Table ronde avec Éric Fiat, professeur de philosophie ; Madame Lepoutre, résidente, et Anne Moszyk, directrice, à la résidence autonomie Le Val des Roses (Dunkerque) ; Anna Perraudin, chargée de projets stratégie et organisation de Partage et Vie ; Perla Servan-Schreiber, auteure et cuisinière.
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00:00:00 (Musique)
00:00:27 Ce n'est pas à vous que je vais le redire, les préjugés sur le vieillissement sont tenaces.
00:00:33 Il existe malheureusement de très, de trop nombreuses idées, toutes faites sur la dépendance,
00:00:38 de représentations convenues sur la vieillesse, qui peuvent empêcher, retarder, voire biaiser la diffusion de connaissances pourtant très utiles.
00:00:46 Comment faire pour changer les mentalités, pour mieux combattre les méfaits de l'agisme ?
00:00:50 C'est un vaste sujet que nous allons aborder avec Eric Fiat, professeur de philosophie.
00:00:55 Anne Mosik, pour une fois j'ai les deux du bon côté, formidable, Anne Mosik, directrice de la résidence Autonomie et de l'EPAD, le Val-de-Rose à Dunkerque.
00:01:05 Nous allons avoir avec nous en vidéo, Madame Lepoutre qui est résidente à Dunkerque, dans cet établissement.
00:01:11 On aura le plaisir de l'entendre tout à l'heure.
00:01:14 À ma droite, Anna Perraudin, qui est chargée de projet stratégie et organisation de Partager Vies.
00:01:20 Et Perla Servan-Schreiber, auteure et cuisinière, auteure et très grande cuisinière, paraît-il, d'après ses amis.
00:01:26 Une fois encore, nous allons commencer par une vidéo.
00:01:29 Elle a été tournée par les équipes et les résidents de l'EPAD. Jacques Bonvoisin, à Dieppe.
00:01:34 - Clean présente.
00:01:40 Vos préjugés ne sont pas les nôtres.
00:01:46 [son de cloche]
00:01:49 - Bon, ben, aujourd'hui, à 10h, il y a atelier couture, 11h, jeux de société, ensuite, 14h, je vais au loto.
00:02:06 J'espère que je vais gagner un lot.
00:02:08 15h, petite collation, 16h, lecture du journal, 17h, petite bière avec les copains, chouette, ça.
00:02:17 Et à 18h30, on va dîner, puis sinon, en dehors de ces horaires, tu peux venir quand tu veux, avec plaisir.
00:02:24 [musique]
00:02:27 Et ces deux-là, mariés le 11 septembre 2021, ils se sont pas rencontrés à l'EPAD, peut-être ?
00:02:45 [musique]
00:02:48 [son de cloche]
00:02:50 - Monsieur Gaudet ? Monsieur Gaudet ? Est-ce que vous voulez venir avec moi ?
00:02:57 - Non, non, c'est pas la peine de frapper, je ne veux pas être battu.
00:03:00 - Ah, c'est vrai que je vous ai battus hier, mais bon, on peut pas gagner à tous les coups.
00:03:04 Venez faire une partie de domino avec moi.
00:03:07 [musique]
00:03:11 [musique]
00:03:14 [musique]
00:03:40 - Certes, les soignantes sont là pour faire notre toilette, mais elles sont là pour faire bien d'autres choses,
00:03:47 mais ça, quelques personnes l'oublient.
00:03:50 - Donc, je reconnais qu'elles sont des tâches qui sont agrâves.
00:03:54 D'abord, quand il y a une jeune fille pour la première fois ici,
00:03:57 elle est jeune, elle va peut-être se gêner de faire ma toilette.
00:04:01 Moi, c'est pareil. Si une jeune fille me dit, "Mais toi, tu vas pas faire ma toilette, tu vas me gêner."
00:04:08 Bon, eh bien, je vais prendre ça de rigolage.
00:04:10 Le lendemain, elle va venir et elle va dire, "Tiens, avec ce monsieur, je peux me dénorter, je peux rigoler, il va pas m'engueuler."
00:04:16 Et puis voilà, et puis après, on se connaît de plus en plus et puis c'est tout.
00:04:20 Et puis après, on s'appelle pas le prénom.
00:04:22 Enfin, on essaie de former une équipe.
00:04:25 [musique]
00:04:28 - Non. Au contraire, c'est pour nous ravigoter, pour nous mettre tout...
00:04:34 [rire]
00:04:36 ...pour nous donner du nerf, de la vie.
00:04:41 Et faut pas penser en bas, faut penser en haut.
00:04:44 Oui, oui.
00:04:46 Puis je mourrai alors parce que je suis... mais bien.
00:04:50 Puis les filles sont contentes de me voir.
00:04:52 Même bien.
00:04:54 - Je leur répondrai honnêtement que c'est une idée absolument ridicule.
00:04:59 Ridicule, carrément.
00:05:02 - Écoutez, il y a quelqu'un qui va me les emmener autour de soi.
00:05:06 Les gens que j'ai pu connaître qui rentrent à la maison,
00:05:11 c'est simplement parce qu'elles sont trop fatiguées pour se débrouiller toutes seules dans la vie.
00:05:15 [rire]
00:05:16 - Ben moi, ça fait 6 ans que je les suis, puis je suis pas mort.
00:05:19 [rire]
00:05:20 J'ai 85 ans, j'espère encore 50 ans, ça me fera 135.
00:05:24 C'est pas garanti, hein.
00:05:26 [musique]
00:05:36 - Alors pour qu'on ait la même surprise, le même plaisir que vous,
00:05:39 j'avais demandé à Catherine qu'on ne regarde pas cette vidéo avant.
00:05:43 Comme ça, je voudrais avoir vos réactions à vif, Perla.
00:05:47 - C'est juste magnifique.
00:05:50 Moi, je suis bouleversée quand j'entends ces choses-là
00:05:52 parce que je fais évidemment partie probablement de pas mal d'entre ceux qui se trompent.
00:05:59 Et je reconnais mes erreurs et mon inculture.
00:06:03 - Anna ?
00:06:04 - Alors moi, maintenant, ça m'étonne plus, mais il y a 2 ans...
00:06:08 - Vous l'aviez déjà vue ?
00:06:09 - Non, je ne l'avais pas vue, mais je sais que ça existe.
00:06:12 Et il y a 2 ans, avant de travailler dans ce secteur,
00:06:14 avant de rejoindre la Fondation Partage des Vies, j'y aurais pas cru.
00:06:17 Je serais dit, bon, c'est un montage, on a choisi les seules personnes qui vont bien.
00:06:21 Et c'est pas la réalité.
00:06:24 Alors qu'aujourd'hui, je sais que c'est vrai.
00:06:26 - Eric ?
00:06:27 - Le verbe "ravigoter" est un des plus beaux verbes de la langue française.
00:06:32 C'est tout ce que j'ai à dire.
00:06:35 - Ça vous ravigote de voir ça ?
00:06:37 - Ça me ravigote, je crois que ça nous ravigote tous et toutes.
00:06:40 - Anne ?
00:06:42 - Et quant à moi, je n'ai définitivement pas une vision linéaire du grand âge.
00:06:50 Pour plein de raisons, et pour aller à l'essentiel,
00:06:54 j'ai été, non pas confrontée, mais baignée dans le grand âge dès ma petite enfance.
00:07:02 Et de fait, je n'ai jamais eu peur de l'autre être âgé,
00:07:07 puisque pour moi, ça a toujours été dans la normalité.
00:07:10 Et effectivement, par rapport à un échange qu'on a déjà eu avec Anna,
00:07:16 qui nous faisait part de son point de vue,
00:07:20 je n'aurais jamais vu ça il y a 2-3 ans en arrière,
00:07:24 parce qu'elle est plus jeune, etc.
00:07:26 Et parce qu'on est victime de tout ce que les médias peuvent colporter
00:07:33 sur ce qu'est le grand âge.
00:07:35 - Ça peut être notre faute.
00:07:36 - Non, les médias réseau sociaux, on ne peut pas dire qu'on est réellement bonne presse.
00:07:42 Et tout ça, en fait, probablement fait peur.
00:07:46 Il y a les phrases qu'on a déjà pu entendre,
00:07:49 "la vieillesse est un naufrage", non.
00:07:52 "La vieillesse pose question", oui.
00:07:55 Ça fait une quinzaine d'années que je suis dans le métier.
00:07:58 Moi aussi, c'est une reconversion.
00:08:01 Néanmoins, ça a toujours été la partie ressources humaines,
00:08:06 parce que j'aime les gens, mais en tout cas, l'être âgé.
00:08:09 On peut être directeur et aimer les gens, et aimer les gens âgés.
00:08:13 Mais dans la salle, je pense que ça fera l'unanimité.
00:08:17 Et donc, la vieillesse n'est pas qu'un naufrage.
00:08:20 Et on peut avoir un très grand âge, très grand âge,
00:08:24 et avoir encore envie de faire plein de choses.
00:08:27 Et c'est à nous, en fait, de donner la possibilité aux gens de continuer à le faire.
00:08:31 - Merci. Là, c'était juste une réaction rapide sur cette magnifique vidéo.
00:08:36 Moi, je crois qu'on commence avec vous, Eric, sur les représentations du grand âge.
00:08:40 Finalement, il n'y a pas que des vieux magnifiques, enviables,
00:08:45 et puis des gens terriblement abîmés par la vie et qui attendent la mort.
00:08:49 Globalement, on a le sentiment que c'est un peu binaire, et non.
00:08:52 La réponse est non.
00:08:53 - Mais voilà, ce qui est triste, c'est qu'on a l'impression
00:08:56 que les représentations qui nous sont données coutumièrement de la vieillesse
00:09:00 sont étonnamment clivées.
00:09:03 Soit la célébration, soit la déploration.
00:09:07 Alors, la célébration des vieux qui ne sont pas vieux.
00:09:11 Et on a en effet le souvenir de premières de couverture de certains magazines
00:09:18 où vous avez des seigneurs étonnamment séduisants
00:09:24 qui ont bien vieilli parce qu'ils n'ont pas vieilli.
00:09:26 Alors, d'un côté, il y aurait le seigneur qu'on célèbre
00:09:29 parce qu'il a bien vieilli, parce qu'il n'a pas vieilli.
00:09:31 Et de l'autre côté, la déploration.
00:09:33 À ce moment-là, ce n'est pas le seigneur, c'est le vieillard.
00:09:35 Et nous vient l'image en effet du vieux ou de la vieille incontinent,
00:09:40 bavant en épade, qui attend tristement la mort.
00:09:44 Or, ce clivage entre la célébration et la déploration,
00:09:49 évidemment, ne rend pas hommage à ce qu'est la réalité du vieillissement.
00:09:55 Car la plupart des personnes très âgées ne vont pas aussi bien
00:09:58 que les seigneurs qu'on célèbre et vont beaucoup mieux
00:10:03 que les vieillards qu'on déplore.
00:10:06 C'est comme si notre époque nous mettait devant une alternative terrible
00:10:11 ou la défaite ou la victoire.
00:10:15 C'est-à-dire, ou bien on est victorieux de l'âge
00:10:20 et alors on devient seigneur,
00:10:23 ou bien c'est l'âge qui est victorieux et l'on devient vieillard.
00:10:27 La superbe d'un côté, la déchéance de l'autre.
00:10:31 Or, je le répète, la plupart des personnes très âgées
00:10:35 ne vont pas aussi bien que ceux qu'on célèbre et qu'on dit superbes
00:10:39 et vont mieux que ceux qu'on déplore et qu'on dit déchéants.
00:10:44 Rendre hommage à ce que c'est que la réalité du vieillissement,
00:10:49 je crois que c'est pourquoi nous sommes réunis ici.
00:10:52 J'ajoute un petit mot au sujet de la vidéo.
00:10:54 "Ravigoté", c'est un mot qui fait rire.
00:10:58 Certains auteurs, je ne sais pas, Roger Paul,
00:11:02 si vous savez qui a dit "l'humour c'est la politesse du désespoir".
00:11:07 On a attribué ça à tellement d'auteurs qu'on ne sait plus qui a dit ça.
00:11:11 Mais ça voudrait dire qu'on a de l'humour que quand on est désespéré.
00:11:15 Mais nom de Dieu non, ce que l'on a vu, c'est des êtres humains
00:11:18 qui ont de l'humour, non pas quand ils sont désespérés,
00:11:21 mais quand ils prouvent qu'ils peuvent être encore heureux.
00:11:24 L'humour serait un surcroît de vitalité.
