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Date de l'audience : 30/05/2023

M. Frédéric L. [Interdiction de la filiation entre l’enfant issu de l’assistance médicale à la procréation et le tiers donneur]

Lien vers la décision : https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2023/20231052QPC.htm

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Transcription
00:00 Alors, nous passons à la seconde du PC,
00:05 sous le numéro 1053.
00:08 Elle porte sur certaines dispositions
00:12 de l'article 342-9 du Code civil
00:19 dans sa rédaction issue de la loi 2021-1017
00:23 du 2 août 2021 relative à la bioéthique.
00:27 Mme la greffière.
00:28 -Merci, M. le Président.
00:30 Le Conseil constitutionnel a été saisi le 7 avril 2021
00:34 par une décision du Conseil d'Etat.
00:36 Une question prioritaire de constitutionnalité
00:38 posée par M. Frédéric Lautelier
00:40 portant sur la conformité aux droits et libertés
00:43 que la Constitution garantit de l'article 342-9 du Code civil
00:48 dans sa rédaction issue de la loi numéro 2021-1017
00:52 du 2 août 2021 relative à la bioéthique.
00:55 Cette question relative à l'interdiction
00:57 de la filiation entre l'enfant
00:59 issu de l'assistance médicale à la procréation
01:02 et le tiers-donneur a été enregistrée
01:04 au secrétariat général du Conseil constitutionnel
01:07 sous le numéro 2023-1053-QPC.
01:11 La SARD-CORLÉ a produit des observations
01:14 dans l'intérêt de M. Frédéric Lautelier
01:17 partir le 40 les 28 avril et 12 mai 2023.
01:21 La Première ministre a produit des observations
01:25 le 28 avril 2023. Le groupe d'information et d'action
01:29 sur les questions procréatives et sexuelles, d'une part,
01:33 et Mme Audrey Fourny, dite Audrey Kermade-Wilzen,
01:36 et l'association Origine, d'autre part,
01:38 ont demandé à intervenir et ont produit à cette fin
01:41 des observations le 28 avril 2023.
01:44 L'association Maman Solo a demandé à intervenir
01:47 et a produit à cette fin des observations
01:49 le 28 avril 2023.
01:51 Puis M. Mariama Soabi a produit de nouvelles observations
01:55 dans l'intérêt de cette partie le 12 mai 2023.
01:58 Seront entendues aujourd'hui l'avocate de la partie requérante,
02:01 les avocats des parties intervenantes
02:03 et le représentant de la Première ministre.
02:05 -Merci, madame.
02:07 Alors, nous allons écouter d'abord Mme Pauline Corlay,
02:12 qui est avocate au Conseil,
02:13 qui représente M. Lautelier, partie requérante.
02:15 -Maître.
02:22 M. le Président, mesdames, messieurs les membres
02:25 du Conseil constitutionnel,
02:27 la question prioritaire de...
02:30 Cette 2de question prioritaire de constitutionnalité
02:34 ne présente pas davantage de difficultés, à mon sens,
02:37 que la 1re,
02:38 et elle n'a ni pour objectif, ni pour effet
02:43 de faire exploser les familles
02:46 dont les enfants sont issus
02:49 de tels dons.
02:53 A l'occasion d'un recours pour excès de pouvoir
02:55 déposé le 25 septembre 2022,
02:58 à l'encontre de l'arrêté du 29 août 2022
03:01 relatif au consentement, à la proposition
03:04 et à l'accueil d'un ou plusieurs embryons,
03:06 M. Frédéric Lautelier a demandé la transmission
03:09 au Conseil constitutionnel
03:12 de la constitutionnalité de l'article 342-9
03:17 du Code civil.
03:18 Ici encore, je ne reviendrai pas
03:20 sur la recevabilité de la question posée,
03:23 qui n'est pas contestée.
03:24 Je reviendrai uniquement
03:30 sur la constitutionnalité de ce texte.
03:34 L'article 342-9 du Code civil
03:36 ne fait que reprendre l'ancien article 311-19
03:40 du même Code,
03:42 qui prévoit qu'en cas de procréation médicalement assistée
03:45 avec tiers donneurs,
03:47 aucun lien de filiation ne peut être établi
03:51 entre l'auteur du don
03:53 et l'enfant issu de la procréation.
03:56 La difficulté tient à la lettre du texte
04:00 qui nous dit qu'aucun lien de filiation
04:03 ne peut être établi,
04:04 donc y compris un lien de filiation
04:08 établi par voie de l'adoption.
04:11 Tout est exclu.
04:13 Toute filiation est exclue.
04:14 Alors, évidemment, je ne conteste pas
04:17 la nécessité d'un texte
04:19 qui vient exclure une filiation biologique.
04:24 Il est absolument certain
04:26 qu'autoriser la remise en cause
04:31 et l'établissement d'une filiation biologique
04:35 viendrait faire exploser tout ce que l'on a construit
04:39 pour accepter la procréation médicalement assistée
04:43 avec tous ce qui s'ensuit, des droits de succession,
04:46 des actions en recherche de paternité, etc.
04:48 Donc, il est absolument essentiel
04:51 de préserver une telle disposition.
04:53 Le problème tient à ce qu'elle ne fait pas de distinction
04:57 entre les cas de filiation,
05:01 que je dirais volontaire,
05:03 et les cas d'adoption biologique.
