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Jeudi 8 juin 2023, SMART PATRIMOINE reçoit Hélène Ivanoff (Chercheuse indépendante)

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00:00 Et nous commençons tout de suite avec l'art à la une, le rendez-vous dédié aux actualités
00:07 du monde de l'art.
00:08 Un rendez-vous proposé par Sibyl Aoudjan, journaliste spécialisée sur les questions
00:11 d'art au sein de la rédaction de Bismart.
00:13 Bonjour Sibyl.
00:14 Bonjour Nicolas.
00:15 Bienvenue sur le plateau de SmartPatrimoine, ravie de vous y retrouver.
00:18 Quelles actualités dans le monde de l'art Sibyl cette semaine ?
00:20 Alors aujourd'hui, il va y avoir la première vacation instruments de musique pour le nouveau
00:26 département qui vient d'être créé chez Agut.
00:28 Alors à Noël-sur-Seine, c'est 106 instruments et archets qui seront proposés à la vente.
00:34 Avant la vente, les musiciens peuvent d'ailleurs prendre rendez-vous pour essayer les instruments
00:39 de musique.
00:40 On voit bien que la France est assez reconnue pour son école d'archetiers car on retrouve
00:45 différents noms d'archetiers dans cette vente avec par exemple les archets de violoncelle
00:51 de Victor-François Fethic, estimé pour entre 8 et 10 000 euros, archets de violon de Charles-Louis
00:57 Bazin de 1930 et signés, estimés entre 3 et 4 000 euros et puis aussi bien sûr des
01:02 violons et des violoncelles.
01:03 Par exemple, un violon réalisé par Paul Blanchard datant de 1900, estimé entre 8 et 10 000 euros
01:10 et un violoncelle 18e, travail français, de l'entourage de Nicolas Antoine, estimé
01:16 entre 10 et 12 000 euros.
01:18 Donc les violons ou les archets peuvent prendre de la valeur ou conserver de la valeur, on
01:22 pourra peut-être en reparler dans l'émission.
01:24 Pourquoi Agut a décidé de créer ce département Sibyl ?
01:27 Alors ce nouveau département d'instruments de musique d'Agut est mené par le violoniste
01:32 français Hector Chemel.
01:34 Rappelons que les entreprises bénéficient d'une fiscalité particulière lors de l'investissement
01:39 dans les instruments de musique.
01:41 Les entreprises peuvent bénéficier d'une déduction d'impôt calculée sur le prix
01:44 d'achat de l'instrument et qui sera ensuite étalée sur cinq ans à part égale et en
01:48 contrepartie l'entreprise s'engage à prêter l'instrument de musique à un artiste interprète.
01:54 Selon Agut, l'investissement dans certains instruments de musique peut être intéressant,
01:58 gagnant 3 à 5% par an sur les instruments en très bon état.
02:03 Attention donc à l'état des instruments, on continue avec les actualités dans le monde
02:07 de l'art cette semaine Sibyl.
02:08 Francis Bacon devient le premier artiste coté sur Artex.
02:11 Oui alors Artex c'est une bourse d'échange d'actions d'oeuvres d'art qui a été fondée
02:16 il y a trois ans.
02:17 La plateforme a annoncé le 30 mai dernier qu'une première oeuvre sera admise à la
02:22 négociation.
02:23 Il s'agit du triptyque « Trois études pour un portrait de Georges Dyer » peint par Francis
02:28 Bacon en 1963.
02:30 Le tableau a été vendu aux enchères en 2017 chez Christie's pour 52 millions de
02:35 dollars et aujourd'hui il sera proposé aux investisseurs pour près de 55 millions de
02:40 dollars sur Artex.
02:42 Comment Sibyl une oeuvre d'art peut-elle être cotée en bourse ? Quels sont les mécanismes
02:46 ?
02:47 Alors Artex a pour objectif de développer les opportunités d'investissement dans des
02:51 oeuvres d'art allant de la Renaissance à la période contemporaine.
02:55 Une introduction en bourse d'une oeuvre d'art consiste à diviser la propriété d'une
03:00 seule oeuvre d'art en plus petites parties, plus petites unités.
03:03 Dans le cas présent de ce triptyque ce sont des actions d'une valeur de 100 euros chacune
03:08 qui pourront donc être échangées sur la plateforme Artex.
03:10 Artex est supervisé et réglementé par l'AMF du Linchtonstein dans le cadre législatif
03:16 européen MIFID II.
03:18 Les chefs-d'oeuvre répertoriés sur Artex seront exposés aussi publiquement dans les
03:21 musées et aussi dans des expositions à travers le monde.
03:25 Donc on précise qu'Artex est réglementé par l'autorité des marchés financiers du
03:29 Linchtonstein et pas l'AMF que l'on connaît en France.