00:11:26 Et je crois que l'humour, enfin, ceci qui nous permet la dilatatio animae corporei.
00:11:32 Je ne parle pas latin pour avoir l'air savant.
00:11:35 Moi, la première fois que je me suis présenté au concours d'entrée
00:11:37 à l'école normale supérieure, il y a eu en latin un.
00:11:40 Mais pas un sur vingt, un sur soixante.
00:11:42 Ils m'ont mis une note parce que j'ai...
00:11:44 Mais j'ai lu ça.
00:11:46 L'humour, c'est la dilatation de l'âme et du corps.
00:11:50 L'angoisse, c'est la rétractation de l'âme et du corps.
00:11:52 C'est beau de l'air quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle.
00:11:55 Mais la fontaine, à ces mots, le corbeau ne sent pas de joie.
00:11:58 Il ouvre un large bec.
00:12:00 En effet, l'humour n'est pas forcément la politesse du désespoir.
00:12:03 Ces gens-là ne sont pas désespérés, mais ils nous prouvent que jusqu'au bout,
00:12:06 en effet, il est possible de dilater les quelques forces qui restent en soi.
00:12:11 Et je trouve qu'il y a une franchise aussi, parce qu'ils ont parlé de la toilette,
00:12:16 non pas comme d'une chose épouvantable,
00:12:18 mais comme d'une chose qui est la propédotique à une discussion
00:12:21 où l'on se parle avec son prénom.
00:12:23 La vidéo n'était pas tente, elle est ravigotante.
00:12:25 C'est vrai.
00:12:26 Le regard de la société, il a changé au fil des décennies sur les personnes âgées
00:12:33 où on a toujours eu quand même le jeune vieux et le vieux vieux
00:12:37 pour essayer de faire un parallèle.
00:12:39 Alors Anne, je ne sais pas répondre à votre question.
00:12:41 Je plaide l'incompétence. Je ne suis pas historien, je ne suis pas sociologue,
00:12:44 je ne suis pas anthropologue. Je n'ai que des intuitions.
00:12:47 Il me semble que le progrès technique, le progrès médical, qui est une merveille,
00:12:56 qui fait que l'on vit beaucoup plus vieux qu'avant et généralement sans lourd handicap.
00:13:04 Je ne sais pas pourquoi je fais ce geste.
00:13:06 C'est une chose merveilleuse, mais qui nous a donné l'illusion selon laquelle
00:13:17 peut-être qu'un jour on vaincrait les déchéances liées à l'âge, voire qu'on vaincrait la mort.
00:13:24 Je dirais que lorsqu'on s'est rendu compte que malgré tous les progrès,
00:13:28 alors nous autres philosophes on pense que c'est un peu Descartes qui est à l'origine de ça,
00:13:33 qui nous invite à devenir comme maître et possesseur de la nature,
00:13:36 ce qui n'est pas seulement à souhaiter pour l'invention de toute une série d'artifices
00:13:39 qui fait qu'on jouirait sans peine des biens de ce monde,
00:13:41 mais surtout pour la conservation de la santé,
00:13:43 qui est le premier, pour ainsi dire, la condition de tous les autres biens en cette vie.
00:13:47 Donc grâce à Descartes, qui nous invite non pas à être maître et possesseur de la nature,
00:13:51 mais comme maître et possesseur de la nature, on a fait beaucoup de progrès.
00:13:54 On n'a pas souvent froid, on n'a pas souvent mal, on n'a pas souvent faim, et surtout on vieillit bien.
00:13:58 Mais ça a créé peut-être cette illusion selon laquelle un jour,
00:14:01 les déchéances liées à l'âge seraient vaincues.
00:14:04 Or, elles sont quand même là.
00:14:06 Et donc je dirais que l'illusion fomente la désillusion.
00:14:10 Et résultat, alors que moi mes arrières-grands-mères,
00:14:14 c'était pas très grave qu'elles commencent à baver et qu'elles soient incontinentes,
00:14:17 parce que ça faisait partie du programme qui leur avait été donné quand elles sont nées.
00:14:24 Les gens de notre âge, enfin les gens qu'on a vus là,
00:14:28 ils ont peut-être vécu dans l'illusion selon laquelle le progrès technique
00:14:31 ferait qu'ils ne vieilliraient pas comme mes mères Claire et comme mes mères Alice.
00:14:35 Et si, nom de Dieu, malgré tout, ils deviennent incontinents et bavants,
00:14:38 alors voilà peut-être... Mais j'improvise, parce que je répète,
00:14:41 je ne suis pas un anthropologue de la vieillesse.
00:14:44 Anne Mosique, qu'est-ce que vous voulez rajouter justement à ces regards ?
00:14:47 Vous voulez que je rajoute quelque chose là derrière ?
00:14:50 Ça va être compliqué, hein !
00:14:52 Ça va être compliqué.
00:14:54 Ça va être compliqué. Il faut me donner un os, mais là...
00:14:57 Non, sur ce regard des deux types de vieillissement, le bien et le pas bien, est-ce que...
00:15:06 Je vais encore enfoncer une porte ouverte.
00:15:08 Oui, c'est pas grave.
00:15:10 Il y a des propos qui ont été dits de façon similaire sur la table précédente.
00:15:15 Pour moi, il y a autant de vieillesse...
00:15:18 Il y a autant de personnes, il y a de vieillesse différente.
00:15:21 Tout à l'heure, quelqu'un disait, on peut être un jeune vieux, un vieux beaucoup plus jeune.
00:15:26 Il y a des gens qui, à la quarantaine, sont usés par la vie, par des tas de choses.
00:15:31 Et puis, on a des gens qui ont 90 ans et plus.
00:15:34 Là, précisément, en vous disant ça, j'ai une dame de 102 ans en tête,
00:15:38 avec son déambulateur, mais qui a la... Voilà, qui a la NIAC.
00:15:42 Il y a des gens qui sont entre deux. Il y a...
00:15:47 Donc, dans le quotidien, vous ne voyez pas cette dichotomie dont on a parlé depuis ce...
00:15:53 Si, je vais le voir, en fait, même dans ma vie personnelle,
00:15:56 parce qu'on a toujours, en fait, l'œil aguerri à regarder autour de soi.
00:16:01 Après, je vous dirais, pour avoir fait différents coins de France,
00:16:08 on ne va peut-être pas aborder les gens de la même façon à Marseille qu'à Paris,
00:16:14 où il y a une... Il y a pléthore, en fait, de choses qui donnent la possibilité aux gens aussi
00:16:20 de continuer à s'abreuver, à se cultiver.
00:16:23 Il n'y a pas Marseille.
00:16:25 Différemment, Paris, vous avez tout à proximité.
00:16:28 Et je pense qu'il y a aussi une émulation qui fait que les gens, peut-être, vieillissent aussi mieux.
00:16:35 Quant au nord, je ne suis pas du nord, mais en tout cas, j'ai constaté,
00:16:41 par rapport à Marseille, réellement, une proximité, alors peut-être pas partout,
00:16:46 mais une proximité que les familles ont, peut-être avec leurs proches, peut-être plus qu'ailleurs,
00:16:54 sans crainte et avec beaucoup d'amour.
00:16:57 Et je ne fais pas de plusieurs cas une généralité, toujours pareil.
00:17:00 Je voudrais que, quand on parle de la représentation, pardon, représentativité des personnes âgées,
00:17:08 qu'est-ce que vous en pensez, vous, de ce qu'on définit toujours, qu'on oppose un peu,
00:17:13 comme les deux vieillissements, le bon et le mauvais ?
00:17:17 Je crois qu'on est très influencés par sa propre culture et du lieu d'où on vient.
00:17:23 Personnellement, je suis née au Maroc, dans une culture orientale, dans une famille juive
00:17:28 et dans une structure féodale.
00:17:31 J'ai 80 ans, donc il y a 80 ans, je suis née là-bas et j'ai vécu 20 ans.
00:17:37 J'avais des grands-parents vieux chez nous, à la maison, et pour moi, c'était un bonheur.
00:17:43 Ils n'allaient pas très bien, ils ont été vieux très tôt par rapport à l'âge auquel on vieillit désormais.
00:17:51 Ça, ça n'est même plus un scoop et pourtant, on a trop tendance à l'oublier,
00:17:57 à quel point nous vivons une révolution sur ce plan-là
00:18:01 et à quel point nous ne pouvons ici qu'émettre des semblants d'observation
00:18:07 tant les changements sont absolument gigantesques.
00:18:11 Donc j'ai la chance d'avoir été élevée dans cette culture, c'est pourquoi j'adore être une vieille dame.
00:18:18 Anna, vous adorez être une jeune femme ?
00:18:22 Pour l'instant, tout se passe bien.
00:18:25 Après, on parlera de la façon dont on parle du grand âge et de l'invisibilisation des personnes âgées.
00:18:33 Là, c'était sur cette première partie, cette opposition entre ces deux vieillissements.
00:18:37 Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose ?
00:18:39 Oui, je vais en revenir aux médias et aux images qui sont véhiculées dans la société
00:18:44 parce que c'est vrai que pour le coup, on n'a vraiment que ces images très dichotomiques
00:18:48 entre d'un côté ce qu'on va entendre sur les EHPAD, sur la maltraitance qui est très négative
00:18:53 et de l'autre, une survalorisation de la jeunesse liée à la performance, à l'esthétique.
00:18:59 On n'a pas du tout de visibilité sur l'entre-deux.
00:19:02 On a le choix entre la réussite, ce vieillissement qui n'en est pas un, et l'échec.
00:19:08 C'est quand même très relié à une culture de la performance et à ce qu'on a accompli correctement les choses ou pas.
00:19:14 Alors ça, on en parlera dans la troisième partie.
00:19:16 Ce qu'on va aborder maintenant, c'est la façon de parler du grand âge.
00:19:19 Je pense qu'on a la chance d'avoir Madame Lepoutre avec nous.
00:19:22 Vous nous entendez, Madame Lepoutre ?
00:19:24 Oui.
00:19:25 Bonjour Madame, nous sommes absolument ravis de vous avoir avec nous.
00:19:28 Bonjour Madame.
00:19:29 Quand on s'est parlé précédemment, vous trouviez qu'on ne parlait pas très bien des personnes âgées.
00:19:35 Quels sont les mots qu'il faudrait employer ou les mots qu'il faudrait ne jamais employer quand on parle des personnes âgées ?
00:19:44 Alors, d'abord je trouve qu'on parle d'abord du Seigneur, ensuite on parle des papy-mamies,
00:19:53 après on parle des aînés, des vieux-parents, puis des vieux tout court, puis le grand âge, les ancêtres et pour un petit peu sourire, les dinosaures.
00:20:02 Le grand âge, ce que je n'ai pas aimé du tout dans le… dont vous avez parlé, le printemps du grand âge,
00:20:13 je n'aime pas quand il est précédé, quand le grand âge est précédé de printemps,
00:20:18 parce que je trouve que le printemps du grand âge m'a semblé légèrement ironique, mais même sarcastique.
00:20:24 On a dépassé l'automne et on flirte avec l'hiver.
00:20:29 C'est pour ça que je n'ai pas aimé cette définition.
00:20:37 Alors je trouve évidemment qu'il y a une différence avec les personnes qui vivent en épave et avec les autres.
00:20:45 Vous, vous avez la chance de vivre dans une résidence autonome, autonomie.
00:20:50 Oui, oui, parce qu'en vieillissant, on a du mal à trouver ses mots, bien sûr, à exprimer son ressenti,
00:20:59 on perd le fil de ses idées, le dialogue coupe court et souvent on se rend compte qu'il y a des gens de notre âge
00:21:09 qui ont un gros défaut, c'est qu'ils se plaignent beaucoup.
00:21:13 Alors on n'est pas à trouver que c'était autre chose,
00:21:17 parce que les soignants et accompagnants deviennent les yeux et les oreilles de la personne,
00:21:23 avec une infinie patience, et il leur faut sentir, ressentir le besoin de cette personne à ce moment-là.
00:21:32 Il faut gagner leur confiance, expliquer, réexpliquer, susciter leur intérêt,
00:21:38 surtout susciter le peu de vie qui reste encore.
00:21:42 J'incite aussi sur la discrétion.
00:21:47 Est-ce que vous estimez qu'on vous écoute suffisamment, qu'on vous donne suffisamment le temps de vous exprimer ?
00:21:54 Justement, on a du mal à s'exprimer parce que, je viens de le signaler,
00:22:00 on perd un petit peu facilement le fil de ses idées.
