Mercredi 21 juin 2023, SMART PATRIMOINE reçoit Timothée Pubellier (responsable de la gestion obligataire internationale, la Financière de la Cité)
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00:04 Dans Investir Responsable, cette semaine nous nous arrêtons sur les "green bonds" ou obligations vertes en français.
00:10 Ce sont les entreprises qui les émettent sur les marchés financiers dans le but de financer un projet bénéfique pour l'environnement.
00:17 Après une chute de 25% en 2022 pour cause d'envoler des taux d'intérêt, on voit désormais repartir à la hausse les émissions de ces titres.
00:24 On en parle aujourd'hui avec Timothée Pubelier, responsable des obligations internationales à la financière de la Cité.
00:30 Il va nous aider à comprendre comment investir sur les "green bonds". Bonjour Timothée.
00:34 Bonjour.
00:35 Merci beaucoup de nous accompagner aujourd'hui dans Smart Patrimoine.
00:38 Timothée Pubelier, à quel niveau vous estimez ce retour des obligations vertes dont on parle cette année ?
00:43 Est-ce qu'on peut parler ? Est-ce qu'on est au niveau de celui de 2021 ?
00:47 En effet, en 2022, on a eu une chute très importante, mais c'était plus dû à un contexte obligataire et macroéconomique qui était très difficile.
00:55 On a eu une envolée de l'inflation, ce qui est très mauvais pour les rendements qui sont fixes des obligations.
01:00 Et aussi, on a eu une remontée des taux. Plus les taux montent, plus la valeur des obligations baisse.
01:04 Donc c'était très compliqué pour émettre et pour que les investisseurs s'intéressent à ce marché.
01:09 Ensuite, pour 2023, on voit que les investisseurs reviennent sur cette classe d'actifs de façon très forte.
01:16 Les émissions sont aussi importantes. Sur le premier trimestre, on a déjà les chiffres.
01:21 On peut voir qu'on a eu 150 milliards d'émissions d'obligations vertes.
01:24 Et on peut tabler sur 600 milliards, entre 600 milliards et 1000 milliards pour cette année et l'année prochaine probablement.
01:32 Donc si on compare à 2021, on était plutôt autour de 500 milliards.
01:36 On a clairement un gros retour sur la classe d'actifs et 2022 était une exception due à la macroéconomie.
01:43 - Et pour Timothée Pépulier, depuis quand les obligations se déclinent aussi en vert ?
01:46 C'est comme ça que j'ai dit en préambule de cette émission. Ça existe depuis quand ces obligations vertes ?
01:50 - Ça a commencé à prendre son envolée en 2018.
01:54 Donc par exemple, en 2018, on était à 30 milliards d'émissions.
01:59 Donc c'était un peu le début où ça a commencé à devenir sérieux.
02:04 - Les grandes différences entre une obligation classique et un green bond, vous diriez ?
02:09 - Pour rappel, une obligation classique, c'est vraiment on va prêter de l'argent à une entreprise ou à un État.
02:14 Et lui, il va nous rendre des intérêts tous les trimestres.
02:18 Et à la fin du contrat, on récupère le capital.
02:22 Donc là, une obligation verte, ça va être exactement la même chose.
02:24 Mais en plus, il va y avoir un contrat pour l'environnement où les fonds qui sont empruntés par l'entreprise ou par l'État
02:31 devront aller pour la transition écologique.
02:34 - Devront aller. On va en parler de ça justement.
02:37 Vous parliez des entreprises, des États.
02:39 Ces titres verts, ils sont émis par les mêmes institutions, les mêmes entités que les obligations classiques ?
02:44 - Alors c'est quasiment exactement les mêmes émetteurs.
02:48 Sauf que les émetteurs les plus polluants ou qui ont des projets qui ne sont pas alignés avec la transition énergétique
02:54 seront évidemment exclus de ce marché-là.
02:56 Mais sinon, ça va être les mêmes entreprises, les mêmes États, tout pareil.
03:00 - Donc émis pour financer, c'est ce que vous disiez, un projet environnemental, comment ça marche exactement ?
03:06 Où est-ce qu'on le voit ? Où est-ce qu'il est ce projet ?
03:08 - Alors quand une entreprise, même une obligation classique, quand une entreprise veut émettre une obligation classique,
03:14 elle vient sur le marché et elle va sonder le marché en disant "moi je veux émettre pour cette durée, à ce prix-là, et pour faire ça".
