Arnaud Rousseau, président de la FNSEA : "N'importons pas l'alimentation que nous ne voulons pas"

  • l’année dernière
Arnaud Rousseau, nouveau président de la FNSEA, est l'invité du 8h20. Il l'assure, "on a besoin de se reposer la question de la production".

Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien
Transcript
00:00 Bonjour Arnaud Rousseau, bienvenue sur France Inter, vous êtes depuis trois mois maintenant
00:04 le nouveau président du premier syndicat agricole français, la FNSEA, 210 000 adhérents.
00:11 Beaucoup de sujets d'actualité à aborder avec vous ce matin, la sécheresse qui frappe
00:16 plusieurs de nos départements, le coût des produits alimentaires, on parlera aussi du
00:21 dialogue, pas simple à établir ou à rétablir avec les écologistes sur toutes ces questions.
00:26 Les auditeurs et les auditrices de France Inter peuvent vous interroger directement
00:30 au 01 45 24 7000 ou via l'application France Inter.
00:35 D'abord un mot sur votre parcours Arnaud Rousseau, les auditeurs vous connaissent pas
00:40 ou peu, vous êtes producteur de grandes cultures, colza, tournesol, blé, maïs en
00:46 Seine et Marne donc en Ile-de-France, vous êtes également président du groupe d'agro-industrie
00:50 Avril, 7 milliards de chiffre d'affaires, vous produisez des huiles vendues notamment
00:55 sous les marques Le Sueur et Puget, on peut dire que votre profil tranche avec celui de
01:01 votre prédécesseur Christiane Lambert qui était éleveuse de porc.
01:05 Comment est-ce que vous vous définissez Arnaud Rousseau ? Vous êtes un chef d'entreprise,
01:10 un agriculteur, un industriel céréalier ?
01:13 Eh bien écoutez d'abord, je suis un agriculteur, vous voyez, je me suis installé en 2002 sur
01:20 la ferme de mes parents, de mes grands-parents, donc j'ai un ancrage dans le territoire
01:24 auquel je suis attaché et c'est vrai que j'ai viscéralement la volonté de m'engager
01:31 pour ce métier auquel je crois et c'est la raison pour laquelle très tôt je me suis
01:34 engagé dans le syndicalisme et le syndicalisme m'a mené à la responsabilité professionnelle.
01:38 Nombre de mes collègues agriculteurs sont engagés dans la coopération agricole, moi
01:42 je suis dans une entreprise qui s'appelle Avril qui est détenue par le monde agricole
01:46 et qui a une particularité, c'est de créer de la valeur et de ne pas verser de dividendes
01:51 pour pouvoir continuer à développer la production agricole en France et puis je suis aujourd'hui
01:57 le président de la FNSA, vous l'avez rappelé, qui est un syndicat dans lequel beaucoup de
02:01 profils différents se retrouvent, vous l'avez dit, je suis différent de Christiane Lambert
02:05 et pour autant nous portons ensemble la même vision, celle d'une agriculture entreprenariale
02:10 qui a le goût d'entreprendre et qui est différente en fonction du territoire dans
02:13 lequel on se situe.
02:14 Vous êtes diplômé d'une école de commerce, vous n'avez pas fait d'études agricoles
02:17 à la base, pour quelle raison ?
02:18 Parce que chez moi, depuis toujours, mes parents m'ont dit que c'était important de pouvoir
02:21 avoir un regard ouvert sur le monde, de faire autre chose et que la ferme familiale, cette
02:26 petite entreprise, pourrait m'accueillir mais que pour faire ce métier, c'est bien
02:31 aussi d'avoir le regard sur l'horizon, de savoir un peu ce qui se passe ailleurs.
02:33 Mais vous avez toujours eu dans l'idée de reprendre la ferme familiale ?
02:35 J'ai fait évoluer mon jugement, c'est vrai qu'au début, je n'étais pas forcément
02:39 très attiré mais je trouve que ça a du sens ce métier, cet ancrage, ses racines
02:43 et j'y trouve aujourd'hui complètement mon épanouissement.
02:46 Pourquoi pas très attiré ?
02:47 Parce que quand vous êtes né dans une ferme, que vous vivez dans une ferme, et je pense
02:51 que ça parle à de nombreux jeunes aujourd'hui dont les parents sont agriculteurs, vous voyez
02:54 parfois les difficultés, parfois les questionnements et que vous vous dites que vous n'avez pas
02:58 forcément envie de travailler comme vos parents, de voir autre chose.
03:01 Et puis quand vous prenez un peu de maturité, quand vous avez la chance comme moi d'être
03:04 salarié, d'avoir un peu voyagé, vous découvrez que de là où vous venez, là où sont vos
03:10 racines, ça donne du sens à la manière dont vous avez envie de vivre.
