Les crimes du siècles L'assassinat de John Lennon

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Les crimes du siècles L'assassinat de John Lennon
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00:00 D'un côté, la star des stars, un musicien qui aura marqué de son empreinte le 20ème
00:13 siècle.
00:14 John Lennon était très charismatique.
00:17 C'était quelqu'un d'unique.
00:19 Parmi les Beatles, c'était mon préféré.
00:20 De l'autre, un gamin solitaire originaire de Géorgie.
00:23 Sans aucun talent, ni véritable but dans la vie.
00:27 Pourtant, tout le monde le trouvait gentil, il voulait juste attirer l'attention.
00:34 Deux hommes que tout oppose.
00:35 Deux hommes qu'un destin tragique va pourtant réunir un soir de 1980.
00:41 Je me suis avancé et j'ai tiré.
00:46 Cinq fois.
00:48 Je tenais littéralement le cœur de John Lennon dans ma main.
00:52 Un drame qui va plonger des millions de fans dans la consternation.
00:56 John Lennon n'est plus.
00:58 22h40. Nous sommes au mois de décembre.
01:28 Le temps est glacial.
01:29 La police répond à un appel signalant une fusillade au Dakota.
01:35 Un immeuble résidentiel de luxe situé dans l'Upper West Side de Manhattan.
01:40 Quand on est arrivé devant l'immeuble, un homme se tenait là, au milieu de la rue,
01:44 et pointait son doigt vers le Porsche.
01:46 C'est lui.
01:47 C'est lui qui a tiré.
01:48 On est sorti de la voiture, on s'est approché de l'arche, doucement, chacun d'un côté.
01:55 Et là, on a vu un homme qui avait les mains en l'air.
01:59 Cinq coups de feu ont été tirés.
02:02 Quatre d'entre eux ont atteint leur cible.
02:04 J'ai attrapé l'homme par le cou et le concierge qui était là m'a crié.
02:09 C'est lui, lui seul.
02:11 Il a tué John Lennon.
02:13 J'étais sous le choc, vous imaginez.
02:15 Je l'ai plaqué au mur et je lui ai demandé « Tu sais ce que tu as fait ? »
02:20 L'homme ne lui a laissé aucune chance.
02:22 Quatre balles à pointes creuses de calibre 38 tirées à bout portant.
02:26 John Lennon vient d'être froidement abattu.
02:29 Les policiers le conduisent immédiatement à l'hôpital le plus proche, mais il est
02:33 trop tard.
02:34 Peu après 23 heures, le médecin de garde aux urgences prononce le décès de John Lennon.
02:40 C'était un véritable choc.
02:58 Il avait 40 ans.
02:59 John Lennon, le seul et unique, mort.
03:01 Qu'est-ce qui avait bien pu se passer ?
03:03 Toute la ville était sous le choc, et pas seulement ceux de ma génération, qui avait
03:07 grandi au son de sa musique, dans les années 60.
03:11 Je crois que tout le monde se rendait compte à quel point c'était tragique, pour plein
03:16 de raisons.
03:17 C'était terrible.
03:19 Tout le monde se retrouvait dans le chagrin et la douleur.
03:22 Ses amis comme ses fans.
03:24 Pour moi, c'était encore plus dur parce qu'on était devenus proches alors que rien
03:28 n'y obligeait.
03:29 À New York, Laura Didiot, journaliste d'investigation pour CNN, a recueilli de nouvelles informations
03:34 sur le meurtrier présumé de John Lennon.
03:36 Le nom du tueur est désormais connu.
03:38 Mark David Chapman.
03:40 Un fan de 25 ans.
03:42 Un jeune homme sans histoire qui vit à l'époque à Hawaii.
03:46 Rien dans son passé ni dans son comportement ne laissait supposer qu'il soit capable
03:51 d'une telle chose.
03:52 Chapman est apparemment apprécié de tous ceux qu'il connaissait.
03:56 Il est décrit comme quelqu'un d'ouvert, de sympathique, de travailleur et de joyeux.
04:00 Je n'ai jamais vu s'énerver ou dire quelque chose de méchant à quelqu'un.
04:04 J'ai du mal à croire qu'on parle du même homme.
04:07 C'était un gars normal, apprécié par tous.
04:10 Toujours très tranquille.
04:11 Un jeune homme très bien.
04:13 On ne peut pas faire mieux.
04:14 Et si on a du mal à croire qu'il puisse être le meurtrier de John Lennon ?
04:18 Tous ceux qu'on a interrogés, et croyez-moi, ça faisait du monde, nous l'ont décrit
04:22 comme quelqu'un de gentil, incapable de faire une chose pareille.
04:26 C'est donc ainsi que prend fin de façon tragique un destin d'exception.
04:31 John Lennon, cofondateur du groupe légendaire les Beatles, n'est plus.
04:36 C'est durant les années 60 que les Beatles deviennent le groupe numéro un dans le monde.
04:43 Leur influence et leur popularité sont sans égal.
04:48 Je crois que les Beatles parlaient à la jeunesse des années 60 comme aucun autre groupe.
04:53 Ils ont influencé les gens à tellement de niveaux, pas seulement musicalement, socialement,
04:58 politiquement, culturellement.
04:59 Ils étaient la référence dans tous les domaines pendant cette période.
05:04 Parmi les millions d'adorateurs du groupe, figure un adolescent timide et solitaire du
05:09 nom de Mark David Chapman.
05:12 John Lennon devient vite son dieu.
05:14 Quand ils étaient au sommet, les Beatles ont toujours évoqué librement leurs expériences
05:21 avec les drogues psychédéliques.
05:22 À l'instar de ses idoles, Chapman fait aussi ses propres expériences.
05:27 Le prévenu a raconté qu'il a eu certaines phases dans sa vie.
05:32 Pendant un temps, il a été un peu hippie, comme beaucoup de gens à cette époque.
05:36 Il a goûté à certaines drogues expérimentales.
05:38 Mais en 1971, le jeune Chapman devient un chrétien régénéré.
