• l’année dernière
L'Invité du 13h (13h - 20 Juin 2023 - Jean-Marie Monnier)

Category

🗞
News
Transcription
00:00 Le temps des économies et revenus hier au ministère, du même nom, se sont tenus les
00:04 assises des finances publiques en présence d'Elisabeth Borne.
00:07 Ce n'est pas si souvent que la première ministre se rend à Bercy.
00:10 Alors que la dette du pays équivaut à près de 112% de la richesse nationale, alors que
00:15 le déficit équivaut à près de 5% de la richesse nationale, le gouvernement a voulu
00:20 solaniser ce moment.
00:21 « Je vous tiens à un discours de vérité », dit Elisabeth Borne.
00:24 Et son ministre des Finances, Bruno Le Maire, dit vouloir dégager 10 à 15 milliards d'euros
00:28 d'économie l'année prochaine, après les dépenses massives de la période Covid
00:32 et pour relancer l'économie après ces mois si particuliers.
00:35 Alors que les taux d'intérêt remontent, la préoccupation pour la dette publique revient
00:40 au goût du jour.
00:41 Y a-t-il urgence ? Pour y voir clair sur ce sujet complexe mais important, notre invité
00:46 jusqu'à 13h45 et professeur d'économie à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
00:50 et auteur de ce livre aux éditions de la Documentation française, parlons dette en
00:54 30 questions.
00:55 Bonjour Jean-Marie Meunier.
00:56 Bonjour.
00:57 Les auditeurs du 13/14 peuvent dialoguer avec vous au 01 45 24 7000 ou via l'appli France
01:03 Inter rubrique Réagir.
01:04 Question toute simple, d'abord Bruno Le Maire parle de 10 à 15 milliards d'économies
01:09 en un an.
01:10 C'est beaucoup ou pas 10 à 15 milliards d'euros d'économies ?
01:13 Alors c'est à la fois peu par rapport au budget de l'État et beaucoup par rapport
01:19 aux marges de manœuvre dont disposent vraiment les autorités publiques pour faire bouger
01:27 les lignes un petit peu.
01:29 Donc c'est à la fois beaucoup et pas beaucoup.
01:31 Vous voyez ? Parce que bon finalement quand on examine le budget à l'automne, les marges
01:39 de manœuvre des parlementaires, faire bouger, elles sont de 10% du budget.
01:45 Pourquoi pas plus ?
01:46 Parce que tout le reste c'est des dépenses préaffectées.
01:48 Et effectivement hier j'ai entendu que Bruno Le Maire demandait au ministère de
01:55 Faire 5% d'économies.
01:57 Mais ça vient après des années et des années de demandes d'économies successives et ce
02:05 qui était à gratter a été gratter.
02:07 Quand vous parlez de dépenses préaffectées, ça veut dire quoi ?
02:09 Ça veut dire que 90% du budget, on ne peut pas y toucher ?
02:12 On peut y toucher à la marge si vous voulez mais par exemple quand vous recrutez un fonctionnaire,
02:17 vous le recrutez sur sa vie.
02:19 Donc de toute façon son salaire, il est déjà prévu sur un certain nombre d'années.
02:24 Et d'année en année ça se répète.
02:26 Même si on n'augmente pas le point d'indice de la fonction publique, vous savez que c'est
02:31 un sujet de discussion avec les syndicats fortement.
02:34 Lorsque vous voulez faire descendre la masse salariale de la fonction publique, vous devez
02:42 faire comme ce qu'ont fait les gouvernements successifs depuis 10 ans.
02:45 Vous n'augmentez pas le point d'indice qui fait que progressivement, le budget c'est
02:51 comme une accumulation de couches sédimentaires.
02:54 On peut faire de la géologie du budget.
02:57 Voilà, c'est ça.
02:58 Alors sur ces 10 à 15 milliards d'économies parmi les pistes, la fin du bouclier tarifaire
03:02 sur le gaz qui arrive, la limitation des dépenses de soins, on en parlait dans le journal, des
03:06 avantages fiscaux moins importants pour les transporteurs routiers sur le gazole, moins
03:10 d'aide au logement, est-ce qu'on est là dans du toilettage ou au fond dans des chantiers
03:15 structurels ?