03:13 Je crois que ça, c'est quelque chose qui est très ancré dans mon agricole.
03:15 Vous faites le constat Arnaud Rousseau que beaucoup de français ne connaissent plus rien
03:20 à l'agriculture.
03:21 Vous avez déclaré récemment "nous devons repasser un pacte avec la société, avec nos
03:26 compatriotes qui pour nombre d'entre eux n'ont plus aucune idée de la saisonnalité
03:30 des conditions d'exercice de ce métier".
03:32 Il y a un fossé aujourd'hui entre le monde agricole et le reste de la société ?
03:35 Je ne sais pas s'il y a un fossé.
03:37 En tous les cas, là où de nombreux français avaient un cousin, un oncle, un grand-père
03:42 agriculteur, c'est moins le cas aujourd'hui, on ne représente plus qu'un et demi pour cent
03:46 de la population active.
03:47 Et donc ce constat, il ne faut pas le voir comme un fossé, il faut le voir comme une
03:51 opportunité de réexpliquer aux gens que si on veut demain mieux manger, mieux produire,
03:57 la saisonnalité, ça a du sens.
03:59 Rappelez qu'en agriculture, il y a des cycles.
04:02 Il y a des cycles dans l'élevage, il y a des cycles dans la production végétale.
04:04 Et ça, quand je rencontre des élèves ou quand je rencontre des jeunes adultes, ils
04:08 n'en ont pas toujours conscience.
04:09 Ça explique beaucoup de choses, cette méconnaissance dans les difficultés du dialogue, dans peut-être
04:15 les difficultés de recrutement aussi.
04:17 Oui, bien sûr, ça explique.
04:19 Et c'est pour ça que les adulteurs qui sont à la base plutôt des taiseux, des gens qui
04:24 n'étaient pas toujours enclins à l'échange et à la communication, font de gros efforts.
04:27 On est en ce moment, par exemple, pour les trois jours sur les journées nationales de
04:30 l'agriculture.
04:31 Moi, j'invite tous les gens qui s'intéressent aux questions agricoles à aller dans les
04:35 fermes.
04:36 Et puis, effectivement, il faudra qu'on soit plus attractifs demain parce qu'on a besoin
04:39 de recruter dans nos fermes.
04:40 Un agriculteur sur deux partira à la retraite d'ici une dizaine d'années.
04:44 Donc c'est demain.
04:45 Comment est-ce qu'on fait pour recruter des agriculteurs qui ne seront pas issus du
04:49 monde agricole ?
04:50 Eh bien, on a plusieurs leviers.
04:53 D'abord, celui du sens du métier.
04:55 Moi, je crois que produire pour nourrir, faire en sorte que trois fois par jour, on ait dans
05:01 nos assiettes de plus en plus de produits de qualité, de proximité, de naturalité,
05:05 mais aussi des possibilités de produits d'ailleurs, parce que la singularité, c'est qu'aujourd'hui,
05:11 on importe beaucoup.
05:12 Faire en sorte qu'on puisse avoir du revenu parce qu'une ferme, ça reste malgré tout
05:16 une petite entreprise qui a besoin de pouvoir dégager du revenu pour celui qui opère.
05:20 Faire en sorte qu'on puisse réduire parfois les astreintes ou les difficultés de ce métier.
05:26 Voilà ce qu'on doit faire pour demain.
05:28 Renouveler les générations.
05:29 Vous savez qu'on a perdu près de 100 000 agriculteurs.
05:31 Vous savez qu'on a la moitié de la population agricole qui va partir en retraite dans les
05:36 dix prochaines années.
05:37 Et si on veut continuer à avoir des fermes sur tout le territoire et à pouvoir mailler
05:40 et produire, on a besoin d'attirer des talents.
05:43 Vous avez parlé des revenus.
05:44 On va parler des prix alimentaires dans quelques minutes.
05:47 Mais vous avez dit produire pour nourrir.
05:49 Or, aujourd'hui, nous importons 40% de nos fruits.
05:52 Plus de la moitié de nos légumes, c'est 60%.
05:54 50% de nos poulets.
05:56 Comment est-ce qu'on inverse la tendance d'une France qui était, je crois, la deuxième
06:01 puissance exportatrice mondiale et qui est aujourd'hui la cinquième ?
06:04 Vous faites bien de le rappeler.
06:06 Et on a bien changé en 30 ans.
06:08 C'est-à-dire que cette fameuse image du productivisme à la française a vécu.
06:11 Aujourd'hui, nous importons 25% de notre biodémovile, l'essentiel de nos fruits et légumes.