03:32 On continue avec les actualités du monde de l'art.
03:35 Sotheby's va investir le bâtiment du Whitney Museum à New York.
03:39 Exactement et Sotheby's rachète ce bâtiment précédemment occupé par le Whitney Museum
03:44 de New York, le bâtiment mythique conçu par l'architecte Marcel Breuer.
03:49 Sotheby's a indiqué qu'elle allait investir le bâtiment avec une salle de vente et des
03:54 galeries à partir de 2024 et c'est seulement en 2025 que les portes vont s'ouvrir officiellement.
03:59 Selon le New York Times, Sotheby's a déboursé 100 millions de dollars pour cette acquisition
04:04 de ce nouveau siège.
04:06 Actuellement ce bâtiment est occupé par la Frick Collection qui, dont le musée à
04:12 New York, fait l'objet d'une rénovation et donc le bail de la Frick Collection se
04:15 termine en 2024.
04:16 Merci Sybille pour ces actualités hebdomadaires dans le monde de l'art.
04:21 Nous avons à présent le plaisir de recevoir ensemble sur le plateau de Smart Patrimoine
04:24 Hélène Ivanoff.
04:25 Bonjour Hélène Ivanoff.
04:26 Bonjour.
04:27 Vous êtes chercheuse indépendante, vous êtes également membre de l'association
04:31 ASTRE, Association pour le soutien aux travaux de recherche engagés sur les spoliations
04:37 et c'est justement le sujet qui va nous animer aujourd'hui.
04:40 On va évoquer ensemble le sujet de la recherche de provenance, c'est obligatoire à présent
04:43 lorsque l'on veut céder une oeuvre d'art.
04:45 Ça incombe à l'acheteur d'ailleurs, si je ne dis pas de bêtises, ou au vendeur
04:49 de chercher la provenance, de faire état de la provenance d'une oeuvre ? La réponse
04:53 n'est pas si évidente de ce que je comprends.
04:54 Ça incombe autant à l'acheteur qu'au vendeur, mais plus particulièrement au vendeur puisque
05:02 c'est lui qui est responsable de l'authenticité de l'oeuvre et de la légitimité de sa mise
05:07 en vente.
05:08 Et alors vous allez nous expliquer quelle est la méthodologie qu'on peut mettre en
05:12 place pour enquêter, avant que vous nous expliquiez cette méthodologie, peut-être
05:15 un mot sur votre parcours, comment est-ce qu'on devient chercheur, chercheuse en provenance
05:20 d'oeuvres d'art ? Est-ce que c'est un métier aujourd'hui ou est-ce que c'est
05:24 une fonction occupée par des historiens d'art comme c'est votre cas ou par des
05:27 avocats ou autres ?
05:28 Alors on peut parler d'une discipline à part entière, sauf qu'elle est encore peu
05:34 représentée dans les institutions académiques ou dans les institutions culturelles et c'est
05:39 un métier qui est pratiqué par beaucoup de chercheurs actuellement qui effectuent des
05:45 missions.
05:46 Pour ma part, j'ai beaucoup travaillé sur le marché de l'art au XXe siècle, sur
05:50 les transferts culturels entre la France et l'Allemagne et également sur l'histoire
05:56 des collections extra-européennes et c'est pour cette raison que de la recherche fondamentale,
06:00 je suis passée en quelque sorte à la recherche appliquée à des cas particuliers et à des
06:04 œuvres d'art.
06:05 Et finalement que certaines institutions ou certaines personnes privées vont solliciter
06:09 pour faire des missions spécifiques sur certaines œuvres ?
06:12 Tout à fait, on a des demandes en fait de collectionneurs particuliers, de musées,
06:16 d'institutions culturelles en général, également de cabinets de généalogistes
06:23 ou d'avocats dans le cadre de procédures judiciaires et ponctuellement ça peut arriver
06:28 aussi des galeries, des commissaires priseurs pour des missions un petit peu particulières.
06:34 Et dans quel sens ça se passe généralement ? Est-ce que c'est vous à travers vos recherches
06:37 que vous remarquez qu'une œuvre il manque peut-être une partie de l'histoire à un
06:41 certain moment et du coup vous tournez vers l'institution ou c'est l'inverse ?
06:45 Ça peut être les deux.
06:47 C'est à 50/50 ?
06:49 Voilà exactement, on peut découvrir soi-même l'histoire d'un tableau et contacter les
06:55 institutions ou les collectionneurs et inversement être contacté par des commanditaires.
07:01 Et alors comment ça se passe quand vous êtes contacté, quand vous trouvez un tableau ?
07:06 Est-ce qu'il y a une méthode qui va s'appliquer à toutes vos recherches ?
07:09 Alors oui, il y a une méthode très spécifique, il y a des archives aussi très spécifiques.