05:44 Il arrête la drogue et rejette le rock'n'roll, les Beatles en général et John Lennon en
05:50 particulier.
05:51 Je suis devenu chrétien à 16 ans, Larry.
05:55 Pendant un an, j'ai véritablement marché avec notre Seigneur.
05:58 Au cours de ma vie, comme tout le monde, j'ai connu différentes épreuves et à chaque
06:03 fois, je me suis tourné vers Dieu.
06:06 La foi nouvelle du jeune homme fait naître chez lui des sentiments conflictuels vis-à-vis
06:10 de son ancienne idole.
06:11 Selon ses amis, Chapman est particulièrement excédé par la chanson "God" de Lennon,
06:18 dans laquelle il dit "Je ne crois pas en Jésus".
06:21 Ou encore le tube planétaire "Imagine" avec ses paroles.
06:24 "Imagine qu'il n'y ait pas de pays, ni de religion."
06:27 Chapman va jusqu'à réécrire la chanson avec de nouvelles paroles.
06:31 "Imagine que John Lennon soit mort."
06:35 Le prévenu a déclaré qu'il s'est senti très offensé d'entendre John Lennon dire
06:42 que les Beatles étaient désormais plus populaires que le Christ.
06:46 Une remarque lâchée lors d'une interview réalisée en 1966 y provoquera un véritable
06:52 tollé.
06:53 Dans les états conservateurs de la ceinture de la Bible, beaucoup ont cru que c'était
06:57 une façon de dire qu'il était supérieur à Jésus, supérieur à Dieu.
07:01 Ils l'ont accusé de blasphème.
07:02 Comment osait-il affirmer une telle chose?
07:04 Ses paroles ont été mal interprétées.
07:07 En réalité, ce qu'il voulait dire, c'est que les Beatles faisaient l'objet d'une
07:10 plus grande attention que Jésus.
07:12 C'était un simple constat.
07:14 Il ne parlait pas de jugement de valeur.
07:17 Il ne disait pas que c'était bien ou mal.
07:20 Les Beatles traversent cette petite tempête sans encombre.
07:27 Mais en 1970, le groupe se sépare.
07:30 Lennon se lance dans une carrière solo avec sa nouvelle femme, Yoko Ono.
07:35 Un an plus tard, les Lennons emménagent à New York et prennent un appartement dans
07:40 l'immeuble Dakota, connu dans le monde entier.
07:42 La façade gothique de l'immeuble a en effet servi de décor dans le film Rosemary Baby.
07:48 Parmi ses résidents ont compte de nombreuses célébrités mondiales, artistes, acteurs
07:51 et musiciens.
07:52 Je pense qu'il avait juste envie de changement à ce moment-là.
07:55 À mon avis, ils voyaient tous les deux dans l'Amérique une bouffée d'air frais.
07:59 Ils ne se doutaient pas de ce qu'ils attendaient.
08:02 À New York, John et Yoko font parler d'eux sur le plan musical et politique.
08:07 Forcément, leur activisme anti-guerre éveille la tension mais aussi la colère de l'administration
08:14 Nixon.
08:15 Au début des années 70, le gouvernement américain cherchait à faire taire John Lennon.
08:21 Ils avaient très peur de son influence sur les jeunes électeurs lors des présidentielles
08:26 de 1972 et ils voulaient à tout prix éviter ça.
08:29 Ils menaient des opérations de surveillance.
08:35 Ils observaient ses moindres faits et gestes.
08:39 Une voiture suivait chacun de ses déplacements.
08:41 Ils lui ont sorti le tralala habituel des services secrets.
08:44 Après le départ de Nixon, précipité par le scandale du Watergate, la pression sur
08:53 John Lennon se relâche et à partir de 1975, il se retire de la scène publique.
08:58 Il ne se cachait pas, il ne vivait pas en reclus.
09:06 Il avait simplement décidé de se concentrer à plein temps à l'éducation de son fils
09:12 Sean.
09:13 C'était sa priorité.
09:14 Au cours de cette période, John et Yoko deviennent des visages connus du quartier.
09:18 Il aimait la simplicité de New York.
09:22 Il aimait son architecture.
09:24 Il aimait pouvoir marcher tranquillement.
09:26 On racontait souvent qu'il se laissait sans problème aborder quand il marchait en famille
09:30 dans la rue.
09:31 Une fois, quelqu'un lui a demandé comment c'était de vivre à Manhattan.
09:34 Il a répondu « cool, personne ne t'embête ici ».
09:37 Il adorait New York parce qu'il y était tranquille.
09:40 Les gens respectaient sa vie privée et l'aimaient.
09:43 Il avait simplement droit à des « salut John, ça roule ? ». Les gens lui serraient
09:47 la main avec des « j'adore ta musique » ou autre.
09:49 Mais ils n'étaient pas intrusifs.
09:50 En novembre 1980, John Lennon sort de sa retraite avec un album qu'il vient d'enregistrer
09:57 avec Yoko, Double Fantasy.
09:59 Il a tout juste 40 ans.
10:02 Pour beaucoup, John semble être au début d'une nouvelle étape de sa vie, particulièrement
10:06 heureuse.
10:07 Mais cette image d'un mari et père comblé va contribuer à renforcer encore plus la
10:11 haine qu'éprouve à son égard un certain jeune homme à Hawaii.
10:15 Un ancien fan fervent, Mark David Chapman.
10:17 Il était dans la maison, assis, nu, devant sa chaîne stéréo.
10:21 Il écoutait les Beatles à fond et en même temps, il invoquait Satan pour qu'il l'aide
10:27 et lui donne la force de tuer John Lennon.
10:30 Lorsqu'il abat John Lennon, Mark David Chapman est âgé d'à peine 25 ans.
10:46 25 années vécues dans un anonymat parfois douloureux.
10:51 Nous avons mené une enquête et des interrogatoires approfondies pour en apprendre plus sur la
10:58 vie de l'accusé.
10:59 Rien ne le différenciait de n'importe quel jeune de 25 ans.
11:04 Du moins en apparence.
11:05 Mark Chapman a grandi dans cette maison en Géorgie.