03:21 Et après les gens vont dire "ah moi ça m'intéresse, moi ça m'intéresse".
03:25 S'il y a beaucoup beaucoup de gens, ils vont réduire le prix.
03:27 C'est un process qui se fait en live.
03:30 Et donc dans cette partie de négociation, il y a "qu'est-ce qu'on va faire des fonds ?"
03:35 Et à ce moment-là, pour une obligation verte, ils vont le labeller verte.
03:39 Il y aura un audit au préalable qui sera fait pour s'assurer que le projet est vert.
03:44 Et ensuite ce sera aux investisseurs de juger à quel point le projet est vert ou pas.
03:49 Mais c'est à ce moment-là, au moment de l'émission de l'obligation, c'est l'entreprise qui l'émet qui devra décrire son projet vert.
03:55 - Comment on s'assure que le projet est vert ?
03:57 - Alors ça c'est, pour l'instant il y a un flou.
04:00 Parce que c'est pas assez encadré, c'est pas encore très clair.
04:05 Donc le minimum c'est quand même d'avoir un audit externe qui va s'assurer que le projet est vert.
04:10 Mais pour l'instant c'est assez déclaratif.
04:13 Chacun peut dire que son projet est vert.
04:15 - D'où le risque de greenwashing ?
04:17 - Comme dans toutes les transitions, il va y avoir des passagers clandestins.
04:21 Là ça s'y prête vraiment bien.
04:24 Parce que c'est à la mode, tout le monde veut en faire partie.
04:27 Il y a un alignement des intérêts des investisseurs, des entreprises et de la population en général qui veut aller vers cette transition énergétique.
04:34 Donc tout le monde veut en être et donc il y en a qui vont vouloir en profiter.
04:38 Le risque de greenwashing il est important parce qu'une fois que la société a les fonds,
04:42 est-ce qu'elle va vraiment les mettre dans le projet qu'elle a dit ou pas ?
04:46 Une caractéristique importante pour ça c'est...
04:49 - Elle n'a pas d'obligation, si je peux me permettre de le faire ?
04:52 - Non, normalement si, mais il y a de la place pour abuser du système.
04:58 Un point que je trouve important, c'est que ce n'est pas l'entreprise qui compte, c'est vraiment le projet qui compte.
05:04 Donc une entreprise très polluante, si elle a un projet qui améliore les choses ou qui concerne une petite partie de son activité,
05:12 donc une entreprise qui fait du pétrole pourrait émettre un green bond en disant "nous on a un projet de faire des transports propres".
05:22 - Ça c'est intéressant ce que vous dites, ça arrive, ça beaucoup d'ailleurs,
05:26 que des entreprises dont l'activité est considérée plutôt comme polluante émettent des obligations vertes sur les marchés financiers ?
05:35 Ça arrive plutôt souvent ?
05:37 - Ça arrive, parfois c'est justifié.
05:39 C'est pas parce qu'on est une entreprise qui pollue d'un côté qu'on n'a pas des projets qui sont du bien.
05:44 Donc il y a une certaine logique qu'ils puissent attirer des capitaux pour financer les parties les plus vertes de leur business.
05:50 Donc ça c'est bien.
05:51 Le problème c'est que parfois il y a des projets où on se dit "pourquoi est-ce que c'est catalogué comme green ?"
05:57 - Est-ce que vous pouvez nous donner des exemples ?
05:59 - Assez récemment, l'année dernière, il y a eu l'aéroport de Hong Kong qui a voulu s'agrandir.
06:05 Donc ils sont juste à côté d'une zone protégée où il y a énormément de biodiversité.
06:12 Il y a des espèces qui sont protégées, il y a plusieurs catégorisations pour les espèces protégées.
06:17 Là c'est des dauphins blancs de Chine qui sont au maximum de la protection, qui vont être menacés par cette nouvelle piste.
06:22 Des études ont été faites, une piste d'atterrissage en plus à l'aéroport de Hong Kong.
06:27 On parle d'émissions de gaz à effet de serre de l'ordre de 3 centrales à charbon.
06:32 - Alors comment on arrive à qualifier ce projet-là de projet vert ?
06:37 - Ce projet-là a été qualifié de vert, ils ont réussi à émettre leur fonds et c'est une obligation verte aujourd'hui qui s'échange sur les marchés.