05:06 Car l'adoption n'est qu'un cas de filiation volontaire,
05:13 et qui répond un peu aussi à l'esprit
05:15 de la procréation médicalement assistée,
05:18 où, là encore,
05:20 la filiation est née de la volonté
05:23 et de la volonté de parentalité des personnes.
05:27 L'adoption participe du même mouvement.
05:31 Alors, la crainte serait que l'adoption
05:36 fasse exploser,
05:39 permettre à l'adoption de faire exploser le système.
05:43 Je pense que c'est radicalement faux,
05:46 parce que les règles en matière d'adoption
05:50 sont extrêmement strictes.
05:53 Tout d'abord,
05:55 ce qui est permis par les textes aujourd'hui,
05:58 c'est uniquement pour les personnes issues de dons
06:01 à leur majorité d'avoir accès à leurs données,
06:05 ce qui peut ensuite leur permettre de faire connaissance du donneur
06:11 et peut-être d'établir des liens avec celui-ci
06:14 une fois qu'il est majeur.
06:17 On ne peut pas exclure non plus les cas de minorité,
06:21 puisque, comme on vous l'a expliqué,
06:23 il est possible parfois d'obtenir autrement
06:27 des données identifiantes que dans le cadre de la loi.
06:30 Donc on ne peut pas exclure totalement
06:33 le fait que des personnes puissent...
06:36 Voilà, qu'un donneur et qu'un...
06:39 Et que la personne issue du don puisse faire connaissance l'une de l'autre.
06:44 Alors, la question est de savoir si l'on doit empêcher
06:48 ces personnes qui ont fait connaissance l'une de l'autre
06:52 d'accéder à cette adoption.
06:56 Est-ce que cela vient porter atteinte,
06:59 une atteinte disproportionnée,
07:02 au droit des parents par l'affiliation volontaire de l'APMA ou pas ?
07:06 Je ne le pense pas.
07:08 Parce que l'on rentre dans le cadre strict de l'adoption,
07:12 que l'adoption doit être judiciairement prononcée,
07:15 que le juge prête toujours attention aux personnes.
07:18 Alors, dans la minorité, il faut l'accord des parents,
07:21 mais une fois la majorité venue, il faut aussi l'accord du juge.
07:25 Donc ce n'est pas la simple volonté de ces deux personnes.
07:30 C'est judiciairement contrôlé.
07:32 Donc je pense qu'il n'y a aucun trouble
07:36 qui sera apporté aux filiations
07:39 qui seront établies par l'APMA
07:42 parce qu'il y a le contrôle du juge.
07:45 En revanche, l'atteinte qui est portée
07:51 à la personne du donneur et à la personne issue du don de PMA
07:57 de ne pas pouvoir établir la filiation adoptive
08:00 est une atteinte qui est contraire,
08:04 à mon sens,
08:06 au préambule de 46 et à l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme
08:12 et du citoyen, dans la mesure où elle vient porter une atteinte
08:15 à la vie familiale et à la vie privée.
08:19 Ce droit est reconnu par votre jurisprudence
08:22 en matière d'état des personnes et en matière de droit de la famille.
08:26 Vous considérez que les conditions d'une vie familiale normale
08:29 s'apprécient selon nos critères nationaux
08:33 et l'évolution du droit interne
08:34 et l'évolution de la conception interne de la filiation
08:39 a nécessairement une incidence sur l'appréciation de l'atteinte
08:43 portée au droit à une vie familiale normale.
08:46 Ce que je voudrais souligner, c'est que la personne,
08:50 le donneur n'a évidemment pas un droit à l'adoption.
08:55 Il n'a pas du seul fait de la filiation,
08:58 du seul fait de liens biologiques, un droit à cette filiation.
09:04 L'adoption ne permet pas cela.
09:06 Mais le système actuel qui veut que l'adoption soit interdite
09:11 vient au contraire priver cette personne
09:13 par le seul fait qu'il y a des liens biologiques,
09:17 vient lui interdire l'adoption,
09:18 par le seul fait qu'il y a des liens biologiques.
09:22 Ce qui est assez contradictoire.
09:24 Toutes les autres personnes sans liens biologiques pourraient,
09:27 si le juge l'accepte, si on est dans le cadre de l'adoption,
09:31 avoir ce lien consacré en droit de l'adoption,
09:35 mais lui, non, parce qu'il aurait des liens biologiques.
09:38 Ce sur quoi j'insiste, c'est que le lien biologique n'est pas suffisant,
09:43 n'est pas nécessaire, bien entendu.
09:45 Ce n'est pas une condition du tout d'adoption.
09:48 C'est hors du cadre de l'adoption,
09:50 mais il ne faut pas non plus que ce soit un empêchement à l'adoption.
09:55 Donc je pense que l'atteinte portée à la vie familiale normale,
09:59 à la vie privée de ces personnes qui ont pu créer des liens
10:02 parce qu'elles se sont connues,
10:03 et on peut tout à fait imaginer que dans le cadre de l'article 370,
10:10 je ne sais plus combien, du Code civil,
10:12 les personnes, même la mère de l'enfant,
10:17 fasse connaissance après avoir eu accès,
10:22 après avoir eu un accès aux données,
10:25 et eu connaissance du donneur, et créer des liens.
10:30 Peut-être même qu'ils se marieront.
10:32 C'est peut-être un conte de fées, je n'en sais rien.