11:09 Il est l'aîné de deux enfants au sein d'une famille ordinaire de banlieue.
11:13 Le prévenu a prétendu, au cours d'entretiens avec des psychiatres, avoir eu une enfance
11:17 difficile et des rapports très conflictuels avec son père.
11:20 Mais il n'y avait aucun traumatisme particulier dans son enfance qui aurait pu engendrer cette
11:27 folie latente ou tout du moins une maladie, voire une déficience mentale.
11:31 Après le lycée, Chapman se perd entre petits boulots et tentatives plus ou moins ratées
11:37 d'études à l'université.
11:38 En 1977, il embarque pour Hawaï avec l'intention de se suicider une fois là-bas.
11:45 Il aura effectivement fait deux tentatives pour autant d'échecs.
11:49 Il choisit de rester sur l'île.
11:51 Dans les trois années qui suivent, il fait plusieurs séjours en hôpital psychiatrique.
11:55 Il se marie, prend un travail dans une imprimerie, démissionne, puis retrouve un emploi d'agent
12:01 de sécurité dans une tour d'habitation de luxe.
12:04 Il est obsédé par l'œuvre de Salinger, "L'attrape-cœur", le roman classique du
12:09 mal-être adolescent.
12:10 Chapman s'identifie fortement au protagonisme du livre, Holden Caulfield, qui s'insurge
12:16 contre les faux jetons, comme il aime à dire, qu'il rencontre.
12:19 Chapman avouera plus tard qu'à l'été 1980, il a tout simplement perdu les pédales.
12:24 J.D.
12:25 Salinger, qui vit reclus depuis plusieurs années, a écrit "L'attrape-cœur", un
12:30 livre lu et admiré par des millions de personnes.
12:32 Je me demande ce qu'il pense s'il le regarde.
12:36 En 1992, Larry King a interviewé Mark Chapman à distance depuis sa prison d'Attica.
12:44 Pourquoi accuser un livre ? Je n'accuse pas le livre, je m'en veux à
12:49 moi de m'être laissé hâper par lui.
12:51 Je tiens vraiment à dire que J.D.
12:53 Salinger et "L'attrape-cœur" ne m'ont absolument pas poussé à tuer John Lennon.
12:59 D'ailleurs, j'ai même écrit à J.D.
13:01 Salinger, j'ai eu sa boîte postale par quelqu'un.
13:04 Je me suis excusé auprès de lui.
13:06 En octobre 1980, Chapman reporte son ressentiment envers les faux jetons sur John Lennon en
13:13 lisant un article sur la sortie imminente de l'album "Double Fantasy".
13:16 Le déclencheur de tout ça, c'est ma colère envers John Lennon.
13:20 J'ai trouvé un livre à la bibliothèque qui le montrait sur le toit du Dakota.
13:24 Vous connaissez le Dakota, c'est un très bel immeuble, un bâtiment somptueux.
13:27 Cette image de lui sur le Dakota m'a rendu furieux.
13:33 Je me suis dit, quel faux jeton, quelle ordure.
13:38 J'étais en rage.
13:39 J'ai ramené le livre chez moi pour le montrer à ma femme et je lui ai dit, regarde-moi
13:43 ce faux jeton.
13:44 Voilà son calendrier de septembre 1979 à décembre 1980.
13:48 Il reflète la progression de sa psychose dans les mois qui ont précédé la mort de
13:53 John Lennon.
13:54 Entre 1984 et 1985, l'écrivain Gene Gens a passé des centaines d'heures à interviewer
14:01 Mark Chapman.
14:02 Vous voyez sa démence s'accentuer de moins en moins.
14:05 Il y a de plus en plus de ratures, de plus en plus de choses notées.
14:08 Chapman confie à Gens que pendant des années, son cerveau a été comme une zone de guerre
14:16 occupée par deux camps opposés qu'il décrit comme les grandes personnes et les petits
14:20 mômes.
14:21 Il avait toute une population de petits mômes dans sa tête auxquels il donnait des instructions.
14:27 Il se réunissait pour discuter de ses activités.
14:30 Ça allait très loin.
14:32 Sous le coup de la colère, Chapman achète un revolver Charter Arms spécial, un calibre
14:37 38 à cinq coups.
14:39 Les autorités de New York ont retracé l'itinéraire de l'arme utilisée pour tuer John Lennon.
14:44 Elle provient d'une armurerie située à un pâté de maison du commissariat de Nolulu.
14:48 La facture montre que l'arme a été achetée par Mark Chapman le 27 novembre de cette
14:52 année.
14:53 On peut même voir le prix sur la facture, 179 dollars exactement.
14:58 Juste avant d'acheter l'arme, Chapman démissionne.
15:03 Avant de partir sur le registre de la résidence, en pointant pour la dernière fois, il signe
15:10 John Lennon avant de rayer le nom.
15:12 Six jours plus tard, le 29 octobre, Mark Chapman s'envole pour New York.
15:19 Armé du revolver qu'il a acheté à Hawaï, il se poste devant le Dakota et attend l'occasion
15:25 de se venger de celui qu'il considérait jadis comme un héros et qui, à ses yeux,
15:29 l'a trahi.
15:30 Mais John Lennon n'est pas le seul nom sur la liste de ses cibles.
15:34 Même en cas d'échec, il a tout prévu.
15:36 Il a donc apporté son arme avec lui à New York.
15:40 À ce stade, son plan était de tuer une célébrité pour attirer l'attention sur
15:45 lui.
15:46 Lennon n'était pas sa seule cible.
15:49 Il avait une liste de victimes de substitution en quelque sorte.
15:52 S'il n'avait pas réussi à atteindre Lennon, il aurait tenté de tuer Walter Cronkite,
15:59 Johnny Carson, George C.
16:03 Scott, Jackie Kennedy-Hennessy ou Marlon Brando.
16:07 Toutes ces personnes figuraient sur sa liste après Lennon, qui restait de loin son premier
16:13 choix.
16:14 Chapman a même élaboré un plan totalement fou pour tuer l'acteur George C.
16:18 Scott sur scène en pleine représentation à Broadway.
