25 ans après l'assassinat de Lounès Matoub, sa veuve, qui se trouvait à ses côtés au moment du drame, revient aujourd'hui sur la décennie noire en Algérie. Nadia Matoub est l'invitée de 9h10.
Retrouvez "L'invité de Sonia Devillers" sur
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-9h10
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00:00 Sonia, votre invitée ce matin était l'épouse de Lounès Matoub.
00:03 Voilà, qui est mort il y a pile 25 ans.
00:06 Bonjour Nadia Matoub.
00:07 Oui bonjour.
00:08 Merci d'être notre invitée, merci d'être avec nous ce matin sur France Inter pour la
00:13 réédition d'un album culte, d'un album mythique, cette lettre ouverte avec des documents,
00:22 avec des poèmes, avec des photos, avec des facsimilés, on va en parler ensemble.
00:27 Lounès Matoub, pour ceux qui ne le connaissent pas, pour la plus jeune génération, est
00:33 mort assassiné en 98, il avait un peu plus de 40 ans, c'est ça ?
00:37 Il avait 42 ans.
00:38 Il avait 42 ans, vous en aviez 22.
00:40 Vous étiez à ses côtés ce jour-là.
00:42 Quelques mots d'abord sur cette… ça a été un immense chanteur, un immense artiste,
00:49 un immense symbole de la défense de la culture berbère.
00:53 Il l'est toujours.
00:54 Il l'est toujours, absolument.
00:55 Ça, au moins, ils n'auront pas réussi à lui enlever.
01:00 J'aimerais que vous nous racontiez comment il est venu à la musique, parce qu'en réalité,
01:06 il est venu à la musique et il est venu à la langue et à la poésie sans apprendre.
01:09 Premièrement, je suis l'épouse de Lounès Matoub, je suis toujours l'épouse de Lounès
01:16 Matoub.
01:17 J'aimerais d'abord qu'on rappelle les faits.
01:20 Le 25 juin, quand vous dites que Lounès a été assassiné, c'est un assassinat.
01:25 Le 25 juin 1998, ça fait 25 ans.
01:28 C'est un événement qui revient chaque année, même si moi je n'oublie pas.
01:33 Vous venez de dire que j'étais avec lui dans la voiture, ainsi que mes deux petites
01:38 sœurs.
01:39 Nous étions blessés tous.
01:40 Lounès a été assassiné.
01:42 L'assassinat a eu lieu en Algérie.
01:45 Oui, c'est quelque chose qui a provoqué des émeutes violentes en Kabylie.
01:53 Nous avons perdu, les jours qui ont suivi l'assassinat de Lounès, trois jeunes, 17,
02:00 18 et 22 ans.
02:02 Il faut raconter ça Nadia, parce que quand la Kabylie a appris que Lounès Matoub était
02:11 blessé et qu'il avait pris sa mort, ça a été un soulèvement populaire absolument
02:17 incroyable.
02:18 Un choc qui a provoqué ce soulèvement.
02:20 Mais pourquoi il y a eu ce soulèvement populaire ? Pourquoi ces jeunes sont sortis dans la
02:26 rue manifester, dire leur douleur, dire le choc qu'ils ont reçu à l'assassinat de
02:32 Lounès Matoub ? C'est un grand artiste Lounès, plus que ça.
02:38 C'est une référence, c'est celui sur lequel la jeunesse particulièrement kabylie
02:45 comptait.
02:46 On se sentait, même moi avant de le connaître, on se sentait porté par Lounès.
02:52 On avait confiance en lui, Matoub Lounès est pour nous une référence, pour beaucoup
02:57 une figure paternelle.
02:59 Jusqu'à présent, il faut savoir que maintenant, beaucoup d'ailleurs, même juste après
03:04 son assassinat, énormément de nouveaux-nés garçons sont appelés Lounès.
03:12 Donc après le 25 juin 98 ou le jour de l'assassinat, jusqu'à présent quand on rencontre des gens
03:22 autour de nous, on a le souvenir d'une journée, je ne sais pas si on peut décrire ça, mais
03:29 une journée très sombre.