10:34 Mais s'ils se marient, pourquoi priver alors dans ce cas
10:38 le mari de la mère d'adopter l'enfant ?
10:40 Simplement parce qu'il aurait des liens biologiques.
10:42 Donc la situation actuelle est absurde.
10:45 Madame le Premier ministre ici représentée
10:49 semble assez d'accord avec moi sur la réserve d'interprétation
10:53 qu'il suffit de faire.
10:54 Evidemment, si vous décidiez d'abroger le texte,
10:56 il faudrait non pas l'abroger immédiatement,
10:58 mais donner le temps aux législateurs
11:01 de revenir sur cette disposition
11:03 pour qu'il n'y ait pas d'explosion du système actuel.
11:07 Monsieur le Président du Conseil,
11:09 mesdames, messieurs les présidents du Conseil constitutionnel,
11:12 je vous remercie de votre attention.
11:13 Merci, maître.
11:15 Alors, nous allons maintenant entendre maître Soiby.
11:19 Merci, monsieur le Président, monsieur et madame du Conseil.
11:30 Alors, je vous avoue que je suis assez perturbée
11:34 par la succession de ces deux QPC
11:36 qui semblent poursuivre des intérêts bien éventuellement opposés.
11:40 Et là, en tout cas, pour cette 2e QPC,
11:46 avec cette intention, ou en tout cas cette volonté
11:49 de pouvoir établir un lien de fidélisation,
11:51 notamment adoptif, avec les enfants issus de dons,
11:54 ce qui perturbe réellement aussi les familles
11:58 qui sont constituées par le biais de la PMA.
12:01 Et lorsqu'on vous dit que cette demande
12:03 n'a ni pour objectif ni pour effet
12:05 de faire exploser ces familles issues de tels dons,
12:08 en lisant en tout cas les écrits de monsieur Le Tellier,
12:12 dont je m'expliquerai tout à l'heure,
12:14 on en vient à douter.
12:16 On en vient à douter parce que ça cache mal, en tout cas,
12:18 une intention autre que celle
12:20 de simplement établir un lien de filiation.
12:22 En toute et à toute cause, je tiens à insister sur le fait
12:25 que finalement, le projet de précréation médicalement assistée
12:29 est généralement et toujours un projet parental,
12:33 fut-il par le biais d'une seule personne ?
12:37 Là, en l'occurrence, par les femmes non mariées.
12:40 Que la filiation de l'enfant conçu dans ces conditions
12:43 est censée renvoi au principe majeur
12:46 de l'interdiction d'établissement du lien de filiation
12:49 à l'égard du donneur,
12:50 et c'est un principe protecteur pour les familles,
12:53 notamment des femmes non mariées, et pas que,
12:55 mais c'est un principe protecteur de ces familles receveuses
12:58 et qui vise aussi à protéger la vie privée et familiale
13:02 des donneurs contre toute tentative d'immigration
13:05 de la personne, notamment obligation alimentaire,
13:08 recherche de paternité, action de responsabilité.
13:10 Donc c'est un principe qui est protecteur des deux côtés.
13:13 Et d'ailleurs, lorsque la personne,
13:18 là, en l'occurrence, la femme non mariée,
13:20 signe devant le notaire son consentement à cette PMA,
13:24 on lui explique bien que cette filiation sera incontestable.
13:29 Donc à mon sens, et lorsqu'on lit l'article,
13:33 les termes sont très clairs, pas de filiation.
13:36 Alors certes, on ne précise pas,
13:38 il ne semble pas nécessaire de devoir détailler
13:41 pas de filiation adoptive,
13:42 mais le principe est là,
13:44 pas de filiation à l'égard des donneurs.
13:46 Et en fait, je pourrais aussi préciser
13:52 que finalement, le donneur, lorsqu'il fait ce geste altruiste,
13:56 il le fait pour X raisons, voilà, qui lui sont propres,
14:00 et dont la finalité est toujours celle de donner du matériel,
14:04 de céder du matériel génétique.
14:06 Donc à aucun moment,
14:09 à aucun moment,
14:10 cette action ne peut être considérée
14:12 comme étant un moyen de se réserver une option
14:15 pour pouvoir créer une famille ultérieurement,
14:18 en se basant sur la réalité biologique,
14:21 fut-il par le détournement de la filiation,
14:25 par le biais de la filiation adoptive.
14:27 Et d'ailleurs, lorsqu'on voit les débats parlementaires,
14:31 lorsqu'on lit les comptes rendus des débats parlementaires,
14:35 notamment ceux du 30 juillet 2020,
14:37 Mme la rapporteure de la loi dit bien
14:39 que ce que le donneur donne,
14:41 ce n'est pas une histoire amoureuse, relationnelle ou familiale,
14:44 mais une histoire strictement génétique
14:46 liée à ses gamètes,
14:48 ce qui peut éventuellement expliquer aussi la recherche,
14:51 en tout cas permettre la recherche,
14:53 tentative de recherche des origines des enfants,
14:55 mais à aucun moment, cela ne permet de pouvoir dire
14:58 que le donneur, par la suite,
15:00 va pouvoir constituer une famille avec les enfants issus de ses dons.