00:22:05 Moi, quand je veux parler, j'ai des mots qui s'envolent au dernier moment,
00:22:09 donc on se sent rapetissé, si vous voulez, humilié dans le fond.
00:22:15 Et ça, c'est gênant.
00:22:17 Et globalement, est-ce qu'on respecte correctement votre rythme de vie ?
00:22:21 Le rythme de vie, c'est encore différent.
00:22:24 Moi, mon rythme de vie ne pose pas de problème.
00:22:27 Le rythme de vie, j'ai l'impression qu'il est presque impossible à respecter,
00:22:33 par exemple, en EHPAD, je pense, parce que le personnel a un horaire à respecter,
00:22:40 il y a des contraintes, le nombre de personnes âgées augmente d'une façon très importante,
00:22:46 la dépendance augmente de plus en plus, demande présence et soins plus longs aussi,
00:22:53 plus souvent répétés également, il faut les faire manger par exemple,
00:22:57 alors les promener, s'ils ont envie d'aller se promener.
00:23:00 Dans tout ça, on en revient toujours, il faudrait plus de soignants,
00:23:09 et la conclusion, c'est qu'il faudrait plus d'argent.
00:23:12 Excellente conclusion.
00:23:15 Chère madame, on est très content, on vous applaudit, on est très content de vous avoir entendue.
00:23:20 Vous restez avec nous si vous le souhaitez, si vous souhaitez à nouveau intervenir,
00:23:29 nous vous redonnerons la parole à la fin pour une conclusion, si ça vous fait plaisir.
00:23:33 Autrement, merci encore en tout cas d'avoir participé avec nous.
00:23:37 Perla, pour vous, c'est ni senior ni aîné, comment voulez-vous qu'on appelle les personnes âgées finalement ?
00:23:44 Des vieux, des vieilles, ce n'est pas plus compliqué que ça,
00:23:48 je ne sais pas pourquoi ce mot a été mis comme ça, vraiment avec un ostracisme incroyable,
00:23:55 pourquoi ce mot fait-il peur ? Je me suis évidemment interrogée,
00:24:00 et puis en général quand on cherche quelque chose dans le domaine des mots,
00:24:04 quand on se tourne vers Victor Hugo, on se trompera rarement.
00:24:07 Donc je me suis tournée vers Victor Hugo et je me rends compte qu'il disait,
00:24:12 lui donc au 19e siècle déjà, il est bon d'être ancien et mauvais d'être vieux.
00:24:18 Il disait aussi, puisqu'il aimait semble-t-il lire ses dernières œuvres à voix haute à ses amis,
00:24:26 il disait j'ai 74 ans et je commence ma carrière et nous vivons toujours sur ce même paradoxe.
00:24:35 Rien n'a changé alors que tout a changé.
00:24:39 Alors on voudrait commencer par changer les mots, c'est certain.
00:24:44 Pourquoi est-ce que le mot vieux encore une fois est-il devenu aussi mal aimé ?
00:24:52 Eh bien parce que les vieux sont devenus mal aimés.
00:24:56 Ce n'est pas le mot qui fait qu'on n'aime pas les vieux, mais je crains que ce ne soit l'inverse.
00:25:01 Il me semble que la peur de la vieillesse se reporte sur la peur du mot.
00:25:13 Et pourquoi est-ce qu'on a peur de vieillir ?
00:25:16 Parce que la vieillesse a mauvaise réputation parce qu'elle est quand même très cousine de la mort.
00:25:22 On n'est jamais très loin de la mort quand on vieillit.
00:25:25 Et c'est probablement, fût-ce de manière inconsciente, me semble-t-il, que cette peur existe.
00:25:34 Et aujourd'hui nous parlons du mot, mais bien sûr le mot recouvre toute cette réalité qui est tellement multiple aujourd'hui.
00:25:42 Et quelqu'un disait ici, et on ne le répétera jamais assez, qu'il y a autant de vieillesse que de vieux.
00:25:48 Évidemment autant de vieillesse que de vieux.
00:25:51 Chacun a son histoire, chacun a surtout.
00:25:54 Et je tiens simplement à en témoigner très modestement, je n'ai pas la connaissance, mais j'ai un témoignage à apporter.
00:26:03 Quand on vieillit, c'est déjà vrai quand on n'est pas vieux, mais quand on vieillit, ce qui domine de manière écrasante, c'est le tempérament.
00:26:12 Écrasante.
00:26:14 C'est-à-dire que même si le tempérament dans la vie fait à peu près 50%, si je puis dire, de la manière dont on vit, dont on est, dont on paraît, dont on est perçu,
00:26:25 eh bien quand on vieillit, je crains que ce ne soit bien davantage.
00:26:30 Bien davantage.
00:26:32 Le tempérament compte avant tout.
00:26:34 Et quand on a la chance d'être né joyeux, parce que de parents joyeux, eh bien c'est un sacré coup de main quand on vieillit, croyez-moi.
00:26:44 Il reste encore à ne pas tomber malade trop tôt, mais il y a incontestablement de cela.
00:26:51 Et quand on dit, Paul Léautaud à qui on demandait, qu'est-ce que vous faites ?
00:26:57 Et il disait cette chose merveilleuse, je m'amuse à vieillir et c'est une occupation de tous les instants.
00:27:04 Je témoigne, c'est une occupation de tous les instants, c'est du travail.
00:27:09 Vieillir est un travail, incontestablement.
00:27:13 Il faut s'occuper de soi, il faut être bienveillant avec soi.
00:27:17 Et j'ajouterai aussi, si l'on a la chance d'être aimé et d'aimer encore, je crois que là, il y a quelque chose qui fait qu'on bascule complètement dans le monde des vivants et des pleinement vivants.
00:27:31 Merci beaucoup.
00:27:33 Je ne vais pas passer la parole à Anne tout de suite, je pense qu'elle va attendre un tout petit peu.
00:27:43 Eric, les mots pour parler du grand âge.
00:27:45 J'ai découvert récemment, relativement récemment, ce qu'était un flacon de whisky hors d'âge, ou un flacon de cognac hors d'âge.
00:28:04 Je croyais spontanément que c'était un whisky tellement vieux qu'on ne pouvait pas donner son âge.
00:28:11 Et j'ai appris relativement récemment que dans un flacon de whisky hors d'âge sont mêlés des whisky qui ont plusieurs âges.
00:28:19 Et donc un 18 ans qui a macéré dans un tonneau où il y a eu du Xérès, mais aussi un très jeune whisky.
00:28:29 Et donc l'alliance du whisky vieux et du whisky jeune crée quelque chose d'extraordinaire qu'on appelle le whisky hors d'âge.
00:28:36 Et j'aimerais que nous fussions hors d'âge.
00:28:41 Je veux dire par là que dans les personnages qu'on a vus, par exemple dans la vidéo,
00:28:47 oui, il y a encore la petite fille qui a besoin de sa maman.
00:28:53 Il y a encore l'adolescente qui a ses premiers mois amoureux.
00:28:58 Il y a déjà la personne qui va bientôt mourir.
00:29:04 Et donc je dirais qu'à tout âge, on est hors d'âge.
00:29:06 Parce que même chez le jeune, il y a déjà la personne très âgée qu'elle sera.
00:29:14 Vous vous souvenez que Corneille semblait opposer les jeunes aux vieux.
00:29:21 Marquise, si mon visage a quelques traits un peu vieux, souvenez-vous qu'à mon âge, vous ne vaudrez guère mieux.
00:29:28 Le temps aux plus belles choses se plaît à faire un affront. Il saura faner vos roses comme il a ridé mon front.
00:29:34 Le même cours des planètes règle mes jours et vos nuits. On m'a vu ce que vous êtes, vous serez ce que je suis.
00:29:40 C'est ce que le vieux Corneille disait à une jeune fille.
00:29:42 Et d'après Tristan Bernard et Georges Brassens, la jeune fille aurait répondu
00:29:45 Peut-être que je serai vieille, mon vieux Corneille, mais j'ai 26 ans et je t'emmerde en attendant.
00:29:51 Or j'aimerais bien qu'il y eût, et il y a dans les Ehpad, des jeunes marquises de 26 ans
00:29:57 qui ne disent pas aux vieux, je t'emmerde, d'abord, pardonnez-moi, mais elles sont là aussi pour les démerder.
00:30:03 Et il y a là, dans ce geste, quelque chose qui est quand même une solidarité minimale.
00:30:08 Mais surtout, il faudrait que la jeune fille se rende compte qu'elle est hors d'âge comme le vieux.
00:30:12 Parce que, par exemple, quand elle a des fourmis dans les jambes, la jambe ne répond plus.
00:30:16 Alors la jambe va répondre à nouveau, mais en fait, elle a une propédotique, enfin une initiation à ce qui lui arrivera peut-être un jour,
00:30:23 si elle a une hémiplégie, elle ne retrouve pas les mots après une soirée très agitée.
00:30:27 Le mot sur le bout de la langue, je ne le retrouve pas, je ne le retrouve pas.
00:30:30 Elle va le retrouver parce qu'elle est jeune, mais en même temps, il y a une initiation à ce qui lui arrivera peut-être si un jour, elle ne trouve pas les mots.
00:30:35 Donc, j'aimerais que, moi, je n'ai pas envie de donner un mot.
00:30:40 Et j'aimerais que nous considérions que nous sommes tous hors d'âge.
00:30:46 Anne, est-ce qu'il y a des mots qu'il faut mieux utiliser, des mots qu'il faut bannir quand on dirige des établissements comme ce que vous faites ?
00:30:55 Est-ce que c'est variable en fonction des personnes, des résidents ?
00:30:58 Alors voyez-vous, l'échange, ce que vient de dire Madame Lepoutre sur les mots, les mots qu'elle vous a fait partager,
00:31:08 nous avons eu cet échange toutes les deux sur la notion de printemps du grand âge qui l'a choqué.
00:31:16 Après, par rapport à votre question, c'est accuser le point de vue de l'autre, respecter le point de vue de l'autre, ne pas dire les choses.
00:31:25 Alors, en établissement, on a accepté le droit de se dire les choses poliment.
00:31:32 C'est aussi ce qui crée le dialogue et c'est aussi le fait de reconnaître l'autre en tant que tel, en tant que personne.
00:31:39 J'ai le droit de ne pas être content et je le manifeste. Mais dites-le ouvertement. Aucun souci.
00:31:46 Des mots à ne pas dire. Oui, il y a des tas de mots qu'on ne doit pas utiliser. Ne pas être ordurier, etc.
00:31:57 Il y a des mots pour tel effet grand âge qui sont considérés comme plus péjoratifs.
00:32:04 On parlait en fait de la notion de vieux. À un moment donné, je suis d'accord avec vous, appelons un chat un chat.
00:32:13 Parce que le terme de vieux, vieille, est beau, mais on en a fait un gros mot.
00:32:20 Et à un moment donné, on est en établissement, on a ces échanges en équipe.
00:32:28 Je ne vais pas dire qu'on est fatigué d'avoir à chercher le bon terme. Est-ce qu'on doit dire un vieux, un senior, le grand âge ? Il est vieux.
00:32:38 Alors, boomer n'est jamais utilisé. Ça désigne plus rien du tout.
00:32:46 Moi, en tout cas, je me suis rendu compte il y a quelques années que j'étais devenue plus vieille.
00:32:52 Puisque je reçois des stagiaires qui, le jour, on m'a dit "ah, vous avez l'âge d'être ma maman".
00:32:58 Ben oui, ça fait drôle quand même ce jour-là.
00:33:02 Je ne sais plus de qui non plus. On est toujours le vieux d'un autre.
00:33:08 Mais un vieux, une vieille.
00:33:16 Il y a plein de choses qu'on ne peut pas dire en établissement.
00:33:21 Mais là, comme ça, si vous me demandez, je n'ai pas de liste.
00:33:24 C'est en fonction du moment de l'échange que l'on a avec les gens.
00:33:29 C'est à nous, en fonction de l'écoute qu'on va porter à l'autre.
00:33:34 On va s'autoriser le droit de dire ou de ne pas dire.
00:33:40 Oui, je me rends compte qu'il faut faire attention au second degré.
00:33:44 Qu'il faut y aller avec parcimonie.
00:33:47 C'est un contexte, c'est un moment, c'est un échange.
00:33:51 Ça dépend de la personne qu'on a en face de nous.
00:33:53 Et ça dépend aussi de la façon dont on est ce jour-là pour réceptionner aussi l'échange.
00:34:00 Anna, et vous, les mots, pardon, par là, allez-y.