06:16 On a besoin de se reposer la question de la production qui passe d'abord par le prix.
06:22 Et c'est tout le combat que nous avons mené avec la loi EGalim pour faire en sorte que
06:27 la valeur ajoutée redescende dans les exploitations agricoles.
06:29 C'est le cas aujourd'hui ?
06:30 C'est modifié, oui.
06:32 Ça va mieux depuis un an.
06:34 Pendant 10 ans, les prix agricoles étaient en déflation.
06:37 Les agriculteurs français gagnent plus d'argent aujourd'hui qu'il y a un an ?
06:40 En tous les cas, la non-négociabilité de la matière première agricole a redonné effectivement
06:45 des marges de manœuvre.
06:47 Ce que je veux expliquer à vos auditeurs, c'est que quand ils ont 100 euros de disponibles,
06:53 c'est seulement 13% qui est consacré à l'alimentation.
06:56 C'était près de 30% dans les années 70 et ça n'est pas tenable pour les agriculteurs.
07:00 Donc les français consacrent davantage d'argent à leur nourriture ?
07:03 Absolument.
07:04 Une nourriture de meilleure qualité.
07:06 Et on a en ce moment une forte inflation qui a conduit à une baisse de la consommation.
07:11 Donc il faut qu'on trouve l'équilibre pour que le consommateur puisse consommer des
07:15 produits de qualité, des produits français et faire en sorte que l'agriculteur puisse vivre.
07:18 Dans le contexte actuel, on ne peut pas blâmer des consommateurs d'aller vers l'étiquette
07:21 qui est la plus basse ?
07:23 Oui, on le comprend très bien et on l'observe.
07:25 Mais il faut qu'on soit conscient que cette nourriture à bas coût, c'est une nourriture
07:28 qui vient de l'extérieur et nous on dit "n'importons pas l'alimentation dont nous ne voulons pas".
07:32 Donc il faut produire plus ?
07:34 Il faut en tous les cas reprendre les parts de marché.
07:38 L'objectif que nous nous sommes fixés à l'FNSEA, c'est de faire en sorte que dans
07:40 l'assiette des français d'ici trois ans, on ait inversé cette courbe de l'importation.
07:44 Donc plus de volume ?
07:45 Non, pas nécessairement plus de volume.
07:47 En tous les cas, moins d'importation.
07:49 Ça veut dire effectivement à certains endroits plus de volume.
07:52 Ça veut dire aussi une politique de prix et d'accompagnement, y compris, et je tends
07:55 la main à la grande distribution, pour mettre en valeur nos produits.
07:57 Si on veut continuer à exporter et en même temps gagner des parts de marché dans le
08:00 marché national, Arnaud Rousseau, ça veut dire que fatalement il faut produire plus,
08:04 si je suis votre raisonnement.
08:06 Pourquoi ne pas l'assumer au fond ?
08:07 Ah mais moi je vous dis depuis le début que produire est un mot noble.
08:11 Je le dis partout et que quand on cesse de produire, on importe.
08:17 Nous ce qu'on dit aujourd'hui, c'est qu'il faut continuer à produire.
08:20 Mais vous avez compris que quand on perd cent mille agriculteurs, quand on a du mal
08:23 à renouveler les générations, eh bien on ne produit plus.
08:26 Et si on ne produit plus, on ne nourrit plus ou en tous les cas, on met la nourriture dans
08:30 la main d'autres pays et donc on se met en dépendance.
08:33 C'est ce que nous ne voulons pas.
08:34 Est-ce que c'est compatible avec la transition écologique, avec la diminution du recours
08:39 aux pesticides par exemple ?
08:40 Alors, il faut être précis sur ce sujet.
08:43 Oui, produire en France, ça continue à avoir du sens et le faire de manière responsable.
08:48 Il y a eu, vous le savez, depuis quelques jours, des sujets polémiques autour de l'élevage.
08:53 Eh bien nous, nous disons qu'aujourd'hui, importer 25%...
08:56 Vous faites référence aux préconisations de la Cour des comptes qui préconisaient
09:00 de réduire le cheptel français pour limiter les émissions de gaz à effet de serre.
09:05 Eh bien nous, nous disons que...
09:06 On sont responsables, les vaches.
09:07 Absolument.
09:08 Si on réduit les vaches en France, que fera-t-on de nos prairies qui sont des puits de carbone ?
09:12 Au passage, il y a de moins en moins de vaches en France depuis plusieurs années.
09:17 Bien sûr, et c'est pour ça que nous tirons la sonnette d'alarme.
09:19 Alors que la consommation par ailleurs de viande bovine ne baisse pas ou très peu.
09:23 Et donc, nous avons besoin de produire.
09:25 Vous parliez des phytosanitaires, je ne veux pas m'échapper.
