Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications, était l'invité de franceinfo le 29 mai 2023.
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00:00 Twitter a décidé de quitter le code européen de bonne pratique contre la désinformation en ligne.
00:05 C'est un texte qui est signé par les grands réseaux sociaux, Facebook, Twitter, etc.
00:09 Des professionnels de la publicité, des fact-checkers, qui s'engagent sur une base volontaire à mieux lutter ensemble contre la désinformation.
00:16 Twitter donc qui s'en extrait. Quelle est la réaction officielle de la France, du gouvernement français ?
00:21 La désinformation c'est une des menaces les plus lourdes qui pèse sur notre démocratie, c'est clair.
00:25 Les ennemis de la démocratie dévoient la liberté d'expression pour instiller le mensonge comme un poison dans le débat public.
00:31 On l'a vu au Capitole, on l'a vu aux Etats-Unis, pris d'assaut par des partisans de Donald Trump qui refusaient le résultat de l'élection.
00:37 Absolument, on l'a vu avec les antivax également.
00:41 Et c'est la raison pour laquelle l'Europe a décidé d'un code de pratique contre la désinformation.
00:47 C'est 128 mesures qui ont été adoptées sur une base volontaire par 34 géants du numérique, parmi lesquels Facebook, Google, Microsoft et Twitter.
00:57 Mais à côté de ce code de pratique qui est une décision volontaire, il y a une règle qui va s'appliquer à partir du 25 août prochain
01:06 et qui oblige les grandes plateformes de réseaux sociaux à lutter activement contre la désinformation.
01:12 Mais Jean-Noël Barraud, ce que dit Elon Musk, ce n'est pas que la désinformation ne sert à rien. Il dit que ce code est superfétatoire, qu'il est inutile.
01:17 Il dit "j'ai ma communauté qui est capable de faire de la lutte contre la désinformation en ligne".
01:21 Écoutez, moi je souhaite que Twitter puisse se conformer d'ici le 25 août aux règles européennes nouvelles que nous avons adoptées.
01:27 Sinon, il ne sera plus le bienvenu en Europe et force restera à la loi.
01:31 C'est quoi les règles précisément qui vont s'appliquer dès la fin de l'été en Europe ?
01:35 Est-ce qu'elles vont changer pour Elon Musk justement ?
01:38 Dès la fin de l'été, c'est un ensemble de règles qui va s'imposer aux réseaux sociaux et aux places de marché,
01:42 qui va les faire rentrer dans l'ère de la responsabilité, avec des obligations de modération,
01:47 c'est-à-dire de retrait des contenus illicites qui leur sont signalés,
01:51 avec des interdictions, comme celle de faire de la publicité ciblée sur les mineurs par exemple,
01:55 mais aussi avec une obligation impérieuse, celle de lutter activement contre la désinformation.
02:00 Il faudra en faire la preuve, sans quoi des amendes très lourdes pourront être prononcées.
02:04 Et puis en cas de récidive, une interdiction d'activité dans l'Union européenne.
02:08 C'est ce que vous venez de dire, si Twitter ne s'y conforme pas, il ne sera plus le bienvenu en Europe.
02:12 L'Europe peut couper Twitter en Europe.
02:14 Absolument et force restera à la loi.
02:16 Twitter peut être banni de l'espace européen.
02:18 Twitter, s'il ne se conforme pas à nos règles, sera banni en cas de récidive de l'Union européenne.
02:24 Je précise que les règles prévoient des amendes qui peuvent monter jusqu'à 6% du chiffre d'affaires mondial des entreprises.
02:30 On imagine donc que pour Twitter ou Facebook…
02:32 C'est à peu près 300 millions d'euros pour Twitter.
02:34 Oui. C'est sur Twitter que Thierry Breton d'ailleurs a réagi.
02:37 Twitter est devenu indispensable, y compris au monde politique.
02:40 Twitter joue un rôle important dans le débat public.
02:43 Mais nous ne pouvons pas prendre le risque qu'un réseau social tel que Twitter
02:48 se laisse prendre en otage par les partisans de l'indésinformation
02:53 et que par conséquent, notre débat public, notre démocratie, soit affectée.