00:34:04 C'est vrai qu'on peut dire que de vieillir de nos jours,
00:34:08 puisque cette longévité témoigne de ces 40 années,
00:34:13 40 années de plus d'espérance de vie depuis Victor Hugo.
00:34:17 40, vous vous rendez compte ?
00:34:19 Comment voulez-vous ?
00:34:20 C'est un univers totalement nouveau pour quiconque.
00:34:24 Et le témoignage des grands médecins qui étaient là, avec cette humilité de vous, mesdames.
00:34:31 Tout le monde apprend en marchant.
00:34:34 Tout le monde apprend cette nouvelle vieillesse.
00:34:36 Alors on voudrait peut-être commencer par la nommer, mais commençons déjà par la sentir.
00:34:41 Commençons par voir comment on vit avec soi-même quand on vieillit comme ça.
00:34:45 Évidemment qu'il y a des tas de choses que je ne peux plus faire.
00:34:49 Mais il y a des tas de choses que je découvre.
00:34:52 Il n'y a pas que des pertes dans la vieillesse quand on a la chance de ne pas être malade.
00:34:57 Et ça, c'est probablement aussi des choses dont il faudra parler.
00:35:02 Alors Anna, les mots ?
00:35:04 Je ne sais pas quels mots il faut employer ou non.
00:35:07 Je constate simplement que souvent, quand il y a plusieurs mots pour décrire une même réalité
00:35:12 et qu'on se questionne sur l'emploi de tel ou tel mot,
00:35:15 ça traduit un malaise de la société et un malaise social.
00:35:18 Et je pense que c'est le cas avec la question qu'on se pose aujourd'hui.
00:35:22 Et alors justement, quand on a... Vous voulez rajouter quelque chose Eric ?
00:35:25 Non, j'ai cru, pardon.
00:35:28 Camus a dit "mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde".
00:35:32 Façon de suggérer que bien nommer les choses, ce soit ajouter au bonheur du monde.
00:35:37 C'est vrai. Et c'est vrai que, comme vous dites, il y a autant de vieillissement que de personnes.
00:35:44 Et il y a certaines personnes très âgées qui adorent qu'on les dise "seigneur"
00:35:48 et d'autres qui ne supportent pas ça.
00:35:50 Faisons du sur mesure, pas du prêt à porter.
00:35:53 Mais surtout, évitons ce qu'on pourrait appeler l'euphémisation de la langue.
00:35:57 C'est-à-dire, ce n'est pas parce qu'on va dire "personne en situation de handicap"
00:36:02 que... plutôt, si les mots changent, mais que les regards ne changent pas,
00:36:07 alors l'euphémisation de la langue est une coquetterie insupportable.
00:36:14 De même, si on dit "ne m'appelez surtout pas vieux, mais dites-moi seigneur",
00:36:18 mais que le regard ne change pas,
00:36:20 alors l'euphémisation de la langue est toujours une coquetterie insupportable.
00:36:23 Donc, faisons du prêt à porter.
00:36:26 Et deuxièmement, justement, faire du prêt à porter, c'est se dire que ce n'est pas si important que ça.
00:36:34 Essayons de ne pas blesser les gens, tout simplement.
00:36:36 Mais ce n'est pas parce qu'on va édulcorer, euphémiser la langue,
00:36:39 qu'on aura forcément à améliorer les choses.
00:36:43 Non. Et le regard, oui, on peut le changer.
00:36:46 Alors justement, parlons de regard avec Anna.
00:36:49 On s'est évidemment parlé avant cette réunion.
00:36:53 Et mon sentiment, votre idée, c'était un peu "cacher ces vieux que je ne saurais voir".
00:36:58 C'est-à-dire que vous regrettez ce côté invisible dans la vie, sur les écrans.
00:37:05 Ce que vous avez commencé à dire tout à l'heure, je voudrais que vous m'en disiez un petit peu plus.
00:37:10 Cette invisibilité.
00:37:12 Oui, oui, tout à fait. Alors moi, vous l'avez compris, je suis la caution jeune de cet échange.
00:37:16 Je ne suis pas experte des personnages.
00:37:19 Ça fait plaisir au vieil Eric.
00:37:23 Non, mais simplement, je suis partie de mon expérience personnelle
00:37:26 et je faisais le constat que les vieux, moi, je ne les connaissais pas, je ne les voyais pas.
00:37:31 Encore moins ceux qui étaient en EHPAD.
00:37:34 Et que j'ai le sentiment que dans la société, on a vraiment une vieillesse qui,
00:37:40 et là je reprends une citation de Canguilhem,
00:37:42 qui est un état pathologique qui traduit la réduction des normes de vie tolérées par le vivant.
00:37:46 Et donc, en fait, c'est une réduction toujours.
00:37:49 Et que ça, conjugué à des rapports sociaux qui s'individualisent et à l'allongement de l'espérance de vie.
00:37:55 Moi, la vieillesse m'a toujours été présentée comme un problème.
00:37:59 Un problème social, un problème démographique, un problème économique.
00:38:04 Et donc, on a fait du vieux quelqu'un de vulnérable dont il faut s'occuper et qu'il faut prendre en charge.
00:38:10 Et je pense que pour prendre correctement quelqu'un en charge,
00:38:14 d'ailleurs, je ne suis pas sûre que ce soit le meilleur mot,
00:38:16 mais en tout cas pour l'accompagner et pour qu'il soit intégré dans la cité,
00:38:19 le premier pas va être de changer le regard.
00:38:23 Et c'est l'objet de notre échange, mais donc de véhiculer une image qui n'est pas seulement négative
00:38:26 ou dans laquelle il y a aussi du positif.
00:38:29 Ce n'est pas évident dans le cas de la vieillesse, parce qu'on l'a dit tout à l'heure,
00:38:32 ça nous renvoie à notre finitude, à nos angoisses.
00:38:36 C'est associé, comme je le disais, à un problème.
00:38:39 Dans le débat public, c'est toujours le mot "défi" qu'on pose.
00:38:42 Défi du vieillissement, démographique, de l'accompagnement, du grand âge, etc.
00:38:46 Et donc, ça semble en plus un petit peu insoluble comme question.
00:38:49 On n'a jamais les réponses.
00:38:51 C'est compliqué pour tout le monde.
00:38:54 Et c'est Beauvoir qui dit que le vieux est autre, qu'il est toujours en dehors de la société.
00:39:00 Et je trouve ça assez vrai dans le fait qu'on ne le voit pas.
00:39:04 Parce que je pense qu'aujourd'hui, le monde dans lequel on vit suppose des capacités d'adaptation
00:39:09 qui sont assez importantes.
00:39:12 Des changements sont très rapides sur le plan technologique, écologique.
00:39:16 Or, je pense que quand on avance en âge, la faculté d'adaptation,
00:39:20 c'est une des facultés qu'on va perdre assez rapidement.
00:39:23 Et on peut avoir une forme de réticence aux changements.
00:39:27 Donc, je pense que ça devient compliqué d'être vieux dans ce monde.
00:39:33 Et c'est aussi compliqué d'être jeune dans ce monde.
00:39:37 Et on va avoir aussi tendance à opposer les jeunes et les vieux de manière manichéenne.
00:39:41 Je ne pense pas que ce soit une bonne idée.
00:39:45 On l'a beaucoup vu au moment du Covid.
00:39:48 On a entendu qu'on sacrifiait les jeunes au profit des vieux.
00:39:52 La question écologique remet aussi ça sur le devant de la scène.
00:39:58 Le terme "boomer" en est aussi un bon exemple.
00:40:02 Et moi, je pense qu'une des clés pour changer un petit peu la représentation de la vieillesse,
00:40:08 en tout cas la remettre dans la société,
00:40:10 ça peut justement être ce qu'on appelle de manière un peu...
00:40:14 Je ne sais pas.
00:40:16 On entend beaucoup le terme "intergénérationnel".
00:40:18 Mais l'idée, ce serait juste pour moi de se servir du dialogue
00:40:22 pour redonner une place à la personne âgée.
00:40:25 Et je pense que les jeunes ont un rôle à jouer
00:40:28 parce que je pense que les jeunes ont beaucoup à apprendre de la vieillesse
00:40:33 et que les vieux peuvent leur transmettre quelque chose.
00:40:36 Ça soit de la transmission de mémoire, de savoir.
00:40:39 Ça peut être de la transmission liée aussi au partage de la valeur, du patrimoine.
00:40:45 On voit aujourd'hui se développer des colocations intergénérationnelles.
00:40:49 Je pense que c'est quelque chose qu'il faut favoriser.
00:40:51 La question des richesses, la concentration, c'est une question importante.
00:40:55 Et donc il y a des personnes âgées qui en ont les moyens.
00:40:57 Je pense que c'est vraiment quelque chose dont on peut servir.
00:41:00 Concrètement, c'est tout ce qu'on entend quand on dit "ouvrir l'EHPAD sur la cité".
00:41:04 Alors il y a la question des crèches qui se développent dans les EHPAD.
00:41:07 C'est une bonne chose.
00:41:08 Je pense qu'on peut aller plus loin.
00:41:11 On peut aller plus loin et je pense qu'il faut se servir de l'éducation nationale.
00:41:15 Il y a des services qu'on peut mutualiser, que ce soit les cantines,
00:41:18 qu'il y a des stages qui peuvent devenir obligatoires dans les établissements,
00:41:22 que ça peut être valorisé dans les cursus comme une option au bac ou je ne sais quoi.
00:41:27 Et que tout ça, le dialogue, ça permet d'une part la transmission, le partage des valeurs.
00:41:33 Et ça permet surtout à la personne de parler, d'avoir un interlocuteur
00:41:39 qui pourrait être un jeune, qui a du temps, qui a de l'énergie.
00:41:43 Parce que c'est ce qu'on disait tout à l'heure, c'est pas évident d'écouter.
00:41:47 Il faut avoir la disponibilité pour le faire.
00:41:50 Et je pense que les jeunes peuvent apprendre de cet échange
00:41:54 et que ça permet de redonner un rôle dans la société à la personne âgée,
00:41:58 ce qui est essentiel pour avoir une image qui est positive des vieux.
00:42:03 Et moi, je pense qu'on a vraiment intérêt à ouvrir notamment les EHPAD
00:42:08 et à confronter les jeunes à la grande dépendance.
00:42:11 Parce que je parle de ma propre expérience, c'est seulement quand on y est confronté
00:42:15 qu'on voit qu'elle a la peine d'être vécue et que ça nous apprend.
00:42:18 Et ça nous questionne beaucoup, beaucoup sur le plan émotionnel, éthique et affectif.
00:42:23 Et aussi parce que ce sont les jeunes qui vont avoir à répondre aux défis du vieillissement
00:42:27 et qui seront les artisans des politiques de demain.
00:42:30 Merci.
00:42:32 (Applaudissements)
00:42:37 Je voudrais qu'on revienne sur trois points qui ont été développés.
00:42:40 D'abord, les progrès, les progrès technologiques.
00:42:44 Est-ce que ça isole vraiment les personnes âgées ?
00:42:46 Moi, je connais des personnes âgées qui utilisent très bien Internet,
00:42:49 mais c'est peut-être pas fréquent.
00:42:52 Anne, pour commencer, progrès technique et avancée en âge, c'est compliqué ?
00:42:58 Alors, il y a des adultes parmi nous qui maîtrisent plus ou moins les nouvelles technologies.
00:43:03 Il y a ceux qui maîtrisent plus ou moins.
00:43:05 Il y a ceux qui ont plus ou moins envie de les maîtriser parce que ça les gonfle.
00:43:09 Parlons clairement.
00:43:11 Et puis, il y a aussi des gens âgés, très âgés,
00:43:16 qui, une fois que leur famille leur a montré comment fonctionne une tablette, un Android ou l'iPhone,
00:43:26 je peux vous confirmer que les gens se débrouillent très bien.
00:43:30 Ce n'est pas la majorité des résidents.
00:43:33 Sur la partie résidence autonomie, c'est peut-être pas une majorité, mais il y en a.
00:43:38 Et puis, il y a aussi les établissements qui sont à la disposition et à l'écoute des personnes accueillies
00:43:49 où nous-mêmes, nous développons des nouvelles technologies.
00:43:53 On parle maintenant des pads 2.0, mais parce qu'il y a des adaptabilités que nous pouvons déployer
00:44:02 pour le bien-être, activités, amusements, créativité.
00:44:09 Il y a des tas de choses qui se font.
00:44:11 Après, c'est aussi à nous de trier pour ne pas faire tout et n'importe quoi.
00:44:14 Mais il y a un paquet de personnes quand même qui utilisent des tablettes.