16:20 Il avait réservé des places au premier rang.
16:24 Il avait prévu de se lever au milieu de la représentation, de pointer son arme en direction
16:29 de George C.
16:30 Scott et de l'abattre.
16:32 Évidemment, ça restait du travail d'amateur.
16:34 Par exemple, lorsqu'il s'est rendu dans une armurerie pour acheter les balles spéciales
16:38 de son revolver, il ne savait pas que c'était interdit dans l'État de New York.
16:44 Deux semaines après son arrivée à New York, Chapman doit donc rebrousser chemin.
16:48 Il révèle à sa femme son obsession pour John Lennon et son projet de le tuer.
16:53 Elle le convainc de prendre rendez-vous avec un psychologue, mais il n'ira jamais.
16:57 Début décembre, Chapman retourne à New York.
17:02 Cette fois, il fait escale à Atlanta pour se procurer cinq balles à pointe creuse de
17:06 calibre 38.
17:07 On n'avait pas affaire à quelqu'un qui cherchait simplement à blesser sa victime,
17:13 mais à un homme bien déterminé à tuer.
17:15 Au matin du 6 décembre 1980, Mark David Chapman, l'homme qui s'apprête à tuer
17:22 John Lennon, se pose à l'aéroport de New York.
17:26 Il arrive devant le Dakota un peu avant midi et se mêle à un petit groupe de fans qui
17:30 font le pied de grue devant l'entrée de l'immeuble.
17:33 Chapman attendra deux jours avant d'apercevoir enfin son idole déchu.
17:38 Qui était Mark David Chapman ?
17:41 Le Mark Chapman du 8 décembre 1980 était une personne en pleine confusion.
17:46 Il vivait véritablement à l'intérieur d'un roman, l'Attrape-Coeur de J.D.
17:51 Salinger.
17:52 Il hésitait entre se suicider, attraper le premier taxi et rentrer chez lui à Hawaii
17:58 et tuer une icône comme vous l'avez si bien appelé.
18:00 Vers 3 heures du matin dans la nuit du 8 décembre, Mark Chapman appelle sa fan restée à Hawaii.
18:08 Après avoir accroché, il sort sa bible de sa valise et se plonge dans la lecture du
18:12 Nouveau Testament et plus particulièrement l'évangile selon Saint Jean, John en anglais.
18:16 Là, il rajoute au stylo le nom Lennon.
18:21 Vers 8 heures du matin, il retourne au Dakota.
18:25 Ce matin-là, devant le Dakota, Chapman fait la rencontre avec un homme qui a été
18:55 le patron de Lennon, Paul Goresh.
18:59 Photographe amateur, Goresh avait fini par lier connaissance avec son idole.
19:02 L'une de ses photos a été utilisée par la suite en couverture du titre posthume de
19:07 Lennon, Watching the Wheels.
19:09 Quand je suis arrivé, il y avait un gars qui attendait dehors sous l'arche du Dakota,
19:13 à droite de l'entrée très exactement.
19:15 Il se tenait là avec un exemplaire de Double Fantasy sous le bras gauche.
19:19 Le gars s'est approché de moi et m'a demandé « Tu attends Lennon ? » J'ai répondu
19:25 oui.
19:26 Il m'a dit « Tu travailles pour lui ? » Je lui ai dit que non.
19:29 Et là, il s'est détendu.
19:31 Il m'a dit son nom et qu'il venait d'Hawaï.
19:34 Ce qui m'a immédiatement frappé, c'est qu'il avait un accent du sud pour quelqu'un
19:37 qui venait de Hawaï.
19:38 Je lui ai fait remarquer d'ailleurs.
19:41 Il m'a dit que c'était parce qu'il était originaire de Géorgie.
19:45 Ensuite, je lui ai demandé où il séjournait à New York.
19:48 Et là, il s'est tourné vers moi et m'a dit « Texto, pourquoi ça t'intéresse ? »
19:52 Un peu avant 17h, John et Yoko quittent leur appartement, qui sera la dernière séance
20:00 d'enregistrement de John.
20:02 Chapman et Gorech sont tous les deux sur le trottoir devant l'entrée.
20:06 Chapman tend en silence son exemplaire de Double Fantasy à Lennon.
20:11 Mark est arrivé à gauche de John et lui a tendu l'album.
20:14 John s'est tourné vers lui et lui a demandé « Vous voulez que je le signe ? » Il a
20:18 répondu « Oui, je veux que tu le signes ».
20:22 Il a commencé à signer l'album.
20:24 Il a commencé à signer l'album.
20:25 Il a commencé à signer l'album.
20:26 J'avais mon appareil photo autour du cou.
20:28 Je me suis dit que ça ferait une bonne photo.
20:30 Alors, j'ai regardé dans le viseur et j'ai pris la photo.
20:34 Le cliché de John dédicassant un album à son meurtrier.
20:39 Il m'a regardé et dit « C'est tout ? Vous désirez autre chose ? »
20:47 À ce moment-là, j'ai eu l'impression et j'en suis encore convaincu aujourd'hui
20:52 qu'il savait quelque part dans son subconscient qu'il avait en face de lui l'homme qui
20:57 allait le tuer.
20:58 John et Yoko partit pour le studio d'enregistrement.
21:03 Il ne reste plus devant le Dakota que Chapman, Gorech et le portier.
21:07 Aux alentours de 20 heures, Gorech décide de rentrer chez lui.
21:12 Ce type, Mark, est venu me voir et m'a demandé si je partais.
21:15 J'ai dit oui.
21:16 Et là, il m'a sorti « À ta place, je réfléchirais.
21:18 Qui sait si tu le reverras ? »
21:19 « Tu sais, je le vois tout le temps. »
21:21 Il a lâché un « On ne sait jamais.
21:23 Il pourrait partir en Espagne ou ailleurs pour toujours.
21:26 »
21:27 Je voulais qu'il reste parce que je cherchais une échappatoire.
21:29 Une partie de moi ne voulait pas être là.
21:31 « Tu comptes y revenir ? »
21:33 Je serais sans doute revenu.