09:28 Nous, demain, nous disons, nous devons faire mieux.
09:31 Mais nous ne voulons pas d'interdiction sans solution de production.
09:34 Si nous nous mettons dans des impasses, que va-t-il se passer ?
09:36 Nous allons importer de l'alimentation d'ailleurs, produite dans des conditions qui ne respectent
09:41 pas les standards et les attentes des consommateurs.
09:42 Et donc, ce que nous disons, c'est nous devons faire des efforts avec un certain nombre de
09:46 produits de biocontrôle, avec un certain nombre d'avancées agronomiques.
09:50 Le retour peut-être plus fort à l'agronomie, le respect des sols.
09:53 En revanche, faisons attention de ne pas nous mettre dans des impasses.
09:56 J'entendais la chronique sur France Inter sur les médicaments.
09:58 Relocaliser la production de médicaments, c'est aussi faire le constat qu'on l'a abandonné.
10:03 Nous, on ne veut pas qu'on abandonne la production en France.
10:05 Il y a une étude qui a beaucoup frappé les esprits le mois dernier, Arnaud Rousseau,
10:09 elle concerne la disparition des oiseaux.
10:10 Vous avez sans doute entendu cette information.
10:12 En 40 ans, le nombre d'oiseaux des champs a diminué de 60% en Europe.
10:16 Et pour la première fois, les chercheurs ont hiérarchisé les causes.
10:19 Et en tête arrive l'utilisation des pesticides et des engrais de synthèse.
10:24 Qu'est-ce que vous dites quand vous découvrez de telles études qui sont validées, qui sont sérieuses ?
10:28 D'abord, je ne nie pas les faits.
10:30 Ensuite, je dis que cette étude qui a été faite montre qu'elle est plurifactorielle,
10:35 mais que l'agriculture a une responsabilité.
10:37 Donc, il nous appartient de faire en sorte que nous apportions un certain nombre de correctifs
10:41 par rapport à la restauration de la biodiversité.
10:43 On est en train de discuter en ce moment de comment on peut réimplanter plus de haies
10:47 pour amener une évaluation des écosystèmes, une amélioration des écosystèmes.
10:51 On est en train de regarder, je vous l'ai dit, comment on peut réduire nos impacts.
10:55 Mais tout ça nécessite du temps, nécessite de l'investissement,
10:59 nécessite des politiques publiques.
11:01 Et nous, on est tout prêts à accompagner ça parce qu'on est conscients aussi de nos responsabilités.
11:05 Maintenant, on n'est pas prêts à ce que l'agriculture assume la totalité de ses impacts.
11:10 On le sait, il y a aussi d'autres facteurs, l'urbanisation, un certain nombre d'impacts industriels.
11:16 Nous prendrons...
11:17 Mais là, vous dites quoi ? Il ne faut pas de normes de demande supplémentaire de la part de l'État ?
11:21 Ça suffit ? On en a assez ?
11:24 Écoutez, en tous les cas, il faut faire attention que la logorée normative qui pèse aujourd'hui sur l'agriculteur,
11:30 qui la rend complètement incompréhensible,
11:34 il y a tellement de normes aujourd'hui que pour un agriculteur, de bonne foi, c'est devenu intenable.
11:38 Mais en revanche, quand on parle du dérèglement climatique,
11:42 quand on parle de l'effondrement de la biodiversité,
11:45 évidemment, il faut continuer à ce qu'on les accompagne.
11:47 Ce n'est pas nécessairement la norme ou l'obligation.
11:49 Ça peut être aussi un certain nombre d'indicateurs qui montrent comment on peut évoluer.
11:53 Je veux dire aussi qu'entre le moment où cette enquête a été faite et aujourd'hui,
11:56 il y a un certain nombre de progrès qui ont été faits.
11:58 Arnaud Rousseau, vous avez parlé des revenus pour les agriculteurs.
12:01 On a entendu votre slogan "Produire pour nourrir".
12:04 Vous ne faites pas de l'adaptation au changement climatique l'une de vos priorités
12:08 en tant que président de la FNSEA. Pour quelle raison ?
12:11 C'est évidemment un sujet puisque nos priorités, je vous l'ai dit, c'est la souveraineté et le revenu.
12:18 Et aujourd'hui, le climat, je comprends que pour vos auditeurs, ça puisse être particulier,
12:22 mais le climat, c'est une constante de l'agriculture depuis toujours.
12:25 On ne peut pas être agriculteur sans être directement corrélé au climat.
12:30 Et donc le dérèglement climatique, les agriculteurs le mesurent depuis bien longtemps.
12:34 Nos moissons, nos vendanges, nos fenaisons ont été avancés de 15 jours à 3 semaines depuis 20 ans.
