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00:00 Le grand rendez-vous de l'épargne, ça vous concerne.
00:02 On accueille notre second expert Nathalie Gouzi-Goussias, bonjour.
00:10 Bonjour, bonjour à tous.
00:11 Notaire à Paris et nous avons une question Thibaut de Jeanne.
00:17 Oui Jeanne, notre lectrice, elle a perdu sa maman qui n'a pas laissé de testament.
00:22 On précise, c'est pas bien de ne pas laisser de testament.
00:24 Jeanne, elle a un frère à qui elle ne parle plus depuis des années.
00:29 Elle est persuadée que son frère a reçu un capital important venant de l'assurance-vie
00:34 qu'avait contracté sa mère.
00:36 Évidemment, son frère ne veut rien lui dire.
00:39 Jeanne sait que, bon elle a quelques connaissances sur le sujet,
00:43 elle sait que les enfants doivent récupérer une certaine partie de la succession des parents.
00:47 Mais elle ne sait pas du tout comment faire valoir ses droits,
00:50 notamment par rapport à son frère et cette fameuse assurance-vie.
00:53 La question que pose Jeanne, effectivement, c'est une question à laquelle
00:57 les notaires de France sont régulièrement consultés,
01:01 sur lesquels les notaires sont régulièrement consultés,
01:03 j'ai envie de vous dire, avec une régularité de 4 ou 5 fois par mois.
01:06 Parce que, ce qu'il faut savoir, Jeanne a tout à fait raison,
01:09 lorsque s'ouvre une succession, le droit, normalement,
01:13 dit déjà que les héritiers ont droit de faire valoir leur vocation successorale.
01:19 Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'une mère a deux enfants,
01:22 ce qu'elle a gratifié en avance l'un de ses enfants,
01:26 et bien, au décès, l'autre va avoir l'équivalent dans la succession,
01:30 ça s'appelle le rapport, le rapport qui vise à rétablir l'intégrité des vocations successorales.
01:36 On peut aller autrement, on peut dire "non, je souhaite avantager mon enfant se faisant cette donation".
01:41 Ça, c'est la règle du rapport.
01:43 La réduction, c'est ce dont parle Jeanne,
01:45 c'est le fait qu'une certaine fraction de la succession soit réservée aux héritiers.
01:50 Et pour cela, au décès, on va reconstituer toutes les donations qui ont été faites,
01:55 et on va regarder sur cette masse combien doivent avoir les enfants,
02:00 et ça s'appelle la part de réserve.
02:02 Donc là, la question que se pose Jeanne, elle dit "j'ai le sentiment qu'une fraction de la succession de ma mère,
02:08 elle est complètement distraite de cette masse,
02:11 c'est-à-dire qu'en fait, mon frère va prendre les capitaux de l'assurance-vie,
02:15 et puis la différence de ce qu'a laissé ma mère, peut-être rien du tout d'ailleurs,
02:18 ça va être divisé en deux, d'où un sentiment d'injustice.
02:21 Ce qu'il faut savoir, c'est que le Code des Assurances règle très clairement la question,
02:27 aux articles L132.12 du Code des Assurances,
02:31 qui dit que les primes versées à un bénéficiaire au décès de l'assuré,
02:35 ne font pas partie de la succession.
02:37 Ça c'est clair.
02:39 Et l'article L132.13, à l'INEA 1er, il enfonce le clou,
02:44 il dit "les primes, le capital versé, n'est pas soumis aux règles du rapport, ce dont je vous parlais,
02:50 ou de la réduction, donc concrètement, c'est hors succession".
02:54 Ce qui n'a rien à voir avec la peste fiscale, qui est encore une autre histoire.
02:59 Néanmoins, il y a deux possibilités pour Jeanne de faire valoir ses droits,
03:04 mais appréciés de façon restrictive par les tribunaux.
03:08 C'est l'article L132.13 à l'INEA 2, qui dispose que si les primes versées par le souscripteur
03:17 sont manifestement exagérées, là pour le coup, l'héritier évincé peut faire valoir les règles du rapport
03:26 et de la réduction, c'est-à-dire que les primes peuvent être réintégrées si elles sont manifestement excessives.
03:33 - À ce moment-là, c'est requalifié en donation ?
03:36 - Alors c'est réintégré dans la succession.
03:38 - D'accord.
03:39 - Les primes vont être réintégrées.
03:41 Alors la jurisprudence dit que dans ces cas-là, quand l'excès est avéré,
03:44 la jurisprudence, c'est-à-dire les tribunaux, les tribunaux ont...