21:35 Après le départ de Paul Gorech, Chapman reste devant le Dakota.
21:40 Il attend patiemment pendant encore deux heures et demie.
21:43 J'étais assis à l'intérieur, sous l'arche du Dakota.
21:48 Il faisait nuit.
21:50 Il y avait du vent.
21:51 José, le portier, était dehors, sur le trottoir, et j'ai vu une limousine se garer.
21:57 Ça y est.
22:00 Je me suis levé.
22:02 Yoko est sorti.
22:03 John était loin derrière, je dirais cinq ou six bons mètres derrière quand il est
22:07 sorti.
22:08 J'ai fait un signe de tête à Yoko quand elle est passée devant moi.
22:11 John est sorti de la voiture.
22:12 Il m'a regardé et je pense qu'il m'a reconnu.
22:15 Il s'est sans doute dit « Tiens, c'est le gars à qui j'ai signé un album cet après-midi.
22:19 » Il est passé devant moi.
22:24 J'ai fait cinq pas en direction de la rue.
22:29 Je me suis retourné.
22:30 J'ai sorti mon Charter Arms calibre 38 et je lui ai tiré cinq fois dans le dos.
22:38 Je n'étais même pas sûr que les balles soient bien adaptées.
22:54 Et quand j'ai vu que c'était bon, je me rappelle avoir pensé « Ouf, ça a marché.
22:58 »
22:59 Cinq balles.
23:00 La première rate sa cible et traverse une fenêtre du Dakota.
23:04 Les deux suivantes atteignent Lennon au dos, côté gauche.
23:08 Et deux autres encore se logent dans son épaule gauche.
23:10 Mortellement blessé, Lennon réussit à faire cinq mètres vers la réception avant de s'effondrer
23:17 au sol.
23:18 J'étais là, le bras pendant, l'arme encore dans ma main droite.
23:21 À ce moment-là, José le portier est arrivé.
23:24 Il était en pleurs.
23:25 Il m'a attrapé la main.
23:26 Il la secouait pour me faire lâcher mon revolver.
23:29 Il l'a repoussé vers le trottoir du pied et quelqu'un l'a ramassé.
23:34 J'étais comme pétrifié.
23:36 Je ne savais pas quoi faire.
23:38 J'ai sorti l'attrape-cœur de ma poche.
23:40 Je faisais les cent parts.
23:41 J'essayais de le lire.
23:42 J'avais hâte que la police arrive.
23:44 J'étais complètement désespéré.
23:47 Les premiers policiers arrivent sur les lieux en moins de deux minutes et maîtrisent Chapman.
23:53 Deux autres agents arrivent tout de suite après eux et se précipitent pour porter
23:58 secours à Lennon.
23:59 Les agents Fraunberger et Palmer l'ont transporté jusqu'à une voiture de patrouille pour l'emmener
24:05 à l'hôpital.
24:06 Aucune ambulance n'était encore en route.
24:08 Mon coéquipier et moi, on a fait monter Chapman dans un véhicule pour l'emmener au poste.
24:13 Et là, on lui a lu ses droits.
24:14 Ce soir-là, le docteur Steven Lynn est de garde à l'hôpital Roosevelt.
24:19 Deux agents de police sont entrés en trombe dans les urgences.
24:24 Ils portaient chacun sur une épaule un corps avaché.
24:28 Ils m'ont dit « Docteur, on n'a aucun signe vital ».
24:31 Alan Weiss est également aux urgences ce soir-là.
24:34 Le producteur d'un journal d'information de la chaîne WABC à New York vient d'avoir
24:38 un accident de moto.
24:39 On a vu entrer un policier.
24:42 Il criait « On a un blessé par balle ». Quelqu'un a demandé « Il arrive dans combien
24:47 de temps ? ». La réponse a été « Il est là ». À ce moment-là, un brancard est arrivé
24:52 sur un chariot.
24:53 Six à huit policiers l'entouraient.
24:55 Ils couraient aussi vite que possible.
24:57 On l'a conduit en salle des urgences.
25:00 On n'avait pas de boule, pas de tension et un patient inconscient.
25:03 Ils l'ont amené dans le box à côté de moi.
25:07 Le médecin est entré en courant, accompagné d'internes et d'infirmières.
25:10 Ils ont tiré le rideau.
25:11 On ne savait pas qui c'était à ce stade.
25:13 Ce n'est que quand une infirmière a sorti son portefeuille de sa poche, comme elles le
25:16 font toujours pour identifier un patient, on a entendu « C'est John Lennon ». Un des
25:23 agents de police qui se tenait là a murmuré « C'est John Lennon ». On a regardé ce
25:29 corps devant nous et on s'est tous dit « Ça n'est pas possible, ça ne peut pas être
25:32 lui ». Et pourtant, ça l'était.
25:35 J'ai entendu des sanglots derrière.
25:37 J'ai tourné la tête et là, j'ai vu cette femme entrer, soutenue par un policier.
25:41 Je lui ai demandé qui c'était.
25:43 Il m'a dit « Yoko Ono ».
25:45 Notre seule option, si l'on voulait qu'il ait la moindre chance de survivre, c'était
25:50 de pratiquer une incision dans sa poitrine pour voir s'il y avait moyen de stopper
25:54 l'hémorragie.
25:55 Mon souvenir le plus poignant, c'est quand ils ont ouvert la poitrine de John.
26:01 Il y avait du sang partout.
26:03 Le médecin était littéralement en train de plonger ses mains à l'intérieur.
26:08 On a ouvert sa poitrine.
26:10 Elle était remplie de sang.
26:11 Tous les vaisseaux sanguins qui irriguent le cœur étaient détruits.
26:14 On lui a transfusé du sang.
26:17 Je tenais littéralement le cœur de John Lennon dans ma main.
26:20 On lui a fait un massage cardiaque, essayé de restaurer la circulation, mais il n'y
26:24 avait strictement rien à faire.
26:25 On a prononcé le décès de John Lennon à son arrivée à l'hôpital Roosevelt ce
26:31 soir-là.