06:45 Et on se dit "c'est pas normal, ça émet des gaz à effet de serre, ça va venir détruire la biodiversité".
06:52 Après il faut regarder plus en profondeur le projet, mais en tout cas quand on lit ça comme ça,
06:57 c'est vraiment le genre de projet qui met en danger tout cet écosystème.
07:01 Parce que s'il y a trop de greenwashing, ça ne veut plus rien dire et une obligation green devient une obligation comme une autre.
07:08 Donc il faut surtout éviter ça et il faut qu'il y ait un peu plus de règles qui entourent.
07:14 - Justement, votre avis, puisque c'est ça qui nous intéresse aussi aujourd'hui,
07:17 Timothée Publié, c'est qu'est-ce qu'il faudrait faire justement pour peut-être mieux contrôler ces projets, qu'on soit sûrs que ce soit des projets verts ?
07:27 - Il y a plusieurs pistes, mais pour moi le plus important c'est qu'on ait un standard international,
07:31 où on est tous le même et qu'une obligation verte, on se met d'accord sur ce que c'est.
07:35 Et avec des règles minimums, après il y a plein de cas particuliers, mais il faut vraiment avoir des règles minimums,
07:40 où par exemple ne pas détruire la biodiversité et pas émettre des gaz à effet de serre.
07:46 - Ça paraît être un critère important. - Ça paraît important. Donc ça c'est le minimum.
07:49 Là-dessus, l'Europe a pris une longueur d'avance sur les autres.
07:54 Ça fait 7 ans qu'ils discutent du texte, le Parlement, le Conseil européen, tout le monde s'est mis d'accord.
07:59 Donc ils vont faire un projet de loi où on va s'appuyer sur la taxonomie européenne.
08:05 Pour émettre une obligation verte au standard de l'Union européenne, il faudra respecter les règles de la taxonomie.
08:13 Donc là on fait un premier pas vers un standard assez international.
08:18 C'est le plus avancé qui existe pour l'instant parce qu'il y a plusieurs labels.
08:21 Celui-là est très contraignant. Le problème c'est qu'il ne va pas être trop contraignant.
08:26 Il va falloir suivre le projet en amont, il va falloir vérifier que le projet fait bien ce qu'il dit.
08:31 Tout ça coûte cher. Ça veut dire que les obligations auront un peu moins de rendement peut-être pour financer tout ça.
08:36 Donc il faut faire attention aussi. Ce n'est vraiment pas un sujet simple.
08:40 Il faut trouver le point d'équilibre entre ne pas laisser les gens faire n'importe quoi,
08:43 mais ce sont des outils de financement pour aller vers une cause qu'on supporte tous.
08:47 Donc il ne faut pas non plus que ça devienne trop compliqué et que les acteurs s'en désintéressent et arrêtent d'émettre.
08:52 Justement, on a l'impression que l'intérêt est là. C'est ce que vous disiez tout à l'heure.
08:56 Engouement des investisseurs pour ces obligations vertes.
08:59 Engouement, oui. Intérêt, lequel vous parliez de rendement.
09:03 Là justement, on n'en a pas parlé, on va en parler tout de suite.
09:06 C'est vrai qu'on doute parfois du rendement de certains titres ou cette alliance entre environnement et rentabilité.
09:15 Voilà aujourd'hui quelle performance on peut attendre de ces obligations vertes.
09:19 Surtout quand on vient d'entendre tout ce que vous venez de nous dire aussi sur des projets parfois un peu douteux.
09:26 Déjà, je précise que ces projets douteux, ça reste quand même une minorité.
09:30 C'est un gros marché qui est très profond et la plupart des sujets,
09:36 c'est des sujets qui vont vraiment dans la transition énergétique, la mobilité green, le renouvelable.
09:44 Donc il y a plein de bonnes choses qui se passent et c'est plutôt quelque chose de très bien.
09:48 Après, en termes de rendement, on peut sur un fonds obligataire, on va être green, on va être entre 3 et 5 % sur du rendement.
09:57 Après, si c'est un gérant qui va être actif et qui va bien saisir les opportunités, etc.
10:03 On peut rajouter quelques pourcents à ça si ça se passe bien.
10:06 Donc la chance de cette classe d'actifs, c'est l'année 2022 qui a été catastrophique.
