Rentrée Littéraire 2023 - Bartillat

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Transcript
00:00 Bonjour à tous, les éditions Bartillat, Charles Ficat au micro. Merci de votre présence
00:11 et de votre attention à cette journée de rencontre. Cette année, les éditions Bartillat
00:19 présentent un titre en littérature française, un premier roman, "Tout s'écoule" d'Antoine
00:26 Vigne. Alors il ne s'agit pas tout à fait d'un premier livre, c'est un premier roman,
00:32 mais pas un premier livre car Antoine Vigne a déjà publié un essai sur le corbusier,
00:36 deux livres d'architecture et d'urbanisme, ainsi que deux livres pour la jeunesse, dont
00:44 récemment un conte, "L'arbre qui rêvait d'être un avion". Et dans "Tout s'écoule",
00:50 il est justement question d'avion, puisque un des personnages principaux est pilote et
00:57 il arrive dans une grande ville américaine, une mégalopole, Détroit. Ce premier roman
01:08 ne manquera pas de vous surprendre. Nous-mêmes, lorsque nous avons reçu aux éditions le
01:12 livre, il y a quelque chose qui nous a frappé d'emblée, c'était sa forme. Alors c'est
01:18 vrai qu'aujourd'hui quand on parle des romans, on attaque tout de suite sur l'histoire,
01:24 le thème, les personnages, le sujet de société qui se trouve au cœur du livre, mais on a
01:32 un peu trop tendance à laisser de côté d'autres aspects de littérature, à savoir
01:39 le style, le rythme, les cadences, la construction, bref tout ce qui pourrait se rapporter à
01:47 la forme. Et "Tout s'écoule" d'Antoine Vigne est à cet égard très intéressant
01:54 car il s'agit d'un roman en verre libre. Et tout de suite, ça nous a tapé dans l'œil
01:58 parce que vous savez que ces dernières années, il y a plusieurs livres, plusieurs romans
02:04 qui ont rencontré de gros succès sous cette forme. Je pense aux "Charlotte" de David
02:10 Finkinos, il y a eu "À la ligne" de Joseph Pontus qui, à travers des verres libres,
02:18 mettait le rythme de l'industrie agroalimentaire finalement en mouvement dans sa prose. Et
02:26 puis il y a eu aussi, il y a quelques mois, "Le mammouth sauvait des eaux" d'Antoine
02:30 Voters qui aussi remportait un beau succès. Et donc dans "Tout s'écoule", même si
02:35 le sujet est complètement différent, on a eu une attraction immédiate parce que cette
02:44 forme du verre libre avec des versets très courts a quelque chose d'apaisant, de réconfortant
02:53 dans une production parfois jugée abondante, surabondante, voire pléthorique. Il y a un
03:04 écoulement, pour reprendre l'intitulé même du titre, un défilé comme ça des verres
03:12 qui confèrent à la lecture un charme indéniable. Alors ce roman d'Antoine Vigne, en quoi consiste-t-il
03:25 ? L'histoire se passe lors d'un week-end d'été, il y a deux hommes qui se rencontrent
03:33 à Détroit, mégalopole américaine, Gilles qui est pilote d'avion et Luc qui lui est
03:42 conservateur de musée. Ils ont une vingtaine d'années d'écart et entre eux va se nouer
03:49 une sorte d'affinité élective, une rencontre dans une cité particulière. Alors le livre
04:01 évite quand même tous les clichés sur la ville de Détroit, vous savez, mégalopole
04:05 américaine, cité industrielle, berceau de l'automobile, temple de la musique aussi.
