Taxe carbone sur le transport maritime : "Les solutions fiscales sont le seul moyen de répondre de façon planétaire au changement climatique", explique Mélinda French Gates

  • l’année dernière
Melinda French Gates, co-présidente de la Fondation Bill-et-Melinda-Gates, était l'invitée de franceinfo jeudi 22 juin.

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00:00 L'invité éco, Isabelle Raymond.
00:04 -Bonsoir à tous. L'invité éco ce soir,
00:10 depuis l'ancienne Bourse de Paris, le Palais Brongniart,
00:13 où se tient pendant deux jours le sommet
00:15 pour un nouveau pacte financier mondial.
00:18 C'est son nom à l'initiative du président de la République,
00:22 Emmanuel Macron.
00:23 Et vous y participez, Melinda French-Gates.
00:27 Bonsoir.
00:28 -Merci d'avoir choisi France Info.
00:32 Avec Bill Gates, le fondateur de Microsoft,
00:35 vous avez créé une fondation
00:37 qui draine des dizaines de milliards de dollars.
00:41 Qu'est-ce que vous vous êtes venue dire aujourd'hui ici ?
00:45 Quel est votre message principal ?
00:47 -Mon message, c'est que nous avons vraiment besoin
00:51 d'écouter les pays du Sud global.
00:54 Ils sont extrêmement impactés par le changement climatique.
00:58 Nous devons écouter leurs besoins
01:00 et nous devons aussi les aider avec leur dette
01:03 et injecter davantage d'argent dans le système
01:05 pour qu'ils puissent faire des investissements
01:07 pour leur développement, pour la santé,
01:09 pour l'éducation de leur population,
01:11 car leur population se développe
01:13 et elle aura aussi plus d'opportunités d'emploi
01:16 et ça permettra de répondre aux problèmes du changement climatique.
01:20 -Vous participez à des tables rondes depuis ce matin.
01:23 À qui vous vous adressez en particulier ?
01:26 Est-ce que c'est plutôt aux pays les plus riches
01:28 ou est-ce que c'est aux institutions internationales
01:32 type FMI et Banque mondiale ?
01:35 -Eh bien, nous nous adressons
01:38 à toute l'architecture financière mondiale,
01:41 donc le FMI, la Banque mondiale,
01:43 mais aussi la Banque asiatique de développement,
01:45 la Banque africaine de développement.
01:47 Et bien sûr, ils ont aussi des actionnaires,
01:50 des parties prenantes.
01:51 Donc nous disons à toutes les nations, en particulier le G7,
01:54 que nous ne pouvons pas laisser le monde derrière nous.
01:57 Nous devons continuer à faire des investissements
01:59 pour que les pays non seulement survivent,
02:01 mais aussi prospèrent.
02:02 Et nous devons les aider à affronter les chocs
02:04 qu'ils affrontent déjà à cause des changements climatiques.
02:07 -Alors, en 2009, on avait promis 100 milliards de dollars par an
02:11 aux pays les plus pauvres pour, justement,
02:14 le changement climatique.
02:15 Après le Covid, on leur a promis 100 milliards de plus
02:18 par le biais du FMI,
02:20 mais aujourd'hui, les pays les plus pauvres
02:21 n'ont reçu que 40 % de ces sommes.
02:24 Quel est le problème ? Qu'est-ce qui bloque, à votre avis,
02:26 Mélinda French-Gates ?
02:28 -Eh bien, quand la 1re promesse avait été faite,
02:32 on ne savait pas que la pandémie allait arriver, bien sûr.
02:34 La pandémie mondiale que nous avons tous affrontée.
02:37 Et bien sûr, ce que ça a provoqué,
02:39 c'est que ça a mis en retard beaucoup de systèmes de santé,
02:43 beaucoup de populations, beaucoup de systèmes éducatifs.
02:47 Beaucoup de pays riches
02:50 ont pu prendre sur leur PIB
02:53 pour investir là-dedans et pour préserver le système,
02:56 alors que les pays les moins avancés n'ont pas pu faire ça.