12:39 Donc nous l'observons.
12:41 Mais ce sujet qui est devenu un sujet central de la discussion dans les médias,
12:45 c'est un sujet qui est consubstantiel à l'agriculture depuis toujours.
12:48 Un agriculteur, vous le rencontrez, il va vous parler de la pluie, du beau temps, du gel.
12:52 Donc ce n'est pas une priorité pour nous. C'est notre quotidien.
12:57 Ce qui ne veut pas dire qu'il ne faille pas s'y adapter et mettre en place un certain nombre de politiques pour cela.
13:03 C'est ce que vous avez dit. Pas seulement des politiques.
13:04 Vous savez, les agriculteurs n'ont pas simplement besoin de politiques.
13:06 Vous l'avez dit tout à l'heure dans votre introduction.
13:08 Je produis du tournesol chez moi, sur ma ferme.
13:11 C'est une production que je n'avais pas il y a deux ans.
13:13 C'est une production que j'ai mise en place parce que ça résiste mieux à la sécheresse.
13:17 Ça a besoin de peu d'eau pour faire son cycle végétal.
13:20 Et donc les agriculteurs s'adaptent dans leurs assolements,
13:23 dans les parcelles qu'ils cultivent, s'adaptent aussi avec un certain nombre de moyens,
13:28 mais ont aussi besoin de recherches et d'innovations pour pouvoir demain être plus performants
13:32 et mieux résister à ces changements.
13:33 Sur ce thème, et il va nous parler de céréales d'ailleurs,
13:36 Denis nous appelle du département de l'Oise. Bonjour Denis.
13:39 Oui, bonjour.
13:41 J'ai entendu le président de la FNSE à dire que
13:45 les gens qui habitaient la ruralité n'avaient aucune notion de rotation concernant les saisons.
13:53 Mais nous sommes quand même témoins et nous avons acquis une expérience, je pense juste.
14:00 Alors je prends un exemple, le maïs qui est considéré comme une céréale très demandeuse en eau,
14:07 ça a été une catastrophe au niveau de la production l'année dernière par manque d'eau.
14:11 Et je constate cette année que le maïs est encore omniprésent.
14:15 Je précise, je ne l'ai peut-être pas dit, que j'habite à la région de Picardie,
14:19 très céréalier, et je constate que le maïs est omniprésent.
14:25 On arrose en journée alors qu'on est dans une période de sécheresse.
14:30 Je peux vous dire que je constate que l'eau s'évapore avant d'atteindre la terre.
14:35 Il y a quand même certaines précautions à prendre.
14:37 Par exemple, envisager des céréales beaucoup plus rustiques, peut-être moins productives,
14:44 telles que le surgout.
14:45 Pourquoi ne pas réfléchir justement à l'idée de plantes plus résistantes à la sécheresse
14:52 et aux canicules qui vont devenir de toute façon avec le temps récurrent ?
14:56 Merci à vous Denis pour cette question.
14:59 Arnaud Rousseau vous répond.
15:01 Oui absolument, je crois que Denis a raison.
15:03 L'adaptation s'opère.
15:05 Je voudrais dire à Denis que cette année, la solde de maïs en France est la plus faible
15:10 que nous ayons constatée depuis bien longtemps.
15:12 J'expliquais que les gens étaient en train de s'adapter et votre auditeur faisait référence
15:16 au surgout, je viens d'en implanter chez moi pour la première fois.
15:18 Ce que je veux dire c'est qu'il n'y a pas de renoncement en agriculture.
15:23 Le sujet du climat, nous allons devoir l'affronter en face.
15:26 Donc vous êtes en train de vous dire qu'il faut planter moins de maïs en France, c'est
15:29 ce qui est en train d'être fait ?
15:30 Non, je vous dis qu'aujourd'hui, en fonction des régions et des moyens dont on dispose,
15:34 les agriculteurs s'adaptent.
15:35 Le maïs, on en a besoin, c'est une plante importante.
15:38 Vous avez dit que cette année, il y a moins de plantations que l'année dernière ?
15:40 Oui, c'est exact.
15:41 Les chiffres montrent que cette année, on a moins de maïs parce que les agriculteurs
15:44 s'adaptent.
15:45 Je ne dis pas par ailleurs que nous n'avons pas besoin de maïs et que le maïs est une
15:48 plante qui, au kilo de matière produite, utilise assez peu d'eau.
15:52 Il y a d'autres sujets d'ailleurs sur le maïs.
15:54 Mais par rapport à la question de votre auditeur, ce qui est important et le message que je
15:57 veux passer, c'est que les gens s'adaptent parce que les agriculteurs, à la fin, s'ils
16:00 ont peu ou pas de production, ils n'ont pas de chiffre d'affaires, pas de résultats
16:04 et ils ne peuvent pas vivre.