07:14 On commence en général par une étude matérielle de l'œuvre, on observe le dos du tableau,
07:20 par exemple tous les tampons, toutes les étiquettes, toutes les inscriptions.
07:24 C'est en quelque sorte un passeport sur lequel on a imprimé les différents déplacements
07:30 de l'œuvre.
07:31 Et ça on le fait systématiquement, même si quelqu'un l'a déjà fait avant nous,
07:34 on recommence ?
07:35 Tout à fait, il faut observer très minutieusement toutes ces marques et puis par la suite on
07:42 va s'intéresser aux archives et là travailler véritablement sur les sources propres à
07:47 la recherche de provenance, donc des catalogues raisonnés, des catalogues de vente aussi
07:53 sur lesquels on trouve des annotations par exemple ou le nom de l'acheteur et ça va
07:58 permettre d'identifier une des étapes du parcours.
08:01 Et puis on va s'intéresser ensuite aux archives en tant que telles, donc les archives en particulier
08:09 politiques, celles du commissariat général aux questions juives, des archives aussi judiciaires.
08:14 Ça c'est pour les œuvres qui auraient pu être spoliées ?
08:16 Voilà, pour les œuvres qui auraient pu être spoliées.
08:18 Les archives judiciaires également qui correspondent à des procès pour collaboration après la
08:26 période de la seconde guerre mondiale, dans l'immédiate après-guerre et puis des archives
08:31 fiscales aussi qui donnent beaucoup de renseignements sur les profits illicites qui ont pu être
08:36 réalisés pendant l'occupation.
08:39 Et puis on a aussi d'autres types d'archives, des demandes d'indemnisation par exemple ou
08:44 des demandes de réparation qui ont été posées par des victimes dans l'immédiate
08:49 après-guerre devant l'État français et puis dans les années 1960 pour l'État allemand.
08:55 Donc des collectionneurs qui seraient allés voir la justice ou l'État français ou l'État
08:59 allemand en disant "j'ai été propriétaire de cette œuvre à un instant T mais elle
09:02 n'est plus dans ma possession aujourd'hui, est-ce que je peux avoir un dédommagement ?"
09:06 Ça c'est un indicateur supplémentaire pour retrouver la provenance d'une œuvre.
09:11 Oui, on y trouve beaucoup d'indications sur les familles, sur les ayants-droit aussi
09:20 de ces familles aujourd'hui.
09:22 Et à l'époque on ne disposait pas forcément des bases de données qu'on utilise beaucoup
09:26 aussi en tant que chercheurs de provenance.
09:27 Je voulais dire, est-ce que c'est facile à trouver ? Toutes ces sources-là, elles
09:29 sont faciles à trouver ? Y a vraiment des endroits de prédilection, des bases de données ?
09:33 Oui, alors pour les bases de données c'est assez simple puisque c'est accessible en
09:37 ligne, c'est libre et gratuit.
09:39 Donc n'importe quel acteur du marché de l'art peut les consulter.
09:43 Il y a des bases de données qui concernent les œuvres et puis il y a des bases de données
09:46 qui concernent également les acteurs.
09:48 En particulier, on peut citer la base RAMA, le répertoire des acteurs du marché de l'art
09:54 en France sous l'occupation, qui est une base de données qui a été créée par l'Institut
09:58 national d'histoire de l'art en coopération avec l'université technique de Berlin et
10:03 dans laquelle on trouve en fait des articles biographiques sur les acteurs du marché de
10:07 l'art et on trouve également des indications sur les sources et sur les livres qui peuvent
10:14 être disponibles sur le sujet.
10:15 Mais j'imagine que plus on avance dans l'histoire, plus certaines sources sont disponibles et
10:19 ouvertes ?
10:20 Oui, il y avait des périodes également de prescriptions.
10:25 Pendant longtemps, certaines archives ont été fermées et ce n'est que depuis peu
10:30 de temps finalement qu'elles sont ouvertes aux chercheurs.
10:33 Et on a aussi beaucoup de...
10:35 On a parlé autour de ce plateau d'exemples de restitutions etc.
10:40 Est-ce que ça c'est des exemples qui sont exceptionnels ou vraiment à chaque fois que
10:43 vous faites des recherches, vous trouvez...
10:45 Enfin, ça amène à une restitution ?
10:47 Alors non, pas forcément.
10:49 La recherche de provenance n'est absolument pas synonyme de restitution.
10:53 Elle permet d'établir la biographie des objets, d'établir les différents régimes de propriété
10:58 successifs de l'œuvre d'art.
11:02 Et donc parfois, on aboutit à la conclusion que cette œuvre n'a pas été spoliée et
11:08 ça permet justement aux commanditaires de la recherche d'apporter la preuve incontestable
11:14 de la légitimité de son achat.
