Dégradation de la dette française : le retour des pieds nickelés [Gérard Ampeau]

  • l’année dernière
Xerfi Canal a reçu Gérard Ampeau, professeur à l'IUP Banque, Finance, Assurance à l'Université de Caen, pour parler de la dégradation de la dette française.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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Transcript
00:00 Bonjour Gérard Rampault.
00:09 Bonjour Jean-Philippe Denis.
00:11 Gérard Rampault, vous êtes enseignant au IUP Banque Finance Assurance à l'université
00:15 de Caen.
00:16 Absolument.
00:17 Gérard Rampault, auteur de la comédie de la notation.
00:19 Ouvrage pour lequel je vous ai déjà reçu, c'était le 2 septembre 2019, la diffusion
00:25 de cette émission.
00:26 Et il y avait une conclusion de cette émission, on avait dit si un ralentissement économique,
00:32 si les taux d'intérêt remontent, comme les agences de notation sont procycliques,
00:36 ça va aller très mal.
00:37 Je vous reçois donc aujourd'hui, ça va très mal.
00:41 Voilà, on va dire ça comme ça, ça va très mal.
00:43 C'est-à-dire que ce que la prophétie se réalise.
00:46 Alors, une agence de notation a dégradé la France, Fitch Ratings, et donc bien sûr
00:54 on peut l'accuser d'être procyclique.
00:57 Je voudrais simplement indiquer que les régulateurs, je pense en particulier à la Banque Centrale
01:03 Européenne, sont bien conscients de ce phénomène qui a été fort bien documenté par les études
01:09 académiques.
01:10 Du coup, le 22 avril 2020, tout au début de la crise Covid, la Banque Centrale Européenne,
01:19 par un communiqué de presse, a annoncé qu'elle gelait l'ensemble des notations de la zone
01:25 euro.
01:26 Ce qui fait que pendant une année, même si les agences de notation ont dégradé tel
01:31 ou tel émetteur, un État, une entreprise, une banque, la Banque Centrale Européenne
01:35 n'en a pas tenu compte et a pu continuer à prendre comme garantie telle ou telle obligation
01:43 d'un émetteur de la zone euro apportée par une banque en contrepartie d'un prêt.
01:48 Donc, la pro-cyclicité, qui est une des caractéristiques essentielles que vous avez rappelées ici
01:54 des agences de notation, un régulateur comme la Banque Centrale Européenne a réussi à
01:59 finalement s'en libérer le temps du début de la crise Covid et ce qui a permis de continuer
02:08 à financer assez facilement l'ensemble des institutions de la zone euro.
02:13 Alors, tout va bien, on n'a pas à s'inquiéter ?
02:14 Alors, tout ne va pas forcément bien, on peut encore s'inquiéter, en tous les cas
02:20 on peut se poser la question de savoir si depuis 2008, la crise financière de 2008,
02:28 si on en a tiré des leçons et si la régulation finalement mise en place aux États-Unis,
02:33 on va nous s'intéresser à l'Europe, si la régulation européenne est suffisante
02:37 et a changé les règles du jeu.
02:40 Je dirais pour paraphraser le guépard que si en apparence tout a changé, en réalité
02:49 rien n'a été changé.
02:50 J'en veux pour preuve le fait que c'est toujours un oligopole dominé par trois agences,
02:57 Standard & Poor's à hauteur de plus de 51%, Moody's et Fitch Ratings, qui dominent
03:03 le marché de la notation en Europe, qui compte pourtant 20 agences de notation régulées
03:08 par l'ESMA.
03:10 À L3, elles détiennent encore aujourd'hui 91% des parts de marché sur l'ensemble
03:16 des notes qui sont diffusées, qui sont achetées, qui sont communiquées à l'intérieur de
03:22 la zone euro.
03:23 Donc on a quand même encore ce phénomène qui fait que quand on est un oligopole, on
03:28 peut fixer des prix très élevés pour des études et des notations dont la qualité
03:33 reste encore incertaine.
03:35 J'ajouterais que pas grand-chose n'a changé non plus quant aux méthodologies, quant
03:40 aux erreurs, quant aux problèmes que posent les agences de notation.
03:44 Et je vais citer seulement deux exemples.
03:46 Deux exemples qui, me semble-t-il, illustrent ce phénomène des difficultés de travailler
03:52 avec des tiers de confiance qui n'en sont pas vraiment.
03:55 La première, c'est la plus grosse amende jamais infligée par l'ESMA, le régulateur
04:00 des marchés financiers et des agences de notation en Europe.
04:03 5 millions auxquels a été condamné l'agence Fitch Ratings en 2019 pour conflit d'intérêts.
04:13 Quel était ce conflit d'intérêts ?
04:14 Eh bien, il mettait en cause l'agence qui avait noté trois entités, Renault, le groupe
04:25 Casino, dont l'un des administrateurs était Marc Ladré-Lacharrière, qui était d'ailleurs
04:31 le principal actionnaire de Fitch Ratings, mais Fitch Ratings n'en a rien dit.
04:35 Et donc, deux entités de Fitch ont été condamnées à payer une lourde amende.
04:39 Et puis, en France, l'entité française notait la Fondation Nationale des Sciences
04:45 Politiques, dont l'un des administrateurs était toujours ce cher Marc Ladré-Lacharrière.
04:49 Donc, conflit d'intérêts, conflit d'intérêts massif, important, 5 millions d'amendes,
04:54 mais ce n'est pas seulement la seule erreur, la seule faute commise par les agences de
04:59 notation.
05:00 En mars 2023, l'ESMA a condamné à 1,3 million d'euros d'amende Stendhal-Randpurs,
05:12 la principale agence de notation, pour avoir par six fois diffusé une note pour une émission
05:20 d'obligation non encore annoncée par l'émetteur et non encore réalisée.
05:25 Donc là encore, on peut se dire que les pieds niqués sont de retour, ils ne nous déçoivent
05:30 pas.
05:31 Rien n'a changé depuis 2008.
05:32 Ils ne nous déçoivent pas.
05:34 On notera quand même que le montant des amendes européennes, c'est quand même sans commune
05:38 mesure avec le montant des amendes américaines.
05:40 Petit joueur.
05:41 Petit joueur, tout petit joueur.
05:43 Donc, le retour des pieds niqués, voilà, et donc dégradation de la note française.
05:47 Et on va suivre tout ça très, très attentivement parce que la situation est grave.
05:52 Merci Gérard Rampault.
05:53 Merci Jean-Philippe.
05:54 Merci.
05:55 Merci.
05:56 Merci.
05:57 Merci.
05:58 Merci.
05:59 Merci.
06:00 Merci.
06:01 Merci.

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