle le raconte.
03:36 C'est un grand reporter en jupon avant l'heure.
03:39 -Elle a des amitiés littéraires, quand même.
03:42 C'est vrai qu'elle a des contemporains prestigieux
03:45 qu'elle voit.
03:46 Elle a aussi, malgré tout, il faut dire,
03:50 des amours qui sont assez prestigieux.
03:54 Ça va de Musset, Vigny, entre autres,
03:57 et puis sur Gustave Lobert.
04:00 Et pourquoi, finalement, toujours, très souvent,
04:03 chez les femmes... Vous allez me dire,
04:05 je vous pose la question, mais je le mentionne.
04:08 On retient surtout ça, finalement.
04:10 -Peut-être qu'on préfère retenir ça.
04:12 Ça évite de mettre sur un pied d'égalité
04:15 la création féminine et masculine.
04:17 Peut-être. C'est une piste comme une autre.
04:20 Je crois qu'il y a aussi, peut-être,
04:24 une appétence très humaine
04:26 pour tout ce qui relève de la vie passionnelle,
04:29 de l'intime.
04:30 Un des livres qu'elle a écrits, qui a marqué son époque,
04:33 c'était "Sur les amours de Sande et Musset",
04:36 et sur ses amours aussi à elle, avec Flaubert.
04:38 C'est pas le meilleur qu'elle ait écrit.
04:41 C'est ce qui a fait parler à l'époque,
04:43 ce qu'on a retenu à travers les années.
04:45 -Elle a aussi défendu la cause des femmes
04:48 et de la République, car elle a été engagée politiquement.
04:51 Dernière question, pourquoi ce titre ?
04:53 -C'est Flaubert qui avait dit
04:56 "J'aime votre compagnie quand elle est pointe,
04:59 "orageuse", et je trouve que ça disait beaucoup de choses d'elle.
05:03 L'appassionnée, et en même temps,
05:05 je voyais le beau temps après la pluie,
05:07 je voyais un peu tout ça dans ce titre.
05:10 -En tout cas, je vous conseille de lire
05:12 cette biographie romancée,
05:14 qui est passionnante.
05:17 Ca s'appelle "L'orageuse", c'est paru chez Albain Michel.
05:20 Merci beaucoup, Jessica L. Nelson.
05:23 ...
05:26 [SILENCE]