04:11 Mais ces aspects ne sont pas évoqués dans le livre, c'est plutôt la dimension architecturale
04:18 et urbanistique qui est mise en avant, ainsi que les parcs, les jardins, la richesse aussi
04:25 esthétique à travers les musées, les institutions d'art, puisque un des personnages est complètement
04:30 versé dans l'art, dans l'esthétique et entre eux sur fond d'une sorte de décomposition
04:43 de la ville. Vous vous souvenez, il y a une dizaine d'années, la ville avait été déclarée
04:48 en faillite, aujourd'hui les choses ont un peu changé à Détroit, la ville a repris
04:55 une certaine vigueur, mais il y a quelque chose qui pourrait se rapprocher un peu des
05:03 films d'Antonioni où vous avez des plans sur les rues, les villes, en même temps qu'il
05:09 y a entre les personnages ce qu'on a appelé une forme d'incommunicabilité. Alors entre
05:16 Luc et Gilles beaucoup de sentiments, de liens vont se nouer et c'est un écoulement
05:31 de blessures du temps, de souvenirs d'enfance, de sensualité, beaucoup de souvenirs qui
05:42 vont remonter à la surface et se nouer entre les deux protagonistes. Tout s'écoule,
05:51 alors pourquoi ce titre ? On peut bien sûr penser à une allusion transparente à la
05:57 philosophie d'Héraclite et sa philosophie du devenir, on voit le temps qui passe, on
06:04 sait que Détroit c'est une ville aussi qui a un fleuve très important, donc bien
06:11 sûr on pense à la rivière d'Héraclite et en même temps le temps et la sensualité
06:21 des sentiments et des découvertes de l'autre et que tout finit toujours par passer. Et
06:28 tout s'écoule également, c'est cette trajectoire de l'avion que vous voyez en couverture puisque
06:35 Gilles est le personnage principal et pilote d'avion et donc comme ça il traverse le
06:41 ciel tel une étoile filante dans ce week-end finalement à la fois très bref, très intense
06:51 où il va se passer quelque chose entre les deux. C'est un livre établement d'une
07:02 haute modernité et je crois qu'afin de vous en donner un avant-goût rien ne vaut l'exemple
07:09 que de vous en lire un extrait. C'est un moment où justement Gilles sort de son hôtel
07:19 à Détroit puisque comme il est pilote il y a toute une arrivée donc la description
07:25 de l'atterrissage, l'arrivée à l'aéroport, le tarmac, le Boeing qui se pose et donc ensuite
07:33 il a un temps libre et donc c'est là qu'il aime errer dans les villes. Il sort de son
07:41 hôtel le soir, marche un moment, la nuit est chaude, l'air dense, il aime la sensation
07:47 que cela crée contre sa peau, ses membres, toute la moiteur qui baigne son corps, le
07:52 rang humide et lourd, charnel, réel, il pense toujours qu'il nage dans l'air, il s'y
07:58 projette. L'été, le moment où nous ne sommes plus que ça, décors offerts aux sensations
08:04 du monde, hypersensible à tout ce qui nous fait, matière dans la matière. Des taxis,
08:10 des limousines déposent leurs passagers, attendent d'autres clients, sous des lumières
08:14 partout une atmosphère de fête et au-dessus le people mover, le monorail local, gain de
08:21 béton et de verre, en suspension, en arrondi, le métro du centre-ville avec son nom absurde,
08:29 bougeur de gens et sa silhouette tout droit sortie d'un film de science-fiction, un alpha
08:36 ville version disco avec ses feux étincelants projetés dans la nuit noire. Il déambule,
08:42 observe les gens, il aime cette solitude, les soirées calmes et sans programme, les
08:46 heures avides, le temps qui passe pour rien, les heures dans le cockpit suivie des heures
08:53 dans les hôtels et dans les rues, son rituel, celui des temps de latence, des entre-deux,
08:58 un mot monumental qui définit sa vie, l'entre-deux vide, l'entre-deux mystère, l'entre-deux
09:03 infini, comme pour les moines du Moyen-Âge, tous les mystiques des premiers siècles,
09:08 tous les hommes et femmes de l'absolu, Anaximandre, Saint-Augustin, Véroèse, Giordano, Bruno
09:13 et les Saint-Ex, Teilhard, John Cage, Rodko, Duras, combien sont-ils, ses guides, ses compagnons.
09:18 Il voit un bar, un pub en bois et sa terrasse où l'on accède par une série de marches
09:24 à l'extérieur. Et la suite, ce qui se passera, vous la découvrirez en lisant tous ces couls.
09:30 Un petit mot, juste un petit mot pour un autre titre des éditions Bartille à la rentrée,
09:37 un roman anglais d'une écrivaine très célèbre que nous essayons de faire redécouvrir au
09:44 public français, Anita Bruckner. Il s'agit de son premier roman, Un début dans la vie
09:50 qui raconte l'arrivée d'une jeune anglaise à Paris pour y préparer une thèse sur Balzac.
09:56 Voilà, merci beaucoup de votre attention et bonne journée avec tous les éditeurs.
10:03 (...)

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