26:32 Un grand silence est abattu sur les urgences.
26:35 Le personnel s'est mis à pleurer.
26:37 On ne savait pas trop quoi faire, comment réagir.
26:40 Et c'est à moi qu'il a incombé de traverser le couloir pour aller parler à Yoko Ono.
26:46 Je suis entré dans la pièce.
26:48 Je crois qu'elle a su ce que j'allais lui dire dès que j'ai passé la porte.
26:52 Il y avait une musique d'ambiance.
26:54 Il devait être 11h10, je dirais, quand on a commencé à entendre le morceau "All
27:00 My Loving".
27:01 La chanson s'est terminée et une ou deux minutes plus tard, il y a eu un hurlement,
27:06 un cri perçant de femme, un "non".
27:09 "Non, non, non, oh non".
27:11 Elle a répété ce "non" en boucle pendant une minute ou deux.
27:14 Et ensuite, plus rien.
27:16 Pour finir, l'infirmière en chef lui a apporté l'alliance de son mari.
27:23 C'est là qu'elle a compris que tout était terminé pour de bon.
27:26 La première chose qu'elle m'a dite, c'est "s'il vous plaît, n'annoncez pas tout
27:31 de suite son décès.
27:32 Mon fils Sean est probablement à la maison en train de regarder la télé.
27:36 Je ne veux pas qu'il apprenne la mort de son père par la télévision".
27:41 Je crois que jusqu'à ce que j'entende cette chanson, "All My Loving", je ne l'avais
27:46 pas vraiment réalisée.
27:47 J'ai appelé ma chaîne, la salle de rédaction.
27:49 Je leur ai dit ce que je savais, que John Lennon avait été abattu.
27:52 Et d'après ce que j'ai compris, ils ont transmis l'information à NBC Network, qui
27:59 a pris la décision de laisser Frank Gifford et Howard Cosell l'annoncer pendant le match
28:03 de foot du lundi soir.
28:05 À 23h35, le monde entier apprend la nouvelle.
28:11 Presque instantanément, des centaines de fans en deuil commencent à se rassembler
28:15 devant le Dakota pour une veillée.
28:17 Ils reprennent les standards du groupe et entonnent "Give Peace a Chance".
28:24 J'avais l'impression d'avoir un énorme poids sur la poitrine.
28:29 Je me sentais infiniment triste, vraiment.
28:32 Ça a eu un impact sur tout le monde, un impact extrêmement fort.
28:37 C'était comme perdre un ami ou un membre de sa famille.
28:39 Je crois que l'une des raisons pour lesquelles tout le monde a été touché par sa mort,
28:44 c'est parce qu'il était devenu une partie de nous.
28:50 Le 10 décembre, John Lennon est incinéré lors d'une cérémonie privée.
28:56 Quatre jours plus tard, le 14 décembre, des millions de personnes dans le monde entier
29:04 répondent à l'appel de Yoko Ono à faire dix minutes de silence en mémoire de John
29:10 Lennon.
29:11 Plus de 225 000 personnes se rassemblent à Central Park, à New York.
29:18 Pendant ces dix minutes, toutes les stations de radio de New York cessent d'émettre.
29:24 Le matin du 9 décembre, Mark Chapman, l'homme qui a tué John Lennon, est conduit en fourgon
29:35 jusqu'à la cour de justice de New York.
29:37 Il porte un gilet pare-balles.
29:41 Pendant que Chapman attend son inculpation, la police fouille sa chambre d'hôtel à
29:46 la recherche d'indices pouvant expliquer son acte.
29:48 Dans la chambre d'hôtel, nous avons trouvé toutes ces affaires étalées sur une commode.
29:55 Une Bible, un passeport, des photos, ainsi qu'une cassette de Todd Rottenbrenn.
30:03 Des billets d'avion, une lettre de présentation de l'association des jeunes hommes.
30:09 Un set de table avec un motif du magicien d'Oz.
30:12 Et un reçu de l'auberge de jeunesse où il avait séjourné avant cet hôtel, nettement
30:16 plus luxe.
30:17 Ces affaires avaient été placées là de façon intentionnelle.
30:22 On voyait qu'il voulait qu'on les trouve exactement dans cette disposition.
30:26 Jonathan Marks, ancien assistant du procureur, est nommé pour défendre Chapman.
30:35 À la question s'il allait demander une délocalisation du procès, Jonathan Marks
30:41 a répondu qu'il n'en était pas question à ce stade.
30:44 Il a ajouté que le procès ne serait pas moins médiatique à Paris.
30:48 Comment vous sentez-vous sachant que de nombreuses personnes en veulent à M.
30:52 Chapman et que vous le défendez ?
30:53 Je suis là pour assurer la défense de mon client.
30:57 Il n'y avait pas de doute sur le coupable.
30:59 L'accusé restait sur les lieux.
31:00 Ses témoins l'ont vu tirer.
31:02 Il n'a pas cherché à fuir la scène de crime.
31:04 Il était clair dès le départ de l'enquête que l'accusé se défendrait en plaidant
31:09 l'irresponsabilité pénale.
31:11 La première chose à faire est de faire évaluer la santé mentale de Chapman.
31:17 La seule question dans ce procès sera de savoir s'il était fou au moment où il
31:21 a tiré.
31:22 Je me trouve devant l'unité pénitentiaire de l'hôpital Bellevue où Mark Chapman,
31:26 le meurtrier présumé de John Lennon, est détenu au premier étage.
31:29 L'administration a mis en place des mesures de sécurité exceptionnelles.
31:32 L'avocat de la défense m'a appelé pour me demander si j'accepterais de l'aider
31:37 dans le dossier Chapman.
31:38 J'ai dit oui.
31:41 À la demande de la défense, le docteur Daniel Schwartz, expert psychiatre, fera passer
31:47 pas moins de huit entretiens à Mark Chapman.
31:50 Clairement, M.
31:52 Chapman savait ce qu'il faisait.
31:53 La précision avec laquelle il a utilisé son arme à feu le montrait bien.
31:56 Il savait parfaitement ce qu'était un revolver et que ça pouvait tuer.