03:30 On avait l'impression que même le ciel était devenu noir, que c'était vraiment quelque
03:36 chose qui nous arrivait à tous.
03:39 C'est quelque chose qui est arrivé à Lounès, il a été assassiné, mais c'est quelque
03:43 chose qui est arrivé à toute la kabylie et dans toutes les terres de Temezra.
03:48 Parce qu'il faut savoir que jusqu'à présent, que ce soit en kabylie, que ce soit chez tous
03:56 les berbères, les amazirs, Lounès, c'est le porte-drapeau de la lutte premièrement
04:03 identitaire.
04:04 Donc on le connaît d'abord pour ça.
04:06 Donc il a porté cette lutte et c'est quelque chose de très important.
04:10 Il demeure la référence, il demeure la force dont nous avons besoin aujourd'hui pour
04:17 continuer parce que nous sommes toujours menacés.
04:20 Nous sommes toujours, moi en tant que kabyle, je suis menacée jusqu'à présent dans
04:25 mon existence.
04:26 Nadia, je vous fais écouter le témoignage d'une femme.
04:30 C'est vraiment dans les jours qui ont suivi l'assassinat de votre mari.
04:36 Justement, c'est ce cri du cœur au micro pour dire son identité culturelle et pour
04:42 dire qu'elle continuera de se battre.
04:45 Personnellement, je ne suis pas arabe, je ne parle pas la langue arabe.
04:49 Je veux rester fidèle à mes origines, à l'origine de mes arrière-arrières-grands-parents.
04:57 Voilà ce que je veux dire.
04:58 Mais cela ne veut pas dire que je ne suis pas musulmane, que je ne suis pas algérienne.
05:02 Je suis algérienne à 100%.
05:03 Il faut que vous nous racontiez, d'abord à ma génération qui était jeune à l'époque
05:11 et puis pour ceux qui sont nés en France, pourquoi les Berbères se sentaient si menacés
05:17 à l'époque, si menacés dans la continuité de leur langue, la pérennité de leur culture
05:22 et de leur identité ?
05:23 Nous sommes toujours menacés.
05:25 Notre culture, notre identité culturelle est menacée.
05:29 Pourquoi ? Que ce soit en Algérie, au Maroc, en Tunisie, en Libye, tous les Amazigh sont
05:39 menacés.
05:40 Je vais prendre notre exemple d'abord.
05:43 Moi, en tant que Kabyle, j'ai toujours vécu d'une façon violente.
05:48 Moi, je suis Kabyle, je parle Kabyle.
05:52 Ma langue maternelle est Kabyle.
05:54 Donc cette langue, on nous l'a refusée.
05:56 On a vécu, on a subi le déni.
05:59 Cette langue, on nous l'a refusée.
06:01 À l'école, ce n'est pas…
06:03 Le premier choc, c'est quand on entre à l'école et le premier choc, c'est là
06:10 qu'on le croise.
06:11 Donc on nous dit, on a essayé de faire de nous d'autres personnes, de construire en
06:16 nous une autre identité.
06:17 Donc une identité qui n'est pas la nôtre.
06:21 Donc notre langue n'est pas enseignée.
06:24 Puisque ça, je reviendrai sur quelque chose de très important.
06:28 Alors le témoignage de cette femme, elle parle effectivement du fait qu'on veut nier
06:32 notre identité et nier nos racines.
06:35 Au contraire, c'est dans la provocation et quand on s'acharne contre une cause,
06:43 que justement ceux qui luttent pour cette cause s'élèvent et se révoltent encore
06:48 plus.
06:49 Pourquoi ne pouvons-nous pas vivre notre identité, notre existence en toute liberté ?
06:59 - Alors, je vais vous faire écouter la voix de votre mari.
07:03 On était en 1995.
07:04 Il était invité à la télévision française.