00:44:21 Eric, sur le progrès technologique, est-ce que c'est un frein pour la vie des personnes dans la société ?
00:44:30 C'est vrai que le progrès technique s'accélère, enfin nous disons qu'il s'accélère.
00:44:39 Et je dirais que l'homme d'aujourd'hui est sommé de s'adapter de manière permanente à un monde impermanent.
00:44:48 A peine a-t-on compris le fonctionnement d'une nouvelle technique qu'elle est remplacée par une autre.
00:44:53 L'homme d'aujourd'hui est sommé de s'adapter de manière permanente à un monde impermanent.
00:44:59 L'animal qui symbolise l'adaptabilité, c'est le caméléon.
00:45:04 Or, je ne sais plus qui a dit qu'un caméléon qu'on met sur un patchwork devient fou.
00:45:09 Je dirais que l'homme d'aujourd'hui, c'est pire.
00:45:11 Nous sommes des caméléons qu'on met non pas sur des patchworks, mais sur des kaléidoscopes.
00:45:16 Et alors là, on peut devenir complètement fou et avoir envie de se retirer de ce monde.
00:45:22 Parce que le patchwork a plusieurs couleurs, mais au moins, elle ne change pas de place.
00:45:25 Alors que les kaléidoscopes, elles changent de place.
00:45:27 L'écossais, c'est pire.
00:45:29 Ah bon, alors là.
00:45:30 En effet, on court après.
00:45:34 Nous sommes nombreux à avoir ce que j'appellerais un point au côté de l'âme.
00:45:38 Le monde s'accélère, on essaie de suivre, on essaie de suivre.
00:45:40 Et puis, on a un point de côté. Et alors, à ce moment-là, on peut être tenté de temps en temps de laisser tomber.
00:45:46 Et d'aller sur le bord du chemin et de se retirer.
00:45:49 Alors, c'est là que l'intergénérationnalité, même si vous n'avez pas employé le terme, il sourd de notre échange.
00:45:55 C'est là que l'intergénérationnalité est une chose fondamentale.
00:45:59 Il n'y a rien de plus beau qu'un vieux jazzman qui apprend un chorus à un jeune jazzman.
00:46:05 Mais il n'y a rien de plus beau qu'un petit garçon qui apprend à son grand-père à se servir de quelque chose.
00:46:11 Voilà pourquoi, pour éviter que certains et certaines ne soient tentés,
00:46:16 parce qu'ils ont un point au côté de l'âme qui n'arrive plus à s'adapter, de se retirer de ce monde.
00:46:21 Voilà pourquoi l'intergénérationnalité est ce sur quoi il faut miser.
00:46:24 Oui, on y reviendra.
00:46:26 Moi, je voudrais connaître la geek qui sommeille en vous.
00:46:28 La ?
00:46:29 La geek qui sommeille en vous.
00:46:31 Je ne suis pas geek du tout.
00:46:33 Je m'y suis mise finalement assez tard.
00:46:37 Il y a peut-être quand même maintenant une bonne vingtaine d'années.
00:46:43 Mais je n'ai pas la curiosité de ça.
00:46:47 C'est-à-dire qu'une fois que j'ai appris à envoyer des mails,
00:46:50 j'ai une collaboratrice magnifique qui doit être quelque part dans la salle.
00:46:53 Je l'appelle à peu près toutes les trois minutes.
00:46:56 Alors, à part envoyer des mails, des textos et mettre une pièce jointe,
00:47:00 je ne sais pas faire grand-chose d'autre.
00:47:02 Alors, je crois qu'on pourrait se contenter de ça.
00:47:06 Mais c'est vrai que le fait qu'on puisse demander à des gens plus doués
00:47:11 et moi, à mes petits-enfants aussi, assez souvent,
00:47:15 ce que j'aime dans cette nouvelle intergénérationnalité,
00:47:20 moi qui ai connu l'ancienne, puisque comme je vous l'ai rappelé,
00:47:23 j'ai vécu dans une autre culture avec des vieux chez moi.
00:47:27 Et ce qui est formidable, c'est que maintenant,
00:47:31 la transmission se fait dans les deux sens.
00:47:34 Et ça, ça m'apparaît à moi, vieille dame,
00:47:38 quelque chose de magique, totalement nouveau
00:47:42 et qui tricote véritablement du lien,
00:47:46 parce que c'est bien de ça qu'il s'agit quand on vieillit.
00:47:49 C'est de ça qu'on meurt, c'est de n'avoir plus de lien
00:47:52 et de ne se sentir plus utile.
00:47:56 Eh bien, ça tricote du lien à longueur de temps
00:48:00 et avec beaucoup d'humour, avec beaucoup de joie.
00:48:04 Je trouve qu'il y a beaucoup de joie là-dedans.
00:48:07 Et donc, mélangeons ces générations,
00:48:12 vraiment mélangeons-les et aussi d'une autre manière
00:48:15 que j'évoquerai tout à l'heure.
00:48:18 - Dans vos établissements, vous mélangez,
00:48:21 vous faites tout pour faire venir des gens, des jeunes, des familles.
00:48:25 J'entends intergénérationnalité.
00:48:28 Nous, on va utiliser le terme de plurigénérationnalité.
00:48:32 - Quelle différence faites-vous ?
00:48:35 - De fédérer autour d'un projet commun à toutes les générations.
00:48:39 Les générations, dans l'établissement que je pilote,
00:48:43 dites-vous que la fille que vous avez à 72, 74 ans
00:48:48 vient pour voir son père et que généralement,
00:48:52 nous avons de plus en plus fréquemment,
00:48:55 une voire deux générations qui arrivent avec Madame.
00:49:01 Le plurigénérationnel, je sais que...
00:49:07 Alors, Anna, je reprends tes termes, tu découvres.
00:49:11 La plurigénérationnalité, on en parle déjà depuis 15 ans.
00:49:18 Les pouvoirs publics se sont emprunts de ça,
00:49:22 de vouloir mélanger, j'utilise volontairement ce terme,
00:49:26 mélanger les gens âgés et les plus jeunes.
00:49:30 Néanmoins, s'il n'y a pas un projet fédérateur qui réunit les gens,
00:49:35 comment peut-on correctement communiquer ?
00:49:38 Comment peut-on donner envie à des gens âgés
00:49:41 de rencontrer ces titous qu'ils ne connaissent pas ?
00:49:45 Est-ce que les gens âgés, on peut se poser la question,
00:49:48 est-ce que des gens âgés qui ont perdu déjà des petits-enfants,
00:49:53 je vois le cas beaucoup plus fréquemment qu'on ne se l'imagine,
00:49:57 est-ce que ces gens-là ont encore envie d'être au contact
00:50:01 de plus jeunes pour aviver des souvenirs pénibles ?
00:50:06 Ça aussi, on essaye de tricoter.
00:50:12 Il y a des projets créatifs.
00:50:19 La création peut s'entendre autour de la poésie,
00:50:25 en 2.0 autour de vidéos, autour de photos,
00:50:30 mais peut-être aussi autour de plantations toutes simples.
00:50:35 Pourquoi pas faire des bacs et réapprendre à planter des géraniums ensemble,
00:50:41 aussi.
00:50:44 Et puis aussi, bêtement, prendre un goûter ensemble.
00:50:49 Voilà, des choses simples.
00:50:52 - Manger ensemble.
00:50:55 - Oui, je ne l'ai pas suffisamment évoqué,
00:50:58 mais ça, ça arrive plus qu'on ne se l'imagine.
00:51:02 - C'est fondamental de partager de la nourriture.
00:51:05 - Une formule d'un grand philosophe qui s'appelle Jean-Pierre Coffre,
00:51:08 dont je suis très jaloux, il a dit un jour,
00:51:11 "Le pain appelle le copain".
00:51:14 Ça veut dire que le meilleur pain du monde,
00:51:17 si vous le mangez tout seul, il perd de tout son goût.
00:51:20 Le pain appelle le copain. C'est du Coffre, c'est du lourd.
00:51:23 - C'est tellement formidable, j'ignorais cette...
00:51:27 Je la reservirai, merci. Je vous citerai, je vous citerai.
00:51:31 - Vous nous ferez goûter votre cuisine.
00:51:33 - Avec plaisir.
00:51:35 - Je n'aime que ça, que ça, faire à manger,
00:51:39 et non seulement faire à manger et nourrir,
00:51:42 mais servir à table.
00:51:44 J'ai vu toute ma vie ma grand-mère, ma mère, ma sœur servir,
00:51:49 et je trouve que c'est à la fois l'aboutissement du geste culinaire
00:51:54 et c'est le début du partage, c'est-à-dire du moment où se crée le lien.
00:52:00 Donc pour moi, c'est un continuum de faire, de nourrir et de servir.
00:52:07 Et ça, je voudrais vraiment le partager.
00:52:10 - C'est une très bonne idée. On vient dîner quand ?
00:52:13 - Allez, c'est table ouverte chez moi. C'est table ouverte.
00:52:17 - Vous vouliez ajouter quelque chose tout à l'heure ?
00:52:19 - Oui, je voulais ajouter pour ce changement de regard et de perception
00:52:24 entre les générations, et puis là effectivement entre les jeunes et les vieux,
00:52:29 souvenez-vous le film "Les Intouchables".
00:52:34 - Magnifique.
00:52:36 - On sait combien ce film a fait à changer le regard sur le handicap.
00:52:42 Ça ne veut pas dire que beaucoup de choses ont été faites
00:52:45 pour améliorer la vie et la circulation de ces personnes.
00:52:49 Ça commence quand même petit à petit, mais très insuffisamment.
00:52:53 Mais changer le regard sur le handicap,
00:52:56 "Les Intouchables" ont fait un travail qui a fait gagner un demi-siècle.
00:53:01 Il y aurait certainement à aller taper à la porte peut-être de Toledano et Nakash,
00:53:07 peut-être d'autres, peut-être de Maïwenn, peut-être...
00:53:11 En tout cas, je vois des jeunes, ce seraient des jeunes,
00:53:14 qui pourraient mettre en scène des personnages de vieux
00:53:19 qui cassent cette image de ghetto et de peur de vieillir.
00:53:26 On finirait presque par avoir envie de vieillir, et pourquoi pas de cette façon-là.
00:53:32 Ça, ça me paraît être quelque chose de fondamental.
00:53:35 On est dans une société de l'image, on est dans une société du divertissement.
00:53:40 Je ne dis pas que ce soit celle que je préfère, mais c'est de fait, il est là.
00:53:44 Et tous ces langages devraient vraiment s'y mettre autour de ce sujet.
00:53:50 La BD, ce serait formidable d'inventer un personnage de grand-mère,
00:53:55 enfin, il y en a déjà, ne serait-ce que dans "Riyad Satouf" et dans d'autres.
00:54:01 Mais il y a quelque chose peut-être à nourrir davantage de cette façon-là.
00:54:07 Et puisqu'en ce moment, on est dans les séries,
00:54:10 peut-être commencer par mettre en une série en marche.
00:54:14 Alors, avant de finir justement sur ces idées, ces projets qui pourraient faire changer les choses,
00:54:19 le savoir, l'éthique et le grand âge, je voudrais revenir sur un sujet qui est un petit peu fâché,
00:54:24 que vous avez évoqué, c'était l'histoire de la Covid.
00:54:28 Ça a vraiment beaucoup changé le regard.
00:54:33 Est-ce qu'il y a un regard plus culpabilisant?
00:54:36 Comment ça s'est passé dans vos établissements?
00:54:39 Ça a été une période difficile, compliquée pour tout le monde,
00:54:45 pour les résidents, pour les familles, pour les équipes, à tous les niveaux.
00:54:52 Mais la période a été extrêmement déstabilisante, compliquée, enfermante, pour nous, pour nous aussi.
00:55:01 On a fait ce qu'on appelait du confinement modéré à l'intérieur de l'établissement.
00:55:14 Est-ce qu'on pouvait s'attendre à ce qui nous est tombé dessus?
00:55:18 Non.
00:55:19 Après, la période a été compliquée.
00:55:22 Les relations sont devenues beaucoup plus compliquées, beaucoup plus tendues, voire violentes avec les personnes extérieures.
00:55:36 Là, j'ai perdu le fil de ce que je voulais dire.
00:55:40 Interdire les visites, ça vous est apparu comme nécessaire?
00:55:46 C'est qu'à un moment donné, on s'est retrouvé face à une injonction extrêmement difficile.
00:55:52 Protéger ou faire mourir ou laisser mourir.