03:16 Alors là, ce que vous venez de lister, c'est un peu du toilettage.
03:23 Si effectivement on voulait réformer de façon à permettre aussi de dégager des marges
03:33 de manœuvre, il faudrait cesser de grignoter les recettes de l'État.
03:42 Parce que le premier problème, il est là si vous voulez.
03:45 La dette, elle augmente pour quelle raison ? Elle augmente aussi parce qu'on remplace
03:51 de l'impôt qui existait par de la dette, puisqu'on réduit les impôts en période
03:59 déficitaire.
04:00 Ça revient à substituer de la dette à de l'impôt.
04:04 Il ne faut pas regarder que les dépenses qui augmentent, il faut regarder les recettes
04:08 qui baissent aussi.
04:09 Le problème c'est aussi les recettes qui baissent ou qui augmentent moins qu'elles
04:13 devraient augmenter.
04:14 Alors ça m'amène à la question de Fabrice sur l'appli.
04:17 S'attaquer à la dette selon M.
04:18 Le Maire, c'est s'attaquer aux dépenses publiques.
04:20 Il oublie le versant des aides publiques aux entreprises sans condition, les recettes en
04:24 moins avec les cadeaux fiscaux pour les plus aisés.
04:26 Il continue à soutenir un système qui nous conduit tout droit vers une catastrophe.
04:30 Pour notre terre et nous-mêmes.
04:31 Ça c'est l'avis politique de notre auditeur.
04:33 Mais par exemple, les aides publiques aux entreprises, c'est une part importante des
04:39 dépenses publiques.
04:40 Est-ce qu'on regarde l'impact que ça peut avoir après les recettes que ça génère ?
04:43 Puisque l'argument, c'est de générer de l'activité économique qui génère elle-même
04:46 des impôts.
04:47 Oui, alors c'est un montant important.
04:51 Effectivement, il faut bien voir que c'est tout un grand nombre d'impôts qui sont touchés,
04:59 impôts et cotisations sociales.
05:00 Depuis 1990, on a mis en place un ensemble d'exonération, d'allègements, soit d'impôts,
05:15 soit de cotisations sociales compensés par le budget de l'État.
05:18 Quand vous faites cela, alors que votre budget est en déficit, vous substituez de la dette
05:25 à de l'impôt.
05:26 C'est parfaitement clair.
05:30 Et donc, cette politique, elle est menée au début lentement et puis depuis un petit
05:37 peu plus de dix ans, je dirais que cette pratique en situation déficitaire s'est fortement
05:46 accentuée.
05:47 On est dans une accumulation de...
05:50 Alors, ce n'est pas la seule cause de l'endettement qu'on entend dire.
05:55 C'est l'une des causes de l'endettement.
05:58 - Question sur le même thème au standard.
06:02 Bonjour Catherine.
06:03 - Bonjour.
06:04 - Alors, vous avez deux questions.
06:05 On va les prendre une par une si vous le voulez bien.
06:06 La première sur certaines mesures d'allègements justement.
06:09 - Oui.
06:10 Concernant le crédit d'impôt emploi compétitivité qui a été pérennisé en 2019.
06:15 C'est un crédit d'impôt qui coûte au pays 20 milliards par an environ.
06:20 Il a coûté accessoirement 40 milliards en 2019 au moment de sa pérennisation.
06:25 Donc je voudrais avoir l'avis de M.
06:27 Monnier en tant qu'économiste sur ce type de mesures.
06:30 Ça c'est pour ma première question.
06:32 - Alors on y va et on vous garde au standard.
06:34 Promis, on vous reprend dès qu'il aura répondu, dès que M.
06:37 Monnier aura répondu.
06:38 - Alors, on a, je dirais, effectivement accumulé les mesures de ce type-là.
06:44 Pourquoi a-t-on fait ça ? L'idée c'était de réduire le coût du travail.
06:48 On peut réduire le coût du travail de deux façons.
06:51 Soit en baissant les salaires.
06:53 Directement.
06:54 - C'est compliqué.
06:55 - C'est un peu compliqué.
