Chaque jour, Bruno Donnet regarde la télévision, écoute la radio et scrute les journaux ainsi que les réseaux sociaux pour livrer ses téléscopages. Ce lundi, il s'intéresse à la valse médiatique des personnalités politiques en cas de faits divers, comme lors de l'attaque au couteau à Annecy.
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00:00 Mais tout de suite, c'est l'heure des télescopages de Bruno Donnet. Bonjour Bruno.
00:03 Bonjour Philippe.
00:03 Tous les jours Bruno, vous observez ici la mécanique médiatique et ce matin,
00:07 vous revenez sur l'omniprésence dans les médias des responsables politiques
00:11 après l'attaque tragique d'Annecy.
00:13 Oui, ça n'a pas pu vous échapper. Dès jeudi, l'ensemble du personnel politique,
00:17 qu'il vienne du gouvernement ou des oppositions, s'est précipité devant les caméras de télévision
00:21 pour faire part de sa vive émotion.
00:23 Mieux que ça, arrivée depuis Paris dans un avion Falcon de la République,
00:27 la première ministre Elisabeth Borne s'est même rendue toutes affaires cessantes
00:30 sur place à Annecy pour le dire.
00:32 Aujourd'hui, c'est le temps de l'émotion et nous sommes ici avec le ministre de l'Intérieur
00:38 aux côtés des habitants d'Annecy pour exprimer tout le soutien et toute la solidarité de la nation.
00:44 Alors pourquoi, à quoi ça sert ?
00:46 À quoi ça sert qu'un représentant politique se rende sur place
00:49 à chaque fois qu'un fait divers tragique a lieu ?
00:51 Est-ce qu'il y a la plus petite utilité pratique ?
00:54 Est-ce que ça change quoi que ce soit au drame, au choc ?
00:56 Bien sûr que non.
00:57 Seulement voilà, à mesure que le temps médiatique s'est accéléré,
01:00 que les images et leur rythme frénétique se sont imposés à nous,
01:03 les faits divers sont également devenus des faits politiques
01:06 auxquels il convient de donner une existence qui se voit.
01:09 Les élus se sentent donc dans l'obligation de nous montrer leur compassion.
01:13 Voilà pourquoi, par exemple, Laurent Wauquiez, qui préside la région dans laquelle s'est déroulé le drame,
01:18 a fait lui aussi le déplacement à Annecy.
01:20 « Tout le monde est extrêmement choqué.
01:21 Aujourd'hui, juste penser aux familles, juste penser à ses enfants. »
01:25 Car parce qu'un fait divers est toujours une transgression absolue et très choquante de nos règles communes,
01:31 de celles qui nous permettent de faire société,
01:33 son commentaire médiatique en fait un marqueur politique.
01:36 Une occasion de rappeler ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas.
01:39 Alors, eh bien alors, nos élus en profitent pour produire du discours politique.
01:44 S'ils sont en responsabilité, ils se doivent de se justifier, de dire que la nation n'a pas failli.
01:49 Voilà pourquoi, dès jeudi, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin,
01:52 s'est rendu non seulement à Annecy dans l'après-midi, mais également sur le plateau TF1 au 20h
01:57 pour dire que l'assaillant n'avait pas échappé aux filets républicains et n'était pas en situation irrégulière.
02:02 « Alors cet homme était régulièrement sur le territoire national puisqu'il était réfugié en Suède depuis 10 ans. »
02:08 En revanche, lorsque les politiques sont dans l'opposition cette fois,
02:12 ils profitent de l'aubaine pour dénoncer des manquements, pour dire qu'avec eux, ça n'arriverait pas ou plus.
02:17 Éric Ciotti, le patron des Républicains, l'a fait dès le matin dans les couloirs de l'Assemblée nationale.
02:21 « Il semble que l'auteur ait le même profil que l'on retrouve souvent dans ses attaques.
02:28 Et il faudra en tirer toutes les conséquences. »
02:32 Voilà, le profil qu'il voulait pointer était celui d'un étranger en situation irrégulière, un grand classique.
02:37 Seulement voilà, cette fois-ci, manque de chance, il ne l'était pas.
02:40 Quant à Éric Zemmour, lui, il ne s'est pas rendu sur place,
02:42 mais il s'est immédiatement filmé avec son téléphone portable pour poster sur les réseaux sociaux une vidéo.
02:48 Une vidéo destinée à promouvoir le nouveau concept qu'il tente de populariser, le francocide.
02:54 « Autrefois, les demandeurs d'asile fuyaient leur pays pour échapper à la mort.
02:58 Désormais, ils quittent leur pays pour tuer nos enfants. »
03:02 Alors voilà, les faits divers sont aujourd'hui des rendez-vous médiatiques totalement incontournables pour les politiques.
03:07 Aux Etats-Unis, Donald Trump tweet désormais à chaque fois qu'il s'en produit un.
03:11 Et en France, Nicolas Sarkozy avait même, lorsqu'il était président, fini par populariser un axiome
03:16 à la chronologie devenue quasi incontournable.
03:19 Un fait divers, une émotion, une loi.
03:22 Où l'on comprend, Philippe, qu'en politique, c'est bien l'émotion et son incarnation médiatique qui fait la loi.
03:28 Merci beaucoup, Bruno Donnet. A demain.