00:55:58 On nous aurait reproché d'avoir laissé mourir le proche de la personne.
00:56:05 Et puis protéger, c'était contraindre et empêcher les visites.
00:56:11 À cette question, lorsqu'on en reparle parfois en équipe, on est toujours sur le fil du rasoir à se dire, c'était quoi la bonne solution?
00:56:22 Les cas que les uns et les autres ont pu avoir, nous, pour le coup, c'était hôpital, retour, bim.
00:56:31 Mais est-ce que ça a laissé encore des traces sur la façon dont on regarde aujourd'hui les personnes âgées?
00:56:35 C'est ce qu'avait l'air de dire Anna tout à l'heure.
00:56:38 Sur la façon de regarder les personnes âgées.
00:56:41 Qui était responsable de l'enfermement des jeunes, globalement.
00:56:45 Alors, de notre côté, non. J'ai parlé en fait de confinement modéré.
00:56:54 On a au demeure l'ensemble des équipes ont fait aussi tout ce qui était en leur pouvoir pour essayer aussi d'améliorer le quotidien des personnes.
00:57:08 On n'a pas toujours pu répondre à la demande des uns et des autres.
00:57:14 Qu'est ce que ça a changé?
00:57:17 Est ce que les gens, est ce que les résidents qui nous entourent, qui vous entourent, vous ont tenu grief de ce qui s'est passé?
00:57:25 Non, parce qu'on l'a vécu. Non, parce qu'on l'a vécu avec eux.
00:57:29 Nous aussi, on était là avec eux. Et puis, je pense que les résidents, en tout cas, sont passés à autre chose.
00:57:36 Les familles ont peut être certaines familles sont peut être encore sur le qui-vive.
00:57:43 Alors 2020, 2021, vaccin 2022, tensions.
00:57:51 2022 a été l'année des tensions verbales, mais en établissement, mais pas que.
00:57:59 Lorsqu'on prend la peine de discuter avec des gens qui sont dans un milieu tout autre que médico-social, sanitaire.
00:58:05 C'est comme si on avait soulevé un couvercle où les gens se permettaient maintenant des choses qui ne se seraient pas permis avant cette crise.
00:58:14 Mais en tout cas, en établissement, je dirais que la mer est calme.
00:58:22 Les capitaines sont prudents, mais la mer est calme.
00:58:26 Cette colère des jeunes qui a eu le pire moment de la crise, elle a complètement disparu ou elle a laissé des traces chez vous?
00:58:32 À votre avis? Oui, alors je peux que donner mon sentiment parce que je ne suis pas du tout porte-parole des jeunes.
00:58:38 Je pense qu'il y a plein de différences aussi au sein des jeunes.
00:58:42 Moi, je pense qu'il y a un mouvement de fond. Il y a eu la question du Covid et d'une jeunesse qui s'est sentie,
00:58:48 qui s'est sentie délaissée pour des raisons tout à fait légitimes. Je pense que c'est pas le problème et que vient s'ajouter.
00:58:57 En plus de ça, toutes les questions écologiques et des questions liées à une peur de l'avenir et à, je pense, un défaut de prise en charge.
00:59:07 C'est vrai qu'aujourd'hui, dans le débat public, on va entendre alors de manière très négative parler des EHPAD, parler des retraites, etc.
00:59:15 On entend assez peu ce qui est fait pour les jeunes. Et je pense qu'il y a vraiment le risque d'une amertume qui monte et du coup,
00:59:23 d'une opposition qui va se créer entre soit on prend en charge les jeunes, soit on prend en charge les vieux, ce qui, à mon avis, n'est pas bon du tout.
00:59:31 Et ce qu'on disait tout à l'heure et ce que je voulais dire aussi, c'est qu'on parlait de la transmission et des jeunes qui,
00:59:38 dans un monde qui change très rapidement et beaucoup, peuvent transmettre aux vieux. Et je trouve ça très intéressant.
00:59:45 Mais ce n'est pas forcément la façon dont on le voit parce que la première fois qu'on a théorisé en fait cette idée de conflit de génération,
00:59:53 c'est une anthropologue américaine, Margaret Mead, qui disait qu'on était passé dans une société où justement c'était les jeunes qui montraient la voie aux vieux
01:00:02 et puis les vieux qui montraient la voie aux jeunes et que c'est ça qui faisait qu'il y avait des rapports entre générations qui étaient devenus irréconciliables.
01:00:08 Et c'est dans cette configuration-là, je pense, dans laquelle on est encore plus aujourd'hui que dans les années 70, à mon sens,
01:00:14 comment est-ce qu'on fait pour que des deux côtés, en fait, il faut aussi que les personnes plus âgées acceptent que les jeunes puissent montrer la voie,
01:00:24 que leur voix soit entendue et qu'ils puissent transmettre quelque chose tout comme il faut garder les filiations et que les vieux ont une utilité sociale
01:00:32 et qu'ils ont quelque chose à transmettre à la jeunesse.
01:00:35 Mais cet échange dans les deux sens, c'est l'avenir quoi. On a l'impression que c'est ce qui doit se passer, c'est ce qui se passe.
01:00:43 - C'est pas forcément pour conseiller, c'est pour apprendre à vivre ensemble.
01:00:49 - C'est un partage de savoirs. Ça c'est très éthique pour reprendre notre titre du jour.
01:00:54 - Évidemment, et puis c'est dans la nature des choses.
01:00:58 - Collégié, en entendant ça, je me dis, les gens, mais jeunes et vieux, est-ce qu'on n'aurait pas aussi perdu notre place ?
01:01:10 Et les adultes du entre-deux ? Cette crise a énormément perturbé, encore, vérité de la palice, a perturbé les jeunes, les vieux, nous, tout.
01:01:23 Et où est maintenant notre place à chacun pour pouvoir le bien vivre ensemble ? Il y a de la place pour tout le monde.
01:01:33 Il y a de la place et des échanges pour tout le monde.
01:01:37 - Dans 20 ans, tout va basculer, c'est-à-dire qu'il y aura plus de vieux que de jeunes.
01:01:46 Donc ça sera pour la première fois dans l'histoire de l'humanité qu'on va assister à ce basculement.
01:01:52 Si on ne s'y prépare pas et on a déjà à peu près 50 ans de retard, on fait quoi ? On va faire comment ?
01:02:00 On est déjà aujourd'hui, avec la proportion de personnes âgées de plus de 65 ans par rapport aux jeunes de 20 ans,
01:02:07 on est déjà dans un déséquilibre qu'on le voit bien, qu'on ne sait pas gérer.
01:02:12 - Et de surcroît, on ne parle en fait que de nous, petits pays, France, sachant que la structure féodale dont vous parliez,
01:02:20 même le Maroc, en fait, se réveille en prenant conscience qu'ils ont aussi une population qui veillit,
01:02:25 et leur structure familiale qui a elle-même explosé, avec des vieux qui ne savent plus, en fait...
01:02:34 - Si je puis dire, le fait que le Maroc, par exemple, ne soit pas au même niveau, si je puis dire, de déséquilibre qu'un pays comme la France,
01:02:45 ou peu importe, un pays européen, c'est qu'il y a encore beaucoup de gens qui vivent à la campagne,
01:02:51 et que ces gens-là font encore beaucoup d'enfants. C'est en ville qu'on n'en fait plus.
01:02:56 Donc il y a encore ce décalage-là, qui les dessert sur bien des points, et qui sur ce plan-là n'a pas encore fait faire la bascule.
01:03:07 Mais ça va venir, évidemment.
01:03:09 - Madame Lepoutre, vous êtes toujours avec nous ? - Oui.
01:03:12 - Alors, qu'est-ce que vous pensez de tout ce qu'on a raconté, là ?
01:03:15 - Il y a des choses intéressantes. Je trouve également, à votre avis, qu'il y a de l'amertume chez les jeunes, depuis le Covid.
01:03:24 Je ne suis pas du tout d'accord quand vous dites que nous sommes souvent les mal-aimés.
01:03:30 Et d'un autre côté, quand on parle entre nous, les personnes âgées, on nous dit, les papis,
01:03:39 on se traite plutôt de papi-mami. Et moi, je trouve qu'un vieux, ça va, mais que les vieux, ça sonne mal.
01:03:51 C'est un peu péjoratif, les vieux. J'aime mieux les aînés.
01:03:55 - Alors, on n'arrivera pas à vous mettre d'accord.
01:03:58 - On va dire comme Éric, c'est sur mesure.
01:04:01 - Merci beaucoup. On va demander à Éric de conclure. Le philosophe qui va monter, monter, monter le sujet vers des cieux.
01:04:09 - Non, j'aimerais, j'espère que ma conclusion ne sera pas du niveau des chansons d'Enrico Macias.
01:04:16 Je veux dire, on a tous besoin d'amour. Mais bon sang.
01:04:20 - Merci quand même. - Oui, c'est tout de même très vrai.
01:04:23 Je veux dire par là que je prendrais de vieillir.
01:04:31 Alors, on se voit, si on a la chance, comme disait Perla, de ne pas être malade, de ne pas avoir mal.
01:04:38 Bon, bien, vieillir n'est pas si grave. Mais en même temps, ce sont les autres qui nous apprennent qu'on a vieilli.
01:04:45 On a besoin d'un miroir flatteur.
01:04:47 Et Cocteau avait dit les miroirs feraient bien de réfléchir avant de nous renvoyer de notre image.
01:04:53 Malheureusement, les miroirs ne réfléchissent pas avant de nous renvoyer de notre image et parfois ils nous font du mal.
01:04:57 Mais le miroir qui peut nous faire du bien, en effet, c'est le regard de celui ou de celle qui continue à nous aimer.
01:05:04 Deux exemples de personnes qui ont vieilli, mais parce qu'elles ont été aimées jusqu'au bout, n'ont pas trouvé ça si grave.
01:05:12 C'est Madeleine Renaud et ses Poupes Chênes.
01:05:17 Madeleine Renaud, Jean-Louis Barraud, vous savez, c'était un couple de comédiens.
01:05:21 Ils ont dirigé plein de théâtres et à la fin de leur vie, ils n'ont plus de théâtre.
01:05:26 Et je me souviens de la dernière interview de Jean-Louis Barraud.
01:05:28 Alors, il se retrouve dans un petit appartement à Paris.
01:05:30 Il s'ennuie beaucoup parce qu'on les a privés de ce qui faisait leur plaisir de vivre.
01:05:34 Enfin, diriger un théâtre.
01:05:36 Et on interroge Jean-Louis Barraud. Mais alors, qu'est ce que vous faites maintenant?
01:05:39 Pas grand chose. Madeleine regarde beaucoup la télé.
01:05:42 Et vous, Jean-Louis?
01:05:44 Moi, je regarde Madeleine.
01:05:46 Et puis, j'aimerais que jusqu'au bout, nous soyons regardés comme Madeleine Renaud par Jean-Louis Barraud.
01:05:55 Ou comme Poupes Chênes par Brassens.
01:05:58 Vous savez que Brassens a eu une petite amie pendant des années et des années qui l'appelait Poupes Chênes.
01:06:03 Ils n'ont jamais vécu ensemble. Ils se retrouvaient trois fois par semaine.
01:06:06 Et Brassens disait dix minutes avant qu'elle n'arrive, je suis toujours un peu ému.
01:06:11 Et alors, il a composé une chanson sur le vieillissement.
01:06:14 C'est Saturne. Saturne, c'est le dieu du temps.
01:06:17 Il est morne. Il est aciturne. Il préside aux choses du temps.
01:06:21 Il porte un joli nom, Saturne, mais c'est un dieu fort inquiétant.
01:06:24 En allant son chemin morose pour se désennuyer un peu, il joue à bousculer les roses.
01:06:29 Le temps tue le temps comme il peut.
01:06:31 Bousculer les roses, c'est abîmer le corps féminin.
01:06:33 Parce que le corps féminin a trois roses.
01:06:35 Cette année, c'est toi ma belle qui a fait les frais de son jeu.
01:06:38 Le jeu du temps qui abîme tout.
01:06:40 Cette année, c'est toi ma belle, c'est Brassens qui s'adresse à Poupes Chênes.
01:06:43 Cette année, c'est toi ma belle qui a fait les frais de son jeu.
01:06:46 Toi qui a payé la gabelle un grain de sel dans tes cheveux.
01:06:49 C'est le premier cheveux blanc. La gabelle, c'est l'impôt sur le vent.
01:06:53 Et il ajoute, c'est pas vilain les fleurs d'automne.
01:06:57 Et bien des poètes l'ont dit.