06:56 Soit en mettant en place des politiques d'exonération.
07:02 Mais dans ce cas-là, on va le financer autrement.
07:05 La masse budgétaire reste en place.
07:09 La dépense, on n'a pas interdit aux députés de voter certaines choses.
07:16 Donc on continue à dépenser et on va chercher l'argent ailleurs.
07:21 Où va-t-on le chercher ?
07:22 On n'augmente pas les impôts.
07:24 C'est la règle qui a été adoptée par le gouvernement.
07:27 Donc on emprunte.
07:28 Je pense que le CICE procède de cette stratégie un peu délétère qui consiste à substituer
07:37 de la dette à de l'impôt.
07:39 Alors l'objectif, il était de réduire le coût du travail.
07:41 Ça a réduit le coût du travail.
07:44 - Et de fait, le taux de chômage diminue.
07:45 On n'est pas très loin du plein emploi.
07:47 - Attendez, 7% par deux des mois.
07:51 Mais le taux d'emploi est tout de même bas.
07:53 Beaucoup plus bas qu'il n'a jamais été.
07:56 - Il est beaucoup plus bas qu'il n'a été.
07:57 En 1973, il y avait 300 000 chômeurs.
07:59 - Je finis ma phrase qu'en 2008.
08:01 - Vous avez raison.
08:02 - La référence, c'est 2008.
08:03 - D'accord.
08:04 - Vous parliez de l'emprunt.
08:05 Ça nous amène à votre deuxième question, Catherine.
08:07 - Tout à fait.
08:08 J'aurais voulu également avoir votre avis sur l'intérêt pour un État d'emprunter
08:13 à taux variables alors que les taux étaient à zéro et qui aujourd'hui, avec la remontée
08:17 des taux, fait exploser la charge de la dette.
08:20 - Merci Catherine pour ces questions.
08:21 Jean-Marie Monnier.
08:22 - Alors, l'essentiel de la dette de l'État n'est pas à taux variables.
08:26 Elle est à taux fixe.
08:28 Nous empruntons principalement à taux fixe.
08:31 Ça ne change rien.
08:32 C'est-à-dire que comme nous pratiquons, si vous voulez, une stratégie qui consiste
08:38 à réemprunter pour payer les emprunts passés, ça revient à cela.
08:46 Si vous voulez, moi, je l'ai tiré hier.
08:48 - Vous avez préparé, c'est très bien.
08:52 - Les emprunts à 10 ans au 15 juin, ils sont à 3,01%.
08:59 Si vous décalez deux ans en avant, on était aux alentours de zéro.
09:05 Donc, les emprunts que l'on rembourse aujourd'hui, on les rembourse en réempruntant.
09:12 Donc, on fait rouler la dette, comme on dit.
09:16 Et ça, ça veut dire qu'on remplace des emprunts à 0% par des emprunts à 3%.
09:21 Donc, ça nous coûte de l'argent.
09:22 - Et du coup, sur une échelle qui aide Edouard Philippe, qui dit qu'il y a des négateurs
09:26 de la dette, comme des gens qui nient le changement climatique, et donc c'est grave, à ceux
09:30 qui disent "poh, poh, poh, la dette n'est pas un problème", vous vous situez où ?
09:33 - Alors, question compliquée.
09:38 Je pense qu'on ne peut pas dire "il n'y a qu'à par-en rembourser".
09:42 On ne peut pas faire ça, parce que c'est le Crédit de la France qui est engagé.
09:46 Ça, ce n'est pas possible.
09:48 Il y a différentes façons de rembourser.
09:50 C'est ça, la différence.
09:51 - On va prendre François, au standard, là-dessus.
09:53 Bonjour François.
09:54 - Oui, bonjour.
09:55 - Vous vouliez parler, justement, de l'effacement de la dette.
09:58 C'est bien ça ?
09:59 - C'est ça.
10:00 C'est justement, je voulais dire, en fait, que certains à gauche, bonjour mon correspondant,
10:06 certains à gauche parlent régulièrement de la possibilité de l'effacement de la
10:11 dette, comme si cette solution était la plus simple.