07:06 Il était invité dans une émission qui s'appelait "Le cercle de minuit" et qui était animée
07:12 à l'époque par ma consoeur Laura Adler.
07:15 Il se savait menacé.
07:19 Il se savait systématiquement menacé.
07:22 On l'écoute.
07:23 - Moi je sens que je vais retourner prochainement.
07:24 Je sais peut-être que je vais faire partie du lot des prochaines victimes.
07:30 Je vais mourir peut-être dans un mois ou deux.
07:33 - À ce moment-là, Laura Adler lui dit non, non, il ne faut pas retourner en Algérie.
07:40 C'est trop dangereux.
07:41 - Madame, je vais y retourner.
07:43 Excusez-moi, mais il faut que j'y retourne.
07:45 J'ai mon combat à mener.
07:46 Il faut savoir distinguer entre la vie et la mort.
07:50 Les deux sont belles.
07:51 Moi, je préfère mourir pour mes idées que de mourir de lassitude ou de vieillesse dans
07:57 mon lit.
07:59 - Voilà, évidemment, on est en 1995 et il va mourir trois ans plus tard.
08:03 Nadia Matoub, entre 1988 et 1998, dix ans, où cet homme avance courageusement et il
08:14 est un perpétuel survivant.
08:16 C'est-à-dire qu'il est en 1988 intercepté par des gendarmes qui lui tirent dessus.
08:21 Il va subir 14 opérations chirurgicales.
08:24 Il va remonter sur scène avec des béquilles.
08:28 Il va échapper à une explosion, à une attaque à la bombe pendant une marche à Alger.
08:34 Il va être enlevé par le GIA.
08:37 C'est à ce moment-là que l'on a l'air.
08:39 C'est juste après.
08:40 Il va subir une séquestration atroce pendant 16 jours.
08:44 C'est évident qu'après, il est menacé de mort et qu'en fait, tout le conduisait
08:50 à arrêter la chanson et à arrêter le militantisme.
08:53 Il a refusé d'arrêter.
08:54 Il ne pouvait pas arrêter.
08:56 C'est lui, c'est le Nesmatoub.
08:58 Là, on l'entend effectivement, c'est après son enlèvement en 1994.
09:02 Il a été enlevé le 25 septembre 1994.
09:05 Il a été séquestré pendant 15 jours et 16 nuits.
09:10 Il a subi quelque chose d'extrêmement traumatisant, ce qui ne l'a pas empêché de continuer.
09:15 Il a dit d'ailleurs plus tard, 15 nuits de séquestration, c'est 15 nuits de mort consécutive.
09:20 Ce qui lui a laissé effectivement des séquelles sur le plan psychologique.
09:24 Mais ça n'en est pas là.
09:26 Quand il dit effectivement, il doit continuer même s'il va mourir.
09:29 Ça ne veut pas dire qu'il veut mourir.
09:31 Ce n'est pas normal qu'on meure pour ses idées.
09:34 Absolument pas.
09:35 D'ailleurs, il avait l'habitude de reprendre.
09:37 Lui qui a porté toutes les victimes, notamment les victimes du terrorisme ou les intellectuels
09:43 qui ont été assassinés pendant des décennies noires, notamment Tahar Jaout.
09:47 Il le reprend souvent parce qu'il disait "si tu parles, tu meurs, si tu t'es, tu meurs,
09:52 alors parlez, meurs".
09:53 C'est une phrase que Lounès reprend souvent.
09:55 Mais lui, il reprend derrière en disant "moi, je veux parler, mais je veux vivre".
09:59 Donc Lounès avait envie de vivre.
10:01 C'était quelqu'un qui aimait la vie.
10:02 Mais quand on est face, quand on vit l'injustice et qu'on est face à l'oppression, on ne
10:09 peut pas se taire.
10:10 Et lui, il était investi par cette cause.
10:14 Et à la fin des années 80, il y a des photos de lui en concert à l'Olympia où il monte
10:20 sur scène en treillis.