01:07:00 Je te regarde et je te donne mon billet qu'ils n'ont pas menti.
01:07:03 Viens toi, viens ma favorite, descendons encore au jardin.
01:07:06 Je connais par cœur toutes tes grâces.
01:07:08 Il faudra que Saturn en fasse des tours d'horloge de sabliers pour me les faire oublier.
01:07:12 Et la petite pisseuse d'en face peut bien aller se rhabiller.
01:07:15 C'est Brassens qui doit regarder une jeune fille qui le désire.
01:07:18 Et puis tout d'un coup, il regarde Poupes Chênes.
01:07:20 J'aimerais être regardé jusqu'au bout comme Madeleine par Jean-Louis
01:07:25 et comme Poupes Chênes par Brassens.
01:07:27 Bref, l'amour c'est important.
01:07:29 La conclusion est philosophiquement un peu médiocre.
01:07:32 La vieille est jalouse de la mémoire des jeunes.
01:07:37 Vous restez avec moi.
01:07:42 On lance un petit jingle ce qui nous permet d'accueillir Dominique.
01:07:45 [Musique]
01:08:11 Alors Dominique, c'est évidemment Dominique Monroe.
01:08:13 Tout le monde l'avait reconnu.
01:08:15 Donc vous avez été le DG de Partagez Vies jusqu'en avril.
01:08:17 Vous êtes aujourd'hui déléguée aux relations institutionnelles,
01:08:20 rattachée au président du conseil d'administration de cette fondation.
01:08:24 Qu'avez-vous appris pendant six ans en tant que directeur général ?
01:08:27 Merci Anne.
01:08:30 Écoutez, je suis très heureux évidemment de retrouver Partagez Vies.
01:08:36 Je pense que ça va se débloquer.
01:08:38 Oui voilà, c'est bon.
01:08:40 Merci la régie.
01:08:42 Je viens ici effectivement en tant que retraité, retraité actif
01:08:51 et qui fait du cumul emploi retraite.
01:08:54 Je suis très heureux de pouvoir continuer à œuvrer pour Partagez Vies
01:08:59 et pour notre secteur sur toutes ses fonctions institutionnelles.
01:09:02 Mais effectivement en tant que retraité qui a eu déjà le temps depuis un mois
01:09:06 de prendre un peu de recul sur son expérience,
01:09:09 moins soumis à l'inquiétude des jours après jour,
01:09:16 qu'on partage toutes et tous en particulier avec les directeurs d'établissement.
01:09:22 Et effectivement j'ai pris un petit peu le temps de réfléchir,
01:09:25 à me dire au fond qu'est-ce que j'ai appris.
01:09:28 Alors ce sera peut-être un peu moins structuré que mes propos
01:09:33 tenus en tant que directeur général.
01:09:36 La première chose que j'ai apprise,
01:09:39 et elle me paraît absolument fondamentale,
01:09:42 mais vous l'avez toutes et tous dit à travers différents points de vue,
01:09:47 c'est que nous avons affaire dans nos métiers,
01:09:55 principalement celui de l'accompagnement des personnes âgées,
01:09:58 mais c'est vrai aussi pour le métier d'accompagnement
01:10:02 des personnes adultes, handicapées, que nous pratiquons aussi.
01:10:08 Nous avons justement affaire à des adultes.
01:10:11 Et je crois que ce point-là est absolument fondamental.
01:10:17 Je dirais qu'il mérite vraiment qu'on y réfléchisse de façon approfondie,
01:10:22 qu'on ait conscience que toutes les personnes qui interviennent avec nous,
01:10:27 bien sûr nos professionnels, mais aussi les familles,
01:10:35 mais aussi les résidents ou nos patients eux-mêmes,
01:10:41 aient conscience qu'ils sont des adultes
01:10:45 et que cette connaissance-là, elle est fondamentale
01:10:50 pour comprendre le sens de ce que nous faisons.
01:10:53 Parce qu'à partir du moment où on dit que ce sont des adultes,
01:10:59 et quelqu'un m'en a parlé un jour en parlant de la méthode Montessori
01:11:07 dont vous savez qu'elle nous est chère et qu'on cherche à la développer,
01:11:11 il m'a dit "oui, c'est effectivement intéressant votre approche de la méthode Montessori,
01:11:14 sauf qu'il y a deux approches très différentes.
01:11:17 Dans le cas des enfants, c'est des enfants à qui on apprend l'autonomie,
01:11:22 à qui on va emmener sur le chemin de l'autonomie,
01:11:27 alors que pour les personnes âgées, c'est une question de conservation de leur autonomie.
01:11:31 Et je trouve ça très intéressant parce qu'effectivement,
01:11:34 le sens de la méthode Montessori, ce n'est pas "aide-moi à devenir un adulte",
01:11:39 c'est "aide-moi à rester un adulte".
01:11:41 Et je trouve que du coup, cette connaissance fondamentale
01:11:45 qui revient expliquer à tout le monde pourquoi on ne doit pas infantiliser nos vieux,
01:11:50 je déteste ce "nos", je partage ça avec Catherine,
01:11:54 non, ce ne sont pas nos vieux, ce sont des adultes, ce sont des anciens,
01:11:59 j'aime bien la préférence de notre résidente pour ce terme d'ancien ou d'aîné,
01:12:05 ce sont des adultes, comme vous et moi,
01:12:09 et d'ailleurs, dès qu'on va gratter un peu dans leur désir, dans leur façon d'être,
01:12:15 comme le film à Jacques Bonvoisin le montrait de façon humoristique,
01:12:20 eh bien, ils ont des besoins, des désirs, des envies qui sont des envies d'adultes.
01:12:24 Donc ça, c'est le premier point fondamental, et je me permets d'insister là-dessus,
01:12:28 parce que, évidemment, ce sont des adultes qui souffrent d'une perte d'autonomie,
01:12:33 et quand la perte d'autonomie, en plus, elle est sur le plan cognitif,
01:12:36 c'est encore plus compliqué de les accompagner en tant que tels.
01:12:39 Mais c'est bien ça qu'il faut se dire, je suis là pour accompagner quelqu'un
01:12:43 qui doit rester autant que possible adulte jusqu'au bout de sa vie.
01:12:47 Premier renseignement fondamental.
01:12:50 Après, deuxième chose que j'ai appris, c'est, pardonnez-moi, qu'on a beaucoup de choses à apprendre.
01:12:57 Je suis revenu, puisque j'avais passé six mois à la Fondation en 2011,
01:13:04 en ayant déjà appris quelques petites choses,
01:13:06 je suis revenu, mais en ayant une connaissance de ce métier
01:13:10 qui était encore très parcellaire ou intuitive.
01:13:13 Et j'ai découvert le nombre de choses qu'il fallait savoir pour bien faire ce métier.
01:13:18 Il faut bien sûr une connaissance approfondie de tout ce que j'appellerais les savoirs somatiques,
01:13:28 la connaissance des pathologies, de ce que représente le vieillissement,
01:13:34 et ce savoir somatique, il est évidemment important, il est la base de notre travail.
01:13:44 C'est-à-dire qu'on a affaire à des personnes qui souffrent d'un certain nombre d'affections
01:13:48 et qui ne peuvent profiter de la vie que si on les soigne au moins de façon palliative
01:13:53 sur la connaissance de leur pathologie.
01:13:57 Et de ce point de vue-là, je pense qu'on a d'ailleurs encore des progrès à faire
01:14:01 pour bien comprendre les différentes pathologies auxquelles nous sommes confrontés
01:14:06 et comment accompagner au mieux les personnes.
01:14:10 Ce sont bien sûr tous les savoirs qu'on peut mettre sous le terme de psychologique ou de psychiatrique.
01:14:21 Là encore, c'est quelque chose qui m'a frappé.
01:14:24 Et peut-être que j'ai appris au fur et à mesure de l'exercice au sein de Partagez Vie.
01:14:29 C'est à quel point, bien sûr, on a un métier très matériel,
01:14:35 qui commence par la toilette, qui commence par les besoins fondamentaux
01:14:39 qui sont de se nourrir, de se laver, de s'habiller,
01:14:42 ensuite d'être dans la meilleure santé possible sur le plan physiologique.
01:14:48 Mais on s'aperçoit très vite que dans notre métier, quand on a fait ça,
01:14:51 on n'a fait que la propédiotique, un petit peu.
01:14:55 Et qu'après, il y a tout l'accompagnement de vie qui lui est absolument essentiel
01:14:59 et qui suppose une bonne intégration de ce que je définis pour moi
01:15:06 comme l'espèce de période de tempête psychologique que représente cette fin de vie.
01:15:10 C'est un moment où il y a plein de précipités.
01:15:12 La moindre visite dans un établissement, vous ne pouvez pas faire quelques mètres
01:15:16 sans que quelqu'un vienne vous parler de ses histoires de famille ou des choses comme ça.
01:15:19 Donc on voit bien que c'est absolument fondamental
01:15:21 et que si on n'a pas profondément ses connaissances psychologiques
01:15:26 pour accompagner les personnes, on va manquer quelque chose.
01:15:30 Et c'est pareil pour les compétences psychiatriques.
01:15:33 Je dis ça, je m'ose très largement au-dessus de ma condition
01:15:36 parce que je ne suis évidemment pas professeur de médecine, ni même docteur en médecine.
01:15:41 Mais il est évident qu'entre autres avec les personnes que nous accompagnons
01:15:46 et qui ont des troubles cognitifs, le fait d'avoir des connaissances
01:15:51 sur la façon de les accompagner a à voir avec ce que sont les compétences
01:15:57 qui sont développées en matière de psychiatrie.
01:15:59 Et quand vous regardez, y compris des questions qui se posent sur la liberté d'aller et de venir
01:16:03 par exemple dans nos établissements, c'est des questions qui au fond sont assez proches
01:16:06 des questions qui se posent dans les institutions psychiatriques.
01:16:10 Donc ça c'est la deuxième grande catégorie de savoir qu'il faut maîtriser.
01:16:20 Et puis il y a des compétences, des savoirs qui sont de l'ordre du savoir-être
01:16:26 mais qui s'apprennent aussi et sur lesquels il faut là aussi tous bien les maîtriser
01:16:34 que ce soit, on en a parlé, des capacités de communication, de la maîtrise,
01:16:39 de quand est-ce qu'on utilise ou pas à bon escient le second degré.
01:16:42 J'ai entendu le reproche que j'ai pris personnellement puisque j'étais l'auteur
01:16:47 de la formule "Les printemps du grand âge".
01:16:49 Et bien effectivement c'était du second degré, c'est vrai.
01:16:53 Et quand Anne dit "il faut faire attention au second degré",
01:16:57 je le prends pour moi et voilà, ça montre qu'il faut faire attention sur la communication.
01:17:02 Donc la communication, l'empathie, on parle de méthode Montessori,
01:17:08 tout ce qui est accompagnement à la prise d'autonomie, l'écoute,
01:17:11 voilà, tous ces sujets-là sont des sujets qui sont des savoirs qui doivent être partagés.
01:17:16 Et je citais tous ces savoirs parce que ce qui me paraît passionnant dans notre métier,
01:17:23 c'est que ces savoirs ne sont pas des savoirs de spécialistes.
01:17:27 On ne peut pas avoir le spécialiste de la médecine,
01:17:31 puis à côté le spécialiste de la psychologie, puis à côté le spécialiste, et ainsi de suite.
01:17:36 La réalité c'est qu'au quotidien, évidemment avec des responsabilités qui sont diverses
01:17:43 selon les postes que vous occupez au sein de l'établissement,
01:17:46 mais au quotidien tout le monde pratique l'ensemble de ces soins.
01:17:49 Et tout le monde doit utiliser d'une façon ou d'une autre ces différents savoirs.
01:17:53 Et donc un des challenges qu'on a, nous, c'est, déjà pour nos collaboratrices et collaborateurs,
01:17:59 quel que soit leur niveau d'intervention,
01:18:01 qu'est-ce qu'on doit leur donner comme connaissance sur ces différents savoirs,
01:18:04 parce que c'est en partageant ces connaissances qu'ils pourront bien faire leur travail.
01:18:08 Et ça je crois que c'est un vrai travail, encore une fois, d'accessibilité du savoir,
01:18:15 de vulgarisation au bon sens du terme, au sens de la vulgate,
01:18:19 qui était, si je ne me trompe la traduction de la Bible, pour qu'elle soit accessible.
01:18:25 Eh bien, ce sujet-là, il est absolument fondamental.
01:18:30 Et je vais même plus loin. On parlait de savoir à partager.