16:05 Donc ils s'adaptent, ils le font partout, mais tout ça prend aussi un peu de temps.
16:09 On est sur du vivant, on ne peut pas le faire du jour au lendemain, mais on s'adapte.
16:12 Sur l'eau, une quinzaine de départements, quasiment le double par rapport à juin dernier,
16:16 sont déjà en situation de crise.
16:18 Sècherait-ce qu'il y a dans ces départements des restrictions d'eau ? Est-ce que cela
16:22 va avoir un impact sur la production cette année ? Est-ce que la situation est pire
16:26 que l'an dernier à Neurousseau ?
16:28 C'est très disparate.
16:29 Vous avez des endroits évidemment qui souffrent très fortement de la sécheresse, je pense
16:33 notamment aux Pyrénées-Orientales, mais vous avez d'autres régions en ce moment
16:36 qui ont des pluies incessantes.
16:38 Je discutais avec une éleveuse de Laveron qui m'expliquait hier qu'elle a du mal
16:42 à rentrer ses foins parce qu'il pleut quasiment tous les jours.
16:46 Un viticulteur de l'Hérault, proche de Montpellier, me disait aussi qu'il pleuvait.
16:48 Donc la situation est très disparate.
16:50 Ce qui est sûr, c'est qu'on a des impacts du climat de plus en plus forts.
16:54 Sécheresse, gel, pluviométrie.
16:55 Et la question centrale pour nous, c'est la question de l'eau et notamment de son
16:59 stockage.
17:00 Il n'y a pas d'agriculture sans eau et l'eau est un sujet de souveraineté depuis
17:03 toujours.
17:04 Donc on a besoin, dans ces conditions, de discuter dans la planification écologique
17:08 de la manière dont on pourra mieux utiliser l'eau pour continuer à produire et produire
17:13 durablement.
17:14 Sur la relation entre agriculture et écologie, vous alertez Arnaud Rousseau sur une inquiétante
17:17 - je vous cite - "hystérisation" du débat.
17:20 Il y a eu cette action de militants écologistes dimanche dernier au sud de Nantes.
17:24 Ils ont arraché des plantes de muguets, des tuyaux pour les remplacer par du sarrazin.
17:28 Ils dénoncent l'accaparement des terres.
17:30 Derrière cette manifestation, il y a un collectif qui regroupe notamment les soulèvements de
17:34 la terre.
17:35 Une plainte a été déposée lundi par une fédération de maraîchers.
17:38 Qu'est-ce que vous attendez des pouvoirs publics ?
17:39 On attend plusieurs choses.
17:41 D'abord, on attend le respect de l'état de droit.
17:44 Nous n'avons pas compris les raisons pour lesquelles les forces de l'ordre qui étaient
17:47 présentes lors de cette manifestation à proximité de Nantes ne sont pas intervenues,
17:51 non pas durant la manifestation, puisque le droit de manifester est un droit acquis, mais
17:56 lors des dégradations.
17:57 La deuxième chose, c'est que...
17:59 Ils ont les fait faire, c'est ce que vous dites ?
18:00 Absolument.
18:01 Et les agriculteurs en ont assez, assez, de voir un certain nombre de leurs biens détruits.
18:08 La question de l'écologie par ailleurs est une question sérieuse, auquel l'agriculture
18:11 veut contribuer.
18:12 Je vous ai dit que la FNSEA voulait repasser un pacte avec la société.
18:15 Donc nous sommes prêts à parler de ces sujets, mais on ne peut pas accepter, un, les atteintes
18:20 aux biens, et je le dis parce que le syndicalisme a parfois eu aussi des problématiques de
18:25 ce niveau.
18:26 Il y a eu le lot de préfecture sous préfecture, administration dégradée.
18:29 Je veux être sans détour.
18:31 Nous n'acceptons pas la violence de quelque nature qu'elle soit.
18:34 Et je dis aussi que dans le moment de fortes tensions dans lesquelles on est, les pouvoirs
18:38 publics doivent agir rapidement.
18:40 Je le dis parce que si nous appelons à la raison et au calme, un certain nombre de nos
18:43 adhérents n'en peuvent plus et nous disent "nous n'allons pas tenir si durablement des
18:47 gens viennent détruire nos biens et que l'état n'intervient pas".
18:49 Donc je me réjouis d'avoir appris hier que la première ministre allait procéder à
18:53 la dissolution de cette association qui détruit.
18:57 Et par ailleurs je dis aux gens qui s'intéressent à cette question de l'écologie que nous
19:00 sommes prêts à en discuter.