15:05 Alors, tout à l'heure, je disais que cette requête
15:08 masque mal les intentions réelles de M. Le Tellier,
15:12 puisque, en fait, en recherchant ses écrits antérieurs,
15:16 on se rend compte, et je le cite dans mon mémoire,
15:19 que dans un article du 12 septembre 2020,
15:23 il y a tout un questionnement qui contribue presque
15:25 à remettre en cause ces nouvelles familles
15:28 constituées par le biais des dons,
15:31 à savoir les familles notamment monoparentales.
15:34 Et il y a une phrase qui peut interpeller,
15:39 c'est qu'on se rend compte que, finalement,
15:42 cette tentative, cette démarche,
15:44 c'est aussi un moyen pour d'anciens donneurs sans descendance
15:48 de pallier à l'absence d'enfants
15:50 en disposant des enfants nés de leurs dons,
15:53 considérés presque comme étant disponibles
15:55 du fait de l'absence de filiation paternelle,
15:57 puisqu'en fait, dans cet article de 2020,
15:59 à aucun moment, il ne remet en cause les filiations,
16:03 en tout cas, les enfants nés de dons
16:06 dans le cadre de couple de femmes
16:08 ou dans le cadre de couple hétérosexuel,
16:10 mais on en vient à s'émouvoir du fait qu'un enfant
16:13 puisse naître dans une famille monoparentale
16:15 avec une branche qui reste vide,
16:17 et donc, on estime qu'un enfant doit nécessairement avoir un père
16:21 et que cet enfant est disponible pour pouvoir être adopté.
16:25 Alors, hélas, ça peut être assez déstabilisant
16:32 puisque la filiation adoptive, à mon sens,
16:36 c'est une construction sociale
16:37 qui permet d'inscrire une personne dans une histoire familiale,
16:41 et elle doit avoir une certaine consistance,
16:43 et comme je l'ai dit tout à l'heure,
16:44 ce n'est pas une option qu'on se réserve
16:47 parce qu'au crépuscule de sa vie,
16:49 on se rend compte qu'on n'a pas pu avoir d'enfant
16:50 et on va, par le biais des recherches
16:53 que peuvent faire ces enfants,
16:55 se créer une famille dans le cadre uniquement,
16:59 et là aussi, j'insiste, uniquement des familles soloparentales
17:02 qu'on estime devoir peut-être protéger ou sauver
17:06 et combler l'absence de projects d'adoption personnel.
17:11 Par rapport à cela,
17:15 et là, puisque je ne l'ai pas précisé,
17:18 mais j'interviens pour trois associations différentes,
17:21 vous avez l'association Origine qui pose aussi cette question
17:26 de savoir si, finalement, le fait de faire un don,
17:31 est-ce que c'est réellement considéré comme un don,
17:33 alors je le répète, ou est-ce que c'est un prêt ?
17:35 Parce que lorsqu'on lit un petit peu la requête de Monsieur,
17:38 on peut se poser la question
17:40 si ce don n'est pas plus un prêt
17:43 avec faculté pour le donneur de récupérer le fruit de ce don,
17:47 à savoir un enfant, l'enfant qui serait né ultérieurement.
17:51 Et c'est important de se poser la question
17:55 puisque, finalement, il faut le rappeler,
17:57 les titres, les articles relatifs à l'affiliation
18:02 concernent tous les enfants,
18:03 qu'ils soient issus de couples hétérosexuels,
18:05 de couples de femmes ou de femmes célibataires non mariées,
18:10 et donc la décision que vous prendriez
18:12 si jamais vous devez accéder à cette demande
18:14 concernerait toutes ces personnes
18:16 et non uniquement les enfants issus de familles monoparentales,
18:20 même si ce sont celles visées par Monsieur Le Tellier.
18:25 Alors, là aussi, on peut s'interroger
18:28 sur le fait de devoir poser cette question, cette QPC,
18:33 alors que les débats parlementaires ont été assez longs,
18:37 la chose a été admise.
18:39 Alors, peut-être que certains, aujourd'hui,
18:41 regrettent le fait que le législateur ait pu ouvrir
18:44 la PMA aux couples de femmes
18:46 et accepter que des femmes puissent constituer famille
18:49 sans branche paternelle et sans référent parental,
18:52 mais, bon, là aussi, il aurait fallu éventuellement
18:54 débattre un peu plus sur ce sujet.
18:56 On ne peut pas revenir aujourd'hui
18:58 pour vous poser cette question, en tout cas, de manière détournée,
19:01 pour pouvoir revenir sur une loi qui a déjà été votée.
19:05 Et sur ce point-là de l'adoption,
19:09 je m'en réfère à ce que Mme Coralie Dubost,
19:12 rapporteure des articles relatifs à la filiation,
19:15 dans le cadre de cette loi bioéthique,
19:18 et Mme Monique Limon,
19:20 en charge de la dernière réforme de l'adoption,
19:21 qui est actuellement aussi présidente
19:23 du Conseil national d'adoption,
19:25 qui explique clairement que le législateur
19:28 n'a pas souhaité ouvrir la voie à la possibilité
19:31 pour le donneur d'adopter l'enfant
19:32 et qu'il est indispensable de maintenir ce principe
19:36 comme étant intangible.
19:37 Même si dans les conclusions,
19:38 dans le mémoire de M. Le Tellier,
19:41 on vous rapporte les propos de Mme Coralie Dubost,
19:43 qui était en fait une sorte de boutade
19:45 en répondant lors des échanges parlementaires,
19:47 en disant que oui, on peut ouvrir à l'adoption,
19:51 mais c'était une boutade.