32:00 Il l'a pointé sur sa cible et malheureusement, il a fait feu.
32:04 La question essentielle dans cette affaire, c'était de savoir si sa folie passagère
32:09 l'empêchait, oui ou non, de distinguer le bien du mal.
32:12 En avait-il conscience ? Le simple fait d'être atteint d'une maladie mentale ne suffit
32:18 pas à quitter quelqu'un.
32:20 Il faut pour cela que la maladie mentale en question altère son jugement et l'empêche
32:25 d'avoir conscience de la nature et des conséquences de son acte ou du fait que ce qu'il fait
32:30 est mal.
32:31 Le docteur Schwartz est convaincu que la maladie mentale de Chapman remonte à son enfance.
32:37 M.
32:38 Chapman a commencé à se renfermer sérieusement vers l'âge de neuf ou dix ans.
32:42 C'est à peu près à cet âge qu'il a commencé à se constituer un monde imaginaire rempli
32:47 de gens, de petits mômes, dans son salon, à l'intérieur de sa chambre.
32:52 Et il était leur empereur, leur chef.
32:55 Mon avis en tant que psychiatre était qu'il était à la fois paranoïaque et schizophrène,
33:00 selon la définition qui était la nôtre à l'époque, et qu'il souffrait d'un
33:06 trouble bipolaire.
33:07 Je suis sincèrement convaincu que quand il s'en est pris à John Lennon, il était
33:13 suicidaire.
33:14 John Lennon, c'était lui-même.
33:17 Il était devenu lui.
33:19 Il croyait qu'en se tuant lui-même, il ressusciterait.
33:23 En tuant Lennon, c'est lui-même qu'il tuait.
33:29 Le Mark David Chapman de cette époque était une bombe à retardement.
33:32 Quelqu'un qui n'avait jamais appris à évacuer toute la colère, la rage et la
33:36 déception qu'il avait au fond de lui.
33:39 Mark David Chapman était un raté à ses propres yeux.
33:42 Il voulait devenir quelqu'un d'important.
33:45 Il ne savait pas comment gérer le fait de n'être personne.
33:48 Mark David Chapman s'en est pris à quelqu'un qui, à ses yeux, avait tout du faux jeton.
33:53 Quelqu'un qui attisait sa colère et qui, à ses yeux, l'a poussé à vouloir exister.
33:58 L'ancien assistant du procureur, Kim O'Griffey, n'y croit pas un instant.
34:02 S'il avait une obsession, c'était celle d'attirer l'attention.
34:08 Il était narcissique.
34:09 Il avait la folie des grandeurs.
34:11 Il voulait se faire remarquer.
34:12 John Lennon n'était que le support, le support idéal.
34:17 Un homme public à portée de main, alors que d'autres sont inatteignables.
34:21 Il n'était ni fou ni obsédé.
34:23 L'irresponsabilité mentale ne se justifiait absolument pas.
34:25 Pour nous, il était clairement responsable de ses actes.
34:28 Il ne souffrait pas d'une maladie ou d'une déficience mentale.
34:31 Et, quel qu'ait été son état mental, ça ne l'empêchait pas d'avoir conscience
34:36 de la nature de sa conduite et du mal qu'il allait faire.
34:39 Au vu des preuves, le grand jury devrait prononcer son inculpation.
34:44 Le 8 juin 1981, soit six mois exactement après le meurtre, Chapman décide de changer
34:50 de défense à l'entame de son procès.
34:53 Il plaide coupable contre le conseil de ses avocats.
34:56 Quand il a tout à coup changé son mode de défense, j'ai ressenti une certaine déception.
35:00 J'attendais avec impatience de pouvoir démonter un à un tous ses arguments au cours du procès.
35:04 Mark David Chapman est condamné à la perpétuité avec une période de 20 ans de sûreté et
35:11 incarcéré à la prison d'Attica dans l'état de New York.
35:15 Dans son interview avec Larry King, Chapman affirme être guéri de la maladie mentale
35:19 qu'il avait poussée à commettre ce crime.
35:21 Je suis coupable, Larry, et j'accepte l'entière responsabilité de mon acte.
35:27 J'ai lu dans certains journaux que j'accusais le diable.
35:30 J'espère que cette interview éclairciera les choses.
35:33 Je ne me défause pas sur le diable.
35:34 J'endosse la responsabilité de mon crime.
35:36 Et en un sens, ce n'était pas moi, parce que je ne suis plus la même personne.
35:41 J'ai changé.
35:42 Je suis désolé d'avoir fait ce que j'ai fait.
35:45 Aujourd'hui, j'ai enfin conscience que j'ai mis fin à la vie d'un homme.
35:48 Je le voyais uniquement comme une célébrité en deux dimensions, pas comme un homme avec
35:52 des sentiments.
35:53 Pour moi, il était une couverture d'album.
35:55 Depuis la mort de John Lennon, nombreux sont ceux qui ont tenté de trouver un sens à
36:03 ce meurtre.
36:04 Au début des années 90, le journaliste et auteur Jack Jones a longuement interviewé
36:10 Chapman pour son livre "Let me take you down inside the mind of Mark David Chapman".
36:16 Mark est un individu singulier, c'est un sociopathe.
36:19 Mais je crois que son intelligence est supérieure à celle de la majorité de ses semblables.
36:24 Je crois que son cerveau a une capacité d'auto-illusion infinie.
36:28 Je suis convaincu que, contrairement à beaucoup de gens, il fait vraiment un effort pour être
36:34 dans l'empathie avec les autres.
36:35 Il essaie de ressentir la douleur des autres.
36:38 Mais c'est une démarche intellectuelle de sa part.
36:41 Ça ne lui est pas naturel.
36:42 Il en avait après le monde entier.
36:45 Il m'a même dit un jour qu'il rêvait de s'emparer d'armes nucléaires et de faire
36:48 sauter une ville entière, pour blesser ou tuer des milliers, voire des millions de
36:52 gens.
36:53 Mark Chapman a abattu John Lennon parce qu'il voulait son quart d'or de gloire.