02:58 C'est la raison pour laquelle nous avons établi des règles claires.
03:01 Et il faudra que Twitter s'y conforme.
03:03 Les réseaux sociaux sont devenus des sortes d'organes de presse, presque.
03:06 Il faut les considérer presque comme tels.
03:09 Les organes de presse sont assujettis à un régime de responsabilité très lourd.
03:13 Vous le savez, un organe de presse doit disposer d'un directeur de la publication
03:17 qui est tenu responsable, pénalement responsable, des contenus qui sont diffusés par ses journaux, par ses médias.
03:25 Jusqu'à présent, les réseaux sociaux n'étaient assujettis à aucune obligation.
03:29 Avec un règlement que la France a porté l'année dernière, sous l'impulsion du président de la République,
03:34 nous allons changer les choses et nous allons faire rentrer les réseaux sociaux dans une ère de responsabilité.
03:40 On ne va pas leur demander d'être responsable de tous les messages qui circulent sur leur plateforme.
03:44 Ce serait vain et ce serait une atteinte à la liberté d'expression.
03:47 Mais en revanche, on va leur demander de prendre un certain nombre de mesures,
03:51 de mettre en place un certain nombre de garde-fous pour que les contenus illicites
03:54 qui transitent sur leur plateforme soient retirés dans les plus brefs délais
03:57 et pour que la désinformation ne puisse pas y prospérer.
04:00 – Est-ce que vous dites la même chose à Tchad GPT qu'à Twitter ?
04:03 Si vous ne vous conformez pas à nos règles, vous n'êtes plus les bienvenus en Europe.
04:06 Je vous dis ça parce que Sam Altman, le patron de Tchad GPT qui était en tournée européenne,
04:10 s'est inquiété d'une régulation trop contraignante qui pourrait arriver dans l'Union Européenne
04:14 en disant "bon, dans ce cas-là, nous on n'opérera plus en Europe".
04:17 Il est un peu revenu sur ses propos lors de l'étape parisienne.
04:20 – La double visite de Sam Altman, le fondateur de Tchad GPT en France la semaine dernière,
04:25 les propos qu'il a tenus témoignent de tous les atouts dont dispose la France
04:29 dans cette course effrénée à l'intelligence artificielle générative.
04:33 Une course dans laquelle nous ne devons pas nous laisser distancer.
04:37 C'est une question de souveraineté et par ailleurs, nous en avons les moyens.
04:42 – Il faut protéger l'innovation.
04:43 – Pour cela, il faut investir et le Président de la République
04:46 aura l'occasion de faire des annonces dans quelques semaines
04:48 et il faut réguler efficacement et intelligemment.
04:51 Il y a quelque chose qui s'est passé il y a quelques jours et qui est très intéressant.
04:55 C'est que Google a lancé à son tour son propre Tchad GPT qui s'appelle BARD.
05:00 Il l'a lancé dans 180 pays autour du monde, sauf en Europe.
05:04 – En raison notamment du risque de…
05:08 – En raison du risque réglementaire, en tout cas c'est ce que Google a…
05:11 – En fait c'est la protection des données, c'est le fameux RGPD.
05:14 – Alors il est vrai que l'Europe est la première démocratie du monde
05:18 à avoir décidé de se doter d'un cadre pour l'intelligence artificielle.
05:22 C'est ce qu'on appelle le règlement IA, le règlement sur l'intelligence artificielle.
05:28 Mais je considère qu'à ce stade, la position que le Parlement européen
05:32 a prise sur le règlement sur l'intelligence artificielle est excessive
05:36 et risque de faire sortir l'Union Européenne de l'histoire technologique.
05:43 Il est impératif, c'est une ardente obligation,
05:46 il est impératif pour nous de disposer dans les mois qui viennent
05:49 de modèles tels que ceux qu'ont développés ces géants américains.
05:52 – Qu'est-ce que vous craignez avec cette réglementation, pour bien comprendre ?
05:55 Vous dites "elle est peut-être excessive", sur quel point de vue ?