19:01 Deux élus d'Europe Écologie Les Verts, Sandrine Rousseau et Marine Tondeli ont été
19:04 insultés en début de semaine par des vignerons.
19:06 C'était dans le département de l'eau d'insultes sexistes.
19:09 Qu'est-ce que vous avez pensé de cette action ?
19:11 Écoutez, je ne suis pas très fier de ça.
19:13 Mais par ailleurs, je vous expliquais avant que le niveau de tension est tel que cette
19:20 action, si elle n'est pas acceptable sur le plan du vivre ensemble, elle est compréhensible
19:26 sur le plan de l'exaspération.
19:27 C'est compréhensible d'insulter des élus qui viennent vous rencontrer ?
19:32 Non, je vous ai dit que...
19:33 J'ai mal compris.
19:34 Je redis, je précise que ce type d'action, on ne peut pas, si on veut vivre ensemble,
19:39 insulter les gens et faire en sorte d'utiliser la violence.
19:42 Donc il n'y a pas d'ambiguïté.
19:44 Ce que j'essaie de vous expliquer, c'est que le degré de tension et d'exaspération
19:48 du monde agricole qui se traduit par ce genre d'actes que je ne cautionne pas, est aujourd'hui
19:52 à son paroxysme.
19:53 Et que si on n'intervient pas rapidement avec des mesures fortes, on va avoir ce type
19:58 d'événement qui se multiplie.
19:59 J'ai appelé à la raison, j'ai appelé à l'échange.
20:03 Est-ce que vous pourriez rencontrer Marine Tondelier par exemple ?
20:06 Je parle à tout le monde.
20:08 La FNSEA parle à tout le monde.
20:09 Mais moi j'attends aussi de Marine Tondelier qu'elle soit très claire pour dire "je
20:13 ne cautionne pas les actions des soulèvements de la terre", ce qu'elle ne fait pas.
20:16 Et donc vous ne voulez pas la rencontrer prochainement ? Ce serait un exemple de dialogue ?
20:20 Je vous ai dit que j'étais prêt à parler avec tout le monde.
20:23 Donc je suis prêt à parler avec Marine Tondelier comme avec n'importe qui, pour
20:27 peu qu'on soit très clair sur la dénonciation des actes de violence, ce que je viens de
20:31 faire sur votre antenne.
20:32 Et quand Mme Rousseau ou Mme Tondelier viennent chercher les images, je leur dis que si on
20:38 discute on peut le faire de manière apaisée et qu'on n'a pas besoin des caméras pour
20:41 le faire.
20:42 Magali nous appelle de Nantes.
20:43 Bonjour Magali.
20:44 Bonjour François St-Erre.
20:45 Bonjour M. le Président.
20:46 J'ai une question, je suis fille unique, mes parents sont viticulteurs dans le bord
20:54 de lait.
20:55 Alors à 30 minutes de Saint-Emilion c'est une toute petite exploitation.
20:59 Aujourd'hui, triste de constater que ça fait trois ans qu'ils ne vivent pas de leur
21:03 activité, ils ont plus de charges que de recettes.
21:06 C'est très malheureux et ils sont des milliers comme ça.
21:08 On a des suicides, on a des gens qui sont silencieux face à cette crise.
21:12 Ils ont créé un comité.
21:14 Aujourd'hui la seule chose que l'État leur propose de financer c'est un plan d'arrachage
21:19 avec un blocage des terres pendant 20 ans où pendant 20 ans ils ne pourront absolument
21:24 rien faire de ces terres, ni les vendre, ni les exploiter.
21:27 Est-ce que c'est ça la solution pour la souveraineté alimentaire, pour les petits
21:32 viticulteurs ? J'entends que la FNSA parle à tout le monde.
21:35 L'agriculture doit s'adapter, mais aujourd'hui elle met à mal tout le patrimoine de ces
21:40 petits viticulteurs, sûrement l'exploitation de mes parents.
21:44 On est quatre générations.
21:45 Aujourd'hui, dans deux ans, il n'y aura plus de vignes parce qu'ils vont les arracher
21:50 tout simplement.
21:51 Parce que Magali, la production se vend moins bien ?
21:53 Elle se vend moins bien.
21:55 On pense que le bordelais c'est que des pesticides alors que malheureusement les pesticides
21:59 il y en a partout et qu'évidemment il y a une régulation de ces pesticides que mes
22:04 parents, ils limitent au maximum parce que ça leur coûte cher ces pesticides et que
22:07 ça ne nous plaît pas d'empoisonner la population, ce qui n'est pas le cas.
22:11 Merci à vous Magali.
22:12 On avait un reportage tout à l'heure dans le journal de 8h tout près de Libourne.
