Eric Naulleau : "Le lâcher tout individualliste nous mène vers le pire"

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Transcript

00:00 - Comme chaque vendredi, Eric Nolot, bonjour Eric Nolot. - Bonjour Patrick, bonjour à tous.

00:04 - Pour votre édito, un mot prononcé avant-hier par le président de la République vous a particulièrement intéressé.

00:11 - Quel mot, M-O-T-S, mettre sur les mots, M-A-U-X, comment rendre compte du désastre en cours ?

00:17 Comment décrire cet inexorable affaissement moral de notre pays ?

00:21 Comment rendre compte de cette sensation de chute libre éprouvée par tant de nos compatriotes ?

00:26 Alors dans un précédent éditorial, je suggérais le terme de dérèglement,

00:30 de préférence à celui de dégringolade, trop familier, ou de décadence, trop grandiloquent.

00:34 Et voilà que le président de la République vient de proposer celui de décivilisation.

00:38 Alors quand le sage montre la lune, l'imbécile regarde le doigt,

00:42 certains ont ainsi rappelé que décivilisation était également le titre d'un livre de Renaud Camus,

00:47 écrivain parfois classé en tout cas à l'extrême droite.

00:50 En fait, le concept est emprunté à un sociologue de gauche, Norbert Elias.

00:54 Mais l'essentiel est bien sûr ailleurs. Que signifie ce mot dans l'esprit d'Emmanuel Macron ?

00:58 Tout simplement le retour d'une violence primitive, dont nous pensions naïvement être venus à bout,

01:03 au profit des notions plus élaborées de civilisation et de démocratie.

01:07 La glace craque de partout, on piétine un ballon à l'effigie d'un ministre,

01:11 on en traite un autre d'assassin en pleine Assemblée Nationale,

01:14 on promène au bout d'une pique la tête d'une opposante politique,

01:17 on appelle à jeter bas la République, on profite de manifestations interdites

01:21 pour commettre des sabotages, on détériore des œuvres d'art,

01:24 on refuse de condamner les exactions commises par les sinistres Black Bloc,

01:28 on incendie le domicile d'un élu, on agresse un homme au seul motif

01:32 de son lien de parenté avec le chef de l'État, liste, hélas non exhaustive.

01:36 Ce tableau d'ensemble tient le milieu entre la loi de la jungle

01:39 et le retour du sans-culottisme qui fut le déshonneur de la Révolution française,

01:43 mais demeure un fantasme vivace dans les rangs de l'extrême gauche.

01:46 Est-ce qu'il y a un camp plutôt qu'un autre qui porte, selon vous,

01:49 la responsabilité de cette décivilisation ?

01:52 - Eh bien, j'ai dénoncé ici, comme je viens de le faire d'ailleurs à l'instant,

01:55 à plusieurs reprises combien les discours de l'extrême gauche

01:58 qui justifient ou appellent à la violence finissent par se traduire dans les actes.

02:02 Mais l'autre extrême n'est évidemment pas en reste,

02:04 comme on l'a vu à Saint-Brévin avec la campagne menée contre le maire

02:07 par des opposants à l'installation de migrants dans sa commune.

02:09 L'erreur serait cependant de s'en tenir à une dimension politique,

02:13 voire politicienne, comme a tenté de le faire la France Insoumise à Saint-Brévin

02:17 en organisant une indigne récupération dont même le maire s'est désolidarisé.

02:22 Il fallait le faire.

02:23 Il s'agit en réalité d'un trouble de civilisation,

02:25 d'un retour au désordre originel où l'individu roi donne libre cours à ses pulsions.

02:30 Celle de s'en prendre physiquement à quiconque ne partage pas ses opinions,

02:34 celle de se bourrer d'alcool et de drogue avant de prendre le volant

02:37 et de causer la mort de trois jeunes policiers à Villeneuve-Dasques,

02:40 celle d'investir la propriété d'autrui pour trois jours d'une fête techno-illégale

02:44 dont tous les excès et tous les dégâts seront pris en charge par la communauté.

02:48 Qu'un déséquilibré poignarde à mort une infirmière,

02:50 comme on vient de le voir à Reims, c'est une tragédie.

02:53 Mais nombre de nos contemporains agissent

02:55 comme s'ils ne disposaient pas non plus de leur libre arbitre.

02:58 Cette irresponsabilité, ce lâcher-tout individualiste, nous mène vers le pire.

03:02 Seul un sursaut collectif peut nous en sauver.

03:04 Mieux vaut compter sur l'autodiscipline

03:08 que sur de brusques rappels à la discipline qui tomberaient de haut.

03:11 Merci Éric Nolot, je ferai réagir justement dans quelques minutes Mathilde Panot,

03:17 la présidente du groupe de la France Insoumise à l'Assemblée Nationale,

03:19 même s'il y a beaucoup d'autres sujets.

03:21 Et vous reviendrez, Éric, tout à l'heure à 9h moins 20

03:24 en dialogue avec les auditeurs et avec Guillaume Bigot.

03:27 Il est 8h15 sur CEDRT, au bon réveil.

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