19:52 Et d'ailleurs, elle fait un écrit qu'on verse au débat
19:55 pour expliquer que non, à aucun moment,
19:57 cela n'a été envisagé.
19:58 Autrement dit, voilà, la loi a été votée,
20:02 on ne va pas inquiéter sur les pouvoirs du Parlement,
20:04 en revenant sur ce principe-là.
20:07 Et contrairement à ce qui a été dit tout à l'heure,
20:09 le fait de revenir sur cela
20:12 aurait quand même pour effet
20:13 de débranler totalement cet édifice.
20:17 Alors fort heureusement, malgré tout ce qui a pu être évoqué
20:20 pendant les débats parlementaires,
20:21 à savoir que, notamment, cette ouverture de la loi
20:24 et puis la levée de l'anonymat, etc.,
20:27 engendreraient un effondrement des donneurs,
20:30 ça a été dit tout à l'heure par mon confrère,
20:33 il n'y a pas de baisse des donneurs, fort heureusement,
20:36 et ça a été confirmé par la directrice
20:38 de l'Agence de biomédecine, et on ne peut que s'en réjouir.
20:41 Par contre, je m'interroge sur l'effet
20:44 de ce changement de règles ou d'interprétation
20:50 si jamais les donneurs devaient devenir des parents en puissance,
20:55 avec ce que cela implique en matière de dérichatage,
20:59 de succession et d'obligations alimentaires.
21:00 Et je ne parierai pas trop là-dessus,
21:03 mais je suppose qu'en ouvrant cette possibilité,
21:06 pour le coup, là, il y aurait un effondrement des dons,
21:09 parce qu'aucun donneur ne viendrait donner volontairement,
21:12 sachant que dans 3, 4, 5, 6 ans, voire 10 plus,
21:16 un enfant issu de son don pourrait faire irruption dans sa famille
21:21 pour venir déstabiliser toute l'organisation familiale.
21:28 Donc, permettre...
21:30 Alors, en fait, pour résumer tout cela,
21:34 il faut, malgré ce qui est dit par M. Lautelier,
21:37 il faut qu'il y ait une distinction nette
21:39 entre la filiation et les origines personnelles.
21:42 Ça permet, en réalité, que les parents soient considérés
21:47 comme étant parents pleinement,
21:48 comme ça a été le cas avant la loi de bioéthique,
21:51 lorsque la PMA ne concernait que les couples hétérosexuels,
21:55 et ça permet aussi aux enfants d'être considérés
21:57 comme étant pleinement enfants ou des parents
22:02 sans emission de tiers dans cette relation,
22:04 puisqu'il y a tout un récit familial qui est constitué
22:08 lorsque un enfant naît dans le cadre d'une famille soloparentale,
22:12 récit qui risque d'être perturbé si, finalement,
22:15 au bout de quelques années, une personne,
22:17 une tierce personne devait venir,
22:20 même si une réalité biologique existe.
22:23 Mais il faut que la filiation soit clairement distincte
22:27 des origines personnelles et de l'accès aux origines.
22:30 Alors cette position, qui est aussi la position du GIAPS,
22:34 estime qu'il faut la maintenir de manière absolue,
22:37 même lorsque la personne issue du don devient majeure,
22:41 et qu'elle a l'opportunité, comme on l'a dit,
22:43 parce qu'aujourd'hui, il y a des thèses,
22:45 parce qu'il y a aussi ce principe mis en place par la CAPAD,
22:48 même si elle a l'opportunité de nouer des liens personnels
22:50 avec son donneur,
22:51 on ne doit pas pouvoir permettre de liens juridiques
22:55 qui soient établis.
22:57 Ça peut paraître absolu, ça peut paraître extrême,
23:00 mais disons qu'on imagine bien la relation totalement biaisée
23:07 qu'il pourrait avoir lorsque ces deux personnes se rencontreraient
23:11 et qu'une filiation pourrait être établie,
23:13 à savoir que l'enfant issu du don pourrait se sentir redevable
23:17 parce qu'il doit sa vie à ce donneur qui a fait ce geste,
23:22 qui était censé être altruiste,
23:23 et puis, finalement, il vient le voir,
23:24 donc il peut se sentir redevable
23:26 et accepter la demande d'adoption de ce donneur,
23:32 comme le donneur pourrait lui aussi avoir une espèce de culpabilité
23:35 et vouloir faire acte de repentance en se liant avec cette personne.
23:40 Donc ça risque de biaiser totalement la relation
23:43 et ça va à l'encontre de l'édifice même de la filiation adoptive,
23:47 qui est de constituer famille avec une histoire particulière
23:52 et non pas une histoire de dette et de repentance.
23:55 Alors, aujourd'hui, ce qui aussi gêne,
24:00 c'est que finalement, ce n'est peut-être pas l'intention de M. Letellier,
24:04 mais en tout cas, c'est ce qui ressort de ses écrits,
24:06 c'est que finalement,
24:09 tout est axé
24:15 sur les enfants nés de dons dans le cadre de familles soloparentales.
24:19 Et je me dis, pourquoi, dans ce cas-là,
24:22 pourquoi ne pas permettre cette adoption aux autres enfants ?
24:27 Je veux dire, là aussi, il y a une espèce de rupture d'égalité
24:29 qui n'est pas évoquée,
24:31 mais pourquoi ne pas permettre,
24:33 puisque on a ici deux associations d'enfants issus de dons
24:38 dans le cadre de familles hétérosexuelles,
24:41 et pourquoi ne pas permettre que ces personnes-là
24:44 puissent aussi parvenir à une adoption simple ?