10:14 Que signifie effacement de la dette et quelles sont ses conséquences ?
10:18 C'est des choses que j'entends, parmi les militants de l'FI, par exemple.
10:23 - Alors, Jean-Marie Monnier, est-ce qu'on peut effacer la dette, dire "il n'y a plus" ?
10:26 - La dette, elle est en partie...
10:28 J'ai fait pareil, j'ai regardé comment évoluait...
10:31 On est toujours à des niveaux de titres détenus par la Banque Centrale Européenne, assez
10:39 faramineux.
10:40 Une grande partie de la dette française est détenue par la Banque Centrale Européenne,
10:45 qui les a rachetées.
10:46 Ce qui ne signifie pas qu'on ne la rembourse pas.
10:48 Ce qui signifie qu'elle est détenue par la Banque Centrale Européenne.
10:51 Quand on parle d'effacement de la dette, on parle souvent de cela.
10:54 C'est-à-dire que, par un jeu d'écriture, si vous voulez, la Banque Centrale déciderait
11:02 d'effacer la créance, en quelque sorte.
11:05 C'est comme ça que la France fonctionnait entre les années 55-60 jusqu'aux années
11:12 70.
11:13 Le circuit du trésor comprenait cette dimension de monétisation de la dette.
11:19 Le traité de Maastricht et les traités européens interdisent la monétisation des déficits.
11:27 Par conséquent, même si la Banque Centrale Européenne détient de la dette française,
11:34 et en détient beaucoup, ça ne signifie pas qu'elle ne demande pas à payer.
11:38 Alors effectivement, il faudrait changer.
11:39 On pourrait changer les traités européens, mais il faut les changer.
11:44 - Bonjour Christine.
11:45 - Bonjour.
11:46 - Nous vous écoutons.
11:47 - Moi, je voulais nous comparer par rapport aux autres pays développés, notamment par
11:53 rapport aux autres pays européens.
11:54 On dit souvent que le français qui naît a un certain pourcentage de dette à payer.
12:01 Quel est ce pourcentage pour un français et quel est-il pour un anglais, un américain
12:08 ou un allemand ?
12:09 - Merci pour cette question.
12:11 Jean-Marie Monnier, est-ce qu'au fond, on a un niveau de dette comparable à d'autres
12:15 pays comparables ?
12:16 - Alors, la dette est calculée de la même façon.
12:21 Donc effectivement, la dette, le montant total, si vous voulez, les économistes raisonnent
12:26 plutôt en pourcentage du PIB.
12:30 C'est-à-dire le montant de la dette en PIB.
12:32 Je voudrais répondre de deux façons à la question qui est posée.
12:36 La première façon de répondre, c'est quand on dit qu'un bébé, quand il naît, il doit
12:44 grosso modo 40 000 euros.
12:46 C'est de la dette brute.
12:50 On oublie qu'il hérite quand il naît, en même temps, de droits, droits à la santé.
12:56 On l'a accueilli, généralement, dans un établissement hospitalier.
13:00 Il a un médecin près de lui.
13:01 Il a immédiatement un ensemble de droits qui sont les droits des citoyens.
13:06 Et puis derrière, il y a tout le patrimoine français qui est aussi important.
13:12 Ce qui fait que, en fait, la dette nette de ce bébé, elle est positive.
13:16 Voilà.
13:17 Il faut d'abord raisonner comme ça.
13:19 Et puis ensuite, se comparer aux autres pays.
13:21 Oui, on peut le faire.
13:22 Dans la série "Comparons-nous", par rapport à l'Allemagne, depuis 1999, entrée dans
13:28 l'euro, la dette de l'Allemagne a augmenté de 8 points, celle de la France de 53 points.
13:33 Vous avez raison.
13:34 Comment on explique cette différence abyssale ?
13:36 C'est simple.
13:37 L'Allemagne fait des excédents extérieurs.
13:40 Du commerce extérieur.
13:42 Merci beaucoup, Jean-Marie Monnier, d'être venu répondre de manière très claire sur
13:48 ce sujet technique.
13:49 La dette en 30 questions, c'est donc aux éditions de la Documentation Française.

Recommandations