Avec Philippe Herlin, économiste au CNAM
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00:00Un pot au feu, ou un pot d'amitié, ou un pot de chambre, pardon, mais enfin, quand même, ça continue, ça continue.
00:07Alors, je rappelle simplement, quand même, on en avait parlé déjà, on en parle toujours, que la Commission des finances nationales,
00:15donc, se prononce sur la mise en place d'une commission d'enquête. Va-t-on mettre une commission d'enquête pour élucider le dérapage des comptes publics ?
00:24Vous vous rappelez, loi de finances 2024, on avait voté sur la base d'un déficit de 128 milliards, et alors, patatrasse,
00:31eh bien, ce déficit est atteint 180 milliards. Où sont passés les 50 milliards ? Qu'est-ce qui se passe ? Quelles dérives, etc. ?
00:41Inexpliqués et tout. Alors, on s'est dit, oui, mais alors, il faut quand même des rentrées fiscales. Comment on va y arriver ?
00:46Comment on va y arriver ? Et on se demande, alors, comment faire pour occulter ces 60 milliards d'euros, parce qu'il faut limiter à 5% le PIB,
00:54et on est déjà, paraît-il, à 6% ou 7%. Alors, on va demander un effort. À qui on va demander un effort ? Eh bien, à nous, à vous, à tous.
01:02On va demander cet effort, évidemment. Et comment ? Eh bien, écoutez, le chantaliste, au Figaro, le journaliste Robin Robin a fait le calcul.
01:11C'est une méthode, mais il dit... L'État enveloppe donc ces 2% du PIB. Inclut pour chacun des 40,7 millions de foyers fiscaux un effort de 1 464 euros.
01:24C'est une moyenne. 1 464 euros, donc près de 1 500 euros par foyer fiscal. Et voilà. Ce n'est pas encore de la tonte. Ce n'est pas encore au Karcher.
01:35Mais voyez à quelle sauce vous allez commencer à être grignotés. Philippe Erlin, bonjour.
01:41— Bonjour. — Vous êtes économiste au CNAM. Et on reçoit toujours avec plaisir. Alors c'est quoi, cette annonce ? C'est la marche funèbre de Chopin,
01:54c'est les soins palliatifs ou c'est, encore une fois, cette espèce de mécanisme extraordinaire. On va pas revenir sur les annonces de Bruno Le Maire, etc., etc.
02:04Mais alors on va encore ponctionner et ponctionner plus pour ponctionner mieux. Philippe Erlin.
02:11— Oui. Alors moi, j'ai lu cet article-là de Jean-Pierre Robin. Mais moi, j'en récuse complètement la logique, parce que le fait de ramener
02:18le déficit de l'État... Enfin en fait, c'est une partie du déficit. Ce sont les 60 milliards dont parle Michel Barnier pour passer de 7% du PIB
02:28à un déficit de 5%, ce qui reste encore énorme. Et il ramène ces 60 milliards à l'épargne des Français. Et ce qu'il fait, comme vous l'avez dit
02:37tout à l'heure, 1 475 € par foyer. Mais pourquoi est-ce qu'on ramène les deux ? C'est pas aux Français de payer. Et c'est certainement pas à l'État
02:44de se servir dans l'épargne des Français, dans l'argent que les Français ont mis de côté pour combler une partie de son déficit.
02:52Surtout que ça ne réglera rien, parce que le déficit continue. Il y a là un tel déséquilibre entre les recettes et les dépenses que ça continuerait.
02:59Donc moi, j'apprécie pas du tout que des économistes ou des journalistes suggèrent à l'État de ponctionner l'épargne des Français, quoi. Voilà.
03:10C'est à l'État de faire des efforts. Et malheureusement, quand on voit justement les premières discussions aux commissions des finances, là,
03:17qui ont eu lieu et qui se poursuivent, eh bien les députés, ils n'ont pas d'autre idée que de créer de nouveaux impôts. Il n'y en a aucun, aucun parti
03:26qui a proposé des réductions supplémentaires, des réductions de dépenses supplémentaires à ce qui avait été établi par le budget.
03:34Par contre, une nouvelle taxe, la flat tax qui va passer de 30 % à 33 %, la taxe sur le haut revenu qui devait être temporaire et qui va être permanente.