24:46 Je pense que ça n'a jamais été la position de ces enfants,
24:50 et donc pourquoi l'ouvrir aux familles monoparentales ?
24:56 Et aussi, ce qui peut être gênant, c'est qu'on le voit,
25:00 il y a de la jurisprudence là-dessus,
25:02 à savoir que dans le cadre de ce qu'on appelle des dons artisanaux,
25:06 donc une personne qui...
25:08 Voilà, c'est une PMA faite de manière artisanale,
25:12 donc sans passer par les séquences,
25:15 on voit qu'il y a une confusion avec une tentation de la personne,
25:19 même lorsque, initialement,
25:21 elle promet de ne pas intervenir dans la vie de l'enfant,
25:23 elle promet de juste faire ce don,
25:26 il y a une confusion qui s'installe,
25:29 et cette personne, malgré sa promesse,
25:32 exige d'avoir des droits,
25:33 exige d'avoir des droits, généralement très peu d'obligations,
25:36 mais exige d'avoir des droits pour pouvoir constituer famille.
25:40 Donc aujourd'hui, ça paraît gênant,
25:43 alors qu'on a un système qui fonctionne bien, qui est verrouillé,
25:46 ça paraît gênant de permettre à des personnes
25:48 qui ont fait un don,
25:50 qui, comme je l'ai dit,
25:52 et comme cela transparaît dans des écritures de M. Le Tellier,
25:55 ça paraît gênant que ces personnes puissent changer d'avis par la suite
25:58 parce qu'elles n'ont pas eu de descendance
26:00 et de vouloir venir absolument adopter les enfants
26:04 et donc faire partie de leur famille.
26:06 Et je pense réellement qu'il est nécessaire,
26:09 comme ça a été le cas avant la loi de 2021,
26:12 que chaque partie puisse avoir une place clairement définie,
26:16 donc un donneur est un donneur,
26:18 et j'ai envie de dire rien d'autre, et ce n'est pas péjoratif,
26:21 parce que c'est quand même quelque chose
26:23 de relativement altruiste, ce qu'il a fait,
26:25 mais qui ne puisse pas être autre chose qu'un donneur.
26:28 Et au vu de tout cela, alors je me dis,
26:32 puisqu'on se pose quand même la question,
26:35 il y a peut-être finalement une question d'interprétation
26:37 du texte législatif,
26:38 et ce sera peut-être souligné par la suite,
26:43 et on vous demande si vous estimez
26:45 qu'il y a un doute, qu'il y a un problème d'interprétation
26:49 de cet article 342-9,
26:52 donc soit le renvoyer à la représentation nationale
26:55 ou au juge ordinaire d'en préciser la portée,
26:58 puisque pour moi, en le lisant,
27:00 et toute personne en le lisant,
27:02 il me semble clair qu'à aucun moment,
27:04 cette possibilité de filiation adoptive n'a été ouverte.
27:07 Mais dans le cas où vous estimeriez
27:10 qu'il vous appartient de préciser la portée de cette disposition,
27:15 en examinant l'interprétation
27:18 qui s'impose au regard des libertés
27:20 et du bloc constitutionnel qui garantit,
27:26 enfin tel qu'il est soulevé par M. Le Tellier,
27:28 je me dis, éventuellement,
27:32 vous invitez à émettre une réserve d'interprétation
27:35 en précisant que l'interdiction du lien de filiation
27:38 entre le donneur et l'enfant issu de ce don
27:41 s'étend également à la filiation adoptive.
27:45 Parce que le but, réellement,
27:47 c'est aussi de protéger l'édifice de la MP
27:51 qui, réellement, risque d'être totalement perturbée
27:54 par cette possibilité qui serait offerte.
27:57 Et en plus, et je terminerai avec cela,
27:59 cette interdiction absolue me semble également nécessaire
28:04 pour préserver les droits à la vie privée de chacun.
28:08 Et donc, en premier lieu,
28:10 des familles constituées par le don de gamètes,
28:13 toutes les familles, pas uniquement les familles monoparentales,
28:16 donc toutes les familles, et le droit à la santé,
28:18 à la protection de la santé,
28:20 pour permettre la circulation des gamètes
28:24 dans un cadre qui ne créera pas,
28:25 entre le donneur et les bénéficiaires du don,
28:28 aucune obligation ni lien de filiation.
28:30 Donc, par rapport à cela, je vous demande
28:33 de rejeter la demande de M. le Tellier
28:35 et de considérer que cet article 342-9 du Code civil
28:40 est totalement conforme à la Constitution.
28:42 J'en ai fait un autre.
28:43 -Merci.
28:44 Merci.
28:46 M. Ganguilhem.
28:47 -Merci, M. le Président.
28:52 Mesdames et messieurs les membres du Conseil constitutionnel,
28:54 dès 1994, le législateur a entendu décorréler strictement
28:58 le don de gamètes et la filiation
29:00 en posant un principe strict d'interdiction
29:02 d'établissement d'une filiation entre le tiers-donneur
29:05 et l'enfant né de ce don.
29:06 Ce principe n'a jamais été remis en question depuis.
29:09 Il a été confirmé par la loi bioéthique du 2 août 2020
29:12 et se trouve aujourd'hui codifié à l'article 342-9
29:16 du Code civil.
