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Invité 8h15 : Juliette Vigny

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00:00 - Lidi Laé à 8h18, nous accueillons avec vous notre invitée.
00:03 Ce matin on reçoit Juliette Vigny, juge d'application des peines à Orléans
00:07 et déléguée régionale du syndicat de la magistrature.
00:09 - Oui, l'un des deux syndicats de magistrats.
00:11 Bonjour Juliette Vigny. - Bonjour.
00:12 - Le Loiret accueillera donc à Olivier à partir de la rentrée de septembre
00:16 un centre de rétention administrative où seront hébergés 90 personnes,
00:21 des ressortissants étrangers en situation irrégulière.
00:24 Ça génère des inquiétudes dans le monde judiciaire, expliquez-nous pourquoi.
00:29 - Alors ce qu'il faut savoir c'est qu'un centre de rétention administrative
00:33 de 90 places sur le papier, ce qu'on sait en comparaison
00:40 avec les autres centres de rétention administrative,
00:42 c'est qu'en fait il va être très vite surchargé, donc à 120, 130, 140.
00:49 Ce qui entraîne non seulement des conditions de détention
00:51 qui sont extrêmement attentatoires à la dignité,
00:55 à l'instar de ce qu'on voit dans les lieux de privation de liberté
00:58 autres comme les prisons.
01:00 Et nous ça nous inquiète beaucoup aussi puisque cette construction
01:05 du centre de rétention administrative a été faite sans aucune concertation
01:09 de notre juridiction, donc on n'a pas du tout été associés,
01:12 ça a été piloté par le ministère de l'Intérieur et donc par la préfecture.
01:17 Et nous on se retrouve devant le fait accompli à quelques mois
01:20 de son ouverture sans moyens supplémentaires.
01:25 Et juste pour précision, actuellement on devrait avoir
01:29 deux juges des libertés de la détention et on n'en a qu'un seul depuis plus d'un an.
01:33 Si on comprend bien, vous avez peur d'être débordé, magistrat, greffier, avocat
01:39 par l'arrivée de ce nouveau centre, vous qui êtes déjà tous surchargés de travail.
01:45 C'est ça, mais notre inquiétude elle ne nous concerne pas en premier lieu,
01:50 on est surtout inquiets pour la qualité de la justice qu'on rend.
01:54 Parce que c'est-à-dire que moi en tant que juge de l'application des peines,
01:57 je pourrais, si la réforme permet aux second grades,
02:01 donc c'est-à-dire aux juges qui ont moins de 7 ans d'expérience,
02:05 de devenir juge des libertés de la détention en plus de mes fonctions.
02:09 Et donc je vais devoir laisser mon cabinet de juge de l'application des peines
02:12 en suspens pour répondre à une commande purement politique.
02:17 Et moi ça m'inquiète beaucoup parce que je gère des condamnés
02:20 qui sont en détention principalement.
02:23 Je gère aussi l'information des victimes du parcours d'exécution de peine des condamnés.
02:32 Et ce qu'il faut savoir aussi c'est que ça va entraîner pour les juges aux affaires familiales
02:37 qui gèrent tous les jours le divorce des gens, la fixation d'une pension alimentaire.
02:42 Ça a des conséquences finalement pour tous les justiciables
02:46 avec des retards qui vont être pris dans des dossiers qui déjà sont très longs.
02:51 C'est ça, pour le quotidien.
02:53 Vous allez devoir décaler dans le temps des dossiers.
02:55 Exactement, donc là actuellement les justiciables peuvent avoir la chance
02:59 de voir leurs juges aux affaires familiales dans un délai qui est plus ou moins raisonnable de 6 mois.
03:05 Et bien là c'est simple, on va doubler.
03:08 Donc comment expliquer aux justiciables, alors que ça fait 2 ans quasiment
03:12 qu'on alerte publiquement dans tous les médias qu'on ne rend pas une justice digne d'un état de droit
03:17 et qu'on a honte de rendre cette justice, comment leur expliquer ?
03:20 Et bien là on ne prend pas du tout acte, et en tout cas le ministère de la Justice
03:25 ne prend pas acte de ces difficultés et là pour le moment
03:30 on n'a pas l'attribution supplémentaire d'effectifs qu'on demande.
03:33 Ce que vous demandez depuis 1 an et demi, 2 ans, il y a eu des rassemblements,
03:37 nombreux rassemblements sur les marges du palais de justice ici à Orléans,
03:41 c'est silence radio total du côté de la chancellerie ?
03:44 Pour le moment c'est silence radio, là on demande une attribution supplémentaire spécifique
03:48 pour l'ouverture du centre de rétention administrative et on n'est pour le moment pas entendu.
03:52 Il faut savoir aussi que cette demande d'attribution supplémentaire a été portée par notre président lui-même
03:57 en janvier et c'est pour ça que là...
03:59 On l'avait reçu d'ailleurs ici même dans les studios, président.
04:02 Et c'est pour ça que là, 5 mois après, c'est un peu notre dernier cri d'alerte avant explosion.
04:09 Pour vos conditions quand même aussi à vous de travail, Juliette Vigny,
04:13 qui sont de plus en plus compliquées et insupportables.
04:17 On se souvient, il y a quelques mois, en fin d'année dernière,
04:20 de cette magistrate à Nanterre qui avait succombé à un arrêt cardiaque en pleine audience correctionnelle.
04:25 Vous-même vous aviez signé plusieurs mois auparavant une tribune dans le journal Le Monde
04:30 avec de jeunes collègues à vous pour dire "mais voilà, on n'y arrive plus psychologiquement,
04:35 physiquement c'est plus possible".
04:37 C'est exactement ça et là on veut vraiment alerter une dernière fois la chancellerie
04:42 parce qu'on en a marre vraiment que ce soit guérir plutôt que prévenir.
04:48 Et effectivement, on a alerté hier à la conférence de presse
04:51 et on a rappelé les différents drames qu'il y a eu ces derniers mois
04:55 avec des magistrats qui meurent en audience.
04:58 Il y a un moment, ça suffit.
05:01 Donc on a vraiment besoin d'être entendus et j'espère qu'on le sera.
05:06 Et c'est quand même dommage de devoir faire appel à la presse pour être entendu.
05:10 Mais en tout cas, c'est notre dernier cri d'alerte.
05:13 C'est dommage mais en tout cas on est là pour relayer votre appel.
05:16 Merci beaucoup Juliette Vigny, juge d'application des peines à Orléans,
05:20 déléguée régionale du syndicat de la magistrature.
05:22 Bonne journée et merci beaucoup à vous. Au revoir.
05:24 Merci mesdames.
05:26 La séquence de l'invité, vous pouvez la réécouter à tout moment en ligne sur francebleu.fr
05:30 et sur votre application ici, ICI l'appli, on le rappelle,
05:33 qui vous propose le meilleur des programmes de France Bleu et France 3.

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