03:43On parle même d'une exit tax, etc. Bon. Et ça, c'est absolument scandaleux, parce qu'on tape sur les Français. Et moi, je considère que l'Assemblée nationale
03:52se moque des Français. Voilà. Et ce genre d'article, je dis que c'est dangereux, parce que ça va donner des idées aux députés pour aller ponctionner
04:00l'épargne des Français. Bon, voilà. Les Français, ils font des efforts depuis longtemps. Les Français, ils se serrent la ceinture depuis longtemps.
04:05Les entreprises comme les ménages... — C'est vrai. Mais vous savez qu'ils n'ont pas besoin d'un article dans le Figaro, les presses qui nous gouvernent
04:12ou qui aspirent à nous gouverner pour se dire... — Oui, non. C'est vrai. Oui. — Allez, ponctionnons. Mais dites-moi, comment vous expliquez...
04:17Alors vous qui suivez ces affaires depuis assez longtemps quand même et que vous connaissez la musique, comment vous expliquez que de droite à gauche,
04:25du centre d'en haut, d'en bas et d'ailleurs, personne ne dit mais arrêtez, regardez les dépenses publiques ? Pourquoi je dis ça ?
04:33Parce que je viens de voir que Trump, si Trump est élu... Enfin c'est pas... Mais qu'il a engagé Elon Musk, Elon Musk qu'on ne va pas présenter,
04:43pour dire « commission absolument sur le contrôle des dépenses publiques », commission qui sera 24 heures sur 24 en vigile.
04:51Comment il se fait qu'en France, alors que tout le monde... Enfin que beaucoup dénoncent effectivement le blob de l'État, l'État mammouth,
05:00que personne ne dit « Allez, commencez et arrêtons là ou là ou là ». Qu'est-ce qui... Expliquez-moi ça.
05:06— On a une culture étatiste en France qui remonte loin dans notre histoire. On a une culture même très socialiste, si ce n'est communiste.
05:15Et c'est une catastrophe de laquelle on n'arrive pas à sortir. Et malheureusement, j'ai peur qu'il faille arriver à la faillite pour commencer à se réveiller,
05:24c'est-à-dire faire comme l'Argentine, justement. L'Argentine qui a voté pour abattre Emile Hayek, qui lui aussi sabre dans les dépenses.
05:31Et il obtient des résultats déjà tout de suite avec une chute de l'inflation, avec un marché du logement qui redémarre, et avec finalement
05:39une récession très limitée et des espoirs de croissance qui vont... qui sont très importants. Donc j'ai peur qu'on soit obligés d'en arriver là.
05:48Mais c'est vrai que dans la classe politique française, il n'y a pas de volonté de diminuer la dépense publique. Celui qui a suggéré
05:56d'augmenter la flat tax, c'est pas un député. Et les filles, c'est un député du modem, de la majorité.
06:01— Oui. C'est intéressant. — Alors c'était une des rares bonnes mesures de Macron au début de baisser la taxe sur la plus-value à 30%.
06:08Parce que pourquoi c'est une bonne chose ? Parce que la plus-value, ça se fait sur l'immobilier, les actions, les crypto-monnaies ou l'or.
06:16Et donc c'est des revenus qui sont volatiles. Donc c'est normal de pas trop les taxer, parce que sinon, les gens qui possèdent des actions
06:22ou des bitcoins ou de l'or, ils vont aller voir à l'étranger, quoi. Voilà. Mais c'est ça qui va se passer, quoi.
06:27Et là, on l'augmente. Donc on va décourager la création de richesses. Et le problème, c'est qu'en faisant fuir les gens qui créent de la richesse
06:34ou alors ils vont se dire « Bon, on va pas trop se fatiguer, puis on va pas chercher à augmenter nos revenus », eh bien c'est la croissance qui va caler.
06:42Et ensuite, les revenus fiscaux de l'État qui vont stagner et au risque de se retrouver fin 2025 avec le même déficit que cette année, quoi.
06:50Et donc tout ça n'aura servi à rien. Et c'est vraiment le risque qui nous prend au nez, d'autant que l'Allemagne, le premier partenaire économique,
06:56lui, est en récession et il le sera pour l'année prochaine, notamment à cause du coût de l'énergie, voilà, qui rend nos industries non compétitives.
07:05— Tout à fait. Mais alors dernière question, Philippe Herlin. Effectivement, à ce moment-là, vous dites « On peut être en faillite ».