29:17 D'ailleurs, la lecture attentive des travaux parlementaires
29:19 en 2021 montre que cette question était l'une des préoccupations
29:22 tant des parlementaires que des personnes intéressées
29:25 et que jamais il n'a été envisagé de remettre en cause
29:27 ce principe d'interdiction.
29:30 Ce n'a pas été envisagé car ce principe d'interdiction
29:32 de filiation est nécessaire, consubstantiel même,
29:36 au système de procréation médicalement assisté
29:38 par tiers-donneurs.
29:40 En effet, il s'agit bien d'un don.
29:42 La démarche du tiers est altruiste.
29:43 Il n'en attend aucune contrepartie,
29:46 notamment au regard des enfants qui seraient susceptibles
29:48 de naître.
29:50 Ce principe d'interdiction est donc protecteur.
29:52 Il est même doublement protecteur.
29:54 Il est protecteur pour le donneur, qui de ce fait sait
29:57 que son acte est circonscrit dans cette sphère du don
30:00 par nature des intéressés et qui n'aura pas de compte à rendre
30:04 à l'enfant né de ce don.
30:06 Il est évidemment aussi protecteur pour la famille
30:09 qui a bénéficié de ce don, et peu importe la composition
30:11 de cette famille, qui a ainsi la garantie
30:15 que la filiation pourra être uniquement établie
30:17 entre le ou les parents de la famille receveuse
30:20 et les enfants nés de ce don.
30:23 Ce principe d'interdiction prémunit donc également
30:28 la famille receveuse, qui a ainsi la garantie
30:30 que le tiers-donneur ne viendra pas bouleverser
30:33 l'équilibre familial en exigeant des droits
30:35 sur l'enfant né de ce don.
30:38 Tel est l'équilibre voulu dès l'origine par le législateur
30:41 et tel qu'il s'est maintenu depuis, et tel que vous l'aviez déclaré
30:44 conforme à la Constitution par votre décision
30:47 343.544 décès de juillet 1994.
30:52 La présente question ne conteste la conformité
30:55 de l'article 342-9 du Code civil à la Constitution,
30:58 qu'en tant qu'il empêcherait au tiers-donneur
31:01 d'adopter la personne née de ce don.
31:04 Mais cette possibilité d'adoption n'est pas interdite
31:07 par l'article 342-9 du Code civil,
31:11 même si par hypothèse, ce cas ne se rencontrera
31:14 dans les faits que de manière tout à fait exceptionnelle.
31:19 Les partis intervenants soutiennent pour leur part
31:21 que l'article 342-9 du Code civil
31:23 pose une interdiction générale d'établissement de la filiation,
31:27 futile par la voie de l'adoption.
31:30 Il n'en est rien. En effet, au sein du livre 1er
31:34 du Code civil, l'article 342-9 est inséré
31:36 au chapitre 5 du titre 7, qui est relatif à la filiation.
31:41 Cette disposition n'a jamais été conçue,
31:43 ni même pensée par rapport à l'adoption,
31:46 mais uniquement comme pouvant permettre,
31:49 comme devant même permettre, l'établissement de la filiation
31:52 entre les bénéficiaires de la procréation médicalement assistée
31:56 et l'enfant né du don.
31:58 La portée de cet article 342-9 du Code civil
32:01 est donc strictement limitée aux règles de filiation
32:04 et n'entre pas en concurrence avec l'application
32:07 des règles de droit commun de la filiation adoptive,
32:10 qui sont, elles, régies par le titre 8 du même chapitre.
32:15 Contrairement à ce que soutient
32:16 l'une des associations intervenantes,
32:19 il n'y a pas de primauté du titre 7 sur le titre 8
32:24 du chapitre 5 du livre 1er du Code civil.
32:26 Et d'ailleurs, il n'y a, au sein de ce titre 8
32:28 relatif à l'adoption, aucune disposition interdisant
32:32 l'adoption d'un enfant né d'un don par son donneur.
32:36 Les différentes parties intervenantes s'inquiètent,
32:38 cela vient de vous être exposé, du risque de déstabilisation
32:42 que la possibilité d'une adoption ferait peser,
32:44 de manière générale, sur le système
32:47 de l'assistance médicale à la procréation,
32:49 et particulièrement sur les familles receveuses,
32:52 au sein desquelles les parents se verraient donc contester
32:55 le lien de filiation avec l'enfant né du don.
32:58 Ces craintes ne sont pas fondées.
33:01 En effet, contrairement à ce qui est soutenu,
33:03 la possibilité d'une adoption ne revient pas à établir
33:07 une filiation fondée sur le lien biologique.
33:10 La portée de l'article 342-9 du Code civil
33:13 est d'ailleurs bien d'interdire tant à l'enfant qu'au donneur
33:17 de se prévaloir de ce lien biologique
33:19 pour établir une filiation.
33:22 L'idée de l'adoption ne repose pas sur un lien biologique.
33:26 Dans l'hypothèse qui nous occupe à l'occasion de cette QPC,
33:29 le lien biologique serait en quelque sorte indifférent
33:32 du processus d'adoption.
33:34 Ce n'est en tout cas pas ce lien biologique
33:36 qui fonderait la filiation,
33:39 mais seulement la volonté des acteurs,
33:42 donc l'enfant et le donneur,
33:45 d'une adoption dans le respect des règles
33:48 du droit commun de l'adoption.
