Les journalistes Lilya Melkonian et Rola Tarsissi ont enquêté plusieurs mois sur les « bénéfices record » réalisés par les trois principaux groupes qui gèrent les péages autoroutiers en France depuis la privatisation des autoroutes en 2005. Rapports bloqués, soupçons de conflits d’intérêt... Leur enquête est à découvrir sur France 2 le 29 juin dans « Complément d’enquête ».
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00:00 Certains ont l'impression qu'on a bradé les autoroutes.
00:02 C'est un peu ça, c'est-à-dire qu'on a l'impression qu'il y a une succession de décisions
00:06 qui ont été prises par nos politiques.
00:08 Donc finalement, celui qui se retrouve au bout de la chaîne à payer tout ça, c'est l'usager.
00:11 Je vais travailler en fait.
00:13 Je paye tous les jours le péage, le matin et le soir en revenant.
00:16 C'est quand même 40 à 50 euros par mois.
00:19 On paye déjà l'essence, il y a tout ça à payer.
00:21 Franchement, 1,70€ c'est trop.
00:23 Enquête sur des ratés successifs que les usagers des autoroutes payent très cher quand ils passent au péage.
00:31 Vinci, Eiffage et le groupe Abertis se partagent 94% du réseau concédé.
00:51 Il y a encore un tout petit pourcentage de réseaux qui appartiennent à l'État.
00:54 Mais 94%, c'est énorme.
00:57 Vous savez que vous êtes sereins finalement, si vous le sauriez.
00:59 On est concessionnaire de l'État, on exécute nos contrats et du coup on est très sereins.
01:04 Pour la plupart des députés, ces entreprises affichent une santé financière insolente.
01:09 L'inspection générale des finances parle de surprofits, de surrentabilité, 12% pour Vinci et Eiffage.
01:15 Les autoroutes sont chères, les bénéfices des sociétés autoroutières augmentent.
01:19 La question des montants des dividendes versés aux actionnaires se pose.
01:22 Notre groupe Renaissance défend une position médiane qui repose sur une nécessaire renégociation des accords de concession et plus particulièrement sur leur durée.
01:30 Ce qui ressort des différents rapports depuis des années, c'est qu'effectivement ces sociétés concessionnaires d'autoroutes gagnent des bénéfices records.
01:40 Les sociétés concessionnaires d'autoroutes ont gagné 3,9 milliards d'euros en 2021.
01:44 Comment l'État d'une manière ou d'une autre peut en profiter ? Est-ce qu'il n'a pas été un peu négligent ?
01:48 Est-ce qu'ils n'ont pas été un peu trop loin en leur faisant ce "cadeau" ?
01:53 Comme on dit, c'est effectivement la question que nous on essaie de poser aujourd'hui.
01:57 Avant 2005, ces sociétés concessionnaires étaient moitié publiques, moitié privées, c'était un mélange.
02:02 Progressivement, l'État a commencé à vendre à partir de 2002 les premières parts.
02:06 C'est les autoroutes de la France qui étaient vendues en premier par la gauche, pluriel, par Lionel Jospin.
02:13 Et Elisabeth Born, qui était conseillère à l'époque de Lionel Jospin, on l'oublie.
02:17 Et donc ils ont commencé à vendre progressivement, mais l'État restait majoritaire.
02:20 En 2005, 2002, Villepin vend tout.
02:24 Il décide de tout vendre parce qu'il faut désendetter la France.
02:27 Neuf jours après sa nomination, il fait une annonce lors de son discours de politique générale,
02:33 qui le poursuivra toute sa carrière.
02:37 J'ai en outre décidé de poursuivre la cession par l'État de ses participations dans les sociétés d'autoroutes.
02:44 En 2006, ils ont fixé un seuil en disant que la société est rentable à partir de tant de pourcents,
02:50 c'était autour de 7,6%.
02:52 Au-delà de ça, on considère qu'elles sont trop rentables.
02:55 Tout le débat est là-dessus.
02:57 Et si ces sociétés sont trop rentables, c'est ce que dit le rapport de l'Inspection générale des finances en 2021,
03:02 qui a été révélé par le Canard en Chine en 2023, en janvier,
03:06 c'est que finalement elles sont beaucoup plus profitables que prévues.
03:09 Et donc le débat actuel, c'est est-ce qu'il faut rompre ou revoir ces contrats parce qu'il y a du surprofit ?
03:14 Est-ce que les avocats de ces sociétés concessionnaires d'autoroutes ont été très bons
03:19 et qu'effectivement ils ont signé des contrats qui leur étaient très favorables
03:22 et qu'ils ont été très bons négociateurs, ce qui est tout à fait probable ?
03:25 Ou est-ce qu'effectivement il y a eu de la part de l'État une négligence ou en tout cas un cadeau ?
03:30 Ou en tout cas, vraisemblablement, l'État n'était pas en position de force pour cette négociation.
03:35 On se rend compte tout au long de cette enquête qu'effectivement l'État est extrêmement contraint par la partie en face.
03:43 C'est-à-dire qu'il n'y a pas de clause de revoyure, comme on dit.
03:45 Et la question c'est est-ce que l'État aurait dû prévoir une clause de revoyure au vu des bénéfices colossaux qu'ils font ?
03:53 C'est-à-dire pourquoi cette clause de revoyure n'a pas été prévue ?
03:57 Et que personne, aucun politique n'arrive à les faire plier, à obtenir gain de cause.
04:03 Certains parlent clairement de conflits d'intérêts.
04:06 Oui, il y a des vrais soupçons, des vraies questions qui se posent de la part de certains des personnages qu'on suit dans cette enquête.
04:14 Raymond Avrier qui est un militant écologiste, lanceur d'alerte à Grenoble,
04:19 qui a saisi toutes les instances possibles pour récupérer un protocole, un d'accord qui avait été négocié en 2015 par Elisabeth Borne,
04:27 qui à l'époque était directrice de cabinet de Ségolène Royal au ministère de l'Écologie et des Transports,
04:31 et par Alexis Collère, qui à l'époque était le directeur de cabinet d'Emmanuel Macron à Bercy.
04:36 Ils ont négocié un protocole d'accord avec les sociétés concessionnaires d'autoroutes.
04:40 Raymond Avrier demande à récupérer ce protocole.
04:43 Il saisit les instances, il a le droit de le faire, c'est censé être des documents publics.
04:47 Et pendant 4 ans, Bercy et donc Emmanuel Macron et Alexis Collère vont saisir les tribunaux pour bloquer la publication de ce document.
04:56 Ça veut dire que les gouvernants, c'est pas l'État, c'est les ministres, considèrent que les arrangements qu'ils font avec les sociétés concessionnaires d'autoroutes,
05:08 c'est du secret d'État. Ce sont des affaires privées.
05:12 Donc évidemment que ça pose question.
05:15 [Musique]