11:15 Et votre travail, il est principalement basé autour des spoliations nazies ou il y a vraiment
11:21 d'autres cas de figure de recherche de provenance et de restitution ?
11:24 Alors j'ai essentiellement travaillé sur des tableaux, sur des œuvres d'art.
11:30 Mais ça m'est arrivé aussi de travailler sur des collections d'art océanien par exemple
11:36 ou africain.
11:37 Et donc c'est assez varié.
11:40 Une question peut-être un peu naïve mais on arrive à s'assurer année après année
11:46 d'avoir réussi à remonter la provenance d'une œuvre ou il faut s'attendre systématiquement
11:51 à des zones d'ombre dans justement le parcours d'une œuvre ?
11:56 Alors quand on sait où chercher, on trouve une multitude d'informations parce que vous
12:02 avez beaucoup d'archives, beaucoup d'inventaires d'œuvres qui permettent de retracer vraiment
12:07 l'historique du tableau.
12:09 Après la recherche de provenance demeure malgré tout de toute façon lacunaire puisqu'en
12:16 fait les sources dont on dispose sont souvent des spoliateurs, des personnes qui ont entraîné
12:23 le pillage ou la confiscation de ces collections.
12:25 Et les voix des victimes, elles sont quasiment absentes.
12:28 Donc on a parfois quelques difficultés effectivement à retracer l'intégralité des étapes.
12:34 C'est-à-dire qu'on va chercher dans les registres de ceux qui ont spolié les œuvres
12:38 par exemple.
12:39 C'est une source principale d'informations pour déterminer si une œuvre a été spoliée
12:43 ou non ?
12:44 Alors on va chercher du côté des marchands, des acteurs du marché de l'art qu'on sait
12:51 impliquer dans la période de l'occupation.
12:54 Donc ces archives-là, elles sont très riches.
12:57 Mais on a aussi tout un éventail d'autres outils.
13:02 Bien sûr, comme vous avez mentionné tout à l'heure.
13:04 Et ça vous prend combien de temps ? Est-ce qu'il y a un temps nécessaire pour tout
13:09 ça ?
13:10 Alors c'est une recherche qui est toujours très chronophage, qui prend énormément
13:14 de temps.
13:15 Après, il y a des découvertes merveilleuses.
13:19 Parfois en quelques semaines, on arrive à débrouiller l'historique d'une œuvre.
13:24 Mais globalement, il faut quand même plusieurs mois.
13:28 C'est nécessaire pour arriver à des résultats probants.
13:31 Est-ce que vous pensez là, vous êtes de plus en plus sollicité, que c'est un sujet
13:35 qu'on traite de plus en plus ?
13:36 Alors oui, je pense qu'il y a une véritable éthique du marché de l'art qui est en
13:40 train de se développer.
13:41 Que ce soit du côté des galeries ou du côté des maisons de vente.
13:45 Et puis aussi du côté des institutions culturelles qui de plus en plus s'interrogent sur leur
13:51 acquisition et en particulier celle qu'ils ont fait depuis 1933.
13:55 Une dernière question.
13:57 Vous disiez que toutes les recherches ne mènent pas systématiquement à des restitutions.
14:01 Alors parfois, effectivement, on se rend compte que les œuvres n'ont pas été spoliées.
14:03 Quand on se rend compte qu'elles l'ont effectivement été, est-ce que la biographie
14:08 de l'œuvre que vous restituez est juridiquement opposable, par exemple, pour ensuite demander
14:12 la restitution de l'œuvre ?
14:13 Alors, on établit un recherche de provenance qui est le plus complet, le plus précis possible,
14:21 qui établit des faits historiques qui sont incontestables.
14:24 On essaye de vraiment mettre en lumière tout le contexte de la spoliation.
14:28 Et après, oui, il revient à la famille, il revient aux avocats, aux musées.
14:35 D'engager les démarches.
14:36 Voilà.
14:37 Quelle est la forme de réparation qu'ils vont pouvoir proposer à ces victimes des
14:41 spoliations ?
14:42 Donc, c'est un travail qui peut servir dans un procès d'édauvagement ou de récupération
14:47 de l'œuvre ?
14:48 Oui.
14:49 Oui.
14:50 Oui, oui, tout à fait.
14:51 Merci beaucoup Hélène Ivanoff d'être venue sur le plateau de Smart Patrimoine.
14:53 Je rappelle que vous êtes chercheuse indépendante, mais aussi membre de l'association pour
14:57 le soutien aux travaux de recherche engagés sur les spoliations.
15:00 Merci beaucoup.
15:01 Merci également Sibylla Oudjane, journaliste spécialisée sur les questions d'art au
15:03 sein de la rédaction de Bismarck.
15:04 Et quant à nous, on se retrouve tout de suite dans Enjeu patrimoine.

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