07:11Mais certains vous répondent « Mais vous savez, tout ça, oui, mais on s'assied sur la dette. La France ne sera jamais en faillite ».
07:18Les investisseurs étrangers qui font 52 à 53 % des investissements en France, enfin en tout cas de la dette, disons, enfin ceux qui sont de la dette,
07:26ben écoutez, non, la dette française est pas mal. C'est-à-dire qu'on continue à nous dire « Oui, mais écoutez, oui, c'est préoccupant, mais c'est pas si grave que ça ».
07:33Est-ce qu'effectivement, on ne joue pas, nous, les cassandres, en disant « Écoutez, vous criez au loup, vous criez au loup, mais c'est pas si grave » ?
07:42— Non, non, le niveau de gravité, il est réel, parce que les investisseurs étrangers commencent à s'inquiéter. On va avoir dans le mois qui vient,
07:47dans les semaines qui viennent, les deux agences de notation qui vont peut-être baisser la note de la dette française.
07:54Et il faut savoir que si on passe du double A comme aujourd'hui à simple A, automatiquement, il y a plein d'investisseurs internationaux
08:01qui vont arrêter d'acheter la dette française, parce qu'ils ont l'obligation légale d'acheter de la bonne dette, c'est-à-dire double A et non pas A simple.
08:07Donc ça risque de poser un problème. Et si le budget n'est pas voté... Parce qu'en fait, là, on a un budget qui, en fait, plaît à personne.
08:14Et si le budget n'est pas voté, il y a aussi le risque que le gouvernement soit renversé, parce que le 49-3 permettrait de passer le budget.
08:21Mais s'il y a en face, il y a une motion de censure qui est à la majorité, ça fait sauter le gouvernement. Et le budget, à ce moment-là, il faudra tout recommencer.
08:27Et ça pourrait vraiment créer un risque pour les investisseurs internationaux. Et après, qu'est-ce qui se passe ? La France émet de la dette.
08:35Et puis il n'y en a qu'une partie qui est souscrite par les investisseurs. Et à ce moment-là, ça veut dire que dans les semaines qui suivent,
08:42l'État peut verser qu'une partie des salaires des fonctionnaires, une partie des pensions.
08:47— Vous pensez que c'est quelque chose qui pousse... — Et ça, c'est quelque chose qui nous perd un an, vraiment, qui nous perd un an.
08:52— Ça peut arriver à Noël. Je dis clairement, ça peut arriver à Noël. — Ah, à Noël. Là, vous l'ai dit.
08:56— Là. Ça peut arriver à la fin de l'année. — Ah oui. Ah oui.
08:59— Parce qu'on est vraiment en situation limit. Et l'État n'a pas de réserve. L'État n'a pas de fonds souverains. L'État n'a pas d'épargne.
09:06Un ménage, l'épargne, en général, une entreprise à la trésorerie, l'État n'a pas de réserve.
09:12— Non mais l'État va ponctionner. On a commencé par ça. — Alors à ce moment-là, oui. Et malheureusement, c'est justement ce qui risque d'arriver.
09:19C'est que l'État ponctionne l'épargne des Français. Et il faut savoir que la législation existe déjà et le permet.
09:25Il y a la directive BARD européenne qui permet à une banque en situation de faillite de ponctionner les comptes de ses clients.
09:33Alors au-dessus de 100 000 €... — Oui, c'est intéressant, ça.
09:35— Cette limite-là de 100 000 €, il y a quasiment plus de comptes au-dessus de 100 000 €, donc ils la baisseront.
09:41Et les banques seraient en situation de faillite si l'État commençait à faire défaut sur sa dette.
09:45Donc ça, ça pourrait se déclencher. Et il y a la loi Sapin 2 qui permet de bloquer l'assurance-vie, c'est-à-dire de ne plus verser
09:52d'argent à ceux qui en détiennent et d'interdire le retrait. Donc l'État peut bloquer l'épargne et ponctionner. Et donc c'est très grave.
10:02— Et bloquer certains comptes en banque, etc., etc. Écoutez, c'est vrai qu'il faut en parler. C'est vrai qu'il faut pas jouer.
10:08Il faut pas se cacher. Il faut pas se boucher les yeux et les oreilles. Espérons que quand même on n'en arrive pas là.
10:15Mais c'est très important de voir à quel point on en est et à quel point on fait semblant. Tout va très bien, madame la marquise.
10:22Merci, Philippe Ernard. — Merci.