33:50 Ce dernier point est absolument essentiel.
33:53 En effet, la possibilité d'adoption envisagée
33:56 par la présente QPC s'inscrit dans le droit commun
33:59 de l'adoption, ce qui, au regard de ces règles,
34:03 ne présente aucune menace pour la filiation établie
34:05 à l'égard du ou des parents ayant bénéficié du don.
34:09 Il sera rappelé que, théoriquement,
34:13 il ne peut s'agir que de l'adoption
34:15 d'une personne majeure.
34:17 En effet, depuis la loi du 2 août 2021,
34:20 seule la personne majeure peut avoir accès
34:22 à l'identité du donneur,
34:24 selon les dispositions de l'article 16-8-1 du Code civil.
34:28 Et en présence d'une personne majeure,
34:30 seule l'adoption simple sera possible,
34:34 et bien sûr, à condition que l'adopté y consente.
34:38 Or, de par ses effets,
34:40 l'adoption simple ne remet pas en cause
34:42 la filiation d'origine qui est concernée.
34:45 Si toutefois l'enfant serait amené à connaître
34:49 l'identité du donneur alors qu'il est encore mineur,
34:52 là encore, les règles générales
34:54 relatives à l'adoption des mineurs
34:56 trouveraient à s'appliquer.
34:57 Or, lorsque la filiation d'un mineur
35:00 est établie à l'égard de ses parents,
35:03 ces derniers doivent consentir à l'adoption.
35:06 Donc là encore, il n'y a aucune possibilité
35:08 d'imposer la reconnaissance d'une filiation non voulue
35:12 envers le donneur.
35:14 De plus, et nous insistons de nouveau sur ce point,
35:18 cette hypothèse n'a pas vocation à exister.
35:20 L'identité du donneur ne peut être connue
35:22 qu'à la majorité de la personne née du don.
35:24 Aucune des hypothèses d'adoption,
35:27 donc dans le respect du droit commun de l'adoption,
35:30 ne rend donc possible l'intervention non souhaitée
35:32 d'un père génétique,
35:34 ce hypothèse que visent les associations intervenantes.
35:38 Pour en revenir et pour terminer directement
35:41 à la question posée,
35:43 l'article 342-9 du Code civil n'interdisant pas
35:46 l'adoption de l'enfant né du don par le tiers donneur.
35:49 Le grief tiré de ce que cette impossibilité
35:50 méconnerait, méconnerait, pardon,
35:52 l'article 2 de la déclaration de 1789
35:54 et du 10e alinéa du préambule de la Constitution de 1946
35:57 ne peut qu'être écarté,
35:59 aucune exigence constitutionnelle n'ayant été méconnue.
36:01 Je vous invite à déclarer les dispositions
36:03 de l'article 342-9 du Code civil
36:05 conformes à la Constitution.
36:07 -Merci, M. Kanguei.
36:08 Y a-t-il des questions ?
36:10 Il n'y en a pas. Ah, si.
36:13 M. le conseiller Seners.
36:15 -Merci, M. le président.
36:16 Ma question s'adresse à M. Corlay.
36:18 On a bien compris que cette question
36:22 de constitutionnalité avait été soulevée
36:25 à l'occasion d'un procès administratif,
36:27 un recours dirigé contre un texte réglementaire
36:29 d'application de la loi,
36:31 et pas à l'occasion d'une affaire civile
36:34 contentieuse concernant une personne.
36:37 Or, c'est évidemment à la jurisprudence judiciaire
36:41 qu'il appartiendra d'interpréter
36:43 la portée de la disposition qui est ici contestée.
36:46 Avez-vous connaissance d'une jurisprudence
36:49 ou, à défaut de jurisprudence, de procédures en cours
36:52 concernant l'interprétation à donner,
36:54 puisque plusieurs interprétations
36:56 sont présentées devant cette barre ?
37:00 Avez-vous connaissance, à défaut de jurisprudence,
37:02 de procédures en cours devant les juges judiciaires ?
37:04 -Non, moi, je n'ai pas... -Alors, voilà. Maître.
37:07 -Je n'ai pas connaissance de ces procédures.
37:10 J'ai bien conscience que le juge judiciaire
37:12 pourra trancher ces questions,
37:14 mais je pense que l'inconstitutionnalité
37:16 qui aurait à dire qu'il y a un empêchement à adopter
37:21 du seul fait qu'il y a une...
37:26 Pas une filiation biologique,
37:27 mais qu'il y a des liens biologiques
37:29 entre les personnes,
37:31 rendrait... qu'on dirait à reposer la question.
37:34 Donc, il vaut mieux que vous tranchiez vous-même à l'avance
37:37 avant que ça se pose,
37:38 parce qu'on voit bien le désaccord qui existe
37:42 fondamental sur l'interprétation de ce texte.
37:44 Avant que ça arrive devant la Cour de cassation,
37:46 je pense qu'il sera bon
37:47 que vous fassiez uniquement une petite réserve d'interprétation.
37:52 -Je vous remercie, maître.
37:54 Est-ce qu'il y a d'autres questions ?
37:56 Non ? Il n'y en a pas.
37:58 Eh bien, là aussi, nous reprends notre décision publique
38:02 le 9 juin prochain.
38:05 L'audience est levée. Bonne journée à tous.
38:07 [SILENCE]