37:00 Ça se limite à ça.
37:01 C'est la conclusion à laquelle on est parvenu à l'époque, et c'est encore ce que je pense
37:08 aujourd'hui.
37:09 Nous sommes de retour avec Jack Jones.
37:10 Que répondez-vous à ceux qui disent qu'on ne devrait pas interviewer Mark Chapman, qu'il
37:13 ne devrait pas faire l'objet d'émissions télé ou de livres, que c'est lui faire une
37:17 publicité inutile ?
37:18 Vous savez, ce sont les mêmes qui ne veulent pas parler du sida.
37:22 Tout ça parce que ce n'est pas convenable.
37:24 Mais je vais vous dire, cette histoire, c'est une occasion en or d'analyser en profondeur
37:30 sa personnalité, pour trouver un moyen de lutter contre tous les Mark Chapman en puissance.
37:35 Et ceux qui nous critiquent parce qu'on a décidé de se pencher sur le sujet n'ont
37:41 rien compris.
37:42 Ça lui a fait de la publicité alors qu'il a commis un crime absolument atroce.
37:48 Aujourd'hui, les meurtriers deviennent plus célèbres que leurs victimes.
37:52 C'est bien dommage.
37:53 Comme souvent dans ce genre d'affaires, de nombreuses théories du complot vont très
37:59 vite voir le jour.
38:00 Celle qui revient le plus souvent voit en Mark Chapman un pantin à la solde du gouvernement
38:08 pour se débarrasser de Lennon.
38:10 Réault laissait supposer qu'il ait bénéficié d'une complicité ou qu'on ait mis un contrat
38:15 sur la tête du chanteur.
38:17 C'est l'acte d'un homme seul, avec ses propres convictions.
38:20 J'ai parcouru le dossier dans ses moindres détails.
38:24 Et je vous garantis qu'il n'y a absolument pas, ne saurait-ce qu'un début de preuve,
38:30 sur l'intérêt que lui portait le gouvernement après 1972.
38:34 Que pensez-vous des théories du complot qui ont fleuri ces douze dernières années ? La
38:38 CIA qui vous aurait manipulé, etc.
38:41 Sur la mort de John Lennon ?
38:43 Oui.
38:44 C'est n'importe quoi.
38:45 Personne ne vous a ordonné de le faire ? Personne ne vous y a incité ?
38:49 Cela les aurait peut-être arrangé dans un sens, mais non, c'était moi seul.
38:54 Plus de trente ans après avoir tué John Lennon, Mark Chapman est toujours en détention.
39:00 Depuis l'an 2000, il peut prétendre à une libération conditionnelle, mais sa demande
39:06 a depuis été rejetée à sept reprises.
39:08 Je crois que le mieux pour Mark Chapman, c'est de rester dans son unité psychiatrique.
39:15 Il a commis un acte absolument terrifiant.
39:18 Maintenant, est-on parvenu à le guérir depuis ? Je n'en ai aucune idée.
39:22 Il a fait quelque chose de terriblement mal.
39:26 Pour moi, il a carrément changé le cours de l'histoire, dans un sens.
39:30 Il vaut mieux qu'il reste où il est.
39:32 Il l'a battu de sang-froid, il lui a tiré dans le dos.
39:35 On a tendance à l'oublier dans le dos.
39:37 C'est un lâche.
39:38 Le meurtrier de John Lennon ne mérite pas d'être remis en liberté un jour.
39:43 Avec ce qu'il a fait à sa femme et ses deux fils, aux fans des Beatles dans le monde
39:47 entier, je ne peux pas imaginer qu'il puisse dire ou faire quoi que ce soit qui justifie
39:52 une libération conditionnelle.
39:54 La veuve de John Lennon, Yoko Ono, s'est à plusieurs reprises opposée à la libération
40:01 de Mark Chapman.
40:02 Mon mari John Lennon était un homme très spécial, un homme aux origines modestes,
40:09 qui a apporté la lumière et l'espoir au monde entier avec ses mots et sa musique.
40:13 Il a tout fait pour apporter une énergie positive au monde, et il a réussi.
40:20 Il a encouragé, inspiré et fait rêver les gens, quelles que soient leurs couleurs,
40:27 leurs croyances et leur sexe.
40:29 A mes yeux, il représentait l'autre moitié du ciel.
40:33 Nous étions amoureux l'un de l'autre comme le sont les amants passionnés, jusqu'à
40:40 la fin.
40:41 Pour notre fils, Sean, il était tout.
40:46 Son monde a volé en éclats quand le sujet a pressé la détente.
40:50 Pour Julian, c'était perdre une seconde fois son père.
40:56 Pour les gens dans le monde, c'est comme si la lumière s'était éteinte un instant
41:02 pour laisser place à l'obscurité.
41:06 Par ce seul acte de violence, en quelques secondes, le sujet a bouleversé ma vie entière,
41:18 a détruit ses fils et plongé le monde dans le chagrin et la peur.
41:23 En 1985, la ville de New York bâtise un carré de Central Park situé juste en face du Dakota,
41:36 Strawberry Fields, titre d'une des chansons les plus célèbres de John Lennon.
41:41 Aujourd'hui, c'est une place arborée grâce aux dons de pays du monde entier.
41:45 La mosaïque centrale avec l'inscription Imagine est un cadeau de la ville de Naples.
41:50 C'est la preuve tangible que l'héritage de John Lennon transcende les frontières
41:54 et les générations.
41:55 L'autre jour, je marchais dans la rue et j'ai vu un gamin.
41:59 Il devait avoir dans les 16-17 ans et il portait un tee-shirt à l'effigie de John Lennon.
42:05 Je me suis dit, tiens, il a beau être mort depuis plus de 30 ans, il évoque encore
42:11 quelque chose pour ce jeune garçon.
42:13 La meilleure façon de se souvenir de John Lennon, c'est de s'inspirer de son optimisme,
42:21 de son intégrité, de sa clairvoyance et de son amour de sa famille.
42:27 C'est elle meilleure.
42:29 Elle est la meilleure.
42:34 [SILENCE]

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