Julie Fichera (Tout s'est bien passé, merci) : "J'ai vu mon enfant naître du corps de quelqu'un d'autre"

  • l’année dernière
"Tout s'est bien passé, merci" (éd. Fayard) relate les parcours de deux femmes liées par un projet des plus communs : devenir maman. Caroline Vigoureux et Julie Fichera vont découvrir le chantier titanesque que cela peut constituer et les divers chemins pour y arriver.Julie Fichera a 16 ans lorsqu'elle apprend qu'elle est atteinte du syndrome MRKH, une malformation de l'utérus. Avec son compagnon Yoann, ils décident de se lancer dans une GPA aux Etats-Unis.La directrice de théâtre relate tous les tourments qui l’ont traversée au cours de ces neufs mois de gestation. Son témoignage éclaire sur toute la complexité d’être mère d’un enfant que l’on n’a pas porté. Julie Fichera éprouvera simultanément une immense gratitude mais aussi de la jalousie et de la frustration envers Samantha. Elle sera animée par des peurs injustifiables malgré la relation et la bonne entente qu’elle noue avec la femme porteuse. « Ce n’est pas sa conséquence que de voir naître son enfant du corps de quelqu’un d’autre » avoue Julie au micro de Yahoo.

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Transcription
00:00 J'avais pas encore mes règles et en fait on a découvert que j'étais atteinte d'un syndrome MRKH
00:05 qui fait que mon utérus ne s'est pas développé.
00:08 Donc je n'ai pas la possibilité de porter un enfant.
00:10 En revanche, j'ai un cycle ovarien classique.
00:13 J'ai aussi appris que j'avais mon vagin qui n'était pas développé à ce moment-là.
00:17 Donc je me suis d'abord focalisée sur ça.
00:19 Le désir d'enfant, je ne l'avais pas encore. On me l'a enlevé, mais je ne me suis jamais posé cette question-là à 16 ans.
00:25 Quand on commence à avoir 30 ans, le poids de la société nous fait sentir que c'est le moment pour nous de se poser des questions sur la parentalité.
00:31 Avec mon conjoint, il fallait qu'on réfléchisse au fait de ne pas avoir d'enfant.
00:35 Pour nous, c'était important aussi de se poser cette question-là.
00:37 Naturellement, on s'est dit qu'on allait se lancer dans la GPA,
00:42 une pratique qui nous permettait d'avoir un enfant qui était génétiquement le nôtre.
00:45 C'est un projet qui coûte 150 000 euros.
00:47 On a dû faire un prêt, on a aussi récupéré toutes nos économies.
00:50 Puis, avec l'aide des amis, de la famille, on a réussi à réunir cette somme qui est assez énorme.
00:56 On a choisi les États-Unis parce que, historiquement, la GPA est installée là-bas depuis la fin des années 80.
01:03 Juridiquement, ça assure une certaine sécurité.
01:06 Quand elle est née, elle a eu des papiers d'identité qui nous permettent ensuite de rentrer en France,
01:09 pour ne pas qu'elle se retrouve dans une situation apatride.
01:13 Effectivement, on s'est posé un tas de questions, notamment sur la marchandisation du corps,
01:18 dans quoi on s'engageait, est-ce que c'était éthique.
01:21 On s'est rapidement dit qu'à partir du moment où les trois parties sont d'accord,
01:25 que tout le monde a toute sa tête et a la capacité de réfléchir,
01:29 ce qui est important pour nous, c'est que ce ne soit pas quelqu'un qui soit dans le besoin financier.
01:33 C'est une personne qui a deux enfants, qui a un logement,
01:36 qui est complètement honnête et transparent sur la pratique,
01:40 qui, elle, dit qu'elle veut évidemment aider un couple et que c'est une de ses motivations.
01:46 Mais une autre de ses motivations, c'est qu'elle veut aussi payer des études à ses enfants.
01:50 À partir du moment où les choses sont dites et les choses sont transparentes,
01:53 je considère que c'est éthique et à part nous trois,
01:57 personne d'autre devrait se poser la question.
02:00 Ça nous regarde, elle et nous.
02:02 Je me suis confrontée à moi-même, où j'imaginais que ça allait être beaucoup plus simple.
02:06 J'avais plein de belles idées en me disant que peut-être je serais son amie,
02:11 qu'on construirait une relation particulière, fusionnelle,
02:14 et je me suis rendue compte que moi-même, je ne pouvais pas,
02:17 parce que c'était compliqué de trouver sa place à la fois pour elle et à la fois pour nous.
02:22 C'est pas sans conséquence que de voir naître son enfant du corps de quelqu'un d'autre,
02:26 j'aurais toujours l'impression que je lui dois quelque chose.
02:29 Je pense que toute ma vie, j'aurais ce sentiment.
02:31 Après, c'était en connaissance de cause.
02:34 On peut contrôler le cadre, mais on ne contrôle pas les émotions et la rencontre.
02:40 L'accouchement n'a pas été simple parce que déjà, c'était la période Covid.
02:43 Donc on ne pouvait pas être tous les deux présents.
02:46 Yoann a dû patienter des heures à l'accueil de l'hôpital,
02:50 pendant que moi, j'étais avec Samantha.
02:53 Ce qui a été compliqué, c'est de me sentir un peu seule au monde.
02:57 Tout d'un coup, je suis devenue mère.
02:58 Ça paraissait normal pour tout le monde, mais pour moi, c'était un peu improbable.
03:03 Disons qu'on a maturé ce projet pendant des années et des années.
03:06 Tout d'un coup, que les choses se concrétisent, c'était un peu impensable.
03:10 impensable.
03:12 [SILENCE]

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