10:12 Ça a fait remonter les taux. Donc pour ceux qui étaient déjà investis, c'était douloureux.
10:15 Mais pour ceux qui se disent « tiens, je n'avais pas beaucoup d'obligations, la transition énergétique, c'est quelque chose d'important pour moi »,
10:22 là, il y a vraiment un alignement des planètes qui est exceptionnel parce que le point de départ des rendements est intéressant.
10:28 Ça va vers une bonne cause. Donc on peut utiliser des supports comme le PE, le PER.
10:34 Acheter une obligation pour un particulier, c'est vraiment très compliqué.
10:38 Les montants initiaux sont très importants. Ça n'a rien à voir avec les actions.
10:43 Mais par contre, prendre des fonds obligataires, ça peut être passif, ou là, justement, c'est ce dont on parlait, on peut espérer entre 3 et 5 %.
10:53 Ou actif, si ça se passe bien, on peut espérer plus, en sachant que ça peut aussi moins bien se passer.
11:00 Là, pour les investisseurs, c'est vraiment très intéressant d'allier rendement et conviction personnelle.
11:07 Est-ce que ces obligations vertes sont rattachées à un label ? Par exemple, on parle beaucoup du label ISR dans cette émission.
11:13 Est-ce que c'est le cas aujourd'hui ? Et est-ce qu'il faudrait que ça le soit, peut-être ?
11:17 C'est le cas pour certaines, mais il n'y a pas une règle qui régit tout le monde à l'international.
11:23 Une manière de s'assurer qu'il y a véritablement un financement pour un projet environnemental concret ?
11:28 Non, pour l'instant, il n'y a pas ça. Après, il y a d'autres types d'obligations, on ne les appelle pas ça "green bond", mais le principe,
11:38 c'est que le coupon qu'on reçoit, donc les intérêts de l'obligation, seront en fonction de à quel point l'entreprise a réussi ses engagements verts.
11:47 Donc, on va regarder si on a emprunté sur 7 ans, on reçoit des intérêts, mais les intérêts seront variables, et on va auditer le projet,
11:54 et on va être là "Est-ce que ça sera vraiment vert ? Et si ils ont fait n'importe quoi, qu'en fait, ils ont pollué au lieu de ne pas le faire ?
12:02 Et donc, ça va réduire, ça va leur coûter plus cher, et ils seront punis à ce niveau-là.
12:07 Timothée Publé, il nous reste quelques secondes, 20 secondes, qu'est-ce qu'on pourrait dire pour résumer ce qu'on vient de se dire ?
12:13 Une réglementation a amélioré, donc ça, on l'a bien compris. On peut y aller quand même, on peut avoir confiance quand même dans ces obligations vertes,
12:23 un rendement entre 3 et 5 %, voilà, qu'est-ce que vous, vous diriez pour ceux qui nous regardent là ?
12:29 Moi, ce que je dirais, c'est que là, on est vraiment, le timing, il est parfait pour aller sur cette classe d'actifs,
12:35 on a tous envie d'aller dans cette direction, on a tous envie que la transition énergétique se passe bien,
12:40 et en plus, le point de départ, il est très intéressant avec des rendements qui sont vraiment bien.
12:44 Et le dernier point, c'est que dans les obligations, il n'y a pas que le rendement qui compte, il y a, sur un contrat de 7 ans, par exemple, ou de 5 ans,
12:50 il y a la performance, on peut vendre une obligation plus chère que ce qu'elle a été émise.
12:54 Et en ce moment, il y a beaucoup d'effets un peu moutonniers, ou par exemple, sur le Nasdaq, tout le monde va vouloir aller sur les mêmes valeurs qui marchent bien.
13:03 Là, la transition énergétique, ça va être un thème qui va prendre de plus en plus de place, qui va être de plus en plus important,
13:08 et tout le monde va vouloir aller là-dessus. Et quand tout le monde veut aller sur la même classe d'actifs, ça fait monter les prix,
13:13 et du coup, il peut y avoir un upside important sur les performances à ce niveau-là.
13:17 Merci beaucoup, Timothée Publé, d'avoir été avec nous aujourd'hui. Je rappelle, vous êtes responsable des obligations internationales à la financière de la Cité.
13:23 Merci beaucoup de nous avoir accompagnés aujourd'hui. Tout de suite, c'est Enjeu Patrimoine.