10:21 Oui, mais pourquoi il monte justement avec ce tenue ?
10:25 À l'Olympia à Paris.
10:26 Oui, mais pourquoi il monte à l'Olympia ?
10:27 Lui, il voulait être en Kabylie parce que justement, il y a eu le soulèvement en Kabylie.
10:32 Il y a eu une répression violente contre ceux qui se sont soulevés en Kabylie le 20 avril
10:40 80.
10:41 Il est monté en scène en treillis, en tenue de combat pour dire qu'il est là pour lutter.
10:48 Et qu'il l'a exprimé d'ailleurs dans son livre.
10:50 Il voulait tellement être en Kabylie à cette occasion.
10:53 Mais c'est un signe pour dire qu'il est en solidarité avec les Kabyles et qu'il est là
11:00 pour se battre.
11:01 Il est 9h19 sur France Inter.
11:05 On écoute "L'homme pâle".
11:07 C'est notre choix musical du jour.
11:10 Et après avec vous Nathia Matoub, on va se plonger dans les mots, les notes choisies
11:16 par Nathia Matoub.
11:17 Elle m'a menti pour me protéger.
11:19 Je suis un glouton, j'ai tout mangé.
11:23 Oh ça y est, ça fait deux mois, je suis plus qu'une moitié, je suis plus que moi.
11:31 Et me voilà à parler à une photo de nous sur le quai.
11:36 Elle a l'air si guère, comment deviner ? Ce qui l'a animée, ce qui l'a fait, quittez
11:45 la fête.
11:46 Rien qu'une petite entaille, évidemment que je vais pas taille.
11:54 Je suis à peu près sûr d'être à peu près quelqu'un de solide.
11:59 A quoi tu penses ? Quelle est ta tête ? Quelle est ta tête ? Quelle est ta tête ? Quelle
12:19 est ta tête ? A quoi tu penses ? Qu'est-ce que tu bricoles ? Tennis, je parie que tu
12:33 colles, que ton service te rend folle.
12:37 Ce soir je reverrai ton match avec un peu d'alcool.
12:41 D'ailleurs j'ai prévu de pas dépasser ma moitié du lit, juste au cas où tu voudrais
12:48 revenir cette nuit.
12:49 Je te demanderai même pas de raison.
12:52 Je veux juste qu'on fasse comme si t'avais pas quitté la maison.
12:56 Y'a deux saisons, mais c'est rien.
12:57 Rien qu'une petite entaille, je suis à peu près sûr d'être à peu près quelqu'un
13:08 de solide.
13:09 Rien qu'une petite entaille, évidemment que je vais pas taille, je suis à peu près
13:32 quelqu'un de solide.
13:39 L'homme pâle chante à peu près et moi je remercie pas à peu près, je remercie vraiment
13:45 du fond du cœur Lucie Lemarchand, Grégoire Nicolet, Edouard Ntela, Jean-Baptiste Odibert
13:50 et une mention spéciale à la délicieuse et talentueuse Elisabeth Rouvée qui a passé
13:54 cinq mois à nos côtés.
13:56 Quel plaisir, quelle aide précieuse tu nous as apporté.
13:59 Bonne chance pour la suite, Mademoiselle Rouvée.
14:02 France Inter, le 7 9 30, l'interview de Sonia De Villers.
14:09 Sonia De Villers - Nadia Matoub est mon invitée.
14:36 Nadia Matoub, l'épouse de Lounès Matoub, immense chanteur algérien d'expression
14:42 kabyle, assassiné il y a 25 ans.
14:45 C'est l'anniversaire de sa mort.
14:47 On entend, vous voulez nous raconter Nadia ce qu'on entend ?
14:50 Nadia Matoub - Je voulais dire que j'évite en général d'écouter l'hymne.
15:04 Tout simplement c'est ce qu'on écoutait le jour de l'attentat à ce moment-là.
15:12 Mais bien sûr je peux dire un mot, c'est juste pour vous dire que je n'ai pas l'habitude
15:17 de l'écouter.