02:59 Du coup, leur dette aujourd'hui est énorme
03:01 parce qu'ils ont dû investir.
03:03 Et puis en même temps, ils ont affronté aussi
03:04 des catastrophes climatiques, comme à Madagascar,
03:06 où il y a eu 2 cyclones pendant ce temps-là.
03:08 Donc comment leur demander de prendre sur leur PIB
03:12 et ne pas gérer la crise alimentaire
03:16 que connaît leur population ?
03:17 Donc nous devons vraiment être solidaires
03:20 au niveau mondial pour résoudre ces problèmes.
03:21 -Et on voit que pour la 1re fois depuis 30 ans,
03:24 la pauvreté a cessé de reculer.
03:27 Est-ce que c'est quelque chose qui vous inquiète ?
03:29 -Oui, absolument. Bien sûr que ça m'inquiète.
03:33 La pauvreté était en train de diminuer,
03:36 de reculer, la mortalité maternelle était en train de reculer.
03:40 Tous ces chiffres-là...
03:42 Nous étions en train de progresser au niveau mondial,
03:45 mais à cause de la pandémie, tout ça s'est interrompu,
03:48 et même certaines tendances se sont inversées.
03:50 Ca ne devrait pas être le cas.
03:51 Si nous faisons les bons investissements,
03:53 il y a beaucoup de jeunes qui sont aujourd'hui
03:55 en train de grandir sur le continent africain
03:58 qui vont pouvoir créer des emplois si on investit
04:00 dans leur éducation et leur santé.
04:02 Donc il faut investir aujourd'hui et alléger le fardeau de la dette
04:05 pour que tout le monde puisse participer à l'économie mondiale.
04:07 -Et ça fait partie des points positifs.
04:10 La restructuration de la dette des pays les plus pauvres,
04:13 c'est un sujet qui devrait avancer.
04:15 On parle de restructurer la dette de la Zambie, du Ghana, du Sri Lanka.
04:20 Vous qui connaissez bien le secteur privé,
04:23 est-ce que vous avez l'impression que ces dettes
04:25 qui ont progressé avec, en plus, les taux d'intérêt
04:28 qui ont augmenté, est-ce que ces dettes,
04:30 c'est un boulet supplémentaire aux pieds des pays les plus pauvres ?
04:34 -Je pense que le secteur privé a un rôle à jouer.
04:39 Il y a une architecture financière mondiale
04:41 qui commence au niveau de l'investissement des Etats.
04:43 C'est vraiment la part la plus importante de ces financements.
04:45 Mais bien sûr, le secteur privé en fait partie.
04:48 Vous avez entendu aujourd'hui l'annonce de la Banque mondiale
04:52 pour inciter le secteur privé à investir
04:55 non seulement dans l'adaptation au changement climatique,
04:56 mais aussi à l'innovation.
04:58 Et bien sûr, il y a un rôle à jouer du secteur privé
05:00 dans la santé, dans l'éducation.
05:03 Donc nous devons tous nous impliquer,
05:04 mais en tout cas, il ne faut pas s'illusionner.
05:07 C'est vraiment les financements importants des Etats
05:12 qui créent le changement.
05:13 Et ensuite, ça fait monter à une échelle supérieure
05:17 les investissements privés.
05:18 -Est-ce que vous pouvez nous donner un exemple
05:20 d'investissement que vous avez réalisé ?
05:23 J'imagine que c'est important pour vous
05:25 que le secteur privé montre l'exemple,
05:27 qu'il montre qu'il est possible d'investir aujourd'hui
05:30 dans les pays en voie de développement.
05:31 -Oui, bien sûr.
05:34 Par exemple, nous avons investi
05:38 dans les semences résistantes à la sécheresse
05:41 et aux inondations, parce qu'il y a de plus en plus de pluies,
05:44 beaucoup plus fréquentes en Afrique,
05:46 et ensuite aussi des sécheresses sévères.
05:49 Donc il faut avoir ce type de graines.