05:58 – Elle est peut-être excessive, je dis qu'à ce stade,
06:00 la position du Parlement européen est excessive,
06:03 car elle impose des obligations d'audit, des obligations de transparence
06:08 qui sont excessives pour ce type de modèle.
06:11 Le type de modèle comme Tchad GPT, qui font l'objet d'une course effrénée,
06:15 dans laquelle nous ne devons pas nous laisser distancer,
06:18 sans quoi nous nous enfermerions dans des décennies d'assujettissement
06:22 et de dépendance technologique.
06:23 Il faut que nous restions dans la course, il faut évidemment donner un cadre
06:27 au développement de l'intelligence artificielle,
06:29 mais à ce stade, la position du Parlement européen est excessive.
06:31 – C'est-à-dire que vous êtes d'accord avec tous les experts qui disent
06:33 "ce qu'on a fait jusqu'ici en régulant, c'est de favoriser les grands groupes américains
06:36 qui eux ont une batterie de juristes pour contourner les règlements
06:39 et puis finalement on a tué l'innovation européenne".
06:42 C'est ça le risque ?
06:43 – Tout à fait, je pense que la régulation est nécessaire,
06:45 on parlait tout à l'heure des réseaux sociaux,
06:47 et je me félicite de l'adoption l'année dernière de deux règlements majeurs
06:51 à l'initiative de la France et du Président de la République
06:53 qui mettent de l'ordre dans l'économie numérique et dans la société numérique.
06:57 Mais s'agissant de l'intelligence artificielle qui est une technologie émergente,
07:01 il est impératif que nous puissions encadrer, mais avant cela,
07:04 que nous puissions nous doter de ces outils-là,
07:06 sans quoi nous serons dépendants des outils produits ailleurs.
07:10 Les américains continueront de développer leurs modèles aux États-Unis,
07:15 les français parmi les meilleurs du monde
07:19 iront probablement aux États-Unis développer leurs propres modèles.
07:22 Je souhaite que nous disposions dans les prochains mois
07:25 de ce type de modèles pour conserver notre souveraineté
07:28 et notre autonomie stratégique dans les domaines civils et militaires
07:31 car les applications telles que ChadGPT auront des applications dans les deux dimensions.
07:36 – Vous avez cité que les États-Unis, je remarque, pas la Chine non plus.
07:38 – Si la Chine évidemment, bien sûr.
07:40 – Parce que c'est aussi les données qui permettent d'alimenter
07:43 les intelligences artificielles et les rendre plus performantes.
07:46 Elles sont très protégées en Europe, elles le sont beaucoup moins évidemment en Chine.
07:49 Jean-Noël Barreau, vous restez avec nous,
07:51 ministre délégué à la transition numérique et aux télécommunications.
07:55 8h41, c'est l'heure du Fil-Info avec Maureen Swiniard.
07:57 [Musique]
07:58 – Le président américain salue des alliés au sein de l'OTAN.
08:01 Avec le président Erdogan, nous continuerons à avancer,
08:04 complète le chef d'État français Emmanuel Macron,
08:07 Recep Tayyip Erdogan, réélu président de la Turquie avec plus de 52% des voix,
08:12 après déjà 20 ans passé au pouvoir.
08:15 Faut-il fixer des taux de recyclage obligatoires au pays,
08:18 faire payer davantage les pollueurs payeurs
08:20 ou même interdire certains plastiques ?
08:23 Des mesures en discussion à Paris.
08:25 Les négociateurs représentant 175 États sont réunis
08:29 pour mettre fin à la pollution plastique dans le monde.
08:32 L'objectif est de sceller un accord d'ici deux ans.
08:34 Le parquet de Lorient indique procéder à des vérifications,
08:37 un homme étant garde à vue.
08:39 Ce trentenaire est un proche d'une femme retrouvée morte ce week-end,
08:42 le corps de cette femme repêchée dans une rivière, dans le Morbihan.
08:46 Du monde dès le milieu de matinée, sur les routes,
08:49 pour cette fin de week-end de la Pentecôte,
08:51 c'est orange dans le sens des retours,
08:53 dans le Grand Ouest, le Nord et l'Île-de-France.