03:48 en fait, on s'aperçoit que les tribunaux réintègrent l'intégralité, non pas du capital,
03:52 mais des primes qui ont été versées.
03:55 Attention, le caractère excessif des primes, de leur versement,
04:00 s'apprécie non pas au moment du dénouement du contrat, c'est-à-dire au moment du décès,
04:05 mais au moment où elles ont été versées.
04:08 Donc, moralité, un défunt peut très bien avoir dilapidé une grosse partie de son patrimoine
04:13 parce qu'il en a eu besoin, laisser par ailleurs un gros capital
04:18 alimenté par des primes régulières,
04:21 si au moment où il a alimenté ses primes, ce n'était pas excessif par rapport à ses revenus,
04:27 ses primes ne seront pas considérées comme excessives,
04:31 alors même que peut-être qu'elles dépassent énormément ce que le défunt a laissé.
04:35 D'accord ?
04:36 Donc, vous voyez, il y a l'excès.
04:38 Et puis, il y a une autre possibilité pour Jeanne,
04:41 ça a été jugé par des arrêts de Chambre Mix en 2007,
04:46 où on dit que ça peut être requalifié, c'est ce que vous disiez Thibault,
04:50 en donation indirecte, c'est-à-dire réintégrée, pour absence d'aléas.
04:55 Donc, soit il y a deux voies d'attaque, soit les primes manifestement excessives, d'une part,
05:01 ou l'absence d'aléas, d'autre part.
05:04 Qu'est-ce que ça veut dire concrètement, l'absence d'aléas ?
05:07 Eh bien, le souscripteur, on est presque sûr qu'à égard à sa condition de santé, son âge,
05:12 il ne pourra pas bénéficier de ce contrat.
05:15 Donc, partant, les tribunaux, parce que c'est encore d'eux dont il s'agit,
05:19 peuvent reconsidérer qu'il ne s'agit non pas du principe d'une stipulation pour autrui,
05:25 qui fait que les capitaux échappent à la succession,
05:29 mais d'une donation indirecte.
05:31 Alors, peut-être une petite question, Nathalie,
05:34 comment notre électrice peut-elle avoir confirmation que son frère a bien touché cet assurant ?
05:39 C'est une très bonne question.
05:41 De plus, la Cour de cassation vient de rappeler que l'assureur n'a pas l'obligation d'informer le notaire,
05:48 ni d'ailleurs les autres héritiers.
05:52 Donc, déjà vous, pour savoir si vous êtes bénéficiaire d'un contrat d'assurance vie,
05:56 vous pouvez interroger les services de l'AGIRA avec un extrait d'acte de décès.
06:01 Mais en revanche, si Jeanne, elle, n'est pas bénéficiaire,
06:06 l'assureur ne va pas lui donner non seulement le bénéficiaire et le montant.
06:11 En revanche, pour faire valoir ses droits à réserve,
06:14 pour vérifier, soit qu'il y ait une absence d'aléas, soit que les primes sont manifestement excessives,
06:20 elle peut faire injonction à la compagnie d'assurance pour faire valoir ses droits réservataires,
06:25 et bien de lui donner et le nom du bénéficiaire et le montant du capital versé ainsi que des primes.
06:31 Il a été jugé que les assureurs doivent transmettre ces éléments.
06:36 S'ils ne le font pas, l'avocat de Jeanne pourra solliciter en justice la production de ces éléments
06:41 parce que ça participe de la défense de ses droits réservataires.
06:44 - C'est un peu le parcours du combattant.
06:46 - Mais c'est le parcours du combattant et c'est excessivement critiqué par beaucoup d'auteurs
06:51 qui disent "mais on ne comprend pas, en France, il y a la réserve",
06:55 c'est-à-dire que les héritiers doivent avoir un droit acquis sur ce qui reste ou sur ce qui a été donné.
07:01 Et en fait, effectivement, on voit que l'assurance vie, les capitaux,
07:06 du fait qu'ils échappent à la succession, échappent souvent au principe de la réserve,
07:11 à ne pas confondre avec le régime fiscal favorable, ce qui n'a rien à voir,
07:15 parce qu'en plus, l'assurance vie bénéficie d'un régime fiscal favorable
07:20 aux articles 990-1 du Code général des impôts et aux articles 757-B du Code général des impôts.
07:27 En plus, il y a une grosse partie qui est exonérée de droits de succession,
07:31 d'où un fort sentiment d'injustice.
07:33 Donc il y a beaucoup d'auteurs qui militent pour la réintégration de ces primes
07:39 dans le calcul de la réserve ou du rapport,
07:43 ce qui n'a rien à voir avec le régime fiscal favorable.

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