01:18:35 C'est un savoir à partager avec les professionnels, c'est aussi un savoir à partager avec les familles.
01:18:40 C'est aujourd'hui, une grande part des difficultés qu'on rencontre dans la relation avec les familles,
01:18:46 sont justement des différences d'appréciation et de projection sur ce qu'est le métier de l'EHPAD,
01:18:52 ce qu'est le vieillissement, ce que sont même les personnes.
01:18:55 Parce que, évidemment, sur mon premier message qui est "rappelez-vous que les personnes âgées
01:18:59 sont des adultes jusqu'au bout de la vie", les premiers destinataires de ce message,
01:19:03 ce sont les enfants. Les enfants qui croient, avec la meilleure foi du monde,
01:19:09 qu'ils sont responsables de leurs parents comme leurs parents étaient responsables d'eux.
01:19:15 Mais non, fondamentalement, c'est une erreur. C'est une erreur juridique, c'est une erreur psychologique,
01:19:19 c'est une erreur de soins. On pourrait passer des heures à expliquer pourquoi c'est une erreur.
01:19:24 Alors que ça paraît tomber sous le sens. Donc c'est pour ça qu'il faut faire partager ce savoir à tous.
01:19:31 Je voulais revenir sur un autre point, qui est le fait que, concernant nos professionnels,
01:19:41 tous ces savoirs sont des savoirs qui peuvent s'acquérir en formation initiale,
01:19:49 mais ce n'est pas forcément l'essentiel. Et qui peuvent surtout s'acquérir tout au long de la vie,
01:19:58 au long de la pratique professionnelle. Et parce que c'est la bonne façon d'acquérir ce genre de savoir.
01:20:05 Et en particulier quand on parle de nos collaboratrices et collaborateurs les moins qualifiés,
01:20:10 qu'on a parfois du mal à trouver, et à trouver avec les diplômes correspondants,
01:20:15 c'est évidemment la voie sur laquelle on doit s'engager.
01:20:19 Mais il y a un point, on en parlait avec quelques directeurs d'établissement il y a quelques temps,
01:20:26 il y a un point qui est que quand même, pour faire ce métier, c'est plutôt mieux d'avoir le don.
01:20:34 Si on n'a pas le don, c'est difficile de faire ce métier.
01:20:38 Et ce qu'on constate, c'est que les gens qui restent, les gens qui se plaisent dans ce métier,
01:20:43 c'est les gens qui ont le don. Et donc il faut qu'on travaille avec ces deux domaines.
01:20:47 Et puisque je partage, et vous n'en avez pas fini, avec Éric Fiat, le goût de citer Georges Brassens...
01:20:55 - Vous pouvez le chanter. Le chanter, c'est pas mal aussi.
01:20:59 - On pourra peut-être s'y risquer tout à l'heure, mais ça va vous emmener assez loin.
01:21:03 Là, je ne le chante pas, mais sans travail, un don n'est rien qu'une saine manie, n'est-ce pas Éric ?
01:21:08 Et autre façon de le dire aussi sur ce don, mais c'est aussi le sens de notre démarche éthique,
01:21:19 c'est que, comme disait Rabelais, et je trouve qu'entre Rabelais et Brassens, on est pas mal,
01:21:24 "sans conscience n'est que ruine de l'âme". Pardon, c'est une évidence, c'est un truisme,
01:21:29 mais je crois que là, en l'occurrence, ça s'applique très bien à notre métier.
01:21:34 Voilà, je suis évidemment plus long que je ne pensais.
01:21:39 Juste pour terminer, avant de faire un petit signe de complicité à Perla,
01:21:46 permettez-moi de vous appeler par votre prénom, même si on ne s'est pas encore rencontrés,
01:21:50 et à Éric, parce qu'avec les trois "Anne" ou "Anna", j'ai déjà une certaine complicité.
01:21:56 Avant de ce signe de complicité, peut-être un mot d'un autre aspect de la connaissance
01:22:02 qui me paraît important et qu'on a évoqué avec Yves-Agide il y a quelque temps,
01:22:08 pour préparer, entre autres, ces estivales, on rencontrait des personnes
01:22:12 qui faisaient la formation de base qu'assure Anna dans son institut de formation,
01:22:18 qui est la formation destinée à nos agents de soins, c'est-à-dire des personnes
01:22:23 qui sont recrutées pour faire du soin, mais sans avoir aucun diplôme dans nos établissements.
01:22:27 Je vous épargne l'acronyme de la formation d'Anna que je mets au défi quiconque
01:22:32 de me dérouler ici. Et donc ces personnes, on a eu un échange avec elles,
01:22:40 et c'était très intéressant pour deux choses. La première, c'est qu'il y avait des savoirs de base
01:22:45 qu'elles ne maîtrisaient pas, qui étaient les savoirs de l'expression orale et écrite.
01:22:49 Et donc le dialogue était compliqué, parce qu'on sentait bien qu'elles avaient des choses à nous dire,
01:22:53 sur la question de "qu'est-ce que vous savez, qu'est-ce que vous avez appris,
01:22:57 de quoi avez-vous besoin comme savoir, etc. Mais n'arrivaient pas à l'exprimer.
01:23:01 Donc on a passé deux heures à extirper un petit peu au fur et à mesure leurs paroles,
01:23:06 même s'il y a des moments où ça s'est libéré et où c'est devenu tout à fait passionnant.
01:23:11 Et puis à la fin de la discussion avec ces personnes, on débriefait leurs dames typos
01:23:19 et on en parle avec Yves Agil. Et Yves me dit "ah oui, c'est formidable, ces personnes,
01:23:24 elles sont vraiment très intelligentes". Et j'ai renchéri en disant "oui, je crois que vous avez raison,
01:23:31 elles ont l'intelligence du cœur". Et je voulais insister sur ces deux termes.
01:23:35 C'est-à-dire que c'est une question de cœur, c'est une question de, dans les savoirs,
01:23:40 savoir laisser la place à ses émotions, savoir laisser la place à tout ce qu'il y a de très affectif.
01:23:45 Il ne faut pas se raconter d'histoire dans ce métier. Mais savoir aussi, à un moment donné,
01:23:52 avoir une lecture sur les émotions qu'on ressent et donc avoir ce que j'appelle cette intelligence du cœur.
01:23:58 Je crois que si on arrive à faire que nos collaboratrices et collaborateurs en particulier
01:24:03 partagent cette intelligence du cœur, je crois qu'on fait un travail qui va bien dans le sens
01:24:07 de ce qu'on cherche à faire en matière d'éthique.
01:24:11 Voilà. Pour finir, je suis presque dans les temps, mais du coup, je vais nous mettre en l'air.
01:24:19 Je voulais juste dire à Perla et mettre au défi l'Assemblée des directrices et directeurs qui sont parmi nous
01:24:31 que j'ai anticipé ces désirs et que dans mes fonctions de relations institutionnelles,
01:24:40 je suis en train de travailler à l'idée de faire une série télé sur les personnes âgées.
01:24:47 - Avec des talents. - Bien sûr. - C'est une chose de le faire et de le dire avec qui on le fait.
01:24:51 - Bien sûr. - On vous fait confiance. - Et nous en reparlerons. - Volontiers.
01:24:55 Mais effectivement, avec la conviction que si on veut changer le regard, passer par le biais de la fiction
01:25:01 aujourd'hui est absolument indispensable et en particulier pour ce qui concerne nos collaborateurs.
01:25:05 On aura l'occasion d'en reparler. Alors désolé Catherine, on n'a pas eu le temps de beaucoup en parler entre nous,
01:25:10 mais il faut qu'on se lance dans un petit travail qui va être un travail de collecte d'anecdotes
01:25:14 comme toutes celles qu'on avait eues à propos de Jacques Bonvoisin, sur tout Partager vie,
01:25:18 pour qu'on constitue un peu de matériaux pour les nombreux épisodes que devrait compter cette série.
01:25:24 Et puis, le deuxième signe de complicité, donc je savais pour avoir discuté avec Eric à quelques occasions,
01:25:31 avoir assisté à ces conférences, que nous partageons notre goût pour ce grand philosophe de la vie qu'est Brassens.
01:25:38 Et je ne vais pas me risquer à le chanter, mais moi j'ai appris chez Brassens le sens d'un autre métier,
01:25:52 dans une magnifique chanson qui s'appelle "L'ancêtre".
01:25:55 Notre voisin l'ancêtre était un fier galant qui n'emmerdait personne avec sa barbe blanche,
01:26:02 et quand le bruit courut que les jours étaient comptés, on s'en fut à l'hospice afin de l'assister.
01:26:07 On avait emporté les guitares avec nous, car devant la musique ils tombaient à genoux,
01:26:12 excepté cependant les marches militaires, qu'il écoutait en se tapant les culs par terre.
01:26:19 Emule de Django, disciple de Krolla, toute la fine fleur des cordes était là,
01:26:24 pour offrir à l'ancêtre, en signe d'affection, en guise de viatique, une ultime audition.
01:26:29 Hélas, les carabins ne les ont pas reçus, les guitares sont restées à la porte cochère,
01:26:34 et le dernier concert de l'ancêtre déçu, ce fut un pot pourri de cantiques peu chères.
01:26:39 Quand nous serons ancêtres, du côté de Bicêtre, pas de musique d'orgue au nom,
01:26:44 pas de chant liturgique pour qui avale sa chic, mais des guitares crénant de noms,
01:26:49 mais des guitares créant de noms. On avait apporté quelques litres aussi,
01:26:53 car le bonhomme avait la fièvre de Bercy. Et les soirs de Nouba, paroles de tavernier,
01:26:58 à rouler sous la table, il était le dernier. Saumur entre deux mers, Beaujolais, Marsala,
01:27:04 toute la fine fleur de la vigne était là, pour offrir à l'ancêtre, en signe d'affection,
01:27:09 en guise de viatique, une ultime libation. Hélas, les carabins ne les ont pas reçus,
01:27:14 les litres sont restés à la porte cochère, et le coup de l'étrier de l'ancêtre déçu,
01:27:20 ce fut un grand verre d'eau bénite peu chère. Quand nous serons ancêtres, du côté de Bicêtre,
01:27:25 ne nous faites pas boire au nom de ces eaux minérales, bénites ou lustrales,
01:27:31 mais du bon vin créant de noms. On avait emporté les belles du quartier,
01:27:35 car l'ancêtre courait la gueuse volontiers. Pardonnez-moi, mesdames, on était avant Mithout.
01:27:40 De sa main toujours leste et digne cependant, il trossait les jupons par n'importe quel temps.
01:27:47 Depuis Manon Lescaut, jusque à Dalida, toute la fine fleur du beau sexe était là,
01:27:52 pour offrir à l'ancêtre, en signe d'affection, en guise de viatique, une ultime érection.
01:27:58 Hélas, les carabins ne les ont pas reçus, les belles sont restées à la porte cochère,
01:28:02 et le dernier froufrou de l'ancêtre déçu, ce fut celui d'une robe de...
01:28:07 Pardonnez-moi, d'une robe de burpe chère.
01:28:10 Quand nous serons ancêtres, du côté de Bicêtre, pas d'enfants de mari au nom,
01:28:15 remplacez-nous les nonnes par de belles mignonnes, et qui fument, créant de noms,
01:28:19 et qui fument, créant de noms. Voilà.
01:28:22 Moi, avec tout ça, j'ai appris le programme de ce qu'il fallait qu'on fasse
01:28:26 au sein de Partagez Vie. On est là pour donner de la vie à nos résidents.
01:28:31 Vous l'avez vu dans l'exemple de Jacques Bonvoisin, où ils nous ont fait ça de façon magnifique.
01:28:39 J'ai reconnu quelques grands acteurs de rap, en particulier M. Yain.
01:28:45 Et je crois que cette vie qu'on partage, c'est ce savoir-vivre qui est le savoir le plus essentiel
01:28:55 pour bien faire notre messier. Merci beaucoup.
01:28:58 Merci Dominique. Je voudrais qu'on applaudisse tous nos intervenants qui ont été formidables.
01:29:08 Merci à vous d'être venus. J'ai deux informations pratiques.
01:29:18 Le podcast des estivales sera prochainement disponible sur la chaîne YouTube
01:29:22 de la Fondation Partagez Vie. Et puis le livre des estivales 2023 sera publié au PUF
01:29:27 à l'automne prochain. Et puis j'ai une dernière information extrêmement importante.
01:29:33 Un pot de la mitié vous est offert hors Rêdes-Jardins. Merci.
01:29:37 Merci.
01:29:43 [Musique]
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