08:55 [Musique]
08:58 – France Info
08:59 [Musique]
09:00 – Le 8h30, France Info, Néil Alatrousse,
09:03 Laurence Néchal.
09:04 – Toujours avec Jean-Noël Barraud,
09:05 ministre délégué à la transition numérique et aux télécommunications.
09:09 On parlait tout à l'heure d'Elon Musk, le patron de Twitter.
09:12 Il apporte aussi, le milliardaire américain,
09:14 une aide considérable à l'Ukraine dans la guerre contre la Russie
09:17 via son réseau internet Starlink, réseau par satellite.
09:21 Il a menacé plusieurs fois de le couper,
09:23 puisqu'Elon Musk est aussi proche de la droite américaine
09:27 et donc indirectement de la Russie.
09:29 C'est un acteur privé qui a trop de pouvoir finalement.
09:32 – C'est un opérateur de satellite.
09:35 Il en existe d'autres et en particulier,
09:38 l'opérateur français Orange dispose d'un opérateur de satellite
09:42 et a aujourd'hui 3, 4 fois plus de clients que Starlink dans notre pays,
09:47 même si ce n'est pas toujours un chiffre connu.
09:51 Je crois qu'il nous faut pouvoir disposer de constellations souveraines
09:56 et c'est la raison pour laquelle la France a soutenu
09:58 l'initiative européenne Iris au carré, Iris 2,
10:02 qui va nous permettre de disposer de cette autonomie-là.
10:05 – À quelle échéance ?
10:07 – S'agissant des réseaux de télécommunication,
10:09 il faut à la fois pouvoir disposer de la couverture mobile et fixe avec la fibre,
10:13 mais aussi veiller à ce que nous soyons couverts
10:16 par les constellations de satellite.
10:18 – Et ce serait à quelle échéance alors que l'Europe pourrait déployer
10:20 sa propre constellation de satellite pour envoyer Internet
10:23 sur le plancher des vaches si vous voulez ?
10:25 – C'est dans la décennie qui vient, mais je le rappelle,
10:27 il existe d'ores et déjà des offres satellite auprès de votre opérateur,
10:31 en tout cas si vous êtes chez Orange, donc en quelque sorte,
10:34 nous n'avons rien à envier à Orange si l'on prend à la fois
10:37 le projet européen et les offres déjà existantes sur le territoire.
10:40 – Et ça veut dire que ce n'est pas tout de suite qu'on va se substituer
10:43 à Starlink pour aider les Ukrainiens ?
10:45 – On a aidé les Ukrainiens à bien des égards
10:47 et notamment en matière de télécommunication,
10:49 un certain nombre d'opérateurs se sont mobilisés
10:51 pour apporter des solutions et de l'expertise.
10:55 Il faut reconnaître à Elon Musk d'avoir agi très vite
10:58 pour pouvoir donner à la fois aux populations ukrainiennes,
11:02 mais aussi à l'armée, des moyens de communiquer,
11:06 mais nous ne sommes pas en reste et là aussi,
11:08 à l'initiative du Président de la République,
11:09 beaucoup a été fait, y compris en matière de télécommunication.
11:11 – Toute dernière chose sur ce sujet, c'est aussi un moyen
11:13 de lutter contre les zones blanches en France, puisque vous citez Orange,
11:16 le fait d'avoir un réseau satellitaire Internet.
11:20 – L'objectif qui est le nôtre, c'est de couvrir avec les réseaux mobiles
11:24 l'intégralité du territoire, mais aussi de le faire avec le très haut débit
11:30 et c'est la raison pour laquelle nous travaillons activement
11:32 au déploiement de la fibre et nous sommes bien avancés
11:34 puisque la France est le pays d'Europe qui est le mieux fibré.
11:38 Ceci étant dit, il restera toujours quelques territoires,
11:41 quelques locaux d'habitation qui sont si éloignés
11:44 des centres-villes, des centres-bourgs, qu'il faudra bien
11:46 trouver une solution alternative à la fibre et dès lors,
11:49 le satellite s'y prêtera.