22:15 Arnaud Rousseau vous répond.
22:16 Oui, d'abord je voudrais dire à Magali que ce qu'elle vit et ce que vivent ses parents
22:21 malheureusement c'est des choses que j'entends et que je constate tous les jours, évidemment
22:26 en viticulture mais aussi en élevage et dans d'autres productions, que le bordelais ça
22:30 n'est pas simplement quelques grands châteaux.
22:32 C'est aussi beaucoup de petites exploitations familiales avec cet ancrage et cette tradition
22:37 qui traverse une crise sans précédent parce que là encore nous avons des sujets d'importation,
22:42 nous avons des sujets de consommation.
22:44 C'est un sujet, Magali l'a dit, c'est aussi un sujet patrimonial identitaire de ce qu'est
22:49 la production de notre pays et donc nous oeuvrons.
22:51 L'État apporte une réponse qui est l'arrachage.
22:54 Elle est une réponse nécessaire à certains endroits mais pas suffisante et il faut qu'on
22:58 puisse accompagner le drame d'un certain nombre d'exploitations de cette nature.
23:01 Magali est du bordelais, on vit la même chose dans le Languedoc ou dans d'autres régions
23:05 françaises.
23:06 Question de Sophie sur l'installation de jeunes agriculteurs.
23:08 Les jeunes qui veulent s'installer ne trouvent pas de terre ni à louer ni à acheter.
23:13 Ça fait écho au débat actuel à l'Assemblée sur le zéro artificialisation des terres.
23:19 Proposition de loi à examiner cette semaine.
23:20 Oui, on a un sujet évidemment de foncier.
23:24 Une bonne nouvelle si je puis me permettre c'est que près de 116 000 agriculteurs vont
23:29 partir en retraite dans les cinq ans.
23:30 Donc on devrait avoir de la place, de la place pour installer, de la place pour conforter
23:38 et donc il faut regarder comment, et c'est tout le travail que font notamment les jeunes
23:43 agriculteurs, mais comment on peut mieux mettre en relation des gens qui vont cesser leur
23:47 activité avec des gens qui ont un projet et qui veulent s'investir.
23:51 Moi je trouve que c'est une difficulté mais c'est aussi une bonne nouvelle de voir que
23:55 des jeunes s'intéressent à la production et veulent finalement en faire leur métier.
23:58 Un mot de l'inflation, Arnaud Rousseau, le rythme de la hausse des prix est passé de
24:02 5,9% en avril à 5,1% au mois de mai sur un an mais l'inflation reste élevée dans l'alimentaire,
24:07 c'est 4,3% au mois de mai.
24:10 Pourtant il y a de nombreuses matières premières qui baissent.
24:12 Comment est-ce que vous expliquez que les choses mettent tant de temps à se répercuter ?
24:15 D'abord parce qu'il y a le cycle des saisons et que évidemment quand vous produisez du
24:22 blé, quand vous produisez du colza, quand vous produisez des animaux, vous avez un cycle
24:28 des saisons.
24:29 Ensuite parce qu'il y a eu des négociations commerciales qui ont constaté l'inflation
24:32 que nous avions vécue en 2021-2022.
24:35 Ce que je comprends, mais nous l'avions annoncé, c'est qu'un certain nombre de
24:38 produits vont baisser et sont en train de baisser.
24:40 Mais je veux revenir à ce qu'est la difficulté, c'est que pour le monde agricole, quand
24:44 vous achetez une baguette de pain qui vaut 1,05€, le blé c'est près de 7 centimes.
24:50 Et donc le sujet de la matière première agricole n'est pas le seul sujet.
24:54 Nous, nous voulons protéger la matière première agricole et faire en sorte que les Français
24:58 puissent acheter de la production française de qualité.
25:00 Donc nous devons ajuster le prix pour qu'ils y aient accès et nous devons veiller à
25:04 ce que les agriculteurs vivent de leurs produits.
25:06 Il pourrait y avoir des baisses de prix sur les légumes, par exemple les légumes frais
25:10 où ça s'est exclu ?
25:11 Alors il y a un certain nombre de prix de produits qui vont baisser.
25:14 Sur les légumes ce sera plus compliqué parce que la sécheresse rend leur production plus
25:18 difficile parce que quand par exemple l'huile d'olive continue à monter, c'est parce
25:25 qu'on a des problèmes de production.
25:26 Mais je veux le redire, la souveraineté, le renouvellement des générations et l'accès
25:31 à une qualité d'alimentation pour discuter avec la société, ça reste nos fondements.
25:34 Merci à vous Arnaud Rousseau, président de la FNSE, invité de France Inter ce matin.
25:39 Excellente journée à vous.

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