15:18 Sonia De Villers - Eh bien j'en suis désolée d'avoir remué un souvenir aussi douloureux.
15:22 Nadia Matoub - Ce n'est pas un souci.
15:25 On avait dit beaucoup à Lounès qu'il ne fallait pas toucher pour eux l'hymne national
15:31 et sacralisé.
15:32 On ne peut pas dire à Lounès Matoub ce qui est sacralisé, ce qui sacralise lui c'est
15:41 la liberté et rien d'autre.
15:42 Il dénonce l'arabisation, il dénonce l'islamisation.
15:49 Sonia De Villers - Donc il a réinterprété l'hymne national.
15:52 Nadia Matoub - En dénonçant justement l'arabisation et l'islamisation, en dénonçant ce qu'est
16:00 devenu le pays qu'il espérait autrement.
16:04 Sonia De Villers - Et c'est intéressant parce que cet hymne national il est au cœur
16:08 d'enjeux et de tensions très politiques dans l'Algérie d'aujourd'hui.
16:11 Je n'ai pas très bien compris votre question.
16:17 Nadia Matoub - C'est pas grave, on en reparlera parce qu'on n'est pas obligé de parler
16:20 de la politique algérienne aujourd'hui.
16:22 Ce qui est intéressant c'est qu'il y a une réédition de Lettre ouverte, cet album
16:27 très important dans la carrière de Lounès Matoub qui a compté et qui compte justement.
16:33 Ce morceau extrêmement long, construit de manière très caractéristique avec un enchaînement
16:40 de musiques différentes et que vous accompagnez cet album de photos, de facsimilés, de textes
16:49 de poèmes.
16:50 Ce qui est important c'est de comprendre que c'est quelqu'un qui était attaché
16:53 à la langue, qui était attaché aux mots, c'était un immense écrivain aussi.
16:57 Et pourtant c'est quelqu'un qui a été un rebelle dès l'école, qui a eu beaucoup
17:02 de problèmes avec l'école.
17:04 Comment il a appris la langue ?
17:06 La langue c'est sa langue maternelle, c'est tout naturel.
17:11 La chanson c'est avec la langue kabyl.
17:18 C'est important qu'il chante en kabyl.
17:20 Avec quelque chose qui est vraiment de l'ordre de la transmission orale, la transmission
17:24 des contes, la transmission des récits et la transmission de la musique.
17:28 C'est très riche chez Lounès Matoub.
17:31 Moi-même jusqu'à présent il y a des mots que je ne comprends pas.
17:34 Il est très jeune, il a su puiser, que ce soit chez les vieux du village, chez sa mère,
17:45 chez d'autres.
17:46 Il a cette volonté et cet amour vraiment incroyable, cet amour sincère pour sa langue,
17:57 pour son identité.
17:59 Nadia Matoub, on a parlé de la façon dont il a tenu tête au régime, dont il a dénoncé
18:04 l'autoritarisme, dont il a dénoncé la corruption.
18:06 Il faut dire aussi à quel point il a défendu la laïcité au péril de sa vie pendant la
18:11 décennie noire.
18:12 Exactement.
18:13 Il a dit, je pense que vous avez peut-être même d'autres extraits de ses passages ici
18:20 dans les médias français, où il parlait de ça, du fait qu'il a le droit de choisir
18:27 sa religion, de choisir de ne pas avoir de religion.
18:31 Lui n'était pas d'ailleurs musulman, l'ounès, mais ça ne veut pas dire qu'il ne respectait
18:37 pas les autres.
18:38 Et c'est ça qu'il défendait, c'est le vivre ensemble, c'est de choisir.
18:43 Dans le dernier album qui est édité pour la première fois en vinyle, à l'occasion
18:50 des 25 ans de sa mort, de son assassinat, il y a une chanson, "L'Ahqd Zahir".
18:57 C'est celle que vous avez choisie ?
18:59 Non, vous l'avez choisie.
19:02 Alors, celle-là.