05:52 Mais si on a aussi le secteur privé qui développe des marchés
05:56 de manière à permettre à ses produits
06:00 d'arriver dans l'économie mondiale,
06:03 d'être diffusés dans l'économie mondiale, ça aide aussi.
06:07 Ce qu'on fait aujourd'hui aussi,
06:09 c'est qu'on développe les infrastructures numériques publiques.
06:13 Par exemple, les comptes bancaires.
06:16 Quand une femme a un compte bancaire sur son téléphone,
06:19 même si elle ne sait pas lire et écrire,
06:21 elle peut l'utiliser avec son empreinte digitale
06:26 sur son téléphone et elle peut économiser
06:28 grâce à sa gestion de son compte bancaire.
06:30 Et donc en cas de catastrophe, elle va pouvoir aussi réagir
06:33 pour sa famille et préserver son avenir et celui de sa famille.
06:36 -Alors un autre investissement de la part du secteur privé
06:40 peut être par le biais de la fiscalité.
06:42 Vous avez dû entendre parler de cette initiative
06:45 du président Macron, qui veut mettre en place
06:47 une taxe carbone sur le secteur maritime,
06:51 sur les armateurs qui ont fait des bénéfices gigantesques,
06:54 vous le savez, grâce au Covid.
06:56 Qu'est-ce que vous pensez de cette initiative ?
06:58 -Je pense que nous devons regarder
07:02 toutes les solutions fiscales et toutes les structures fiscales.
07:05 Le président Macron a été incroyable dans ce sommet
07:08 parce qu'il a vraiment écouté la voix des pays du Sud
07:12 pour répondre à leurs besoins
07:14 et essayer d'envisager toutes les solutions possibles
07:17 et toutes les racines au problème.
07:20 Il a proposé cette solution, il en a proposé d'autres,
07:22 d'autres en ont proposé d'autres.
07:24 Nous, en tant que fondation, nous voulons explorer
07:27 toutes sortes de possibilités de taxation
07:29 et de fiscalité et de financement.
07:31 C'est le seul moyen de répondre solidairement
07:34 au niveau planétaire, aux changements climatiques
07:37 et en même temps permettre aux pays moins avancés
07:40 de faire leur transition pour arriver
07:42 dans le groupe des pays plus avancés.
07:43 -Alors, une dernière question.
07:44 Qu'est-ce qui ferait que vous, Melinda French-Gates,
07:48 demain, à l'issue de ce sommet, vous vous disiez
07:51 "Je ne suis pas venue pour rien, c'est un sommet réussi."
07:54 -Si demain, à la fin du sommet,
07:58 nous avons vraiment des financements proposés,
08:01 il y a eu plusieurs annonces inattendues aujourd'hui
08:04 dans lesquelles je ne m'attendais pas.
08:05 Si nous avons de réelles propositions de financement
08:08 et des solutions structurelles pour avancer,
08:11 alors je pense que les étapes proposées
08:15 par le président Macron pour rassembler le monde
08:19 vont nous permettre de suivre pour le prochain sommet à Marrakech
08:24 et ensuite pour la prochaine COP à la fin de l'année
08:26 et de faire une réelle différence.
08:28 On ne parlait pas de cette architecture financière
08:31 au début de l'année.
08:33 On ne parlait pas de tout ça il y a encore un mois.
08:36 Maintenant que cette infrastructure est en train de se faire
08:39 et que ces annonces ont été faites aujourd'hui,
08:41 il y en aura d'autres, à mon avis, demain,
08:42 nous voyons les financements arriver
08:44 pour réellement changer les choses dans le monde
08:46 et ça me donne de l'espoir.
08:47 -Merci beaucoup, Melinda French-Gates.
08:51 "French", c'est votre nom de jeune fille,
08:54 Melinda, la française,
08:55 coprésidente de la fondation Bill et Melinda Gates.
08:59 Vous étiez l'invité éco de France Info ce soir.
09:02 Merci de m'avoir reçu, Isabelle.

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