19:04 Parce que moi je n'arrive pas à prononcer.
19:07 C'est ça.
19:08 Je dis à Lucie, c'est la troisième sur notre liste.
19:12 On va vous la faire écouter.
19:14 Dites-nous ce que c'est.
19:15 Alors, là, l'ounès dénonce.
19:18 C'est celle-ci ?
19:19 C'est ça.
19:20 Je ne vous traduireai pas de façon sanitaire.
19:39 Mais "L'Ahqd Zahir", c'est "Il dénonce ce qui arrive".
19:44 "Toudrin ennard" c'est les villages kabiles.
19:48 Ils dénoncent ça.
19:49 Ils dénoncent l'arrivée de l'islamisation, l'arabisation en Kabili.
19:55 Donc, il faut savoir que 20 ans, 30 ans en arrière, maintenant le paysage a changé.
20:01 Maintenant en Kabili, on rencontre quand même l'environnement, le paysage change.
20:07 Que ce soit par rapport aux villages, il y a tellement de mosquées.
20:12 Il y a une mosquée peut-être plus, une rénovation de grandes mosquées.
20:16 Donc, les moyens sont vraiment mis.
20:18 Ce que l'ounès dénonce, l'arabisation, l'islamisation.
20:24 Donc, cette chanson, il avait peur.
20:26 Il avait peur particulièrement pour nos villages.
20:30 Parce qu'en Kabili, c'était épargné avant.
20:33 Dans le sens épargné, on ne voyait pas autant.
20:36 Et là, les moyens ont été mis pour que toute cette machine, cette idéologie prenne...
20:45 Et on a l'entendu, on a l'entendu que c'était les islamistes qui avaient été responsables de sa mort.
20:51 Pour le moment, je dirais...
20:53 Alors, l'ounès se battait contre les islamistes, c'est une certitude.
20:56 Contre le pouvoir.
20:57 Il dénonçait le pouvoir en place.
21:00 Il dénonçait les exactions du pouvoir.
21:03 Donc, je ne me prononcerai pas par rapport à ça.
21:06 Donc, effectivement, il dérangeait, l'ounès dérangeait.
21:09 Et on a voulu faire taire l'artiste.
21:12 On a voulu faire taire le symbole.
21:14 Et on a voulu faire taire le leader.
21:16 Et justement, avant que... Je ne sais pas combien de temps il nous reste.
21:19 Il faut qu'on conclue.
21:20 Il faut qu'on conclue. Je conclue.
21:22 Avec ça, vous avez parlé tout à l'heure de la tenue militaire que l'ounès a portée sur scène à l'Olympia.
21:30 À l'occasion, c'était son premier grand concert à Paris.
21:34 Il le portait en signe de solidarité.
21:36 Donc, il a toujours porté en signe de solidarité avec ceux qui souffrent, qui subissent la violence et l'oppression en Kabylie.
21:44 Aujourd'hui, là, en ce moment, nous sommes dans une situation extrêmement inquiétante pour nous.
21:50 Moi-même, j'ai des amis qui sont en prison pour leurs opinions.
21:55 Parce qu'ils veulent défendre la Kabylie.
21:57 Parce qu'ils veulent défendre la liberté.
21:59 Parce qu'ils sont là pour que les choses changent.
22:02 Donc, aujourd'hui, justement, d'ailleurs, il y a beaucoup d'hommages qui se préparent.
22:07 Mais ce que je pense, moi, par rapport aux hommages qu'on accorde à l'ounès,
22:11 la meilleure façon de rendre hommage à l'ounès, c'est de faire un peu comme lui.
22:17 Il a toujours défendu les siens. Il a toujours défendu la liberté.
22:21 Donc, aujourd'hui, j'aimerais dire un mot pour les miens et tous ceux, bien sûr,
22:26 ceux qui sont détenus arbitrairement dans la justice, dans les géoles algériennes.
22:31 Eh bien, c'est dit. Merci, Nadia Matoub. Merci.